Le président ivoirien, Laurent Gbagbo a eu un week-end médiatique très chargé. Il a accordé successivement des interviews à deux quotidiens français, le Monde et Figaro. Nous publions ci-dessous les deux interviews.
Le Monde :La Cédéao, l'organisation économique des pays d'Afrique de l'Ouest, menace de recourir à la "violence légitime", en d'autres termes d'intervenir militairement en Côte d'Ivoire. Prenez-vous ces menaces au sérieux ?
Laurent Gbagbo : Les menaces, il faut les prendre au sérieux mais après, il faut garder la tête froide et se rendre compte que ce serait bien la première fois que des pays africains partiraient en guerre contre un autre pays parce qu'une élection s'est mal passée. Regardez la carte de l'Afrique, regardez la carte des élections qui se passent plus ou moins bien, plus ou moins mal, et puis la carte de là où il n'y a pas d'élections du tout. Si on devait aller en guerre avec cette carte-là, je crois que l'Afrique serait perpétuellement en guerre. Donc je prends cela au sérieux parce que ce sont des menaces, mais je reste tranquille, j'attends de voir.
Vous croyez à la possibilité d'une intervention militaire ?
- Les choses peuvent déraper à tout moment, donc il faut prendre tout au sérieux, mais ils ont décidé de m'envoyer une délégation [de chefs d'Etat mardi]. On aurait dû commencer par là. On aurait économisé beaucoup de choses, beaucoup de salive, beaucoup d'adrénaline. Il faut venir voir ce qui se passe en Côte d'Ivoire, et quand on a vu ce qui se passe, alors on prend les décisions.
Y a-t-il des conditions qui vous permettraient de négocier avec M. Ouattara ?
- Je ne pose jamais de préalables quand je discute. Moi, je constate que les règles en vigueur en Côte d'Ivoire, qui n'ont jamais été dénoncées par qui que ce soit, font que je suis le président de la République, donc naturellement, quand on discutera je vais mettre ça sur la table, il faut dire que ces règles-là n'ont été dénoncées par personne. Vous avez parlé de complot de la France et des Etats-Unis contre la Côte d'Ivoire.
De quoi s'agit-il ?
- Avant les élections, j'ai fait ma part. J'ai demandé que les autres [les ex-rebelles] fassent leur part en désarmant. Toutes les pressions sont faites pour qu'on aille aux élections sans désarmement. Là, on peut parler du début du complot. Toutes les pressions, de toutes parts. Moi-même je n'avais pas de raison de douter des rebelles avec qui j'étais en accord avec l'accord de Ouagadougou, et avec lesquels je gérais la sortie de crise. Je les voyais bien, intégrés, se comportant de façon loyale, je n'avais pas de raison de douter qu'ils allaient utiliser après les armes qu'ils n'avaient pas déposées pour pervertir les élections. Ensuite, les institutions en place, reconnues par tous [en réalité, le Conseil constitutionnel], elles proclament le président élu, tout le monde dit : " non, c'est Ouattara que nous tenons pour président ".
Qui est ce "nous" ?
- Ce nous c'est d'abord la France, mais c'est surtout l'ambassadeur de France et l'ambassadeur des Etats-Unis. Nous voilà au terme du premier tour. Les résultats sont un peu contestables mais je ne les ai pas contestés. On va au deuxième tour, la CEI [Commission électorale indépendante] a trois jours pour donner des résultats, elle ne les donne pas. A minuit moins le quart, le président de la CEI, M. Bakayoko, intervient à la télévision, on lui dit que TV5 aurait donné des résultats, il fait une mise au point nette pour dire : nous n'avons donné aucun résultat. Minuit arrive. Candidat, je suis devant mon poste de télévision, parce que c'est le moment que tous les candidats guettent pour voir comment les votes se sont portés sur eux. Minuit passe. La CEI est "off". Le lendemain, l'ambassadeur de France et l'ambassadeur des Etats-Unis vont chercher Youssouf Bakayoko, président de la CEI, et l'amènent à l'hôtel du Golf, qui est le quartier général de mon adversaire. On apprend qu'il y a une télévision étrangère, sur laquelle aurait été donné le résultat qui donne Ouattara vainqueur. Le président du Conseil constitutionnel intervient pour dire que ce ne sont pas des résultats. Il décide que Gbagbo Laurent est élu président de la République. A partir de ce moment-là, Français et Américains disent : non, nous c'est Ouattara que nous reconnaissons. C'est tout ça qu'on appelle le complot.
Quel est le problème avec la France et les Etats-Unis ?
- Je ne vois pas le problème, c'est eux. En quoi nos élections sont leur problème ?
La France et les Etats-Unis sont suffisamment puissants pour entraîner l'Union africaine, les Nations unies, la Cédéao [Communauté économique des Etats d'Afrique de l'Ouest] ?
- Je me rends compte qu'ils sont suffisamment puissants pour ça. C'est le discours que vous tiendrez mardi à la délégation de chefs d'Etat de la Cédéao ?
- Ce sont les faits que j'expose. Je dirai les faits.
Vous pensez les convaincre ?
- Je vais leur dire d'aller vérifier la matérialité de ces faits-là partout où c'est possible. Quand les gens se détachent des faits, c'est qu'ils ne veulent pas la vérité, pas la justice. Or, ces conflits sont créés par des gens qui sont étrangers à nous. Je ne comprends pas pourquoi ces gens-là choisissent un candidat qu'ils reconnaissent.
Ce n'est pas leur rôle.
Eux ? La France et les Etats-Unis ?
- En premier lieu. Avec les positions incroyables, inexplicables et injustifiables qu'ils prennent, ces pays-là poussent à un affrontement interne. Aujourd'hui, moi je m'appuie sur les institutions ivoiriennes, sur les lois. Alors que vous avez maintenant d'autres qui s'appuient sur les puissances étrangères. Il y aura peut-être un désordre intérieur, une guerre civile en Côte d'Ivoire, parce que nous n'allons pas nous laisser piétiner notre droit et nos institutions.
Vous êtes prêt à aller jusqu'où?
- Il n'y a pas à être prêt à aller quelque part, c'est nous qui sommes agressés. C'est nous qui avons le droit pour nous. Jusqu'où ceux qui nous agressent sont prêts à aller ? Je vais vous signaler quelque chose. Je suis élu président en 2000. En 2002, je suis attaqué, agressé. On n'a jamais vu ni la France, ni l'Union européenne, ni les Etats-Unis, ni l'ONU, ni la Cédéao, prendre des sanctions contre ceux qui ont agressé un régime conformément à la loi. On ne les a jamais vus.
Qui fallait-il sanctionner ? - Mais ceux qui nous avaient agressés !
Et de qui s'agissait-il ?
- Ils sont connus ! Vous ne les connaissez pas ? Cette position qu'ils prennent est la continuation de l'agression que nous avons subie en 2002. De 2002 à aujourd'hui, ceux qui ont pris les armes contre un Etat souverain, un régime démocratiquement élu, ceux-là n'ont jamais été sanctionnés par personne.
Leurs noms ? -
C'est un détail. A ce moment-là, tout le monde a fait l'aveugle, tout le monde a fait le sourd, tout le monde a fait le muet, comme les singes de la parabole. Aujourd'hui, ils retrouvent tous la parole, l'usage des yeux, l'usage des oreilles, et ils crient : "haro sur Gbagbo !" Mais Gbagbo a la loi avec lui. Les enlèvements, les tortures d'opposants, 173 morts selon l'ONU… Quand j'ai pris le pouvoir en 2000, ils avaient sorti des charniers, il y avait des charniers à Yopougon, des assassinats. Aujourd'hui, le débat principal c'est quoi ? C'est Gbagbo et Ouattara sont candidats au deuxième tour de l'élection présidentielle.
Qui est élu ? C'est ça le débat. Alors quand ce débat gêne, comme en 2000, on glisse de ce débat vers les droits de l'homme. Ah oui, il y a eu des morts, il y a eu des charniers… Je constate la similitude du comportement entre 2000 et 2010. Je vois la même chose, exactement. Parce qu'en 2000, il y en a qui ont contesté mon élection, qui ont essayé de faire endosser [cette position] par l'Afrique. Le Nigeria d'Obasanjo et l'Afrique du Sud avaient même demandé l'annulation des élections. Je leur ai envoyé des gens pour dire que c'était irréaliste. Donc après ça, on est passé à "oui, il y a des charniers, il y a des gens qui sont morts et tout"… Moi dès demain lundi je vais demander au ministre de la justice de mettre tous les procureurs [à l'œuvre] pour faire des enquêtes. [Il s'empare d'un dossier jaune] Nous avons ici des enquêtes sanitaires du ministère de la santé sur les gens qui sont blessés, qui sont morts. Il n'y en a pas plus que ça... Il y a beaucoup de blessés, des blessés par armes blanches. Des forces de l'ordre qui sont blessées par balles, armes blanches. Nous avons nos documents, on n'a pas peur de ce débat. Alassane Ouattara a lancé l'idée de faire venir une délégation de la CPI... - Au moment des discussions de Marcoussis, en janvier 2003, je connais un chef d'Etat voisin qui a été élu à 80 %... – j'aurais peut-être dû m'arranger pour gagner avec 80 %, j'aurais été moins suspect – qui avait dit "Oui, Gbagbo doit aller à la CPI". Lui ! Et c'était tout à fait succulent. Donc ce sont les mêmes glissements. 2000, 2010, c'est le même scénario. Donc on n'est plus surpris. Les Ivoriens ont voté le 28 novembre, ils ont élu qui ? Et les institutions ont proclamé qui ? C'est ça qui est le fond de la question. Il ne faut pas glisser dessus pour aller sur des problèmes qu'on sait déjà Il y a un complot, donc ? Qui vise à installer Ouattara au pouvoir. Et il y a des puissances extérieures à l'Afrique dont, je ne sais pas pourquoi, le rêve est de mettre Ouattara au pouvoir. Et les pays africains qui soutiennent la décision de l'ONU ? Ils sont manipulés ? - Je ne veux pas parler de ça. Sinon, ou bien on est trop méchant, ou on ne dit rien. Sachez seulement que nous faisons les réunions de l'Union africaine et de la Cédéao, les représentants des pays européens sont toujours plus nombreux dans les couloirs que ceux des pays africains. Ils sont toujours dans les couloirs, très nombreux, pour vous donner un exemple, au sommet de Charm el-Cheikh, il y avait à l'ordre du jour le problème du Zimbabwe, il y avait tellement d'Européens dans les couloirs qu'un chef d'Etat africain a pris la parole pour dire : "Ecoutez, les Européens font une pression tellement grotesque que nous décidons de soutenir Mugabe, même si on ne l'aime pas." Et c'est cette position qui a été passée. Il y a des fois où ça suscite un ras-le-bol. Les pressions sont énormes. Sur tous les chefs d'Etat que moi j'ai eus au téléphone, les Africains, ils disent la même chose : on n'en peut plus ! Il y en a même un qui m'a dit qu'il reçoit trois coups de téléphone par jour au moins de l'Elysée. Vous vous sentez dans une situation comparable à celle de Robert Mugabe ? - On ne se connaît pas bien, je l'ai aperçu comme ça quelques fois, mais quand on subit ce que j'ai subi, on se dit que l'autre n'avait pas totalement tort. Ici vous pouvez chercher on n'a rien à cacher à personne… Ni au niveau de l'argent, ni au niveau de la gouvernance, ni au niveau des droits de l'homme, alors quand vous voyez les gens s'acharner sur nous, tous les gens qui viennent pour discuter affaires, je ne leur ai jamais demandé un franc, donc vraiment je suis très à l'aise. Quand vous voyez ces gens s'acharner, vous vous dites, peut-être que celui-ci [Mugabe], il n'avait pas tort.
La présence de l'hôtel du Golf, c'est durable ?
- Je ne sais même pas pourquoi ils sont là-bas. Pour l'instant, ils ne peuvent ni sortir ni entrer…
- Non ! Celui qui veut aller chez lui peut aller chez lui. Il y a des barrages qui interdisent d'en sortir…
- Les barrages ont été mis à partir du moment où les gens ont été dedans. Quand ils ont utilisé des armes. Or, de l'hôtel du Golf, on est peut-être à cinq ou dix minutes de pirogue de la résidence du chef de l'Etat, c'est tout près. Nous sommes obligés de prendre des mesures de sécurité aussi bien pour eux que pour nous. Je ne sais pas pourquoi ils sont allés s'agglutiner dans un coin du territoiren
Le Monde :La Cédéao, l'organisation économique des pays d'Afrique de l'Ouest, menace de recourir à la "violence légitime", en d'autres termes d'intervenir militairement en Côte d'Ivoire. Prenez-vous ces menaces au sérieux ?
Laurent Gbagbo : Les menaces, il faut les prendre au sérieux mais après, il faut garder la tête froide et se rendre compte que ce serait bien la première fois que des pays africains partiraient en guerre contre un autre pays parce qu'une élection s'est mal passée. Regardez la carte de l'Afrique, regardez la carte des élections qui se passent plus ou moins bien, plus ou moins mal, et puis la carte de là où il n'y a pas d'élections du tout. Si on devait aller en guerre avec cette carte-là, je crois que l'Afrique serait perpétuellement en guerre. Donc je prends cela au sérieux parce que ce sont des menaces, mais je reste tranquille, j'attends de voir.
Vous croyez à la possibilité d'une intervention militaire ?
- Les choses peuvent déraper à tout moment, donc il faut prendre tout au sérieux, mais ils ont décidé de m'envoyer une délégation [de chefs d'Etat mardi]. On aurait dû commencer par là. On aurait économisé beaucoup de choses, beaucoup de salive, beaucoup d'adrénaline. Il faut venir voir ce qui se passe en Côte d'Ivoire, et quand on a vu ce qui se passe, alors on prend les décisions.
Y a-t-il des conditions qui vous permettraient de négocier avec M. Ouattara ?
- Je ne pose jamais de préalables quand je discute. Moi, je constate que les règles en vigueur en Côte d'Ivoire, qui n'ont jamais été dénoncées par qui que ce soit, font que je suis le président de la République, donc naturellement, quand on discutera je vais mettre ça sur la table, il faut dire que ces règles-là n'ont été dénoncées par personne. Vous avez parlé de complot de la France et des Etats-Unis contre la Côte d'Ivoire.
De quoi s'agit-il ?
- Avant les élections, j'ai fait ma part. J'ai demandé que les autres [les ex-rebelles] fassent leur part en désarmant. Toutes les pressions sont faites pour qu'on aille aux élections sans désarmement. Là, on peut parler du début du complot. Toutes les pressions, de toutes parts. Moi-même je n'avais pas de raison de douter des rebelles avec qui j'étais en accord avec l'accord de Ouagadougou, et avec lesquels je gérais la sortie de crise. Je les voyais bien, intégrés, se comportant de façon loyale, je n'avais pas de raison de douter qu'ils allaient utiliser après les armes qu'ils n'avaient pas déposées pour pervertir les élections. Ensuite, les institutions en place, reconnues par tous [en réalité, le Conseil constitutionnel], elles proclament le président élu, tout le monde dit : " non, c'est Ouattara que nous tenons pour président ".
Qui est ce "nous" ?
- Ce nous c'est d'abord la France, mais c'est surtout l'ambassadeur de France et l'ambassadeur des Etats-Unis. Nous voilà au terme du premier tour. Les résultats sont un peu contestables mais je ne les ai pas contestés. On va au deuxième tour, la CEI [Commission électorale indépendante] a trois jours pour donner des résultats, elle ne les donne pas. A minuit moins le quart, le président de la CEI, M. Bakayoko, intervient à la télévision, on lui dit que TV5 aurait donné des résultats, il fait une mise au point nette pour dire : nous n'avons donné aucun résultat. Minuit arrive. Candidat, je suis devant mon poste de télévision, parce que c'est le moment que tous les candidats guettent pour voir comment les votes se sont portés sur eux. Minuit passe. La CEI est "off". Le lendemain, l'ambassadeur de France et l'ambassadeur des Etats-Unis vont chercher Youssouf Bakayoko, président de la CEI, et l'amènent à l'hôtel du Golf, qui est le quartier général de mon adversaire. On apprend qu'il y a une télévision étrangère, sur laquelle aurait été donné le résultat qui donne Ouattara vainqueur. Le président du Conseil constitutionnel intervient pour dire que ce ne sont pas des résultats. Il décide que Gbagbo Laurent est élu président de la République. A partir de ce moment-là, Français et Américains disent : non, nous c'est Ouattara que nous reconnaissons. C'est tout ça qu'on appelle le complot.
Quel est le problème avec la France et les Etats-Unis ?
- Je ne vois pas le problème, c'est eux. En quoi nos élections sont leur problème ?
La France et les Etats-Unis sont suffisamment puissants pour entraîner l'Union africaine, les Nations unies, la Cédéao [Communauté économique des Etats d'Afrique de l'Ouest] ?
- Je me rends compte qu'ils sont suffisamment puissants pour ça. C'est le discours que vous tiendrez mardi à la délégation de chefs d'Etat de la Cédéao ?
- Ce sont les faits que j'expose. Je dirai les faits.
Vous pensez les convaincre ?
- Je vais leur dire d'aller vérifier la matérialité de ces faits-là partout où c'est possible. Quand les gens se détachent des faits, c'est qu'ils ne veulent pas la vérité, pas la justice. Or, ces conflits sont créés par des gens qui sont étrangers à nous. Je ne comprends pas pourquoi ces gens-là choisissent un candidat qu'ils reconnaissent.
Ce n'est pas leur rôle.
Eux ? La France et les Etats-Unis ?
- En premier lieu. Avec les positions incroyables, inexplicables et injustifiables qu'ils prennent, ces pays-là poussent à un affrontement interne. Aujourd'hui, moi je m'appuie sur les institutions ivoiriennes, sur les lois. Alors que vous avez maintenant d'autres qui s'appuient sur les puissances étrangères. Il y aura peut-être un désordre intérieur, une guerre civile en Côte d'Ivoire, parce que nous n'allons pas nous laisser piétiner notre droit et nos institutions.
Vous êtes prêt à aller jusqu'où?
- Il n'y a pas à être prêt à aller quelque part, c'est nous qui sommes agressés. C'est nous qui avons le droit pour nous. Jusqu'où ceux qui nous agressent sont prêts à aller ? Je vais vous signaler quelque chose. Je suis élu président en 2000. En 2002, je suis attaqué, agressé. On n'a jamais vu ni la France, ni l'Union européenne, ni les Etats-Unis, ni l'ONU, ni la Cédéao, prendre des sanctions contre ceux qui ont agressé un régime conformément à la loi. On ne les a jamais vus.
Qui fallait-il sanctionner ? - Mais ceux qui nous avaient agressés !
Et de qui s'agissait-il ?
- Ils sont connus ! Vous ne les connaissez pas ? Cette position qu'ils prennent est la continuation de l'agression que nous avons subie en 2002. De 2002 à aujourd'hui, ceux qui ont pris les armes contre un Etat souverain, un régime démocratiquement élu, ceux-là n'ont jamais été sanctionnés par personne.
Leurs noms ? -
C'est un détail. A ce moment-là, tout le monde a fait l'aveugle, tout le monde a fait le sourd, tout le monde a fait le muet, comme les singes de la parabole. Aujourd'hui, ils retrouvent tous la parole, l'usage des yeux, l'usage des oreilles, et ils crient : "haro sur Gbagbo !" Mais Gbagbo a la loi avec lui. Les enlèvements, les tortures d'opposants, 173 morts selon l'ONU… Quand j'ai pris le pouvoir en 2000, ils avaient sorti des charniers, il y avait des charniers à Yopougon, des assassinats. Aujourd'hui, le débat principal c'est quoi ? C'est Gbagbo et Ouattara sont candidats au deuxième tour de l'élection présidentielle.
Qui est élu ? C'est ça le débat. Alors quand ce débat gêne, comme en 2000, on glisse de ce débat vers les droits de l'homme. Ah oui, il y a eu des morts, il y a eu des charniers… Je constate la similitude du comportement entre 2000 et 2010. Je vois la même chose, exactement. Parce qu'en 2000, il y en a qui ont contesté mon élection, qui ont essayé de faire endosser [cette position] par l'Afrique. Le Nigeria d'Obasanjo et l'Afrique du Sud avaient même demandé l'annulation des élections. Je leur ai envoyé des gens pour dire que c'était irréaliste. Donc après ça, on est passé à "oui, il y a des charniers, il y a des gens qui sont morts et tout"… Moi dès demain lundi je vais demander au ministre de la justice de mettre tous les procureurs [à l'œuvre] pour faire des enquêtes. [Il s'empare d'un dossier jaune] Nous avons ici des enquêtes sanitaires du ministère de la santé sur les gens qui sont blessés, qui sont morts. Il n'y en a pas plus que ça... Il y a beaucoup de blessés, des blessés par armes blanches. Des forces de l'ordre qui sont blessées par balles, armes blanches. Nous avons nos documents, on n'a pas peur de ce débat. Alassane Ouattara a lancé l'idée de faire venir une délégation de la CPI... - Au moment des discussions de Marcoussis, en janvier 2003, je connais un chef d'Etat voisin qui a été élu à 80 %... – j'aurais peut-être dû m'arranger pour gagner avec 80 %, j'aurais été moins suspect – qui avait dit "Oui, Gbagbo doit aller à la CPI". Lui ! Et c'était tout à fait succulent. Donc ce sont les mêmes glissements. 2000, 2010, c'est le même scénario. Donc on n'est plus surpris. Les Ivoriens ont voté le 28 novembre, ils ont élu qui ? Et les institutions ont proclamé qui ? C'est ça qui est le fond de la question. Il ne faut pas glisser dessus pour aller sur des problèmes qu'on sait déjà Il y a un complot, donc ? Qui vise à installer Ouattara au pouvoir. Et il y a des puissances extérieures à l'Afrique dont, je ne sais pas pourquoi, le rêve est de mettre Ouattara au pouvoir. Et les pays africains qui soutiennent la décision de l'ONU ? Ils sont manipulés ? - Je ne veux pas parler de ça. Sinon, ou bien on est trop méchant, ou on ne dit rien. Sachez seulement que nous faisons les réunions de l'Union africaine et de la Cédéao, les représentants des pays européens sont toujours plus nombreux dans les couloirs que ceux des pays africains. Ils sont toujours dans les couloirs, très nombreux, pour vous donner un exemple, au sommet de Charm el-Cheikh, il y avait à l'ordre du jour le problème du Zimbabwe, il y avait tellement d'Européens dans les couloirs qu'un chef d'Etat africain a pris la parole pour dire : "Ecoutez, les Européens font une pression tellement grotesque que nous décidons de soutenir Mugabe, même si on ne l'aime pas." Et c'est cette position qui a été passée. Il y a des fois où ça suscite un ras-le-bol. Les pressions sont énormes. Sur tous les chefs d'Etat que moi j'ai eus au téléphone, les Africains, ils disent la même chose : on n'en peut plus ! Il y en a même un qui m'a dit qu'il reçoit trois coups de téléphone par jour au moins de l'Elysée. Vous vous sentez dans une situation comparable à celle de Robert Mugabe ? - On ne se connaît pas bien, je l'ai aperçu comme ça quelques fois, mais quand on subit ce que j'ai subi, on se dit que l'autre n'avait pas totalement tort. Ici vous pouvez chercher on n'a rien à cacher à personne… Ni au niveau de l'argent, ni au niveau de la gouvernance, ni au niveau des droits de l'homme, alors quand vous voyez les gens s'acharner sur nous, tous les gens qui viennent pour discuter affaires, je ne leur ai jamais demandé un franc, donc vraiment je suis très à l'aise. Quand vous voyez ces gens s'acharner, vous vous dites, peut-être que celui-ci [Mugabe], il n'avait pas tort.
La présence de l'hôtel du Golf, c'est durable ?
- Je ne sais même pas pourquoi ils sont là-bas. Pour l'instant, ils ne peuvent ni sortir ni entrer…
- Non ! Celui qui veut aller chez lui peut aller chez lui. Il y a des barrages qui interdisent d'en sortir…
- Les barrages ont été mis à partir du moment où les gens ont été dedans. Quand ils ont utilisé des armes. Or, de l'hôtel du Golf, on est peut-être à cinq ou dix minutes de pirogue de la résidence du chef de l'Etat, c'est tout près. Nous sommes obligés de prendre des mesures de sécurité aussi bien pour eux que pour nous. Je ne sais pas pourquoi ils sont allés s'agglutiner dans un coin du territoiren