Voilà plusieurs semaines que la Côte d’Ivoire retient l’attention du monde entier. Les âmes sensibles et les personnes de bonne volonté se demandent ce qui va s’y passer. Des élections présidentielles y ont eu lieu, donnant des résultats controversés, avec deux vainqueurs : Alassane Ouattara et Laurent Gbagbo, les deux adversaires du second tour de l’élection. Le premier a obtenu 54% des suffrages, selon les résultats donnés par la Commission Electorale Indépendante (CEI). Quand au second, il est crédité de 51,4% des suffrages. D’évidence, l’un des « vainqueurs » ne l’est pas. Avant d’exprimer – et d’expliquer – ma déception face à Laurent Gbagbo, qu’il me soit permis d’évacuer – rapidement – trois points importants. D’abord, je ne suis pas de ceux qui ne prennent pas clairement position. Si j’étais ivoirien, j’aurais certainement voté pour Gbagbo. J’ai admiré et soutenu celui qu’on appelait « l’opposant historique » d’Houphouët-Boigny ; celui qui avait résisté à une rébellion et à la partition de son pays ; celui qui expliquait à Chirac que le temps de la colonisation était révolu, celui qui brillait par son absence aux sommets France-Afrique, celui qui refusait la place qu’on lui réservait à la tribune parisienne lors des célébrations du cinquantenaire des indépendances africaines. J’ai admiré cet homme pour mille autres raisons que j’ai évoquées ailleurs. Mais le fait est là : je ne suis pas ivoirien. Je ne peux que me contenter de prendre acte des résultats tels qu’ils ont été annoncés par la CEI, à savoir, la victoire d’Alassane Ouattara, que je n’aime pas, pour de multiples raisons, au premier rang desquelles trônent ses options libérales et ses accointances avec le monde de la haute finance internationale. Ensuite, je suis soupçonneux, comme beaucoup, de l’indignation quasi-unanime du « machin » qu’on nomme pompeusement la Communauté Internationale. C’est une indignation à géométrie variable. Comment des gens qui ont soutenu les pires régimes dictatoriaux, qui ont avalisé des successions familiales (Eyadema père et fils, Bongo père et fils) ; qui ont cautionné des élections truquées un peu partout en Afrique, et qui ont rétabli, par la force, des dictateurs déchus ; comment, disais-je, ces « donneurs de leçons » seraient-ils crédibles dans leurs hurlements au détournement de la souveraineté populaire des ivoiriens ? Il suffit de comparer l’attitude d’une Michelle Alliot-Marie, actuelle ministre des Affaires Etrangères, proposant le savoir-faire de la police française pour secourir l’ex-dictateur Ben Ali, quand la même, hier ministre de la Défense, autorisait l’armée française à détruire l’aviation ivoirienne de… Laurent Gbagbo. Dernier point à évacuer : les tirs croisés que la Communauté Internationale reçoit de la part des intellectuels. Il leur suffit qu’Alassane Ouattara soit présenté comme le candidat de « l’Occident » pour que Laurent Gbagbo devienne un saint. Certains, comme Calixthe Béyala, y vont carrément : « Non, Gbagbo n’est pas seul ! ». Et de s’empresser de rappeler que l’ONU et les démocrates du monde entier n’ont pas levé le petit doigt devant l’usurpation de pouvoir de George Bush face à Al Gore. Bien sûr, elle oublie de souligner la belle phrase de ce dernier qui, bien que contestant la décision de la Cour Suprême des Etats-Unis de suspendre le recomptage des voix, déclara : « Je désapprouve fortement la décision de la Cour, mais je l’accepte ». On aurait aimé voir le contestataire Laurent Gbagbo faire preuve d’autant de fairplay… D’autres, comme Tierno Monenembo, s’exclament : « L’ONU recolonise l’Afrique ! ». Ici, il s’agit de dire clairement que « l’ONU n’a pas à décider qui est élu et qui ne l’est pas à la tête d’un pays ». Peu importe que l’ONU se contente de reconnaître en Alassane Ouattara le Président démocratiquement élu. Pour le Prix Renaudot, la chose est claire : l’ONU décide. Oh ! bien sûr, on ne prend parti pour personne, courage oblige ! D’ailleurs, ajoute le même, « Henri Konan Bédié, Laurent Gbagbo, Alassane Ouattara, où est la différence ? Ils forment le trio maléfique qui a ruiné le pays d’Houphouët-Boigny. A Bédié, le poison de l’ivoirité, à Ouattara, celui de la sécession, à Gbagbo celui de la confiscation du pouvoir ». On voudrait noyer le poisson qu’on ferait difficilement mieux… Hier, certains – parfois les mêmes – défendaient mordicus le dictateur Mugabé, victime lui aussi de l’acharnement de la Communauté Internationale. Et ils sont nombreux, ceux qui ont porté aux nues Kadhafi, voyant en lui le panafricaniste qui tutoie l’Occident. Il faut croire que la « haine de l’Occident » – pour reprendre une expression chère à Jean Ziegler – est tellement forte chez les Africains qu’ils en viennent à se ranger en bloc derrière des dirigeants peu recommandables, pour peu que ceux-ci fassent vibrer la fibre nationaliste…
Et l’Histoire,
dans tout cela ?
L’Histoire, elle, est en marche. Une longue marche, tatillonne, hésitante, bizarre. Car voilà un homme qui avait tout pour entrer dans l’Histoire : il était jeune, il avait osé défier le « Vieux » Houphouët-Boigny, allant même jusqu’à le surnommer « grilleur d’arachide », en réaction au satrape qui invoquait un proverbe local interdisant de regarder « dans la bouche de celui qui grille des arachides ». Il avait connu la prison, grâce à la bienveillance d’un certain… Alassane Ouattara, alors premier ministre du « vieux ». Gbagbo n’a pas sa langue dans la poche, atout important, parait-il, dans les sphères politiques, quand on veut donner l’impression d’être « nationaliste ». Il a rongé son frein, et a fini par occuper la plus haute marche du podium en 2000, même s’il reconnaissait avoir été élu « dans des conditions calamiteuses ». Quoique courageux, il ne poussa pas l’audace jusqu’à organiser des élections dans de meilleures conditions, afin de battre « à la régulière » son adversaire, Alassane Ouattara. Déjà ! La suite, tout le monde la connaît : rébellion, partition du pays, affrontement musclé avec la France… L’homme a tenu bon, tant bien que mal, avec des méthodes ou la violence et le crime le disputaient à la démagogie et la victimisation. Et au chantage : « pas de désarmement des rebelles, pas d’élections ». Gbagbo obtiendra, par ces procédés, une « rallonge » de 5 ans, soit au total dix ans de pouvoir. Pour un vrai démocrate, une décennie de pouvoir, ça devrait suffire ! Pas pour Gbagbo, qui estime que la rébellion l’a empêché de bien gouverner ! Mais un vrai démocrate doit se soumettre au passage par les urnes. Gbagbo finit par organiser les élections, en étant certain de les gagner. Son Dieu et les gourous des sondages l’ont assuré d’une victoire certaine, possiblement dès le premier tour. Là encore, on connaît la suite : la CEI proclame son adversaire vainqueur à 54%. Immédiatement, l’homme fait tomber le masque. Il a oublié ce qu’il avait promis : le respect de la décision de la CEI. Qui, parmi ses soutiens, s’en souvient encore ? C’était lors du débat télévisé entre les deux vainqueurs du premier tour : « je suis heureux de l’entendre [Alassane Ouattara] dire que nous allons tous nous plier aux décisions que la CEI va dire. Vraiment, ça me fait plaisir ». Se croyant malin, il ajouta même : « Mais en 2000, les résultats proclamés par la Commission électorale me donnaient gagnant, et ça se trouve dans le Journal Officiel. Et ce sont ces résultats qui ont été confirmés par la Cour Suprême ». Et c’est ici que cette crise ivoirienne est affligeante. Car elle montre les limites de ceux qui, opposants irréductibles hier, face à des despotes inamovibles, tentent, par tous les moyens, de se maintenir au pouvoir dès qu’ils y accèdent. On aurait pu attendre de l’opposant historique devenu président qu’il résistât à la tentation de s’accrocher au pouvoir. A la place, on découvre non seulement un « boulanger » – c’est lui qui le dit ! – capable de rouler tout le monde dans la farine ; on découvre un vulgaire homme politique qui ne songe qu’à se maintenir au pouvoir, et qui n’hésite pas à faire levier sur « le complot contre la Côte-d’Ivoire » – dixit Calixthe Béyala, qui oublie un peu trop vite que l’Occident n’a pas eu à se plaindre pendant la décennie de la présidence Gbagbo, au contraire ! On découvre un président qui, bien qu’ayant la charge de l’organisation des élections, accuse le camp adverse de truquages. En cela, Gbagbo innove assurément : désormais, c’est le pouvoir en place qui accuse l’opposition de truquer les élections ! C’est à croire que le gouvernement ivoirien a volontairement saboté le président sortant, ce qui serait la preuve que celui-ci ne peut même pas compter sur les siens. Bigre ! Mais au fait, pourquoi n’avoir pas, tout simplement, tiré sa révérence ? Pourquoi n’avoir pas fait comme le démocrate Al Gore qui, bien que contestant le décompte des voix, a accepté de se plier à la décision de la Cour Suprême des Etats-Unis ? Pourquoi n’avoir pas fait comme Mandela qui, après avoir combattu le régime raciste de Pretoria, fit un seul mandat à la tête du pays, et renonça à une candidature qui lui aurait ouvert la porte vers un autre mandat ? Et pourquoi Gbagbo, qui souscrit pourtant au concept de « solutions africaines aux problèmes africains » de Thabo Mbeki, n’a-t-il pas suivi le conseil du Prix Nobel Wole Soyinka, qui préconisait, comme solution honorable, de « quitter le pouvoir » ? Il faut se rendre à l’évidence : Malgré son arrivée « calamiteuse » de 2000, et surtout, après son vigoureux bras de fer avec Paris, beaucoup d’africains ont pensé : « enfin un homme politique africain qui ose s’attaquer à la France ». Ce n’était pas Sankara, certes, mais ce n’était pas mal. Beaucoup ont pensé : « vivement que l’exemple ivoirien fasse tâche d’huile sur le reste du continent ». Comment n’a-t-il pas vu dans les dernières élections présidentielles l’occasion de rentrer définitivement dans l’Histoire, celle des grands leaders africains qui redonnent à ce continent une dignité maintes fois flouée ? Pourquoi n’avoir pas choisi de tirer sa révérence en refusant d’être candidat ? Il aurait évité, du même coup, l’humiliation de se faire battre par Ouattara, son ennemi juré. Et une fois choisie l’option de la candidature, pourquoi ne pas respecter le verdict des urnes ? Que dirait-on d’un pâtissier qui, au moment de mettre la cérise sur le gâteau qu’il vient de confectionner, choisit unilatéralement de tout détruire, dès qu’il apprend que le gâteau sera mangé par d’autres ? Soyons clairs sur un point : il y aurait beaucoup à redire sur le déroulement des élections présidentielles, en Côte-d’Ivoire comme partout ailleurs. Il suffirait de rentrer dans l’arrière-cour de chaque processus pour en voir les failles, les truquages, les bourrages des urnes, les falsifications, etc. Il suffirait d’un banal recomptage des bulletins pour que Gbagbo devienne le président élu, ce qu’Alassane Ouattara contesterait tout de suite, exigeant à son tour un nouveau recomptage qui, naturellement, le remettrait en tête. Ainsi de suite. Qui arrêterait cette valse de mauvais goût ? Le premier qui placerait l’intérêt de son pays au dessus du sien propre. Le premier qui aurait à cœur de consolider la marche de la démocratie dans son pays. Le premier qui donnerait ses lettres de noblesses aux institutions. Le premier qui aurait une haute idée de la politique. Le premier qui s’élèverait au dessus du politicien lambda. En somme, le premier capable de faire le pas en arrière qui ferait faire un bond en avant à la démocratie et à la solidité des institutions républicaines. J’aurais tant aimé que ce fût Laurent Gbagbo. Mais le « boulanger » se cramponne à son fauteuil, prêt à aller jusqu’à la guerre civile, parce qu’il a, dit-on, le Droit, Roland Dumas et Jacques Vergès pour lui. Mais l’historien, auteur, jadis, d’un livre intitulé Côte-d’Ivoire : pour une alternative démocratique, n’a que faire de l’Histoire. Il ne partira que sous la contrainte – non militaire, je l’espère. Honni, affaibli et isolé, on lui organisera alors une négociation de façade, pour lui ménager une porte de sortie « honorable ». Une toute petite porte. Et l’homme s’en ira tout droit aux oubliettes de l’Histoire. Quel gâchis !
Une tribune de l’écrivain camerounais Marcel-Duclos Efoudebe, auteur de L’Afrique survivra aux afro-pessimistes, L’Harmattan, 2007.
Et l’Histoire,
dans tout cela ?
L’Histoire, elle, est en marche. Une longue marche, tatillonne, hésitante, bizarre. Car voilà un homme qui avait tout pour entrer dans l’Histoire : il était jeune, il avait osé défier le « Vieux » Houphouët-Boigny, allant même jusqu’à le surnommer « grilleur d’arachide », en réaction au satrape qui invoquait un proverbe local interdisant de regarder « dans la bouche de celui qui grille des arachides ». Il avait connu la prison, grâce à la bienveillance d’un certain… Alassane Ouattara, alors premier ministre du « vieux ». Gbagbo n’a pas sa langue dans la poche, atout important, parait-il, dans les sphères politiques, quand on veut donner l’impression d’être « nationaliste ». Il a rongé son frein, et a fini par occuper la plus haute marche du podium en 2000, même s’il reconnaissait avoir été élu « dans des conditions calamiteuses ». Quoique courageux, il ne poussa pas l’audace jusqu’à organiser des élections dans de meilleures conditions, afin de battre « à la régulière » son adversaire, Alassane Ouattara. Déjà ! La suite, tout le monde la connaît : rébellion, partition du pays, affrontement musclé avec la France… L’homme a tenu bon, tant bien que mal, avec des méthodes ou la violence et le crime le disputaient à la démagogie et la victimisation. Et au chantage : « pas de désarmement des rebelles, pas d’élections ». Gbagbo obtiendra, par ces procédés, une « rallonge » de 5 ans, soit au total dix ans de pouvoir. Pour un vrai démocrate, une décennie de pouvoir, ça devrait suffire ! Pas pour Gbagbo, qui estime que la rébellion l’a empêché de bien gouverner ! Mais un vrai démocrate doit se soumettre au passage par les urnes. Gbagbo finit par organiser les élections, en étant certain de les gagner. Son Dieu et les gourous des sondages l’ont assuré d’une victoire certaine, possiblement dès le premier tour. Là encore, on connaît la suite : la CEI proclame son adversaire vainqueur à 54%. Immédiatement, l’homme fait tomber le masque. Il a oublié ce qu’il avait promis : le respect de la décision de la CEI. Qui, parmi ses soutiens, s’en souvient encore ? C’était lors du débat télévisé entre les deux vainqueurs du premier tour : « je suis heureux de l’entendre [Alassane Ouattara] dire que nous allons tous nous plier aux décisions que la CEI va dire. Vraiment, ça me fait plaisir ». Se croyant malin, il ajouta même : « Mais en 2000, les résultats proclamés par la Commission électorale me donnaient gagnant, et ça se trouve dans le Journal Officiel. Et ce sont ces résultats qui ont été confirmés par la Cour Suprême ». Et c’est ici que cette crise ivoirienne est affligeante. Car elle montre les limites de ceux qui, opposants irréductibles hier, face à des despotes inamovibles, tentent, par tous les moyens, de se maintenir au pouvoir dès qu’ils y accèdent. On aurait pu attendre de l’opposant historique devenu président qu’il résistât à la tentation de s’accrocher au pouvoir. A la place, on découvre non seulement un « boulanger » – c’est lui qui le dit ! – capable de rouler tout le monde dans la farine ; on découvre un vulgaire homme politique qui ne songe qu’à se maintenir au pouvoir, et qui n’hésite pas à faire levier sur « le complot contre la Côte-d’Ivoire » – dixit Calixthe Béyala, qui oublie un peu trop vite que l’Occident n’a pas eu à se plaindre pendant la décennie de la présidence Gbagbo, au contraire ! On découvre un président qui, bien qu’ayant la charge de l’organisation des élections, accuse le camp adverse de truquages. En cela, Gbagbo innove assurément : désormais, c’est le pouvoir en place qui accuse l’opposition de truquer les élections ! C’est à croire que le gouvernement ivoirien a volontairement saboté le président sortant, ce qui serait la preuve que celui-ci ne peut même pas compter sur les siens. Bigre ! Mais au fait, pourquoi n’avoir pas, tout simplement, tiré sa révérence ? Pourquoi n’avoir pas fait comme le démocrate Al Gore qui, bien que contestant le décompte des voix, a accepté de se plier à la décision de la Cour Suprême des Etats-Unis ? Pourquoi n’avoir pas fait comme Mandela qui, après avoir combattu le régime raciste de Pretoria, fit un seul mandat à la tête du pays, et renonça à une candidature qui lui aurait ouvert la porte vers un autre mandat ? Et pourquoi Gbagbo, qui souscrit pourtant au concept de « solutions africaines aux problèmes africains » de Thabo Mbeki, n’a-t-il pas suivi le conseil du Prix Nobel Wole Soyinka, qui préconisait, comme solution honorable, de « quitter le pouvoir » ? Il faut se rendre à l’évidence : Malgré son arrivée « calamiteuse » de 2000, et surtout, après son vigoureux bras de fer avec Paris, beaucoup d’africains ont pensé : « enfin un homme politique africain qui ose s’attaquer à la France ». Ce n’était pas Sankara, certes, mais ce n’était pas mal. Beaucoup ont pensé : « vivement que l’exemple ivoirien fasse tâche d’huile sur le reste du continent ». Comment n’a-t-il pas vu dans les dernières élections présidentielles l’occasion de rentrer définitivement dans l’Histoire, celle des grands leaders africains qui redonnent à ce continent une dignité maintes fois flouée ? Pourquoi n’avoir pas choisi de tirer sa révérence en refusant d’être candidat ? Il aurait évité, du même coup, l’humiliation de se faire battre par Ouattara, son ennemi juré. Et une fois choisie l’option de la candidature, pourquoi ne pas respecter le verdict des urnes ? Que dirait-on d’un pâtissier qui, au moment de mettre la cérise sur le gâteau qu’il vient de confectionner, choisit unilatéralement de tout détruire, dès qu’il apprend que le gâteau sera mangé par d’autres ? Soyons clairs sur un point : il y aurait beaucoup à redire sur le déroulement des élections présidentielles, en Côte-d’Ivoire comme partout ailleurs. Il suffirait de rentrer dans l’arrière-cour de chaque processus pour en voir les failles, les truquages, les bourrages des urnes, les falsifications, etc. Il suffirait d’un banal recomptage des bulletins pour que Gbagbo devienne le président élu, ce qu’Alassane Ouattara contesterait tout de suite, exigeant à son tour un nouveau recomptage qui, naturellement, le remettrait en tête. Ainsi de suite. Qui arrêterait cette valse de mauvais goût ? Le premier qui placerait l’intérêt de son pays au dessus du sien propre. Le premier qui aurait à cœur de consolider la marche de la démocratie dans son pays. Le premier qui donnerait ses lettres de noblesses aux institutions. Le premier qui aurait une haute idée de la politique. Le premier qui s’élèverait au dessus du politicien lambda. En somme, le premier capable de faire le pas en arrière qui ferait faire un bond en avant à la démocratie et à la solidité des institutions républicaines. J’aurais tant aimé que ce fût Laurent Gbagbo. Mais le « boulanger » se cramponne à son fauteuil, prêt à aller jusqu’à la guerre civile, parce qu’il a, dit-on, le Droit, Roland Dumas et Jacques Vergès pour lui. Mais l’historien, auteur, jadis, d’un livre intitulé Côte-d’Ivoire : pour une alternative démocratique, n’a que faire de l’Histoire. Il ne partira que sous la contrainte – non militaire, je l’espère. Honni, affaibli et isolé, on lui organisera alors une négociation de façade, pour lui ménager une porte de sortie « honorable ». Une toute petite porte. Et l’homme s’en ira tout droit aux oubliettes de l’Histoire. Quel gâchis !
Une tribune de l’écrivain camerounais Marcel-Duclos Efoudebe, auteur de L’Afrique survivra aux afro-pessimistes, L’Harmattan, 2007.