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Économie Publié le jeudi 18 novembre 2010 | Nord-Sud

Activités artisanales en période électorale : Les touristes disparaissent, les artisans dans la tourmente

Si les campagnes électorales sont une occasion de bonnes affaires pour de nombreux opérateurs économiques, ce n'est pas le cas chez les artisans de Bassam. Leur clientèle, composée en grande partie de touristes, a fortement chuté à cause de la présidentielle.

Il est environ 8h00, ce samedi 13 novembre le temps est mis-couvert sur le village artisanal de Grand-Bassam. Ce site situé à l'entrée de la ville est quelque peu animé. On entend néanmoins quelques klaxons de véhicules qui donnent une ambiance de réveil matinal. Les artisans arrivent au compte-gouttes. Les premiers installent leurs étals. D'autres, par-contre, donnent un coup de balai à la devanture de leurs ateliers pour mieux attirer d'éventuels clients. Le samedi qui, cette fois-ci, annonce le début d'un long week-end en raison des fêtes de la paix et de la tabaski, prévues respectivement le lundi 15 et le mardi 16 novembre, est généralement considéré comme étant une période de bonnes affaires pour ces artisans. Puisqu'ils reçoivent de nombreux clients en majorité des expatriés ou touristes soucieux d'emporter chez eux des objets-souvenirs. Mais, depuis l'entame de la période électorale qui donne lieu à un second tour de la présidentielle, la situation semble se compliquer pour ces commerçants d'arts. A l'instar de Kouassi Kouakou, sculpteur, spécialisé dans les meubles et objets de décoration qui est arrivé tôt le matin dans l'espoir de voir poindre un client.

Les ventes en chute libre
Habillé d'un tablier de travail, il déchante très vite. Son atelier, cadre enchanteur, est désert à cette heure de la matinée. Point de clients. Pour lui, le village artisanal, autrefois une référence, se meurt du fait de la crise. Pis, la période électorale a occasionné le ralentissement des activités. «La crise sociopolitique a beaucoup affecté notre activité puisque de nombreux expatriés, qui constituent une partie importante de notre clientèle, avaient quitté le pays. Cependant, avec l'évolution progressive de la situation, l'espoir est revenu peu à peu. Car, certains parmi eux ont commencé à fréquenter le village. Mais, à l'approche du premier tour de la présidentielle, ils ont tous disparu. Conséquence : notre activité connaît à nouveau un recul», argumente Kouassi Kouakou. Il a décidé de se contenter du peu en continuant son travail, le temps que les choses redeviennent positives. Entre deux phrases, il scie du bois pour faire des insignes. «Même si ça ne marche pas, nous sommes obligés d'espérer. C'est un métier que nous avons appris, on ne peut pas l'abandonner», se console-t-il. M. Kouassi qui faisait une recette journalière de 30.000 Fcfa et de 70.000 Fcfa les fins de semaine bien avant le contexte électoral, arrive à réaliser difficilement un gain de 25.000 Fcfa. «Vous voyez ce qu'on perd dans cette situation. D'ailleurs, les week-ends, quand il y a de nombreux touristes, l'on peut toucher facilement la somme de 100.000 Fcfa», fait-il remarquer, estimant que la période du scrutin est un véritable calvaire pour ces opérateurs du secteur informel. Ils sont nombreux, ces artisans qui font grise mine depuis l'entame des joutes électorales de 2010. Dans l'atelier de Camara Mamadi, la situation n'est pas non plus gaie. Les objets exposés cherchent preneurs. Il emploie une main-d'œuvre composée de jeunes bassamois. Ceux-ci sont chargés de sculpter des objets d'art. Le patron s'attelle à son tour à les exposer de son mieux dans sa boutique de fortune de bois et de paille. Dans ce magasin artisanal, on y a exposé des masques de la Côte d'Ivoire, des ornements, des crèches sculptées avec du bon bois. Ces objets souvent poussiéreux sont le signe qu'ils sortent difficilement des étals. N'empêche, Mamadi T., l'un des ouvriers, prend le temps d'essuyer quelques-uns, avant d'aller les proposer aux clients à l'intérieur de la ville et à la plage. «C'est vraiment difficile. Nous avons perdu nos clients. Le calvaire s'est accentué avec les élections. D'autant que la psychose a envahi toutes les villes y compris Bassam. Je suis obligé de me transformer en vendeur ambulant pour gagner un peu d'argent. Et, sur chaque objet vendu, mon patron m'offre la somme de 1.000 Fcfa contrairement à la somme de 5.000 Fcfa que j'avais précédemment sur chaque article», se désole le jeune ouvrier. Aboulaye Tamboura, revendeur d'objets d'arts de type maroquinerie et secrétaire général de l'Association des artisans du village artisanal de Grand-Bassam (Avab) vit le même pétrin. Chapelet à la main, il s'efforce tout de même de l'égrener. Le regard tourné vers Dieu, le Tout-puissant. Il attend visiblement le client de la divine providence. Dans son atelier, on y trouve divers objets : des sacs en cuir, des portefeuilles, des chaussures et des habits confectionnés avec le batik. Cette ambiance morose, déplore-t-il, a un nom : la présidentielle.
L'espoir est permis
«Les élections ont beaucoup ralenti nos activités. Avant, je pouvais m'en sortir dans le mois avec une vingtaine d'articles vendus pour une valeur avoisinant les 90.000 Fcfa. Outre les expatriés, notre clientèle concerne également les forces onusiennes, la Licorne. A cause de la présidentielle, ces soldats n'ont plus le temps de venir voir nos produits. Liquider aujourd'hui plus de 10 objets, relève d'un miracle», s'offusque le leader syndical qui avait fondé beaucoup d'espoirs dans l'arrivée des observateurs internationaux de l'Union européenne. Véritable désillusion ! D'autant qu'avec la complexité du problème ivoirien, ces envoyés de l'Ue n'ont pas eu un temps de répit. Le centre artisanal de Bassam, au quartier France, n'échappe pas aussi à cette dure réalité du marché. Spécialisé dans la fabrication du batik et du bronze, ce site n'a pas fière allure. Le gérant Ouédraogo Youssouf est dépité. Selon lui, ce centre, créé en 1971 par Louis Laouchez, conseiller du ministre de l'Artisanat d'alors, n'est plus que l'ombre de lui-même. Les activités ont pris du plomb dans l'aile depuis la crise. Situation qui s'est envenimée avec la tenue de la présidentielle. La toiture a fini par céder sous le poids des difficultés. Un simple tourbillon a emporté une bonne partie du toit devenu vétuste. Les articles exposés à l'intérieur ruissellent d'eau de pluie. Mais, M. Ouedraogo n'est pas aussi sceptique qu'on pourrait le croire. «Nous sommes aujourd'hui sinistrés. Je peux passer des jours sans vendre le moindre article surtout depuis l'entame de la période électorale. Nos clients qui sont des Européens ont trouvé refuge dans les pays de la sous- région en attendant l'élection du nouveau président de la République. Ils ont promis revenir juste après, au cas où la situation ne dégénèrera pas», souligne le gérant du centre. Dans cette grisaille, quelques rares artisans décrochent, tout de même, des commandes. C'est le cas de Dahourou Honoré, sculpteur de «chaises gardiennes». Il a reçu une commande de 100 chaises gardiennes en provenance du Sénégal, il y a à peine un mois. Il doit la livrer incessamment. «J'ai reçu une commande expresse de 100 chaises gardiennes du Sénégal. La livraison doit être effectuée d'ici fin novembre. Le client veut récupérer ses chaises avant le deuxième tour de la présidentielle. Mais, la difficulté, c'est que nos articles sont payés à des prix dérisoires. Avant la crise, je pouvais vendre une chaise gardienne à 10.000 Fcfa. Aujourd'hui, même à 7.500Fcfa le prix de gros, les clients hésitent et proposent un prix en deçà. Je m'en contente en attendant mieux», murmure-t-il. Tout comme lui, les artisans souhaitent vivement que la Côte d'Ivoire puisse aller au bout du processus de sortie de crise afin que la paix revienne. Toute situation qui va donner un coup d'accélérateur au secteur de l'artisanat.

Emmanuelle Kanga à Grand-Bassam
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