A cœur ouvert avec Jean Clotaire Tétiali, journaliste politique, membre de la société civile. Le confrère jette un regard critique sur le déroulement de la campagne en vue du scrutin du deuxième tour et évalue les chances des candidats.
Quel regard jetez-vous sur la campagne présidentielle actuelle ouverte depuis samedi dernier.
C’est une campagne très engagée et qui sera déterminante pour le scrutin du dimanche 28 novembre prochain. Dans l’ensemble, elle se déroule normalement, outre quelques escalades verbales, sans accrocs physiques. Je remarque aussi qu’elle est échafaudée autour du bilan de Laurent Gbagbo d’une part et de la rébellion de 2002 d’autre part. Personne ne fait dans la dentelle, c’est de bonne guerre.
L’opposition fait remarquer que le bilan de Laurent Gbagbo est négatif, quand La majorité présidentielle, elle, dénonce les tueries massives à Bouaké et dans d’autres régions du pays notamment au centre, à l’Ouest et au Nord.
Je ne suis pas d’avis avec ceux qui parlent du bilan de Gbagbo. L’action gouvernementale est normalement une action concertée. Du moins pour un gouvernement comme le nôtre qui regroupe toutes les sensibilités politiques et la rébellion. Le Rdr, le Pdci, le Mfa, l’Udpci, tous, par conséquent, partagent la responsabilité des insuffisances constatées si tel est le diagnostic de l’opposition. Il n’est donc ni moralement correct ni intellectuellement crédible de jeter la pierre à Laurent Gbagbo. Souvenez-vous que certains ministres se sont comportés comme des opposants à l’équipe gouvernementale à laquelle ils appartiennent, pourtant. C’est une démarche antinomique.
Il ne faut en outre pas négliger le contexte de guerre qui a prévalu pendant ce temps. Le Président de la République a passé la quasi-totalité de son temps à la recherche de la paix en même temps qu’il devait faire en sorte que les Institutions ne périssent pas et que la Côte d’Ivoire ne connaisse pas la cessation de paiement. La paix, a dit Houphouët-Boigny, celui-là même qu’invoquent les Houphouétistes, est le préalable à tout développement.
L’autre thème de la campagne, c’est la rébellion dont Alassane Ouattara, selon La majorité présidentielle, est le père. Ce dernier s’en défend…
Cette rébellion nous a montré jusqu’où peuvent arriver les ressorts humains quand ils sont actionnés par la haine, la jalousie et la soif inextinguible de pouvoir. Je lis des écrits de confrères qui ont pour vocation de banaliser cette rébellion et ses conséquences, à travers la lecture qu’ils font de la situation de notre pays. C’est regrettable. Nous journalistes, sommes des témoins de l’histoire et des historiens de l’actualité. Cette rébellion particulièrement tentaculaire nous a causé beaucoup de tort. Que l’on soit de la mouvance présidentielle ou d’obédience oppositionnelle il faut le reconnaitre. Si le camp présidentiel convoque son souvenir pour justifier son action, cela n’est pas injuste car c’est notre histoire, il nous faut même la revendiquer.
Cela dit, pour revenir aux accusations portées contre Ouattara, il appartient à ce dernier de se défendre. Il en a probablement les arguments.
Il lui faudra, par exemple, nous situer sur le sens réel de ses propos selon lesquels le combat de rébellion était juste, sinon rien ne peut effacer de la mémoire collective sa culpabilité.
Outre d’autres tueries massives, on l’accuse d’avoir fait égorger froidement un gendarme.
Pour ce cas précis, il me semble avoir lu dans un journal qu’il s’agissait d’un rituel et qu’à la fin de celui-ci le gendarme s’est relevé. On se croirait dans une fable de la Fontaine qui, cependant convoque quelques interrogations :
Quelle est la pertinence de ce rituel à un moment de guerre et pourquoi l’a-t-on filmé ?
Quelle est la signification sociologique ou la valeur culturelle d’un tel rite, à Bouaké, en pays Baoulé ?
Ou encore quelle peuvent en être les retombées mystico-métaphysiques au sein d’une société de gens en armes aspirant à prendre le pouvoir ?
Enfin, si le gendarme s’est relevé pourquoi le film ne nous le montre pas ?
Ou, a-t-on volontairement omis la fin de l’élément filmé pour jeter l’opprobre sur le Rdr ?
Il y a toute une grille de questionnement à travers laquelle il convient de décrypter l’embrouille. En tout état de cause le débat reste ouvert.
Mais l’opposition reproche à La majorité présidentielle d’évoquer tous ces évènements, la guerre en général, pour justifier son échec.
C’est un piège auquel il ne faut pas se laisser prendre. J’ai souvent entendu parler de vocables comme la mondialisation, la globalisation, on évoque même maladroitement le nom du Président Obama à des fins électoralistes. Tout cela participe d’une stratégie qui vise à pousser La majorité présidentielle à occulter ce douloureux passé dans sa lecture des évènements actuels. Cela ne peut prospérer car on ne peut demander un bilan à Laurent Gbagbo et l’empêcher d’évoquer la guerre de 2002 qui, à tous égards, est la cause de certains dysfonctionnements constatés çà et là aujourd’hui. Aucun bilan ne peut se lire dans l’absolu. Tout bilan s’apprécie de façon contradictoire par rapport à l’environnement et les conditions de sa réalisation. Gbagbo nous promet que si la guerre disparaît, tous ces dysfonctionnements disparaîtront, tel un effet qui disparaît avec sa cause.
Quel regard jetez-vous sur la stratégie de communication des états-majors des deux candidats ?
A mon humble avis, il y a de part et d’autre de la créativité et de l’imagination. En communication il n’ya pas un schéma normalisé. On tient compte des objectifs que l’on veut atteindre, de la cible, de sa psychologie, de ses sensibilités, de sa dynamique. Bref la communication ne répond pas à une géométrie figée et préconçue ; elle est dynamique et évolue par réajustements. Il est donc difficile de se prononcer. Seule la fin justifie les moyens. Cela dit, les débats Affi - Ahoussou et Blé Goudé-KKb ont quelque chose de remarquable.
Celui de Blé nous rappelle qu’en communication, il faut allier pertinence et opportunité.
Le débat sur la vraie nationalité de Ouattara n’est pas nouveau. Mais, tel que relancé par Blé Goudé et Konaté Navigué, la démonstration est imparable. De toute évidence, La majorité présidentielle en tirera d’énormes bénéfices. En deux minutes les représentants de Gbagbo sur le plateau de la Rti ont réussi à convoquer tous les observateurs de la scène ivoirienne à plus de prudence et de circonspection dans le débat sur l’ivoirité et la xénophobie. Tous, connaissons la crédibilité d’un “fellows directory”. Les Ivoiriens et la communauté internationale sont interpellés.
Tout comme Affi N’Guessan qui a interpelé La majorité présidentielle sur la confusion trop souvent faite entre ce qu’il a appelé la nébuleuse Rhdp et le Rdr. Là aussi, c’est bien joué.
Chapeau également à Ahmed Bakayoko qui a su s’imposer à Oussou Kouadio.
Quelles sont, selon vous les chances des candidats ?
J’ai coutume de dire qu’une élection prend en compte plusieurs variables aléatoires, pour paraphraser les mathématiciens.
C’est d’ailleurs en ces raisons qu’il faut éviter de s’installer dans une logique arithmétique pour affirmer que le Rdr gagnera parce que Bédié à appelé à voter pour Ouattara. Gbagbo a une avance mathématique notable qui pèse dans l’équation. A cela, s’ajoute le caractère national de son électorat. Si je considère, en outre, que les deux candidats se partageront l’électorat de Bédié je me crois obligé d’admettre qu’il est plus probable que La majorité présidentielle l’emporte.
Cela dit, le débat entre les deux candidats ce jeudi sera déterminant. Là aussi Gbagbo a la meilleure posture parce que seuls certains aspects de son bilan seront mis en cause.
Mais il aura beau jeu de dire qu’il le partage avec l’opposition qu’il a été contraint d’admettre dans l’équipe gouvernementale, sans omettre qu’il a pour lui le fait que dans le subconscient collectif des Ivoiriens il est gravé que c’est Ouattara le père de la rébellion, comme l’a affirmé, du reste, Koné Zacharia.
C’est une question, il faut l’admettre, qui fâche et dessert le Rdr. Il y a à côté de ces faits la dernière entreprise de Blé Goudé et Konaté Navigué. Elle fera mouche.
Tché Bi Tché
Quel regard jetez-vous sur la campagne présidentielle actuelle ouverte depuis samedi dernier.
C’est une campagne très engagée et qui sera déterminante pour le scrutin du dimanche 28 novembre prochain. Dans l’ensemble, elle se déroule normalement, outre quelques escalades verbales, sans accrocs physiques. Je remarque aussi qu’elle est échafaudée autour du bilan de Laurent Gbagbo d’une part et de la rébellion de 2002 d’autre part. Personne ne fait dans la dentelle, c’est de bonne guerre.
L’opposition fait remarquer que le bilan de Laurent Gbagbo est négatif, quand La majorité présidentielle, elle, dénonce les tueries massives à Bouaké et dans d’autres régions du pays notamment au centre, à l’Ouest et au Nord.
Je ne suis pas d’avis avec ceux qui parlent du bilan de Gbagbo. L’action gouvernementale est normalement une action concertée. Du moins pour un gouvernement comme le nôtre qui regroupe toutes les sensibilités politiques et la rébellion. Le Rdr, le Pdci, le Mfa, l’Udpci, tous, par conséquent, partagent la responsabilité des insuffisances constatées si tel est le diagnostic de l’opposition. Il n’est donc ni moralement correct ni intellectuellement crédible de jeter la pierre à Laurent Gbagbo. Souvenez-vous que certains ministres se sont comportés comme des opposants à l’équipe gouvernementale à laquelle ils appartiennent, pourtant. C’est une démarche antinomique.
Il ne faut en outre pas négliger le contexte de guerre qui a prévalu pendant ce temps. Le Président de la République a passé la quasi-totalité de son temps à la recherche de la paix en même temps qu’il devait faire en sorte que les Institutions ne périssent pas et que la Côte d’Ivoire ne connaisse pas la cessation de paiement. La paix, a dit Houphouët-Boigny, celui-là même qu’invoquent les Houphouétistes, est le préalable à tout développement.
L’autre thème de la campagne, c’est la rébellion dont Alassane Ouattara, selon La majorité présidentielle, est le père. Ce dernier s’en défend…
Cette rébellion nous a montré jusqu’où peuvent arriver les ressorts humains quand ils sont actionnés par la haine, la jalousie et la soif inextinguible de pouvoir. Je lis des écrits de confrères qui ont pour vocation de banaliser cette rébellion et ses conséquences, à travers la lecture qu’ils font de la situation de notre pays. C’est regrettable. Nous journalistes, sommes des témoins de l’histoire et des historiens de l’actualité. Cette rébellion particulièrement tentaculaire nous a causé beaucoup de tort. Que l’on soit de la mouvance présidentielle ou d’obédience oppositionnelle il faut le reconnaitre. Si le camp présidentiel convoque son souvenir pour justifier son action, cela n’est pas injuste car c’est notre histoire, il nous faut même la revendiquer.
Cela dit, pour revenir aux accusations portées contre Ouattara, il appartient à ce dernier de se défendre. Il en a probablement les arguments.
Il lui faudra, par exemple, nous situer sur le sens réel de ses propos selon lesquels le combat de rébellion était juste, sinon rien ne peut effacer de la mémoire collective sa culpabilité.
Outre d’autres tueries massives, on l’accuse d’avoir fait égorger froidement un gendarme.
Pour ce cas précis, il me semble avoir lu dans un journal qu’il s’agissait d’un rituel et qu’à la fin de celui-ci le gendarme s’est relevé. On se croirait dans une fable de la Fontaine qui, cependant convoque quelques interrogations :
Quelle est la pertinence de ce rituel à un moment de guerre et pourquoi l’a-t-on filmé ?
Quelle est la signification sociologique ou la valeur culturelle d’un tel rite, à Bouaké, en pays Baoulé ?
Ou encore quelle peuvent en être les retombées mystico-métaphysiques au sein d’une société de gens en armes aspirant à prendre le pouvoir ?
Enfin, si le gendarme s’est relevé pourquoi le film ne nous le montre pas ?
Ou, a-t-on volontairement omis la fin de l’élément filmé pour jeter l’opprobre sur le Rdr ?
Il y a toute une grille de questionnement à travers laquelle il convient de décrypter l’embrouille. En tout état de cause le débat reste ouvert.
Mais l’opposition reproche à La majorité présidentielle d’évoquer tous ces évènements, la guerre en général, pour justifier son échec.
C’est un piège auquel il ne faut pas se laisser prendre. J’ai souvent entendu parler de vocables comme la mondialisation, la globalisation, on évoque même maladroitement le nom du Président Obama à des fins électoralistes. Tout cela participe d’une stratégie qui vise à pousser La majorité présidentielle à occulter ce douloureux passé dans sa lecture des évènements actuels. Cela ne peut prospérer car on ne peut demander un bilan à Laurent Gbagbo et l’empêcher d’évoquer la guerre de 2002 qui, à tous égards, est la cause de certains dysfonctionnements constatés çà et là aujourd’hui. Aucun bilan ne peut se lire dans l’absolu. Tout bilan s’apprécie de façon contradictoire par rapport à l’environnement et les conditions de sa réalisation. Gbagbo nous promet que si la guerre disparaît, tous ces dysfonctionnements disparaîtront, tel un effet qui disparaît avec sa cause.
Quel regard jetez-vous sur la stratégie de communication des états-majors des deux candidats ?
A mon humble avis, il y a de part et d’autre de la créativité et de l’imagination. En communication il n’ya pas un schéma normalisé. On tient compte des objectifs que l’on veut atteindre, de la cible, de sa psychologie, de ses sensibilités, de sa dynamique. Bref la communication ne répond pas à une géométrie figée et préconçue ; elle est dynamique et évolue par réajustements. Il est donc difficile de se prononcer. Seule la fin justifie les moyens. Cela dit, les débats Affi - Ahoussou et Blé Goudé-KKb ont quelque chose de remarquable.
Celui de Blé nous rappelle qu’en communication, il faut allier pertinence et opportunité.
Le débat sur la vraie nationalité de Ouattara n’est pas nouveau. Mais, tel que relancé par Blé Goudé et Konaté Navigué, la démonstration est imparable. De toute évidence, La majorité présidentielle en tirera d’énormes bénéfices. En deux minutes les représentants de Gbagbo sur le plateau de la Rti ont réussi à convoquer tous les observateurs de la scène ivoirienne à plus de prudence et de circonspection dans le débat sur l’ivoirité et la xénophobie. Tous, connaissons la crédibilité d’un “fellows directory”. Les Ivoiriens et la communauté internationale sont interpellés.
Tout comme Affi N’Guessan qui a interpelé La majorité présidentielle sur la confusion trop souvent faite entre ce qu’il a appelé la nébuleuse Rhdp et le Rdr. Là aussi, c’est bien joué.
Chapeau également à Ahmed Bakayoko qui a su s’imposer à Oussou Kouadio.
Quelles sont, selon vous les chances des candidats ?
J’ai coutume de dire qu’une élection prend en compte plusieurs variables aléatoires, pour paraphraser les mathématiciens.
C’est d’ailleurs en ces raisons qu’il faut éviter de s’installer dans une logique arithmétique pour affirmer que le Rdr gagnera parce que Bédié à appelé à voter pour Ouattara. Gbagbo a une avance mathématique notable qui pèse dans l’équation. A cela, s’ajoute le caractère national de son électorat. Si je considère, en outre, que les deux candidats se partageront l’électorat de Bédié je me crois obligé d’admettre qu’il est plus probable que La majorité présidentielle l’emporte.
Cela dit, le débat entre les deux candidats ce jeudi sera déterminant. Là aussi Gbagbo a la meilleure posture parce que seuls certains aspects de son bilan seront mis en cause.
Mais il aura beau jeu de dire qu’il le partage avec l’opposition qu’il a été contraint d’admettre dans l’équipe gouvernementale, sans omettre qu’il a pour lui le fait que dans le subconscient collectif des Ivoiriens il est gravé que c’est Ouattara le père de la rébellion, comme l’a affirmé, du reste, Koné Zacharia.
C’est une question, il faut l’admettre, qui fâche et dessert le Rdr. Il y a à côté de ces faits la dernière entreprise de Blé Goudé et Konaté Navigué. Elle fera mouche.
Tché Bi Tché