A cause de la psychose née des élections présidentielles, les exportations commencent à battre de l’aile et le poids des importations devient de plus en plus léger. Au port d’Abidjan, le flux de marchandises s’est quelque peu déprécié. Les plus pessimistes n’hésitent pas à qualifier la situation d’inquiétante pour ne pas dire alarmante. Au niveau du cacao, les camions arrivent au compte-goutte. Pour Fulbert Lachkar, un négociant, il ne faudrait surtout pas que les sociétés exportatrices de fèves s’attendent à des jours de grâce. En effet, à chaque fois que des étincelles éclatent dans le ciel politique, les acteurs changent les méthodes de travail. Conséquence, le trafic de cacao enregistre un recul. En principe, dans la période d’octobre-novembre-décembre, les exportations de fèves portent sur 300.000 tonnes. Mais ce niveau peut être compromis si la crise perdure. «Il n’y a pas de grande incidence pour le moment. Toutefois, on peut craindre si les perturbations perdurent », analyse Alexis Nezy, un administratif de la filière. En effet, les acheteurs ont pris un peu de distance au bord champ et les camions arrivent à la sauvette sur les lieux de la collecte. Ainsi, plus de 25.000 tonnes de cacao sont stockées dans les plantations et attendent d’être acheminées vers les ports d’Abidjan et de San Pedro. Presque une fatalité pour les exportateurs qui craignent un accroissement de leurs difficultés. En fait, les frais de magasinage et autres acconages alourdissent les charges. Mais il y a aussi le problème des délais qui impacte la qualité. «La situation sociale est confuse. Il peut s’avérer que le contrôle qualité introduit le 1er novembre par le comité de gestion devienne difficile à respecter», s’inquiète Francis Lemon, un chocolatier. Ce contrôle est défini comme la capacité de retracer, à travers toutes les étapes de la production, du conditionnement, de la transformation et de la distribution, le cheminement du cacao destiné à être incorporé dans une denrée alimentaire. Concrètement, il s’agit de collecter l’information et de la consigner sur un support exploitable «on line», et de la rendre accessible à tous les acteurs concernés. «La traçabilité doit être continue et couvrir l’amont (d’où vient le produit) et l’aval (à qui il a été vendu) et ce, à toutes les étapes », explique M. Lemon. Elle devrait, par conséquent, permettre aux opérateurs de retirer du marché les produits jugés non conformes à la législation européenne. Cette procédure de rappel suppose de connaître à tout moment l’emplacement des différents lots et produits. De toute façon, certains opérateurs économiques étaient préparés aux perturbations post-électorales. Pour l’heure, l’essentiel des entreprises a réussi la transition. Si l’on se limite aux produits agricoles, la situation est loin d’être reluisante. Au comité de gestion, on subit le problème. Même si les sociétés organisées se préparent à récupérer les parts de marché qui pourraient être laissées en rade, il leur sera difficile de combler le manque à gagner total. Mais mieux vaut tard que jamais. Il n’en demeure pas moins que le retard concédé sera difficile à combler, tant la situation est volatile.
Lanciné Bakayoko
Lanciné Bakayoko