“Ceux qui savent partir, reviennent toujours », a dit un grand homme politique à l’un de ses fidèles qui se plaignaient d’être sorti du système de gouvernement. Ce grand homme ne le disait pas si bien. Car ce qui arrive aujourd’hui en Côte d’Ivoire est symptomatique et révélateur de cette vérité que tentait d’inculquer cet homme politique à son filleul. Laurent Gbagbo a été proprement battu par Alassane Dramane Ouattara. Tout le monde attendait qu’il reconnaisse sa victoire et lui cède le pouvoir. Mais le champion de la refondation a refusé de rentrer dans l’Histoire. Laurent Gbagbo s’accroche au pouvoir envers et contre tous. Il se bouche les oreilles et refuse d’entendre raison. Grillant ainsi les dernières cartes qu’il avait encore de réussir sa sortie et surtout les chances qu’il avait pour un éventuel come back. L’histoire foisonne d’exemples d’hommes qui ont compris cette vérité en s’en allant à temps. Le premier des cas a été celui du général Olusegun Obasanjo du Nigeria. Ce dernier avait perpétré un coup d’Etat militaire à la fin des années 70. Mais après près de trois années d’exercice, il a préféré remettre en 1979 le pouvoir civil du président Sehu Shagari sur la pression de la communauté internationale. Plus de 20 ans plus tard, l’ancien général est arrivé au pouvoir par la voie des urnes. Le peuple nigérian n’avait pas oublié l’acte qu’il avait posé deux décennies plus tôt. En 1990, le vent qui a bouleversé l’Europe de l’Est souffle sur l’Afrique. Les pays de l’Afrique francophone semble avoir intériorisé le discours prononcé le discours prononcé le 20 juin 1990 à La Baule par le président François Mitterrand qui demandait plus d’ouverture démocratique aux présidents africains. Tout le monde semble avoir compris l’injonction. Sauf le général Moussa Traoré du Mali. Son intransigeance crée de graves émeutes meurtrières dans tout le pays. Le successeur de Modibo Kéita finit par être emporté par un coup d’Etat le 26 mars 1991. Son tombeur ? Un jeune lieutenant- colonel. Il s’appelle Amadou Toumani Touré. Il met en place une transition militaire. Il promet de d’organiser des élections dans un an. Alors que l’échéance approche, ses partisans l’encouragent de confisquer le pouvoir. Mais le jeune officier résiste à la tentation. Les élections sont organisées. Le Pr. Alpha Oumar Konaré est élu président de la République. Le général ATT comme on l’appelle quitte le pouvoir et sillonne l’Afrique et le monde pour mettre son expérience au service des règlements des crises. Dix ans plus tard, ATT brigue la magistrature suprême dans son pays. Il est plébiscité par le peuple malien. Toujours dans les années 90, le major Mathieu Kérékou, après une longue conférence nationale qui a réuni toutes les forces vives du Benin, est aux prises à l’élection présidentielle à Nicéphore Dieudonné Soglo, un éminent économiste. Le « caméléon » comme l’appelle affectueusement ses compatriotes est battu. Malgré l’humiliation de la défaite, celui qui a dirigé de mains de fer l’ancienne République du Dahomey pendant près de deux décennies, est obligé de respecter le verdict des urnes. Il s’incline devant le verdict des urnes et quitte le pouvoir. Cinq ans après, le même Mathieu Kérékou qui a été vomi par son peuple tient sa revanche. Face aux errements du président Soglo, le peuple le réclame. C’est par un score sans appel qu’il bat son ancien challenger et redevient à nouveau chef d’Etat. En dehors des cas de ces hommes politiques, l’on peut citer celui du président Abdou Diouf au Sénégal qui, malgré l’hostilité de ses proches, a cédé le pouvoir à son rival, Me Abdoulaye Wade à l’issue de l’élection présidentielle de 2000 qu’il a perdue. Ces grands hommes politiques, par leur attitude qui traduit un sens élevé de l’Etat, sont entrés à jamais dans l’Histoire, en donnant une chance à l’alternance démocratique dans leur pays. Laurent Gbagbo avait encore cette chance de le devenir il y a quelques jours. Il lui suffisait de reconnaitre sa défaite et de céder le pouvoir au président Alassane Dramane Ouattara. Pour espérer revenir cinq ans plus tard. Malheureusement pour lui, il a choisi de rentrer dans l’Histoire à reculons. A lui désormais d’assumer.
Jean-Claude Coulibaly
Jean-Claude Coulibaly