Espoir déçu. Avec la persistance de la crise politique, tous les clignotants sont à nouveau au rouge. De fortes pesanteurs hypothèquent la collecte des ressources de l’Etat.
Mauvaise passe pour une Côte d’Ivoire déjà sous perfusion! Selon de nombreux analystes, le risque est grand que les turbulences politiques viennent accélérer le délitement progressif de l’économie ivoirienne. En effet, une nouvelle récession économique la guette, inversant le léger mieux né de l’Accord politique signé à Ouagadougou au premier trimestre de 2007. Pour l’exercice budgétaire à venir, le gouverneur de la Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’ouest (Bceao) Philippe-Henry Dakoury-Tabley avait misé sur un taux de croissance positif. Mais, en raison de la résurgence des violences, cette reprise économique attendue risque, hélas encore, de manquer au rendez-vous. «Ce qui se passe dans cette période post-électorale n’est pas de nature à maintenir les équilibres», observe Rémi Massadé, économiste. Sur les radars de l’administration du trésor public, les recettes fiscales rentrent mal et les déficits budgétaires se creusent.
Le déficit se creuse
Aujourd’hui, la politique économique ivoirienne se tasse. «Les secteurs productifs sont en chute libre», reconnaît Blaise Angoua, gestionnaire de grands comptes dans l’administration fiscale. En fait, avec une autre crise, la Côte d’Ivoire ne peut plus espérer tirer des ressources des exportations de ces produits de rente comme par le passé. Le système de production est en panne du fait de cette crise dont les répercussions sont visibles dans les zones de production de cacao et de coton. De nombreux exploitants agricoles englués dans les antagonismes post-électoraux n’ont plus le cœur à l’ouvrage. Ils se sont progressivement désengagés de la plupart des surfaces dans lesquelles ils détiennent des plantations. Conséquences, dans les régies financières, c‘est l’impasse notamment avec les difficultés de recouvrement des recettes publiques. Les secteurs primaires et tertiaires sont touchés. Les capacités de sécrétion d’argent des entreprises sont presque compromises. «Nous sommes en difficultés. Nos actions sont aujourd’hui limitées», explique le président du Syndicat national des fournisseurs de l’Etat (Synafeci), Faustin Gré. A cause de ces tensions politiques qui vont en s’enflammant, le port d’Abidjan se trouve sérieusement menacé de boycott. Les opérateurs économiques extérieurs réfléchissent à des solutions alternatives. «On ne peut pas continuer dans ce sens. Il faut chercher à en sortir », déclare Bamouni Ouédraogo, négociant auprès du Conseil burkinabé des chargeurs (CBC). De nombreux spécialistes prédisent des conséquences irrémédiables sur l’économie nationale. «Dans ce genre de crise, tous les mécontents ne reviennent plus même en cas de normalisation», estime N’Dabian Mélagne, professeur d’économie dans une université privée.
Hinterland anémié
Selon lui, le traumatisme que cette crise violente pourrait avoir sur certains opérateurs peut les obliger à détester à jamais de commercer avec la Côte d’Ivoire. La crainte est d’autant fondée que le gouvernement a déjà joué sur sa crédibilité en faisant des promesses aux opérateurs extérieurs pour ne pas les respecter finalement. Une catastrophe pour les pays sans littoral notamment le Burkina Faso, le Mali et le Niger. En effet, il ne faut pas oublier la dépendance de ces économies de l’hinterland vis-à-vis des ports ivoiriens. Les problèmes se traduisent par le fléchissement des échanges. L’on note une diminution des transferts financiers. Cette situation fait planer des pénuries notamment pour l’agriculture d’exportation. Si les engrais et les produits phytosanitaires ne sont pas en place à temps pour la campagne, celle-ci sera irrémédiablement mauvaise. Le port d’Abidjan, principal canal de transmission pour les échanges extérieurs de ces pays, assure 43 % des exportations. Mais, la diversification des points d’accès maritimes se dessine. A ce jour, plusieurs opérateurs envisagent de réorienter les flux vers d’autres ports concurrents comme Tema, Lomé, Cotonou, Dakar ou même Conakry. Mais rien n’est perdu. Ces itinéraires de substitution présentent un certain nombre d’inconvénients. D’abord, les surcoûts liés à la longueur et à la qualité des infrastructures routières. L’obligation pour les opérateurs économiques de recourir à d’autres ports de la sous-région autres que celui d’Abidjan induit automatiquement des coûts supplémentaires sur le transport des marchandises. Ce qui ne manquera pas de provoquer des spéculations et des répercussions sur le panier de la ménagère. Ensuite, le report du trafic dans d’autres ports concurrents aux infrastructures plus modestes engendre la saturation des voies de circulation, l’apparition de file d’attente et l’allongement de délais de rotation des véhicules, réduisant de ce fait la capacité globale de transport régional. On redoute que cette situation ne débouche sur une crise intérieure. L’impact au niveau agricole est aussi important car, les difficultés d’écoulement du cacao sont bien réelles. Le secteur du transport a souffert de la fermeture des frontières. Par ailleurs, la situation devient extrêmement préoccupante d’autant que l’instabilité éloigne l’espoir d’un bénéfice rapide de l’initiative des Pays pauvres très endettés (PPTE). Les finances publiques sont dans une situation délicate. Le spectre de l’inflation est palpable. Les experts qui tablaient sur une croissance positive dans l’ordre de 4 à 5 % déchantent, révisant les prévisions de croissance à la baisse. Les évènements en cours risquent, en effet, de changer la donne. Au niveau des recettes de porte, l’administration douanière doit compter avec le blocage des activités économiques. Au port d’Abidjan, on signale un encombrement des entrepôts de dépotage habituellement utilisés par le Burkina Faso et le Mali. Même les opérateurs ivoiriens qui s’investissent dans le transit des marchandises vers ces pays, ont mis en veilleuse leurs activités.
60 milliards perdus
Du côté de la douane, cette crise est perçue comme une source de difficulté pour les recettes. Selon la direction générale, les pertes de ces dernières semaines peuvent atteindre les 30 milliards Fcfa. Quand on y ajoute le manque à gagner au niveau du trésor et des impôts, ce sont pratiquement 60 milliards de Fcfa que l’administration laisse filer entre les doigts. Autant dire que le gouvernement aura beaucoup de pression à faire face aux objectifs qu’il s’est assignés.
Lanciné Bakayoko
Mauvaise passe pour une Côte d’Ivoire déjà sous perfusion! Selon de nombreux analystes, le risque est grand que les turbulences politiques viennent accélérer le délitement progressif de l’économie ivoirienne. En effet, une nouvelle récession économique la guette, inversant le léger mieux né de l’Accord politique signé à Ouagadougou au premier trimestre de 2007. Pour l’exercice budgétaire à venir, le gouverneur de la Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’ouest (Bceao) Philippe-Henry Dakoury-Tabley avait misé sur un taux de croissance positif. Mais, en raison de la résurgence des violences, cette reprise économique attendue risque, hélas encore, de manquer au rendez-vous. «Ce qui se passe dans cette période post-électorale n’est pas de nature à maintenir les équilibres», observe Rémi Massadé, économiste. Sur les radars de l’administration du trésor public, les recettes fiscales rentrent mal et les déficits budgétaires se creusent.
Le déficit se creuse
Aujourd’hui, la politique économique ivoirienne se tasse. «Les secteurs productifs sont en chute libre», reconnaît Blaise Angoua, gestionnaire de grands comptes dans l’administration fiscale. En fait, avec une autre crise, la Côte d’Ivoire ne peut plus espérer tirer des ressources des exportations de ces produits de rente comme par le passé. Le système de production est en panne du fait de cette crise dont les répercussions sont visibles dans les zones de production de cacao et de coton. De nombreux exploitants agricoles englués dans les antagonismes post-électoraux n’ont plus le cœur à l’ouvrage. Ils se sont progressivement désengagés de la plupart des surfaces dans lesquelles ils détiennent des plantations. Conséquences, dans les régies financières, c‘est l’impasse notamment avec les difficultés de recouvrement des recettes publiques. Les secteurs primaires et tertiaires sont touchés. Les capacités de sécrétion d’argent des entreprises sont presque compromises. «Nous sommes en difficultés. Nos actions sont aujourd’hui limitées», explique le président du Syndicat national des fournisseurs de l’Etat (Synafeci), Faustin Gré. A cause de ces tensions politiques qui vont en s’enflammant, le port d’Abidjan se trouve sérieusement menacé de boycott. Les opérateurs économiques extérieurs réfléchissent à des solutions alternatives. «On ne peut pas continuer dans ce sens. Il faut chercher à en sortir », déclare Bamouni Ouédraogo, négociant auprès du Conseil burkinabé des chargeurs (CBC). De nombreux spécialistes prédisent des conséquences irrémédiables sur l’économie nationale. «Dans ce genre de crise, tous les mécontents ne reviennent plus même en cas de normalisation», estime N’Dabian Mélagne, professeur d’économie dans une université privée.
Hinterland anémié
Selon lui, le traumatisme que cette crise violente pourrait avoir sur certains opérateurs peut les obliger à détester à jamais de commercer avec la Côte d’Ivoire. La crainte est d’autant fondée que le gouvernement a déjà joué sur sa crédibilité en faisant des promesses aux opérateurs extérieurs pour ne pas les respecter finalement. Une catastrophe pour les pays sans littoral notamment le Burkina Faso, le Mali et le Niger. En effet, il ne faut pas oublier la dépendance de ces économies de l’hinterland vis-à-vis des ports ivoiriens. Les problèmes se traduisent par le fléchissement des échanges. L’on note une diminution des transferts financiers. Cette situation fait planer des pénuries notamment pour l’agriculture d’exportation. Si les engrais et les produits phytosanitaires ne sont pas en place à temps pour la campagne, celle-ci sera irrémédiablement mauvaise. Le port d’Abidjan, principal canal de transmission pour les échanges extérieurs de ces pays, assure 43 % des exportations. Mais, la diversification des points d’accès maritimes se dessine. A ce jour, plusieurs opérateurs envisagent de réorienter les flux vers d’autres ports concurrents comme Tema, Lomé, Cotonou, Dakar ou même Conakry. Mais rien n’est perdu. Ces itinéraires de substitution présentent un certain nombre d’inconvénients. D’abord, les surcoûts liés à la longueur et à la qualité des infrastructures routières. L’obligation pour les opérateurs économiques de recourir à d’autres ports de la sous-région autres que celui d’Abidjan induit automatiquement des coûts supplémentaires sur le transport des marchandises. Ce qui ne manquera pas de provoquer des spéculations et des répercussions sur le panier de la ménagère. Ensuite, le report du trafic dans d’autres ports concurrents aux infrastructures plus modestes engendre la saturation des voies de circulation, l’apparition de file d’attente et l’allongement de délais de rotation des véhicules, réduisant de ce fait la capacité globale de transport régional. On redoute que cette situation ne débouche sur une crise intérieure. L’impact au niveau agricole est aussi important car, les difficultés d’écoulement du cacao sont bien réelles. Le secteur du transport a souffert de la fermeture des frontières. Par ailleurs, la situation devient extrêmement préoccupante d’autant que l’instabilité éloigne l’espoir d’un bénéfice rapide de l’initiative des Pays pauvres très endettés (PPTE). Les finances publiques sont dans une situation délicate. Le spectre de l’inflation est palpable. Les experts qui tablaient sur une croissance positive dans l’ordre de 4 à 5 % déchantent, révisant les prévisions de croissance à la baisse. Les évènements en cours risquent, en effet, de changer la donne. Au niveau des recettes de porte, l’administration douanière doit compter avec le blocage des activités économiques. Au port d’Abidjan, on signale un encombrement des entrepôts de dépotage habituellement utilisés par le Burkina Faso et le Mali. Même les opérateurs ivoiriens qui s’investissent dans le transit des marchandises vers ces pays, ont mis en veilleuse leurs activités.
60 milliards perdus
Du côté de la douane, cette crise est perçue comme une source de difficulté pour les recettes. Selon la direction générale, les pertes de ces dernières semaines peuvent atteindre les 30 milliards Fcfa. Quand on y ajoute le manque à gagner au niveau du trésor et des impôts, ce sont pratiquement 60 milliards de Fcfa que l’administration laisse filer entre les doigts. Autant dire que le gouvernement aura beaucoup de pression à faire face aux objectifs qu’il s’est assignés.
Lanciné Bakayoko