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Politique Publié le samedi 13 novembre 2010 | Le Nouveau Réveil

2e tour de la présidentielle : La passion et la raison

L'une des images fortes d'Accra III aura certainement été celle de MM. Bédié et ADO marchant la main dans la main. Par la suite, le président Bédié a fait savoir qu'il avait toujours été proche de M. Ouattara qui est de la même région que lui, et que ce dernier était son frère. M. Ouattara serait donc ivoirien, si nous avons bien compris. Ce n'est pas trop tôt, pourrait-on dire. Fini donc pour M. Bédié le vaudeville sur la nationalité de M. Ouattara. Pendant des années, ceux qui soutenaient M. Bédié avaient tenté de démontrer que M. Ouattara n'était pas ivoirien, mais burkinabé. Nous étions de ceux-là. Les personnes lucides nous expliquaient que M. Bédié n'avait pas besoin de passer par cet artifice pour battre M. Ouattara qui n'avait aucune assise dans le pays, mais c'était parler à des murs. Nous étions emportés par notre passion. Par la suite, on a demandé à M. Ouattara de produire un certificat de nationalité. Il l'a fait. Mais on a aussitôt dit que le document avait été signé un dimanche, et qu'il était donc faux. Mais un juge est venu dire que c'était bien lui qui l'avait signé, en vertu des pouvoirs qui lui étaient conférés. On a dit que ce juge était soit fou, soit vendu, et on a annulé ce certificat. Puis on a lancé un mandat d'arrêt contre M. Ouattara pour usurpation de la nationalité ivoirienne. A cette époque, on s'en souvient, M. Ouattara était soutenu par M. Gbagbo qui avait dit qu'il porterait plainte contre le PDCI si ce parti déclarait M. Ouattara inéligible. En 1995 déjà, MM. Gbagbo et Ouattara avaient ensemble organisé le " boycott actif ", parce que M. Ouattara n'avait pas été autorisé à se présenter à l'élection présidentielle.
Quand M. Guéï Robert est arrivé tout fraîchement au pouvoir, il a trouvé que M. Ouattara était bien ivoirien et lui a délivré le fameux certificat de nationalité. Il avait même dit que les députés étaient des vendus qui avaient modifié la constitution pour exclure M. Ouattara. Puis, lorsque M. Guéï a voulu conserver le pouvoir qu'il avait acquis dans les conditions que tout le monde connaît, il a trouvé que M. Ouattara avait une autre nationalité dans la poche gauche. Et quand M. Guéï a perdu définitivement le pouvoir, il a estimé que M. Ouattara était ivoirien bon teint.
Quel est donc ce vent mauvais qui souffle sur ce pays pour que l'on trouve toutes les qualités à M. Ouattara lorsque l'on est dans l'opposition, et brusquement tous les défauts lorsque l'on est au pouvoir? Quel est ce vent qui nous fait perdre la raison lorsqu'il s'agit du pouvoir? Depuis une dizaine d'années, nous nous sommes enfermés dans des passions meurtrières qui nous poussent à détruire ce pays, uniquement pour la course au pouvoir. Il est temps, vraiment temps, que nous commencions à nous comporter en hommes et femmes sérieux, en peuple sérieux, en pays sérieux. Avons-nous conscience de l'image que nous donnons de nous-mêmes? Depuis dix ans, nous ne faisons que nous ridiculiser à dire les jours pairs que M. Ouattara est ivoirien, et les jours impairs, qu'il ne l'est pas. Quel est donc ce pays qui prétend vouloir se faire respecter et dont la justice et les responsables politiques disent et se dédisent à ce point? On dit que le ridicule ne tue pas. Mais malheureusement, ce ridicule dans lequel nous nous complaisons est en train de tuer ce pays. Et peut-être à terme toute une région.
Il est temps que nous laissions de côté nos passions et que nous retrouvions un brin de lucidité. N'oublions pas une chose. Ce pays ne nous appartient pas. Nous l'avons reçu en héritage des générations passées, et nous avons le devoir de le laisser aux générations à venir. Nous n'avons donc pas le droit de le brûler au nom de nos passions aveugles. M. Ouattara a été Premier ministre de ce pays. Il a pris des décisions graves que nous avons exécutées. Il a assuré l'intérim du Président de la République lorsque celui-ci était mourant. Admettons une fois pour toutes que si nous n'avions pas protesté à ce moment-là, c'est parce que nous estimions qu'il avait toutes les qualités pour le faire. Si c'est parce que nous avions peur d'un Houphouët-Boigny moribond comme certains le disent, assumons cette lâcheté. Nous avons accepté que M. Ouattara dirige un des partis politiques les plus importants de ce pays et aucun débat sur l'avenir de ce pays ne se fait sans lui. Alors, poussons la logique jusqu'au bout, et reconnaissons qu'il a aussi le droit de vouloir nous diriger. Si une majorité d'Ivoiriens ne veut pas le voir à la tête de ce pays, il sera rejeté. Si par contre une majorité le veut, qu'il en soit ainsi. Mais il faut que le pays avance. Ne détruisons pas ce que nous n'avons pas construit. Ce sont les générations passées qui ont construit ce pays. Très peu de personnes parmi nous peuvent se targuer d'être à la base de ce que ce pays est.
Il est vrai que M. Ouattara n'a pas simplifié les choses avec ses demi-vérités ou demi-mensonges, avec ses contradictions et ses accointances. Mais on ne brûle pas un pays pour cela. Notre honneur et notre grandeur à tous sera de reconnaître que nous nous sommes laissé entraîner par une passion aveugle. Usons pour une fois de la raison dont nous sommes tous dotés. Faisons tous notre mea-culpa et relevons la dignité de cette terre d'espérance. Notre devoir est d'être un modèle de l'espérance promise à l'humanité, en forgeant, unis dans la foi nouvelle, la patrie de la vraie fraternité.
Venance Konan

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