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Économie Publié le jeudi 9 décembre 2010 | Nord-Sud

Marius Comoé (Fédération des consommateurs actifs de Côte d’Ivoire) : “Avec le couvre-feu, la famine frappe à nos portes”

L’impasse politique postélectorale dans laquelle s’engouffre la Côte d’Ivoire depuis le 28 novembre, inquiète la Fédération des consommateurs actifs de Côte d’Ivoire. Son président, Marius Comoé, tire la sonnette d’alarme pour éviter un drame alimentaire national.

Le pays se trouve, depuis plus d’une semaine, dans une impasse politique postélectorale à telle enseigne que les ménages ont du mal à joindre les deux bouts. Comment réagissez-vous à une telle crise?

Notre réaction est celle de citoyens épris de paix voulant s’engager sur la voie du développement intégral en vue de l’amélioration réelle des conditions de vie des populations. Les études menées par l’Institut national de la statistique (Ins) ont démontré que plus de 48% d’Ivoiriens sont pauvres.

C’est-à-dire qu’ils vivent avec moins de 500 Fcfa par jour. A partir du moment où de tels chiffres sont livrés par les services de l’Etat, il n’en demeure pas moins que nos autorités doivent se remettre au travail. Nous venons d’organiser des élections qui étaient censées sortir le pays de près de 10 ans de crise. Malheureusement, en lieu et place de cet objectif, on nous plonge dans une nouvelle ère de lutte politique à n’en point finir. Toute chose qui met en mal le bien-être des populations. Aujourd’hui, les consommateurs sont les grands perdants de cette lutte politique.

D’autant qu’ils croulent davantage sous le poids des difficultés d’ordre social, économique et surtout en termes de cherté incontrôlée et non maîtrisée du coût de la vie. Il faut que tous nos gouvernants comprennent que la lutte politique est bien. Mais, elle est bien surtout lorsqu’elle tend à améliorer les conditions de vie des populations pour lesquelles l’on prétend gouverner un pays.

Qu’ils savent raison garder et qu’ils s’entendent sur l’essentiel pour amener la Côte d’Ivoire à assumer son destin devant l’histoire du monde.

A quel niveau mesurez-vous l’impact de cette crise sur les prix à la consommation?

C’est incontestable de dire que la situation qu’on vit actuellement a des répercussions fâcheuses sur les prix des denrées de première nécessité. D’ailleurs à ce jour, la demande en produits de grande consommation est en constante hausse. Etant entendu que sur le marché, il y a une sorte de rupture. Aujourd’hui, dans certaines communes, trois bananes sont vendues à 1.000 Fcfa et dans d’autres quartiers, il faut débourser 1.500 Fcfa. Pourtant, c’est une denrée qui est produite dans notre pays. Le litre d’huile de palme raffinée est passé de 1.000 à 1.300 voire 1.500 Fcfa dans plusieurs communes de la capitale économique et dans les villes de l’intérieur. Le prix du kilo de sucre est devenu intenable et excède les 1.000 Fcfa. La bouteille de gaz de 12,5 kilos est rechargée à 6.000 ou 7.500 Fcfa au lieu de 3.500 F.CFA.

Au regard de la dégradation de la situation, est-ce qu’il ne faut pas craindre que cet agiotage et cette pénurie alimentaire ne conduisent à une grave disette ?

Nous sommes encore loin du scénario catastrophique pouvant conduire directement à une grave famine. Mais, force est de constater qu’il y a une spéculation excessive sur le marché. Au niveau des grossistes, il y a des pratiques commerciales qui tendent à faire une rétention de produits en vue de créer une pénurie et augmenter sournoisement les prix sur le marché. Au niveau du vivrier, on nous apprend que c’est à cause du couvre-feu que les femmes ont du mal à rallier les zones productrices et la capitale économique. Le couvre-feu, préalablement fixé de 19 heures à 6 heures du matin, a été ramené de 22 heures à 6 heures du matin. Malheureusement, cela n’est toujours pas de nature à assurer une bonne livraison du marché national. Or, en période normale, ces braves dames transportent tardivement (la nuit) leurs produits des zones rurales vers Abidjan. C’est regrettable. Donc si cette situation de couvre-feu perdure, c’est clair que la famine pourrait frapper à nos portes.

Peut-on envisager, dans un tel contexte, la mise en place de corridors de sécurité pour le transport du vivrier vers le marché national?

Il ne revient pas aux organisations de consommateurs de faire ce genre de travail. Mais en revanche, nous pouvons faire une proposition auprès des autorités. Mieux, nous pouvons demander au ministère du Commerce, à travers la direction du Commerce intérieur, de faire en sorte que le marché national soit suffisamment approvisionné en produits de grande consommation. Il revient donc à ce département ministériel de réfléchir sur la politique nécessaire à mener pour assurer un bon ravitaillement du marché en vivrier mais aussi en riz, en maïs, en tubercules,…C’est la seule condition pour éviter une grave pénurie qui, si rien n’est fait, aura des conséquences incalculables sur les populations déjà éprouvées par ces années de tension politique.

Votre structure a-t-elle mené des actions concrètes depuis le début de cette crise électorale ?

Absolument, nous n’avons eu de cesse de travailler aux côtés du ministère du Commerce durant ces dernières semaines. Mais, depuis la naissance de cet imbroglio politique après les élections du 28 novembre, les départements ministériels ont quasiment disparu. Chaque responsable de l’administration publique est resté terré chez lui. Eu égard à la situation assez lourde, nous n’avons eu aucun interlocuteur avec qui discuter pour faire des propositions. Nous avons espoir que tout rentrera bientôt dans l’ordre avec un président et un gouvernement acceptés de tous et qui travailleront pour le bonheur des populations.

Qu’est-ce que vous attendez finalement des différents acteurs économiques et surtout politiques?

En ce qui concerne les industriels, les grossistes et les détaillants, nous leur demandons de mettre fin à la rétention des produits pour éviter la pénurie et de jouer franc-jeu dans la pratique du commerce au niveau national. Quant aux gouvernants, nous leur demandons d’assurer leur devoir et leur obligation. Il peut ne pas y avoir de gouvernement mais, les départements ministériels demeurent et les responsables de l’administration sont en place. Chacun doit jouer son rôle jusqu’à ce qu’on revienne à la normalité. Puisque la situation des ménages se dégrade chaque jour.

Interview réalisée par Cissé Cheick Ely
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