André Janier, ancien ambassadeur de France en Irak et en Côte d'Ivoire, réagit, pour LExpress.fr, à la mise en ligne de 250.000 courriers diplomatiques par Wikileaks.
Les documents mis en ligne par Wikileaks constituent-ils le "11 septembre diplomatique" décrit par le ministre italien des Affaires étrangères, Franco Frattini ?
Non, certainement pas. Les informations révélées par ces notes ne font que mettre noir sur blanc ce qui se dit dans les coulisses. La teneur des propos révélés n'étonne guère les habitués de la diplomatie.
Plusieurs dirigeants ont été la cible de propos acides dans ces documents; les diplomates ont-ils toujours un langage aussi libre ?
Les ambassadeurs sont en permanence invités à des réceptions, cela fait partie de leurs attributions. C'est le lieu où ils croisent tous leurs collègues diplomates, mais également nombre de hauts fonctionnaires du pays où ils sont travaillent. Dans ce cadre, les diplomates parlent, et parfois se "lâchent". En outre, pour recueillir des informations, on a souvent affaire à du donnant-donnant. Bien sûr, quand on veut que quelque chose reste confidentiel, on prévient son interlocuteur. Et celui qui brise la confidence est rapidement repéré et mis à l'index par les autres.
Donc, l'espionnage de diplomates entre eux, y compris chez les alliés des Américains n'est pas une révélation ?
Ce n'est pas une grande surprise. Il s'agit à proprement parler plus de "surveillance" que d'"espionnage" à mon sens. Quand on devient diplomate, on est averti que l'on va être constamment surveillé. Cela fait partie du métier. On vit la même chose dans le monde des affaires internationales. La lutte pour remporter des contrats est implacable, et toute information est bonne à prendre pour essayer de devancer les concurrents.
Les diplomates de l'Onu ou de l'Union européenne, ces deux grands "machins" comme disait de Gaulle, sont peut-être moins préparées que d'autres à la vigilance.
Plusieurs documents mis en ligne ont trait à la situation nucléaire en Iran et en Corée du Nord. Plusieurs pays, comme l'Arabie Saoudite, pressent les Etats-Unis d'agir...
Tout le monde est bien sûr à l'affût afin de savoir où en sont ces deux Etats dans leur course à l'armement. Mais que le roi Abdallah d'Arabie Saoudite ait appelé les États-Unis à attaquer l'Iran pour mettre fin à son programme nucléaire n'est sans doute pas une surprise pour Téhéran. Les relations entre les deux pays sont déjà exécrables et la révélation de ces câbles diplomatiques ne changera probablement pas la donne entre les deux voisins.
Comment doivent réagir les Etats à la divulgation de ces documents confidentiels ?
La France n'a pas à réagir à ces "révélations": ni protester, ni démentir. Tous les propos qui ont été tenus dans le cadre privé n'engagent de toute façon pas la Nation représentée par le diplomate, même quand ils sont repris par d'autres diplomates. [Le ministère des Affaires étrangères a déclaré en milieu de journée ne confirmer "aucun des propos attribués".]
A qui profite ce coup médiatique ?
Ne s'agit-t-il que d'un grand défouloir ? Y a-t-il des intérêts financiers ou politiques de certaines Nations en jeu? Je n'ai pas de réponse, mais c'est pourtant une question cruciale.
L’Express
Les documents mis en ligne par Wikileaks constituent-ils le "11 septembre diplomatique" décrit par le ministre italien des Affaires étrangères, Franco Frattini ?
Non, certainement pas. Les informations révélées par ces notes ne font que mettre noir sur blanc ce qui se dit dans les coulisses. La teneur des propos révélés n'étonne guère les habitués de la diplomatie.
Plusieurs dirigeants ont été la cible de propos acides dans ces documents; les diplomates ont-ils toujours un langage aussi libre ?
Les ambassadeurs sont en permanence invités à des réceptions, cela fait partie de leurs attributions. C'est le lieu où ils croisent tous leurs collègues diplomates, mais également nombre de hauts fonctionnaires du pays où ils sont travaillent. Dans ce cadre, les diplomates parlent, et parfois se "lâchent". En outre, pour recueillir des informations, on a souvent affaire à du donnant-donnant. Bien sûr, quand on veut que quelque chose reste confidentiel, on prévient son interlocuteur. Et celui qui brise la confidence est rapidement repéré et mis à l'index par les autres.
Donc, l'espionnage de diplomates entre eux, y compris chez les alliés des Américains n'est pas une révélation ?
Ce n'est pas une grande surprise. Il s'agit à proprement parler plus de "surveillance" que d'"espionnage" à mon sens. Quand on devient diplomate, on est averti que l'on va être constamment surveillé. Cela fait partie du métier. On vit la même chose dans le monde des affaires internationales. La lutte pour remporter des contrats est implacable, et toute information est bonne à prendre pour essayer de devancer les concurrents.
Les diplomates de l'Onu ou de l'Union européenne, ces deux grands "machins" comme disait de Gaulle, sont peut-être moins préparées que d'autres à la vigilance.
Plusieurs documents mis en ligne ont trait à la situation nucléaire en Iran et en Corée du Nord. Plusieurs pays, comme l'Arabie Saoudite, pressent les Etats-Unis d'agir...
Tout le monde est bien sûr à l'affût afin de savoir où en sont ces deux Etats dans leur course à l'armement. Mais que le roi Abdallah d'Arabie Saoudite ait appelé les États-Unis à attaquer l'Iran pour mettre fin à son programme nucléaire n'est sans doute pas une surprise pour Téhéran. Les relations entre les deux pays sont déjà exécrables et la révélation de ces câbles diplomatiques ne changera probablement pas la donne entre les deux voisins.
Comment doivent réagir les Etats à la divulgation de ces documents confidentiels ?
La France n'a pas à réagir à ces "révélations": ni protester, ni démentir. Tous les propos qui ont été tenus dans le cadre privé n'engagent de toute façon pas la Nation représentée par le diplomate, même quand ils sont repris par d'autres diplomates. [Le ministère des Affaires étrangères a déclaré en milieu de journée ne confirmer "aucun des propos attribués".]
A qui profite ce coup médiatique ?
Ne s'agit-t-il que d'un grand défouloir ? Y a-t-il des intérêts financiers ou politiques de certaines Nations en jeu? Je n'ai pas de réponse, mais c'est pourtant une question cruciale.
L’Express