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Économie Publié le vendredi 7 janvier 2011 | Nord-Sud

Secteur privé : Vague de licenciements dans les usines

Alors que le blocage dure depuis plus d’un mois, les entreprises éprouvent de grosses difficultés et commencent à trouver le temps long. Entre l’optimisme des uns et la lassitude des autres, une chose est sûre : tous veulent voir la situation résolue une bonne fois pour toutes.

Cela fait plus d’un mois que Laurent Gbagbo s’accroche obstinément au pouvoir, troublant le fonctionnement de plusieurs centaines d’entreprises du secteur privé. La présence des camions de police et de militaires, les fils barbelés et des sacs de sable, bien que plus discrète, rappelle aux créateurs de richesses que la situation est toujours sous état d’urgence. Bien que certaines activités touchées cherchent à s’adapter à l’évolution politique, la grande majorité engrange des pertes de plus en plus difficiles à couvrir, augmentant ainsi le nombre de mise en chômage et parfois de licenciements. Selon le Fonds d’appui à l’initiative privée, un organisme de recherche de financement, plus de 60 entreprises et 2.000 salariés sont déjà venus demander de l’aide pour faire face, financièrement, à l’impact du blocus sur leur travail.

Au secours !

«Toutes les opportunités sont floues. Conséquences, les banques classiques ne veulent pas jouer leurs rôles de soutien à l’investissement privé», affirme le secrétaire exécutif, Sylvère Mambo, ajoutant que sa structure est aussi dans l’expectative. Abandonnés, les opérateurs économiques végètent dangereusement, faisant peser de réelles menaces sur la relance post-électorale en laquelle beaucoup de jeunes avaient placé leur espoir. Plusieurs secteurs souffrent des troubles. En tête, le secteur des transports touché de plein fouet. Les compagnies de transports interurbains ont mis leurs engins sous cale. Selon le président de la Coordination nationale des gares routières, Adama Touré, les propriétaires préfèrent perdre les recettes que de voir leurs véhicules partir en fumée. La réduction du parc roulant entraîne des pertes d’emplois. Des milliers selon lui. Au niveau des constructeurs, pas un jour ne passe sans l’annonce de suppression de postes ou de chômage forcé. Chez Africauto qui a introduit la marque américaine Ford en juin dernier, le désappointement est en train de dépasser l’euphorie des débuts. Des employés sont sous la menace de perdre leur boulot malgré les efforts du directeur commercial, Eric Mougenot qui se bat pour tenir le guidon en proposant une nouvelle gamme de véhicules. Toyota, Nissan et Peugeot, déjà malmenés par la concurrence chinoise, s’enfoncent également dans la boue politique ivoirienne. Des pertes d’emplois sont aussi signalées. Emblématique de l’état de santé économique d’un pays, le secteur automobile est très interdépendant. Ces constructeurs entraînent dans leur chute une myriade d’entreprises de sous-traitants. Les équipementiers, moins connus du grand public, font eux aussi face aux effets de la crise. Les salariés de «Bosch » subissent plusieurs jours de repos forcé. Une partie du site est temporairement fermé. Dans cet atelier de pneumatique, les demandes ont considérablement chuté, impactant sur la production de l’unité de rechapage et de transformation des élastomères. A Starten impliqué dans le traitement des données biométriques pour la confection du permis de conduire, certains travailleurs ont été mis au chômage technique. Quant à Câbles de Côte d’Ivoire (Caci), les journaliers de l’usine ne verront pas leur contrat renouvelé et le chômage partiel pourrait atteindre 90 jours. En ce qui concerne Sorubat, une entreprise tunisienne chargée de la construction de l’autoroute menant à Yamoussoukro, des périodes de chômage partiel sont également en vigueur. Le constructeur a annoncé des suppressions de postes dès le déclenchement de la crise. Les employés se sont entendus dire qu’il s’agira de tenir compte du nouvel environnement politique. Même tableau à Pierre Fakhoury Holding qui dispose de nombreux chantiers publics. Déjà plusieurs ouvriers sur celui du palais présidentiel de la capitale politique ont été mis à la porte. Une autre vague devrait suivre les jours à venir. Quant au secteur de l’agro-industrie, la situation n’est guère reluisante. La hantise de se retrouver à la maison gagne les travailleurs. A cause de l’isolement du régime d’Abidjan, de nombreux partenaires ont mis en veilleuse leur collaboration avec les opérateurs économiques ivoiriens, le temps d’avoir une meilleure visibilité sur l’évolution de la situation politique. Tamarin de Côte d’Ivoire en subit directement les contrecoups parce que les ingrédients proviennent de l’importation. Ainsi, la production de cette usine de fabrication de jus est réduite de 20%. Ce qui provoque des congés forcés pour 30 salariés sur les 71 que compte l’unité. Par ailleurs, le tourisme est touché en plein vol. La crise a coupé les ailes de cette activité qui a toujours eu du mal à être un secteur-clé de l’économie nationale. Ces difficultés sont plus prononcées aussi bien au niveau de l’hôtellerie que de la restauration. Selon Marius Tagba, un opérateur, il s’agit d’un des revers les plus sévères du secteur. Un revers d’autant plus marqué que les années « pré-crise » avaient donné une certaine dose d’espoir. Les professionnels avaient misé sur une croissance de l’activité après les élections. Malheureusement, le déclin continue nettement de se faire ressentir. Pour le président de l’Association des tours opérateurs, ce début d’année s’annonce plutôt catastrophique. «La situation est catastrophique, nous avons perdu 60 % de chiffres d’affaires en l’espace d’un mois», dit-il. Ce qui a amené à réduire le personnel. «J’ai le camion de l’armée juste devant la façade de mon établissement, ainsi que du fil barbelé partout, ce qui fait évidemment peur aux clients», peste Paul Manga, gérant d’un hôtel non loin de la Riviera Golf. Cela ressemble, ironise-t-il, à un grand film catastrophe dans lequel les gens en haut lieu se fichent totalement des commerces face à des enjeux trop importants. «Les charges locatives, qui est responsable ? Le personnel, peut-on le mettre au chômage technique », s’interroge-t-il. Dans le commerce, les affaires ne sont pas non plus terribles. Il n’y a pas beaucoup de clients. Sur les marchés de Cocody, le nombre de clients a particulièrement baissé depuis l’explosion des grenades le 16 décembre. A cause des barricades autour de la maison de la télévision, certains clients doivent passer par des détours qui rendent difficile l‘accès aux différents marchés. Pour l’instant, il est difficile de chiffrer l’impact que cela va avoir.«Nous som­mes très affectés, et des clients commencent à se plaindre pour les produits vendus dans les centres commerciaux», fait observer le président des commerçants. Pour certaines sociétés françaises auxquelles les miliciens de Laurent Gbagbo vouent une haine, il est désormais difficile d’accéder aux bureaux et la plupart du personnel vient en bus. «C’est surtout problématique car nous ne pouvons plus venir en voiture avec l’effigie de nos entreprises, or c’est notre moyen de transport privilégié lorsque nous allons à nos rendez-vous», note un travailleur d’Orange.

Mauvais horizons
« Actuellement, je ne travaille plus aux bureaux, qui sont toujours ouverts, mais depuis chez moi. Je peux y travailler de manière quasi-similaire via Internet. Vivant dans une zone à risque et travaillant si un problème devait survenir, se déplacer pourrait devenir délicat », ajoute-t-il. Pour le président de la Chambre de commerce et d’industrie, Jean-Louis Billon, les nombreuses entreprises qui mettent au chômage technique, ferment tout simplement leurs usines provoquant un manque à gagner pour les industries et une rupture de revenus pour les travailleurs. Ce qui risque d’engendrer automatiquement des problèmes sociaux avec notamment les augmentations de prix.

Lanciné Bakayoko
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