La guerre des nerfs a pris fin hier. Comme un couperet, le verdict de la joute électorale du 28 novembre dernier est tombé. Le président de la Commission électorale indépendante, Youssouf Bakayoko, a donné les résultats du second tour de l’élection présidentielle. Mettant ainsi fin à cinq jours de suspense. Mais pour en arriver là, que de rebondissements ! Jeudi 2 heures du matin, les portes de la CEI se ferment. Les derniers occupants de la résidence qui abrite l’institution, sortent. La presse accourt vers eux. « Désolé, ce ne sera pas encore pour aujourd’hui. Rendez-vous ce matin à 11 heures », laisse-t-on entendre. Les journalistes, fatigués et déboussolés, quittent les lieux en plein couvre-feu. 7 heures du matin, le couvre-feu vient de finir il y a une heure. Les activités reprennent. Mais les nouvelles dans la cité ne sont pas bonnes. A Yopougon, le siège du RDR a été attaqué dans la nuit par des hommes armés. Bilan de cette barbarie : au moins neuf morts et plusieurs blessés. De jeunes froidement assassinés dans les locaux du siège. Selon l’armée, ces jeunes gens étaient en possession d’un colis suspect. La ville est sur le choc. Les militants et sympathisants du RHDP sont à la fois inquiets et révoltés devant tant de méchanceté. 10 heures, la rumeur enfle. La CEI va proclamer les résultats, nous dit-on. La presse s’interroge où se fera la proclamation. 11 heures, nous recevons un SMS qui nous annonce une conférence de presse au Golf hôtel. Nous rallions notre base vers 12h30. Sur le chemin, un autre message nous confirme la proclamation des résultats dans une heure. Arrivé au Golf hôtel, le hall est bondé de monde. « On attend la proclamation », attend-on dire ça et là. « Quelle proclamation ? », interrogeons-nous. « Des résultats », nous rétorque-t-on. Nous ne comprenons plus rien. On nous fait savoir que le président de la CEI est en entretien avec le Premier ministre. Il viendra proclamer après les résultats. 14h30, point de proclamation. L’impatience commence à gagner les journalistes appelés pour couvrir l’événement. De plus, en lieu et place d’une proclamation, on parle de plus en plus d’une conférence de presse du candidat du RHDP, le docteur Alassane Ouattara. 14h45, nous recevons un coup de fil de la rédaction. Le président du Conseil constitutionnel aurait convoqué la presse. On nous demande de vérifier l’information. Quelques coups de fil à gauche et à droite. L’information est confirmée. Nous appelons notre rédaction pour confirmer l’info. Nous sommes proposé à aller couvrir l’événement. Un quart d’heure plus tard, nous voilà au Conseil constitutionnel. Nous retrouvons des confrères de la presse nationale et internationale sur place devant le siège de l’institution. Après 30 minutes d’attente, nous sommes conviés à pénétrer les locaux du Conseil. La conférence de presse va commencer. A l’intérieur, nous trouvons déjà en place le président du Conseil constitutionnel, Paul Yao N’Dré, flanqué du secrétaire général de l’institution et d’une collaboratrice. Le président du Conseil constitutionnel lit une déclaration. Il déclare que le délai de trois jours impartis à la Commission électorale indépendante étant expiré, le Conseil constitutionnel est maintenant en droit de ce saisir du dossier. Il rappelle qu’elle a sept jours pour statuer sur les requêtes des candidats. La déclaration fait à peine trois minutes. La séance est levée sans autre forme de procès. On rappelle aux journalistes qui veulent en savoir plus que c’est point de presse. Nous sortons rapidement des locaux du Conseil constitutionnel et nous mettons le cap sur le Golf hôtel. A notre arrivée, nous constatons que le dispositif sécuritaire a été corsé. Nous nous disons que c’est pour protéger toutes les personnalités présentes à l’hôtel. Nous arrivons dans le hall. Toujours bondé de monde. Nous lisons l’impatience et la fatigue sur les visages. Nous devisons avec des amis. La discussion est houleuse et porte sur la dernière déclaration du président du Conseil constitutionnel. 30 minutes plus tard, nous sommes convoqués dans la salle de conférence. Le président de la Commission électorale indépendante fait son apparition dans la salle. Il va s’asseoir devant les cameras et les micros et fait sa déclaration. « Laurent Gbagbo 45,90% des voix et Alassane Ouattara 54,10% », annonce-t-il. Dehors dans tout l’hôtel, la nouvelle est relayée. Les secondes qui suivent sont indescriptibles. Chacun se lâche. On ne reconnaît plus les uns et les autres. C’est l’hystérie totale. Les scènes de joie se multiplient. Nous décidons de quitter le Golf hôtel pour notre base. Couvre-feu et heure de bouclage oblige.
Jean-Claude Coulibaly
Jean-Claude Coulibaly