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Politique Publié le samedi 11 décembre 2010 | L’intelligent d’Abidjan

Gbagbo-Ouattara : pas de rencontre directe à l’ordre du jour

Tout le monde est d’accord pour dire que dans la vie, il ne faut jamais dire jamais. Mais les échos qui parviennent des diplomates et des couloirs des stratèges de chaque camp, laissent entendre que la sortie de la crise postélectorale sera bien difficile, même s’il ne sert à rien de jouer les alarmistes ni les pessimistes. Aux rumeurs de négociations en coulisses émanant des couloirs du RHDP, succèdent les déclarations de principes de la LMP pour recadrer l’appel au dialogue lancé par Laurent Gbagbo.

ETAT DES LIEUX

Pour discuter il faut être deux. Il faut également se mettre d’accord sur les termes de la discussion. A Marcoussis, à Accra, à Pretoria, et à Ouaga, malgré l’opposition à Laurent Gbagbo, personne parmi ses interlocuteurs n’avait jamais voulu lui disputer ni revendiquer sa qualité de chef d’Etat.

Tout au plus, par certaines arguties et dispositions juridiques, avait-on souvent tenté de le dépouiller de ses pouvoirs constitutionnels de Président de la République, pour le transformer en Reine d’Angleterre au profit des Premiers ministres dits de consensus.

Aujourd’hui la réalité est bien différente. Ouattara revendique la victoire. Gbagbo revendique la victoire. Comment vont-ils s’asseoir ensemble ?

En quelle qualité peuvent-ils s’asseoir pour discuter ? Se présenter en simple citoyen, ou comme de hauts cadres voulant discuter des problèmes de leur pays, est-il la meilleure formule ? Les préalables à remplir sont nombreux et sérieux. Et puis, ou la discussion va-telle se dérouler ? Dans les circonstances actuelles, Alassane Ouattara ne voudra pas se rendre au Palais présidentiel, ni à la résidence du chef de l’Etat. Et puis ce serait une folie de penser que Laurent Gbagbo accepterait de se rendre à l’hôtel du Golf. Une démarche de l’un ou l’autre dans ce sens équivaudrait à reconnaître la victoire de l’adversaire. Alors comment s’asseoir et discuter même quand les coeurs cesseront de se chauffer ?

Alassane Ouattara va-t-il désigner Soro Guillaume, Ahoussou Jeannot, Amadou Gon, Hamed Bakayoko, etc., d’une part et d’autre part Laurent Gbagbo va-t-il désigner Affi N’Guessan, Désiré Tagro, Alcide Djédjé, dans le cadre d’un dialogue indirect préliminaire à Yamoussoukro, comme le recommandent certaines sources diplomatiques, qui souhaitent que tout se déroule ici même en Côte d’Ivoire, puisqu’avec la condamnation unanime internationale, difficile pour le camp Gbagbo d’accepter d’aller à l’extérieur coupable de complot contre la souveraineté de la Côte d’Ivoire ?

SCENARIO 1, OU LA VICTOIRE DU CAMP GBAGBO

Laurent Gbagbo est reconnu et accepté comme président par le RHDP. En retour le RHDP obtient la primature ou bien une vice présidence pour Ouattara et un accord qui clarifie sans ambigüité les pouvoirs de chacun. Cet accord avalisé par l’ONU devrait entrer dans le dispositif institutionnel ivoirien, par le biais de l’article 48. Pas la peine d’aller loin dans cette voie de réflexion, car tout le monde voit bien déjà que nous ne ferons que maintenir la statu quo ante, duquel les Ivoiriens et la classe politique espéraient sortir en allant à ces élections de sortie de crise, qui nous ont pourtant conduit dans la nouvelle crise. Laurent Gbagbo qui vit déjà une telle situation, et la Côte d’Ivoire qui espérait en sortir, peuvent-ils vraiment gagner à poursuivre la voie des gouvernements dits N’zassa ou personne n’est responsable ? De toutes les façons, une élection législative bien organisée, à condition que tous s’accordent sur le Président élu, peut dégager légalement une majorité qui pourrait être différente de celle de l’élection présidentielle, et ainsi permettre une cogestion constitutionnelle et institutionnelle du pays. Pourquoi dans ce cas, faire encore des accords presque bidon, en s’asseyant pour discuter ? Le seul problème est qu’avant d’aller à l’élection législative, il faut bien s’accorder sur le nom du Président, ainsi que sur les règles du jeu devant régir la suite des élections, à l’effet d’éviter de nouveaux conflits.

SCÉNARIO 2, OU LA VICTOIRE DU CAMP OUATTARA

Laurent Gbagbo fait une adresse solennelle à la Nation et démissionne.

Des arrangements réglementaires sont trouvés pour assurer la transition et le passage du pouvoir à Alassane Ouattara.

Un accord est signé pour garantir un partage du pouvoir. La LMP peutelle ravir la Primature au détriment du PDCI-RDA ? Le RHDP saura-t-il garder sa cohésion ? Les exigences de la LMP seront-elles acceptables ? On voit déjà les plus extrémistes du camp Gbagbo, accuser leur chef de haute trahison et forfaiture. Laissons donc ce schéma qui semble fort improbable à réaliser. Laurent Gbagbo est dans une logique, dont il paraît difficile de sortir par un renoncement volontaire. Pour l’heure, aucun indice n’existe pour penser qu’Alassane Ouattara pourrait bénéficier du soutien et de la caution de Laurent

Gbagbo pour accéder pleinement à l’exercice de la fonction présidentielle qu’il revendique. Un schéma dont rêvent pourtant toutes les puissances et la communauté internationale, qui ne souhaitent pas d’effusion de sang , malgré la forte pression mise sur Laurent Gbagbo

SCÉNARIO 3 OU LA STRATÉGIE D’UNE VICTOIRE DANS LA DURÉE ET DANS LE POURRISSEMENT DE LA SITUATION

Il s’agit là de la stratégie du pourrissement et du chaos. La crise s’installe dans la durée. La guerre des décrets continue. La double allégeance se poursuit et on ne sait pas qui est vraiment avec qui. La résistance s’organise
et les provocations se multiplient de part et d’autres. L’administration ivoirienne se délite. L’insubordination prend de l’ampleur. Le pays tourne au ralenti. Personne ne veut lâcher du lest.

Les défections officielles peuvent se multiplier. Laurent Gbagbo peut faire encore des débauchages au sein du RHDP, comme Alassane Ouattara peut obtenir l’allégeance de certains barons du FPI. Chaque camp organise sa présidence.
Sur le plan extérieur, Ouattara nomme les ambassades et contrôle les finances, mais en interne Laurent Gbagbo résiste et continue de tenir la télé et l’Armée. La rue s’en mêle, le peuple crie famine, et se met en colère.

Le peuple crie sa révolte. Qui pourrait récupérer ensuite le pouvoir? Le vainqueur sera celui qui aura le nerf de la guerre,, les moyens de faire tourner la maison, et la machine d’Etat. Ce qui était redouté au départ, à savoir la révolte
des vaincus, pourrait être jugulé dans la durée. En effet le coeur de tout le monde étant chaud en ce moment comme l’a dit Laurent Gbagbo, si Alassane Ouattara gagne le combat ici et maintenant, il devra faire face à la fronde des partisans encore chauds de Laurent Gbagbo. Idem pour les partisans d’Alassane Ouattara prêts à emmerder la LMP et tous ses soutiens si Laurent Gbagbo s’installe. Mais si la crise dure encore quelques semaines, et que chacun va au bout de ses limites, le vainqueur éventuel, aura eu les moyens de neutraliser et de mettre hors d’état de nuire, les vaincus, qui pour leur part, auront pu éprouver aussi bien leurs forces que leurs faiblesses et limites.

Contrairement à ceux qui sont pressés et qui prédisent dans un camp comme dans l’autre un dénouement dès lundi, ou à la fin de l’année 2010, la solution de la crise postélectorale pourrait prendre plus de temps que prévu.

Le pays va forcement en souffrir, mais pour que chaque camp accepte de faire des concessions, il faut jouer sur le temps et sur la durée. Il faut s’attendre à ce que les uns et les autres soient d’abord fatigués. Il a fallu des années pour que Laurent Gbagbo et Guillaume Soro acceptent de collaborer, l’un reconnaissant l’autre comme Président, et l’autre acceptant l’autre comme un possible Premier ministre.

Pourquoi veut-on donc espérer que la crise actuelle soit résolue en quelques jours seulement ? L’option de l’affrontement armé ayant été écartée, ainsi que celle de la violence dans la rue pour le moment, les uns et les autres devraient s’apprêter pour vivre une crise longue. Mais pour qui le temps vatil jouer ? Le temps sera profitable, entre Laurent Gbagbo et Alassane Ouattara à celui, qui ne se montrera pas impatient.

Le candidat Ouattara, ayant déjà attendu depuis de longues années d’être éligible et président, saura-t-il encore rester serein dans la crise et calmer l’ardeur des siens, ou bien l’impatience le conduira-t-il à commettre des erreurs qui vont le perdre? Pour sa part pendant encore combien de temps, Laurent Gbagbo, habitué certes à la crise dans la gestion de l’Etat, et qui voulait vraiment en sortir par une élection qui le légitime et lui donne les moyens de bâtir la paix et la prospérité sur la démocratie, peut-il à nouveau tenir la même pression subie ces dix dernières années ?

Charles Kouassi
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