x Télécharger l'application mobile Abidjan.net Abidjan.net partout avec vous
Télécharger l'application
INSTALLER
PUBLICITÉ

Politique Publié le jeudi 18 novembre 2010 | Le Patriote

Contribution : Le défi de Gbagbo au RHDP

Les élections du 31 octobre 2010 en Côte d’Ivoire ont livré leur verdict. Les données affichées par le curieux arbitrage de la cour constitutionnelle et validées par l’ONUCI n’ont laissé aucune possibilité d’examiner la réclamation du PDCI RDA. Gbagbo Laurent sort vainqueur de la première manche avec un score de 38%, talonné par Alassane Ouattara (32%). Konan Bédié occupe une position stratégique de faiseur de roi pour le second tour avec 25%. Le RHDP en a pris acte démocratiquement, mettant ainsi fin aux jérémiades sur le vol de la victoire du candidat du PDCI pour se concentrer sur les enseignements à tirer des faiblesses organisationnelles qui ont coûté la victoire à un de ses membres, et pour préparer sa revanche du second tour.

Fraternité Matin avait publié au lendemain des résultats une carte montrant grossièrement, pour des non initiés à l’analyse et à l’interprétation de documents cartographiques, un poids considérable, à l’échelle nationale, du candidat de la prétendue majorité présidentielle. En fait, cette carte tronque la réalité sur la distribution des deux coalitions appelées à compétir et leur force réelle sur le terrain. La déclaration de Gbagbo selon laquelle sa coalition est la mieux représentée à l’échelle nationale est prise comme parole d’évangile par ses militants alors qu’il n’en est rien. Ce sont au contraire les militants du RHDP qui doivent prendre conscience de la suprématie de leur organisation tant par le volume de leurs voix que par la distribution et la représentativité sur le terrain à l’échelle nationale du RHDP. L’objectif de cette communication est d’apporter un démenti à la contre vérité de Gbagbo qui alimente le propagande et l’intoxication des Ivoiriens en s’appuyant sur l’appareil de communication de l’Etat.

Pour enrichir le débat contradictoire au plan scientifique, les cartographes du RHDP ont confectionné un document dont l’analyse et l’interprétation permet d’apprécier qualitativement, sans état d’âme, les chances du LMP et de GBAGBO d’une part, et du RHDP et de OUATTARA d’autre part au regard des réalités du terrain.

Interprétation cartographique du vote du 31 octobre 2010

La présentation des résultats est faite à partir du regroupement des deux forces politiques en compétition : le RHDP et la « majorité présidentielle » (LMP) projetées sur le terrain de la bataille électorale. Elle positionne avec des couleurs (plages), les bastions des formations politiques. Les performances des deux groupes qui s’affrontent sont ensuite représentées par des cercles proportionnels en fonction du nombre de voix obtenues par les deux coalitions à l’intérieur de ces cercles, ainsi que le poids relatif de chacune des forces en présence et des autres candidats.
Première constatation majeure. La carte met en exergue la suprématie du RHDP à l’échelle nationale avec ses 60% d’électeurs et la position peu confortable du LMP également à l’échelle nationale, avec ses 38% et, surtout, sa marginalité au nord d’un axe Bondoukou-Séguéla. Contrairement donc aux affirmations de Gbagbo, la majorité présidentielle est le bloc politique le moins bien positionné sur le territoire. Elle est quasi absence sur la moitié nord du territoire du pays en zone de savane. Les onze petits rois ne pèsent quant à eux nulle part à l’échelle nationale, individuellement et collectivement.

Question pertinente. Gbagbo Laurent a-t-il des chances de pouvoir relever le défi de battre des Houphouétistes solidement ancrés sur le terrain à l’échelle nationale ? Car Gbagbo n’a pas encore cessé de proclamer que son objectif est d’effacer l’Houphouétisme pour refonder une Côte d’Ivoire indépendante et souveraine. L’enjeu, pour le RHDP, c’est sa survie et avec cette survie, celle des formations politiques qui le composent.
Notre parti pris. Au regard de l’analyse et de l’interprétation de la carte issue du premier scrutin, Gbagbo a objectivement peu de chances de pouvoir relever le défi de battre le RHDP. Car outre les observations relatives à l’ubiquité du RHDP en forte proportion sur toute l’étendue du territoire, les bastions des forces politiques majeures reposent sur des fonds ethnoculturels très traditionnels accrochés à leurs partis.

Incursion importante

L e vote des Ivoiriens a été avant tout, pour les partis dominants, un vote ethnique dans ces bastions traditionnels et la mentalité ne changera pas du jour au lendemain en l’espace de deux semaines.

Deuxième constatation majeure. On relève une percée de chacune des formations politiques dominantes dans les territoires représentant les bastions traditionnels des adversaires. Ainsi, le nord reste dominé par Ouattara (nord de l’axe Bondoukou Séguéla) en milieu mandé-sénoufo. Mais le RDR a fait une incursion importante dans les bastions traditionnels du PDCI (vallée du Bandama autour de Bouaké), dans les centres urbains du milieu forestier (notamment au Centre-Ouest krou) et dans la région des Lagunes dominée dans l’espace métropolitain cosmopolite d’Abidjan. Le Centre Ouest est dominé, en milieu krou, par le FPI qui a fait lui aussi une percée en milieu akan (région de l’Agnéby), et dans les Moyen et Sud Comoé. Le noyau dur du PDCI demeure le Centre Bandama en milieu akan-baoulé. Mais le PDCI a fait des percées importantes dans le Sud-Ouest et domine la région du Bas Bas-Sassandra en milieu rural krou.
Au total, le paysage politique ivoirien est en pleine recomposition dans sa dimension spatiale. Cependant, cette recomposition reste étroitement liée aux conséquences de la forte mobilité de deux groupes ethnoculturels extrêmement mobiles: les Mandé du Nord et les Akan-Baoulé vers le milieu forestier. La recomposition des bastions politiques résulte donc principalement de la présence plus ou moins forte des ces deux groupes ethnoculturels dans une région. Une particularité demeure cependant : l’homogénéité de l’espace ethnique de la zone des savanes au nord de l’axe Bondoukou-Séguéla. Dans cet espace quasiment isotrope ethno sociologiquement, les migrations sud-nord sont encore très faibles, alors que le processus du glissement des nordistes mandé et des populations akan du Centre-Bandama se poursuit vers le sud et le littoral depuis l’indépendance. A vrai dire donc, ce n’est pas tant le changement de mentalité des électeurs ivoiriens que la méridionalisation du peuplement ivoirien et des transferts de populations d’une région vers une autre par le jeu des forces économiques et le pouvoir d’attraction des régions d’acceuil.

Troisième observation majeure. La culture démocratique des électeurs ivoiriens reste globalement faible. Cette faiblesse explique l’empêchement systématique de vote des non autochtones par les militants du FPI. C’est un phénomène récurrent depuis 1995, lors du boycott actif du PDCI, où l’on a vu la première chasse aux pauvres Baoulé qui se sont refugiés dans les écoles. On a relevé ces mêmes pratiques en 2000, en 2002 et 2010 chez les populations du Centre-Ouest où les autochtones FPI voient les immigrés ivoiriens (malencontreusement appelés diaspora par Gbagbo lui-même). Ce discours xénophobe d’un président de la république ne peut que représenter une menace pour la démocratie face aux enjeux électoraux et également une très grave menace sur l’avenir et l’unité d’une nation en voie d’élaboration.

Le RHDP émerge

Le Rassemblement des Houphouétistes a mis en œuvre deux scénarios pour les élections présidentielles. Dans le premier, chaque membre de cette coalition politique devait se présenter individuellement pour défier Gbagbo en mesurant parallèlement ses propres forces. Dans le second, les quatre partis devaient se mettre ensemble pour appuyer le candidat le mieux placé parmi eux afin de ramener le pouvoir dans le camp houphouétiste.

Au regard des résultats du scrutin du 31 octobre 2010, le RHDP émerge comme le groupement politique largement dominant sur la scène politique nationale. Il a non seulement anticipé depuis mais 2005, mais est demeuré fidèle à son engagement de regrouper ses forces au second tour. D’aucun croyaient que cet engagement n’aurait pas tenu et parlent encore de ce regroupement comme « un cirque ». L’appui apporté par Bédié à Alassane Ouattara et le manifeste du 18 octobre 2010 à Yamoussoukro des partis Houphouétistes brise le rêve de ceux qui ne croyaient pas en cette alliance. Par ailleurs, le RHDP a en plus un programme commun de gouvernement confectionné méticuleusement pendant deux mois par des cadres de haut niveau des quatre partis Houphouétistes. Le RHDP envisage enfin de se transformer en un parti unifié au sortir de la crise.

Pour le second tour, c’est Laurent Gbagbo qui doit relever le défi de battre le candidat du RHDP, alors qu’au premier, c’étaient les ténors du RHDP qui défiaient Gbagbo. L’appréciation ci-après situe, au regard de la carte du poids relatif des deux coalitions politique et de la composition des bastions au plan sociodémographique, l’ampleur et la difficulté de la tâche pour le candidat de la majorité présidentielle.

l Dans le Grand Nord et le Nord Zanzan, II est impossible pour Gbagbo de s’imposer dans le noyau le plus dur du RDR. Il sera très largement écrasé ici.

l Dans le Grand Centre, le discours ultranationaliste de la majorité présidentielle et le comportement de ses militants du FPI (chasse à l’homme baoulé soupçonné de ne pas avoir voté Gbagbo, exaction et destruction de biens privés) ne sont pas de nature à accrocher une communauté baoulé très solidaire et fidèle à Bédié, et qui est très sensible au mauvais traitement subi par les Baoulé dans le Centre Ouest et le Sud Ouest. Le mot d’ordre de Bédié pour voter houphouétiste a de grandes chances d’être suivi avec l’hommage que le RHDP a rendu à Bédié a qui reviendra la responsabilité d’être le guide de la coalition des Houphouétistes à l’instar de Nyerere après les élections en cas de victoire du RHDP. Gbagbo sera largement battu dans le Grand Centre qui enterre ses morts après les élections du premier tour.

Percées significatives

l Dans la région de la Marahoué, Le RHDP l’emporte à Bouaflé et Sinfra. Le faible avantage du FPI à Zuénoula ne peut pas combler l’avance du RHDP. Dans le moyen Cavally les forces des deux coalitions s’équilibrent avec un léger avantage au RHDP. Dans le département de Daloa, le RHDP caracole très largement en tête. Le FPI l’emporte très largement dans le Fromager après avoir laissé des plumes à Gagnoa ville et Sous-préfecture où le PDCI et le RDR ont fait des percées très significatives. Divo, Lakota, Guitry et Guéyo sont contrôlés par le RHDP. Au total, le Centre Ouest, bastion krou du FPI, est sous l’emprise du RHDP. Les résultats du second tour seront équilibrés si la région n’est pas perturbée par une chasse aux militants RHDP.
l Dans le Bas Sassandra, la percée du PDCI dans les massifs forestiers et du RDR à San Pedro met les départements de Soubré, Sassandra, San Pedro et Tabou dans le camp du RHDP. Gbagbo sera largement battu.

l Dans la région des Montagnes, Le RHDP l’emporte très largement à Biankouma, Danané et Zouan-Hounien, chez Mabri. Les deux forces des coalitions s’équilibrent à Man. Les chances sont égales sur le toit de la Côte d’Ivoire.

l Dans le Moyen Cavally, Kouibly, Bangolo, Bloléquin et Toulépleu sont contrôlés par le FPI alors que Duékoué et Guiglo contrebalancent l’influence du FPI au profit du RHDP. l’avantage pourrait revenir faiblement à Gbagbo.

l Dans le Sud Zanzan et les Moyen et Sud Comoé, la percée du FPI est aussi remarquable que celle du RHDP au cœur du bastion FPI, mais les forces restent équilibrées avec une légère prépondérance du RHDP, sauf à Bassam. Les résultats seront équilibrés et même à l’avantage du RHDP si le PDCI tire les leçons de ses contre performances dans une région où il a une majorité sociologique.

l Dans la région des Lagunes, hors du district d’Abidjan, le FPI s’impose à Dabou, Sikensi, Jacqueville et Alépé ; mais cet avantage est largement compensé par la prépondérance du RHDP dans la métropole abidjanaise. On assistera à une deuxième et rude bataille de la région des Lagunes avec un RHDP mieux organisé pour tuer la fraude et dont il a été victime. Gbagbo perdra cette bataille.

Les 38% de suffrages obtenus par le camp présidentiel contre 60% pour le camp du RHDP résonnaient déjà comme une première sanction infligée par le peuple à la gestion de Gbagbo. On voit mal, au regard de la distribution des forces sur le terrain, d’une culture démocratique des Ivoiriens encore dominée par le soutien au leader de l’ethnie, au regard également de la recomposition actuelle du paysage humain au cœur des bastions politiques fragilisés à l’échelle de toute la nation, comment Gbagbo Laurent pourra déraciner Bédié, Ouattara, Mabri et Anaky soudés.
Le RHDP réconcilie la Côte d’Ivoire par la configuration de son leadership. Il ressoude le Nord et le Sud de la Côte d’Ivoire fracturée en septembre 2001 en regroupant sous la même bannière politique l’idéologie houphouétiste Akan, Mandé du nord et du sud, Voltaïques et Krou dans une nouvelle alliance sacrée qui rappelle le PDCI RDA originel après le séisme politique des années 1990, les fractures des années 1995, et 2000 à 2002.

On aurait tord de voir ce germe de changement comme « un cirque » (Afi N’Guessan) au vu des événements qui se succèdent dans la sens d’une consolidation du Rassemblement des Houphouétistes. On le doit au dépassement de Bédié et de Ouattara qui ont eu la force morale pour dominer leurs antagonismes et les mauvais souvenirs de leurs querelles pour poser de nouvelles bases d’une réconciliation et d’une reconstruction nationale allant dans le sens de la philosophie politique du père fondateur du PDCI RDA : culte de la paix par le dialogue et la non-violence, convivialité interethnique, laïcité et tolérance religieuse, travail dans l’union et la discipline. La cohésion affichée par les quatre leaders du RHDP attitude est ainsi à leur honneur et sera politiquement payante si elle continue à se consolider. Car l’enjeu pour le RHDP, c’est la survie du houphouétisme, des valeurs qu’il prône depuis 1946, et le retour aux sources, aux racines fondatrices d’idéaux et valeurs dont la profondeur historique remonte à 64 ans. Cette cohésion émerge comme un scénario inattendu dans le camp présidentiel, scénario qui le fait le fait trembler et lui coûtera sans doute son fauteuil. Bédié, Ouattara, Mabri et Anaky ont vu juste et anticipé à temps en mai 2008. Rien n’a été improvisé. Gbagbo espère contre tout espoir.
La vérité du terrain est défavorable à Gbagbo. Il doit déjà savoir ce qu’elle lui dit, c’est à dire qu’il perdra. La coalition du RHDH est en effet fortement représentée à l’échelle de tout le territoire national. Elle affiche sa suprématie dans les deux premiers pôles démographique du pays : la métropole abidjanaise et le Centre Bandama. Le troisième pôle : le centre Ouest ne lui est plus totalement acquis. Le RHDP trône royalement sur le quatrième pôle où tout gravite autour de Korhogo. Conscient de la solidité de ses positions, le RHDP pose au quotidien des gestes visant à renforcer sa coalition.

Mais Gbagbo se laissera-il faire ? Nous vivons en effet une drôle de démocratie ivoirienne dans laquelle un des protagonistes a proclamé qu’il « gagne ou il gagne » et qu’il ne saurait tolérer qu’un houphouétiste occupe son fauteuil. « J’y suis, j’y reste »(Jeune Afrique l’intelligent). Jusqu’où ira GBAGBO dans son ultime effort pour relever un impossible défi ?

Impossible défi

Le ton du discours dans le camp de GBAGBO (discours xénophobe et ultranationaliste, clins d’œil aux forces traditionnelles et mystiques avec les exemples récents de Bohn dans la sous préfecture de Dabou et du roi du Sanwi) ne cesse d’inquiéter les Ivoiriens. Le RHDP viennent de monter au créneau pour stigmatiser « les sms et les discours du camp de Gbagbo qui pue le nazisme ». Dun autre Côté, les cadres et élus du Grand Centre accusent la RTI et Gbagbo sur leur attitude face au sort des Baoulé menacés et même tués dans le Centre-Ouest et le Sud Ouest depuis la publication des résultats du premier tour des élections pour n’avoir pas voté Gbagbo (cf. le Nouveau Réveil du samedi 13 novembre 2010 et Le Patriote du samedi 13 novembre ). Acculé Gbagbo appelle les chefferies traditionnelles au secours et le retour au parti unique pour sauver son fauteuil.

Plaise au ciel qu’une campagne civilisée et pacifique vienne éclairer les Ivoiriens sur les programmes et projets des deux camps. Les refondateurs du camp présidentiel doivent rendre compte au peuple de leur bilan au lieu de gaspiller les ressource publiques qu’ils auraient dû utiliser pour maintenir notre réseau routier méconnaissable, construire des hôpitaux, des écoles et décongestionner l’université de Cocody, dépolluer Abidjan après le scandale des déchets toxiques qui continuent de demeurer une menace pour la capitale économique du pays. Le bon peuple de Côte d’Ivoire n’est pas dupe. Il reste encore lucide pour faire un libre choix de ses dirigeants après les premiers cartons distribués le 31 octobre qui étaient largement favorables au camp du RHDP. Mais le RHDP doit rester vigilent. La carte ne fait qu’indiquer un registre considérable de possibilités de victoire pour le RHDP. Cette victoire reste à organiser. Car rien n’est prédéterminé en politique et la victoire viendra des leçons à tirer pour sécuriser le vote du second tour afin d’éviter le holdup électoral dont Bédié a été victime.

Pr KOBY Assa Théophile
PUBLICITÉ
PUBLICITÉ

Playlist Politique

Toutes les vidéos Politique à ne pas rater, spécialement sélectionnées pour vous

PUBLICITÉ