Dès l’entrée principale, le décor s’annonce. Affiches du candidat Laurent Gbagbo sur les murs du seuil. Les wôrô-wôrô (véhicules de transport commun) qui chargent devant, portent les mêmes messages. Deux grands posters avec la photo du président de la République occupent la largeur du mur du petit marché qui se trouve juste après. A une trentaine de mètres de là, un petit espace sous les arbres sert d’agora. Il est aménagé comme tel avec des boomers, des micros, des bancs et des affiches sur les troncs d’arbres : votez Gbagbo. Des étudiants de la Fédération estudiantine et scolaire de Côte d’Ivoire (Fesci) occupent l’espace. En allant vers la scolarité, un autre poster, sur le mur de l’Ufr des sciences économiques et de gestion: voter Gbagbo. Les étudiants passent à côté, peu d’entre eux y prêtent attention. Sur le mur de l’amphithéâtre A, où se font les cours de physique et chimie, il y a le même poster. Dans la cour, quelques étudiants sont vêtus de tee-shirts à l’effigie de Lmp : c’est Gbagbo on veut ; y a rien en face.
Au milieu de ce décor, des étudiants règlent dans la précipitation, leurs inscriptions à la scolarité, certains prennent leurs emplois du temps, les informations sur la disponibilité de leurs professeurs. Mais la sérénité ne se lit pas sur les visages. Dans le hall qui longe l’amphi A, deux étudiants discutent de politique. L’un a la voix très élevée. «Allez, dis-moi qui des deux tu vas voter, hein ? ». L’autre, l’air discret, parle bas : «Je le garde pour moi, n’insiste pas ». Derrière, un cri d’étudiant : «y a rien en face !...». Il porte également le tee-shirt Lmp. Des dizaines de paires d’yeux se portent sur lui. Mais personne ne fait de commentaire. L’étudiant poursuit son chemin, les bras écartés, démarche de gros-bras. «Ici, personne ne fait de faux commentaire sur le président Laurent Gbagbo, par peur», témoigne un étudiant en première année de science économique. On risque, dit-il, d’avoir des problèmes avec la Fesci qui gère la campagne du président de la République au campus. Ils ne veulent pas être contrariés. Par prudence, la plupart des étudiants évitent de parler politique à l’université. «Si vous en parlez, il vaut mieux que ce soit pour soutenir Gbagbo», explique un autre étudiant en science éco. Mais quelques jeunes du Rassemblement des houphouétistes pour la démocratie et la paix (Rhdp) essayent de s’exprimer. Non sans peine. «Très souvent, il arrive que des étudiants du Rhdp et certains de La majorité présidentielle se disputent. Les disputes sont transportées parfois dans les amphis pendant les cours», explique un étudiant en première année de lettre moderne. La violence n’y manque pas. Les autres étudiants restent loin de ces tensions. Depuis le début de la campagne, l’enceinte de l’université est partagée entre la violence verbale, la méfiance et la suspicion. Beaucoup ne viennent pas au campus à cause de la situation, ceux qui y viennent ne s’attardent pas sur les lieux après les cours. «J’ai peur chaque fois que je viens faire cours. Certains de mes camarades, à cause de mon nom, me demandent si je suis Rhdp. Ils veulent que je leur dise le candidat que je vais voter. Ce sont des jeunes de la Fesci, et ils sont de Lmp. J’évite de répondre à leurs questions parce que si votre choix n’est pas le leur, ils peuvent vous violenter. Je les ai déjà vu menacer un jeune de Rhdp», témoigne une étudiante en lettres modernes. La peur, c’est ce qu’ils ressentent, une fois dans le campus, et le soulagement, quand ils quittent le fief du savoir, devenu celui de la terreur.
Raphaël Tanoh
Au milieu de ce décor, des étudiants règlent dans la précipitation, leurs inscriptions à la scolarité, certains prennent leurs emplois du temps, les informations sur la disponibilité de leurs professeurs. Mais la sérénité ne se lit pas sur les visages. Dans le hall qui longe l’amphi A, deux étudiants discutent de politique. L’un a la voix très élevée. «Allez, dis-moi qui des deux tu vas voter, hein ? ». L’autre, l’air discret, parle bas : «Je le garde pour moi, n’insiste pas ». Derrière, un cri d’étudiant : «y a rien en face !...». Il porte également le tee-shirt Lmp. Des dizaines de paires d’yeux se portent sur lui. Mais personne ne fait de commentaire. L’étudiant poursuit son chemin, les bras écartés, démarche de gros-bras. «Ici, personne ne fait de faux commentaire sur le président Laurent Gbagbo, par peur», témoigne un étudiant en première année de science économique. On risque, dit-il, d’avoir des problèmes avec la Fesci qui gère la campagne du président de la République au campus. Ils ne veulent pas être contrariés. Par prudence, la plupart des étudiants évitent de parler politique à l’université. «Si vous en parlez, il vaut mieux que ce soit pour soutenir Gbagbo», explique un autre étudiant en science éco. Mais quelques jeunes du Rassemblement des houphouétistes pour la démocratie et la paix (Rhdp) essayent de s’exprimer. Non sans peine. «Très souvent, il arrive que des étudiants du Rhdp et certains de La majorité présidentielle se disputent. Les disputes sont transportées parfois dans les amphis pendant les cours», explique un étudiant en première année de lettre moderne. La violence n’y manque pas. Les autres étudiants restent loin de ces tensions. Depuis le début de la campagne, l’enceinte de l’université est partagée entre la violence verbale, la méfiance et la suspicion. Beaucoup ne viennent pas au campus à cause de la situation, ceux qui y viennent ne s’attardent pas sur les lieux après les cours. «J’ai peur chaque fois que je viens faire cours. Certains de mes camarades, à cause de mon nom, me demandent si je suis Rhdp. Ils veulent que je leur dise le candidat que je vais voter. Ce sont des jeunes de la Fesci, et ils sont de Lmp. J’évite de répondre à leurs questions parce que si votre choix n’est pas le leur, ils peuvent vous violenter. Je les ai déjà vu menacer un jeune de Rhdp», témoigne une étudiante en lettres modernes. La peur, c’est ce qu’ils ressentent, une fois dans le campus, et le soulagement, quand ils quittent le fief du savoir, devenu celui de la terreur.
Raphaël Tanoh