La spéculation fait rage dans les marchés de vivriers.
Tout se passe comme si les commerçants et les transporteurs obéissent tous au même mot d’ordre : ne pas desservir ou ouvrir à moitié et laisser les clients sans réelles provisions. Sur le terrain, les différents opérateurs de ces deux secteurs d’activité en font presque à leur tête. Mais qui contrôle ce beau monde ? Parfois les syndicats, parfois les organisations professionnelles, mais aussi les opérateurs économiques eux-mêmes. Y a-t-il une loi pour forcer la main aux commerçants et aux transporteurs afin de les contraindre à assurer ou à maintenir un certain équilibre non seulement au niveau du ravitaillement mais également des prix ?
On a peur
«La constitution ivoirienne garantit la liberté de mouvement. Et puis, ce n’est pas être criminel de garder un œil ouvert sur le quotidien de nos activités en cette période de grande incertitude. Qui va nous rembourser si des vandales venaient à nous attaquer comme c’est le cas aujourd’hui dans divers quartiers ? On ne peut pas nous reprocher d’être vigilants », fait remarquer le président de la Fédération nationale des commerçants de Côte d’ivoire (Fenacci). Selon Farikou Soumahoro, les opérateurs économiques sont sur des braises à cause des difficultés d’approvisionnement notamment en produits périssables. Conséquences, plusieurs personnes désemparées se bousculent dans les marchés ou les échoppes des vendeurs de fruits et légumes ainsi que dans les magasins d’alimentation générale pour faire des emplettes. Ce constat n’est pas fait seulement chez les habitants des quartiers populeux mais également partout dans les communes huppées du district. A Adjamé, on se dispute pour des produits alimentaires dans les quelques dépôts qui s’efforcent de rester ouverts en dépit des menaces récurrentes d’attaques. En effet, les rares commerçants qui ont encore le courage de poursuivre leurs activités, malgré l’insécurité grandissante, ont trouvé le bon filon : augmenter les prix et tricher sur la qualité de la marchandise proposée. C’est une vieille bonne méthode qui continue à fonctionner sur tous les marchés de la capitale économique ivoirienne. Du côté des féculents, l’igname est introuvable et les tubercules écoulés sur les trottoirs sont cédés à prix d’or. Plus de 600 Fcfa l’unité. Quant à la banane plantain, elle est l’objet de pénurie. De ce fait, seuls quelques privilégiés peuvent se donner le luxe de manger du foutou. Les commerçantes s’époumonent à améliorer l’offre sans vrai résultat. Les aléas climatiques conjugués à la conjoncture de l’heure viennent exacerber le déficit du terrain. En ce qui concerne les tomates, elles subissent la même situation. Les olivettes sont par exemple cédées à 200 Fcfa, le tas. Aberrant, quand on sait que ces variétés très prisées pourrissent dans les champs d’Abengourou et de Bouaké où les cultivateurs évoquent de simples problèmes de transport. «Il y a du produit dans les plantations. Malheureusement, en raison de la situation qui prévaut, les camionneurs refusent de se rendre bord-champ. Ce qui rend le ravitaillement insuffisant», explique Lizié Chantal, présidente de la Coopérative «Lizié Famille » de Yopougon, fustigeant la surenchère des fournisseurs et autres intermédiaires. Mais malgré les fortes spéculations, les vendeurs sont assurés de trouver preneur. «Que pouvons-nous faire ? On n’a pas le choix », se résigne Marguerite Koffi, une ménagère. Des légumes de moindre qualité à des prix plus élevés que d’habitude, les populations semblent ne pas avoir d’alternative aujourd’hui.
Effets collatéraux
Si pour les besoins de la consommation domestique, les populations se sentent obligées de rentrer dans les rangs, il en va autrement pour les professions connexes. A titre d’exemple, de nombreux restaurants ont entrebâillé leurs portes, faute d’ingrédients à moindre coût. «Les condiments sont devenus extrêmement chers. Ce qui érode considérablement nos marges. On ne peut pas travailler pour rien», tente d’expliquer Nicole Amoin, propriétaire du restaurant «Les trois colatiers » de Yopougon-Niangon. Dans une moindre mesure, il y a aussi l’absentéisme lié à la présence présumée de «tueurs libériens» qui s’attaqueraient à ceux qui se lèvent tôt. Les jeunes cuisinières et les serveurs viennent tous du bled. «Pour être au restaurant, il faut se réveiller de bonne heure. Or, les rumeurs de dérives politiques s’amplifient dans les quartiers précaires», note Hortense, serveuse au maquis «La belle auberge» de Toits-rouges. En tout état de cause, la situation ne reviendra à la normale qu’après la crise, le temps pour les grossistes et les gérants de magasins rentrés de leur peur de s’approvisionner chez leurs fournisseurs habituels. Au niveau des transports, Abidjan a du mal à atteindre sa vitesse de croisière. Les chauffeurs de Gbakas et autres taxis-compteurs fonctionnent au ralenti. Ils sont très prudents, parce que, disent-ils, personne ne sait quand ça déclenche. «Nous nous méfions à cause de l’insécurité. Chaque fois qu’il y a des débordements politiques, nos camions sont les premières victimes», argue Adama Touré, président de la Coordination nationale des gares routières. De leur côté, les bus sont relativement moins visibles. La plupart des stations de la capitale sont boudées par les usagers, et très peu sont les chauffeurs de bus qui assurent les dessertes. En effet, la Sotra assure pour le service minimum durant les différents évènements. Pendant la nuit, la capitale devient pratiquement un tombeau où seules quelques rares personnes traînent, voire s’aventurent dehors, à la recherche d’un endroit chaud loin du stress.
Lanciné Bakayoko
Tout se passe comme si les commerçants et les transporteurs obéissent tous au même mot d’ordre : ne pas desservir ou ouvrir à moitié et laisser les clients sans réelles provisions. Sur le terrain, les différents opérateurs de ces deux secteurs d’activité en font presque à leur tête. Mais qui contrôle ce beau monde ? Parfois les syndicats, parfois les organisations professionnelles, mais aussi les opérateurs économiques eux-mêmes. Y a-t-il une loi pour forcer la main aux commerçants et aux transporteurs afin de les contraindre à assurer ou à maintenir un certain équilibre non seulement au niveau du ravitaillement mais également des prix ?
On a peur
«La constitution ivoirienne garantit la liberté de mouvement. Et puis, ce n’est pas être criminel de garder un œil ouvert sur le quotidien de nos activités en cette période de grande incertitude. Qui va nous rembourser si des vandales venaient à nous attaquer comme c’est le cas aujourd’hui dans divers quartiers ? On ne peut pas nous reprocher d’être vigilants », fait remarquer le président de la Fédération nationale des commerçants de Côte d’ivoire (Fenacci). Selon Farikou Soumahoro, les opérateurs économiques sont sur des braises à cause des difficultés d’approvisionnement notamment en produits périssables. Conséquences, plusieurs personnes désemparées se bousculent dans les marchés ou les échoppes des vendeurs de fruits et légumes ainsi que dans les magasins d’alimentation générale pour faire des emplettes. Ce constat n’est pas fait seulement chez les habitants des quartiers populeux mais également partout dans les communes huppées du district. A Adjamé, on se dispute pour des produits alimentaires dans les quelques dépôts qui s’efforcent de rester ouverts en dépit des menaces récurrentes d’attaques. En effet, les rares commerçants qui ont encore le courage de poursuivre leurs activités, malgré l’insécurité grandissante, ont trouvé le bon filon : augmenter les prix et tricher sur la qualité de la marchandise proposée. C’est une vieille bonne méthode qui continue à fonctionner sur tous les marchés de la capitale économique ivoirienne. Du côté des féculents, l’igname est introuvable et les tubercules écoulés sur les trottoirs sont cédés à prix d’or. Plus de 600 Fcfa l’unité. Quant à la banane plantain, elle est l’objet de pénurie. De ce fait, seuls quelques privilégiés peuvent se donner le luxe de manger du foutou. Les commerçantes s’époumonent à améliorer l’offre sans vrai résultat. Les aléas climatiques conjugués à la conjoncture de l’heure viennent exacerber le déficit du terrain. En ce qui concerne les tomates, elles subissent la même situation. Les olivettes sont par exemple cédées à 200 Fcfa, le tas. Aberrant, quand on sait que ces variétés très prisées pourrissent dans les champs d’Abengourou et de Bouaké où les cultivateurs évoquent de simples problèmes de transport. «Il y a du produit dans les plantations. Malheureusement, en raison de la situation qui prévaut, les camionneurs refusent de se rendre bord-champ. Ce qui rend le ravitaillement insuffisant», explique Lizié Chantal, présidente de la Coopérative «Lizié Famille » de Yopougon, fustigeant la surenchère des fournisseurs et autres intermédiaires. Mais malgré les fortes spéculations, les vendeurs sont assurés de trouver preneur. «Que pouvons-nous faire ? On n’a pas le choix », se résigne Marguerite Koffi, une ménagère. Des légumes de moindre qualité à des prix plus élevés que d’habitude, les populations semblent ne pas avoir d’alternative aujourd’hui.
Effets collatéraux
Si pour les besoins de la consommation domestique, les populations se sentent obligées de rentrer dans les rangs, il en va autrement pour les professions connexes. A titre d’exemple, de nombreux restaurants ont entrebâillé leurs portes, faute d’ingrédients à moindre coût. «Les condiments sont devenus extrêmement chers. Ce qui érode considérablement nos marges. On ne peut pas travailler pour rien», tente d’expliquer Nicole Amoin, propriétaire du restaurant «Les trois colatiers » de Yopougon-Niangon. Dans une moindre mesure, il y a aussi l’absentéisme lié à la présence présumée de «tueurs libériens» qui s’attaqueraient à ceux qui se lèvent tôt. Les jeunes cuisinières et les serveurs viennent tous du bled. «Pour être au restaurant, il faut se réveiller de bonne heure. Or, les rumeurs de dérives politiques s’amplifient dans les quartiers précaires», note Hortense, serveuse au maquis «La belle auberge» de Toits-rouges. En tout état de cause, la situation ne reviendra à la normale qu’après la crise, le temps pour les grossistes et les gérants de magasins rentrés de leur peur de s’approvisionner chez leurs fournisseurs habituels. Au niveau des transports, Abidjan a du mal à atteindre sa vitesse de croisière. Les chauffeurs de Gbakas et autres taxis-compteurs fonctionnent au ralenti. Ils sont très prudents, parce que, disent-ils, personne ne sait quand ça déclenche. «Nous nous méfions à cause de l’insécurité. Chaque fois qu’il y a des débordements politiques, nos camions sont les premières victimes», argue Adama Touré, président de la Coordination nationale des gares routières. De leur côté, les bus sont relativement moins visibles. La plupart des stations de la capitale sont boudées par les usagers, et très peu sont les chauffeurs de bus qui assurent les dessertes. En effet, la Sotra assure pour le service minimum durant les différents évènements. Pendant la nuit, la capitale devient pratiquement un tombeau où seules quelques rares personnes traînent, voire s’aventurent dehors, à la recherche d’un endroit chaud loin du stress.
Lanciné Bakayoko