La crise post-électorale née du 2nd tour de la présidentielle de novembre 2010 en Côte d'Ivoire joue sur le bon fonctionnement du Paa (Port autonome d'Abidjan). Le navire Paa tangue mais, tient...
Plus de deux mois après le 2nd tour de la présidentielle de 2010, le Paa (Port autonome d'Abidjan) "travaille" comme le soutient le directeur général, Marcel Gossio par ailleurs président de la communauté portuaire d'Abidjan. Mais, difficilement, peut-on dire. Le Sempa-Bmod (Syndicat des entrepreneurs de manutention des ports de Côte d'Ivoire-Bureau de la main d'œuvre dockers) met chaque jour les employés à la disposition des manutentionnaires. Des dispositions ont même été prises par le directeur des recettes douanières, le colonel Marcellin Gnako en vue de "sécuriser" les recettes de l'Etat de Côte d'Ivoire. Mais, la situation sur la plate-forme portuaire est difficile pour l'ensemble des opérateurs économiques.
Les dockers opérationnels et disponibles mais...
Un tour au hall d'embauche du Sempa-Bmod (Syndicat des entrepreneurs des manutentions des ports de Côte d'Ivoire-Bureau de la main d'œuvre dockers) nous a permis de constater que les dockers pointent chaque jour au travail. Seulement, les embauches ont nettement baissé à cause de la cadence et des mouvements des navires. Par contre, ce qui est encourageant, c'est que le Cnnd (Collectif national des dockers et dockers pour la défense de leurs droits) s'est abstenu de tout mouvement de grève. Ce syndicat avait, une fois de plus, observé une grève illimitée, sous la présidence de Jean-Landry Atsé Ayekoué à partir du 8 octobre 2010, quelques semaines avant le 1er tour de la présidentielle des élections en Côte d'Ivoire. Cette grève venait à peine de prendre fin qu'intervient la crise post-électorale née du 2nd tour de la présidentielle. Mais, avec la présidence par intérim de Mahan Valère, c'est d'abord le travail et l'intérêt supérieur du pays. " Nous travaillons pour l'intérêt supérieur national et pour nos différentes familles. L'heure n'est donc pas aux grèves ", nous a fait savoir Mahan Valère intérimaire du syndicat représentatif des ports d'Abidjan et de San-Pedro. Indiquant par ailleurs que loin des cadences "tortues" et autres, le tonnage est de 350 tonnes par shift (12 heures de travail) par cale et par navire, et de plus de 120 tonnes par chargement de marchandises.
En revanche, les dockers souhaitent, dès la fin de la crise, que les autorités compétentes à savoir les ministères des Transports, de la Fonction publique, de l'Economie et des Finances ainsi que celui des Infrastructures économiques se penchent sur leur doléance qui a de tout temps été la pomme de discorde entre eux et leur employeur. Il s'agit de " la création d'une structure unique de gestion des dockers dotée d'un conseil d'administration dans laquelle les dockers feront partie et non la libéralisation du secteur portuaire ". Ils entendent ainsi, faire "primer l'intérêt de la Nation sur l'intérêt particulier".
Des quais apparemment vides, vers le chômage technique
La visite des différents quais confirme bien la présence de quelques dockers à leur lieu de travail.
Seulement, ce n'est pas l'ambiance des grands jours d'embarcation, de débarcation et de magasinage à certains quais. Au quai fruitier, spécialisé dans l'exportation de denrées périssables telles que la banane et l'ananas, c'est la grande ambiance. Les premiers responsables reçoivent chaque fois deux bateaux par semaine et maintiennent leur tonnage annuel qui tourne autour de 250 000 tonnes par an. "Nos bateaux sont des navires battant pavillon panaméen. Nous avons des cadences normales", nous rassure Kanté Yatié, directeur adjoint d'exploitation de Smpa (Société de manutention agricole). Dont le quai accueillait lors de notre passage, le mardi 25 janvier 2011, le navire "Lady Rose".
Du magasin 2 au magasin 19, les rares navires qui accostent, appartiennent à la société Global manutention et, pour livraison en général de riz. C'est un vide total. Pas d'activité.
Un opérateur économique dont la société est spécialisée dans la manutention, le transit, sous le sceau de l'anonymat, est amer. "Avant la crise, notre société enregistrait un à deux navires par semaine. Depuis le mois de décembre, nous n'avons reçu qu'un seul navire", indique-t-il. A en croire notre interlocuteur, et comparativement à Global manutention, chaque acconier et manutentionnaire a ses réalités. En effet, la baisse du trafic des navires occasionne des frais que les opérateurs économiques doivent payer. Entre autres les prestations liées aux frais liés à l'utilisation des entrepôts. "Ce qui est rentable pour le port n'est pas rentable pour nous les opérateurs dans cette situation de crise ", précise notre source. Soutenant par la suite que "si cela doit perdurer, nous allons opter pour le chômage technique".
Au magasin 9, service manutention de SDV-SAGA, filiale du groupe Bolloré Africa Logistic ce sont des travailleurs qui se rongent les pouces. Et pour cause, avant l'application effective de la sanction de l'UE (Union Européenne) portant entre autres sur "l'interdiction aux navires immatriculés sur l'espace européen de faire des escales au port d'Abidjan", trois navires ont été annulés par des exportateurs cacao.
Il s'agit des M/V appellation des navires (Moteur/Vessel) Clipper dont l'arrivée était prévue le 26 janvier 2011, jour de notre passage. Il était prévu du cacao en vrac de 220 lots soit 5 800 tonnes pour l'exportateur européen, ADM, et le M/V ISIS prévu le 1er février 2011 pour 100 lots de cacao soit 2 500 tonnes ainsi que M/V Safmarime pour le cacao preelingue de 200 lots soit 5000 tonnes à destination de Philadelphie.
"Nous payons le lourd préjudice de tout ça puisque le dernier navire, M/V UALANTWERP que nous avons reçu date du dimanche 23 janvier 2011", affirment les travailleurs l'air très inquiet. Le groupe Bolloré, faut-il le rappeler, c'est plus de 70% du trafic portuaire d'Abidjan.
Une situation de plus en plus difficile mais, pas impossible
La situation de crise sociopolitique que traverse la Côte d'Ivoire n'est pas trop favorable à la cadence des navires. Pourtant, le port d'Abidjan est équipé en matériel de pointe. Il dispose de plusieurs équipements dont deux grues mobiles et 16 nouveaux portiques. Ce qui permet au port de passer d'une cadence d'opération de 18 à 25 mouvements par heure par portique et 80 mouvements par heure par navire. Il en est de même pour le terminal à conteneurs, le plus performant d'Afrique selon Maersk-Line, premier armateur mondial. La création de ce terminal permet également de porter la cadence de déchargements de 3000 à 13000 tonnes par jour. Idem pour le terminal roulier dédié en grande partie au trafic de véhicules pour assurer une manutention et une exploitation conformes aux normes et standards internationaux. "On n'attend pas longtemps au port d'Abidjan. Les autres ports de la sous-région sont petits par rapport à celui d'Abidjan. Un navire qui attend dépense environ 25 millions par jour", rappelle Marcel Gossio. Cette disposition met en confiance la direction générale du Paa. "Un comité restreint de crise, composé du Port autonome d'Abidjan, de la gendarmerie, de la police, des affaires maritimes et des représentants des manutentionnaires, a été mis en place, pour assurer la continuité des opérations dans les meilleures conditions de sureté et de sécurité", rassure le Dg du Paa et président de la communauté portuaire, Marcel Gossio pour une sortie de crise post-électorale. De fait, soutient le président de l'Amci, Dosso Mamadou, le secteur de la consignation maritime a été emmené à s'organiser pour amenuiser l'impact de la crise sur le navire car, "dans son rôle de représentant légal de l'armateur, le consignataire se doit, pour l'essentiel, de veiller au bon déroulement des opérations du navire en escale dans le port".
A l'en croire, veiller au bon déroulement des opérations, c'est veiller à ce que le navire effectue ses opérations commerciales de chargement et déchargement dans le temps imparti car "ici plus qu'ailleurs, le temps c'est de l'argent au regard du niveau exorbitant du coût journalier des navires qui va au-delà des 20 millions de francs CFA pour certains navires ; c'est également veiller à pourvoir et à satisfaire aux besoins du navire dans le temps, le tout dans un environnement qui ne mette pas en péril la sécurité du navire et de l'équipage".
Du point de vue de la sécurité, des efforts ont été accomplis par l'autorité portuaire qui a su asseoir les garanties nécessaires à ce niveau dans l'enceinte portuaire au niveau des deux ports pendant la crise.
Les perturbations notées ont été consécutives à l'application du couvre-feu qui a affecté les horaires d'embauche et de relève des dockers, les embauches s'effectuant habituellement à 6 heures le matin avec des changements d'équipes aux environs de 19 heures.
Par ailleurs, en relation avec l'autorité portuaire, des aménagements ont pu être apportés à ces horaires pour permettre le travail sur les navires 24 heures/24 même si les cadences de manutention ont pu connaître quelques ralentissements par moment.
Toutefois, les navires ont quand même subi le contrecoup du couvre-feu au niveau des entrées et sorties du port qui ne pouvaient se faire qu'en dehors des horaires du couvre-feu, contraignant ainsi parfois des navires ayant terminé leurs opérations commerciales à attendre les heures appropriées pour sortir du port ou pour des navires arrivant au port d'attendre en rade extérieure.
"En définitive, un comité restreint a été mis en place dans le cadre de la communauté portuaire à la levée du couvre-feu pour en analyser l'impact, tant au niveau des clients importateurs que des navires, comité qui a proposé des mesures correctives dans le but de minimiser à certains égards l'impact financier négatif de la crise sur cette période", explique le président de l'Amci.
Concernant l'impact sur le volume du trafic, et aux dires de certains importateurs, les nouvelles commande sont aujourd'hui réduites au strict minimum pour la plupart d'entre eux du fait de la crise dans beaucoup de secteurs, le souci premier étant d'écouler les stocks existants.
A cela s'ajoute la baisse du volume des trafics de l'hinterland passant par le port d'Abidjan.
"Si ces tendances se poursuivent, elles ne pourront qu'impacter négativement sur le volume global du trafic portuaire et sur l'activité des entreprises du secteur", conclut Dosso Mamadou.
Malgré les mesures, l'hinterland dans la désolation
La direction générale des douanes par note de service n°343-du 07 décembre 2010 a procédé de la "procédure de traitement des importations des opérateurs privilégiés", "en vue d'accélérer l'enlèvement des marchandises sous douane et sauvegarder les intérêts du Trésor Public par l'accroissement des recettes".
Malgré ces mesures, la situation ne s'y prête pas. "C'est la célérité des transbordements qui fait la force du PAA, mais avec la situation actuelle, les importateurs du Mali et du Burkina préfèrent les autres ports de la sous région notamment Cotonou (Benin) ou Téma (Togo). Même si cela doit leur prendre des jours au lieu des 24 heures suffisantes à Abidjan", ajoute un opérateur économique du Burkina Faso sous le sceau de l'anonymat.
Le transport routier qui constitue le principal moyen des échanges commerciaux, soit plus de 80%, entre les différentes régions de la Côte d'Ivoire et entre la Côte d'Ivoire et les pays voisins est en proie à des difficultés.
En effet, depuis le déclenchement de la crise post-électorale, l'acheminement des arrivages se heurte à la paralysie des transports terrestres, acteurs déterminants dans les échanges entre Abidjan et Ouagadougou. Les autorités des Forces nouvelles (FN) dans la moitié nord de la Côte d'Ivoire ne permettent que la navette entre Ouagadougou et Bouaké.
Le chemin de fer est quant à lui devenu très contraignant soumis lui aussi au blocus des voies de circulation par les FN. L'escorte opérée par l'Oic (Office ivoirien des chargeurs) est confronté à ce problème. En effet, au Salon africain des transports et des infrastructures tenu en octobre 2010 par Bamba Magnatié, le directeur des infrastructures et de la facilitation des transports à l'Oic, N'Doumé Jean-Patrick annonçait au cours d'une conférence sur " l'impact de la fluidité routière sur l'économie régionale " que, l'absence de fluidité routière " a un impact négatif sur la compétitivité des entreprises, la libre circulation des personnes et des biens et les recettes au niveau de l'Etat en matière de fiscalité et de parafiscalité ". En témoignent les ressources collectées au titre du racket sur les transports urbains, inter urbains et marchandises estimés entre 95 et 150 milliards Fcfa par an par la Banque mondiale.
"Les opérateurs économiques maliens ont actuellement près de 11 milliards de francs de marchandises bloquées en Côte d'Ivoire. C'est un problème sérieux pour nous...", se désolait la semaine dernière, à Bamako, un opérateur économique malien proche de la direction générale du Port autonome d'Abidjan à un confrère de Fraternité-Matin. L'enlèvement de plus de 30 mille tonnes de marchandises du port d'Abidjan par 300 camions maliens, à la mi-décembre, n'a quasiment pas ramené la quiétude. Le Burkina Faso, l'autre géant client du Port autonome d'Abidjan est, selon des informations publiées dans le magazine panafricain Jeune Afrique dans sa dernière parution, dans la tourmente. On annonce au moins 20 mille tonnes de marchandises appartenant aux opérateurs économiques de ce pays, bloquées au Port autonome d'Abidjan dont 14 mille tonnes de riz. Comme au Mali, les prix des produits ont aussi augmenté. Le "port sec" de Bobo-Dioulasso, la plus grande ville du Burkina Faso, proche de la frontière ivoirienne a "séché", mentionne le confrère. Le Niger qui n'effectue que 30% de ses importations par le port d'Abidjan, n'échappe pas pour autant aux effets de la crise ivoirienne. "Nous sentons moins les effets de la crise ivoirienne que le Mali et le Burkina Faso, dont les économies sont extrêmement liées à celle de la Côte d'Ivoire. Mais nous sommes tout de même affectés", a fait savoir le secrétaire général de la Chambre de commerce, d'industrie et d'artisanat du Niger, Laouali Chaïbou, au confrère de Jeune Afrique.
Face à la confuse situation de ni paix ni guerre doublée de la crise post-électorale née du 2nd tour de la présidentielle de novembre 2010, le président de la communauté portuaire d'Abidjan, Marcel Gossio fait beaucoup d'efforts et reste serein. "Au niveau du trafic général, à fin octobre, nous étions à une hausse de 4,9% et en fin décembre 7,54%. Il y a donc une augmentation", précise le Dg du Paa. En 2010, le Paa tournera autour 24 à 25 millions de tonnes de marchandises légèrement en hausse que l'année écoulée avec 24 millions de tonnes, à cause des différentes perturbations causées par les dockers selon Marcel Gossio.
Les douanes ivoiriennes, toujours le poumon ?
Le Port autonome d'Abidjan représente environ 85% des recettes douanières, soit plus de 60% du budget général de l'Etat, avec 70% des activités industrielles et 40000 emplois directs. Aussi, 95% des échanges commerciaux avec l'extérieur se font par voie maritime dont 90% par le Paa. Il a enregistré en 2010, plus de 24 millions de tonnes de marchandises. Pour mieux "sécuriser" les "recettes de l'Etat de Côte d'Ivoire", la circulaire N°104/DGD/DR du 03 janvier 2011, à l'attention des déclarations en douanes agréées relative au règlement des droits et taxes par chèques certifiés a été signée par les autorités douanières. Et ce, pour "éviter les incidents de règlement relatifs aux chèques qui retournent impayés (chèques sans provision)". Qui, selon des sources proches de la recette douanière aurait causé un préjudice évalué à des dizaines de milliards Fcfa à l'Etat de Côte d'Ivoire en 2010.
Toutefois, au moment de notre passage à la direction du Trésor, notre source nous a révélé sous le sceau de l'anonymat que la tendance était de 3,2 milliards Fcfa par jour. Ce qui a fait dire à notre interlocuteur que "les recettes se portent bien". Du 03 au 12 janvier la tendance était de 32,8 milliards Fcfa. "Si elle se maintient pour les 14 jours qui restent jusqu'à la fin du mois (ndlr: 31 janvier 2011), nous serons à environ 75 milliards Fcfa", a-t-il indiqué.
Sériba Koné
Plus de deux mois après le 2nd tour de la présidentielle de 2010, le Paa (Port autonome d'Abidjan) "travaille" comme le soutient le directeur général, Marcel Gossio par ailleurs président de la communauté portuaire d'Abidjan. Mais, difficilement, peut-on dire. Le Sempa-Bmod (Syndicat des entrepreneurs de manutention des ports de Côte d'Ivoire-Bureau de la main d'œuvre dockers) met chaque jour les employés à la disposition des manutentionnaires. Des dispositions ont même été prises par le directeur des recettes douanières, le colonel Marcellin Gnako en vue de "sécuriser" les recettes de l'Etat de Côte d'Ivoire. Mais, la situation sur la plate-forme portuaire est difficile pour l'ensemble des opérateurs économiques.
Les dockers opérationnels et disponibles mais...
Un tour au hall d'embauche du Sempa-Bmod (Syndicat des entrepreneurs des manutentions des ports de Côte d'Ivoire-Bureau de la main d'œuvre dockers) nous a permis de constater que les dockers pointent chaque jour au travail. Seulement, les embauches ont nettement baissé à cause de la cadence et des mouvements des navires. Par contre, ce qui est encourageant, c'est que le Cnnd (Collectif national des dockers et dockers pour la défense de leurs droits) s'est abstenu de tout mouvement de grève. Ce syndicat avait, une fois de plus, observé une grève illimitée, sous la présidence de Jean-Landry Atsé Ayekoué à partir du 8 octobre 2010, quelques semaines avant le 1er tour de la présidentielle des élections en Côte d'Ivoire. Cette grève venait à peine de prendre fin qu'intervient la crise post-électorale née du 2nd tour de la présidentielle. Mais, avec la présidence par intérim de Mahan Valère, c'est d'abord le travail et l'intérêt supérieur du pays. " Nous travaillons pour l'intérêt supérieur national et pour nos différentes familles. L'heure n'est donc pas aux grèves ", nous a fait savoir Mahan Valère intérimaire du syndicat représentatif des ports d'Abidjan et de San-Pedro. Indiquant par ailleurs que loin des cadences "tortues" et autres, le tonnage est de 350 tonnes par shift (12 heures de travail) par cale et par navire, et de plus de 120 tonnes par chargement de marchandises.
En revanche, les dockers souhaitent, dès la fin de la crise, que les autorités compétentes à savoir les ministères des Transports, de la Fonction publique, de l'Economie et des Finances ainsi que celui des Infrastructures économiques se penchent sur leur doléance qui a de tout temps été la pomme de discorde entre eux et leur employeur. Il s'agit de " la création d'une structure unique de gestion des dockers dotée d'un conseil d'administration dans laquelle les dockers feront partie et non la libéralisation du secteur portuaire ". Ils entendent ainsi, faire "primer l'intérêt de la Nation sur l'intérêt particulier".
Des quais apparemment vides, vers le chômage technique
La visite des différents quais confirme bien la présence de quelques dockers à leur lieu de travail.
Seulement, ce n'est pas l'ambiance des grands jours d'embarcation, de débarcation et de magasinage à certains quais. Au quai fruitier, spécialisé dans l'exportation de denrées périssables telles que la banane et l'ananas, c'est la grande ambiance. Les premiers responsables reçoivent chaque fois deux bateaux par semaine et maintiennent leur tonnage annuel qui tourne autour de 250 000 tonnes par an. "Nos bateaux sont des navires battant pavillon panaméen. Nous avons des cadences normales", nous rassure Kanté Yatié, directeur adjoint d'exploitation de Smpa (Société de manutention agricole). Dont le quai accueillait lors de notre passage, le mardi 25 janvier 2011, le navire "Lady Rose".
Du magasin 2 au magasin 19, les rares navires qui accostent, appartiennent à la société Global manutention et, pour livraison en général de riz. C'est un vide total. Pas d'activité.
Un opérateur économique dont la société est spécialisée dans la manutention, le transit, sous le sceau de l'anonymat, est amer. "Avant la crise, notre société enregistrait un à deux navires par semaine. Depuis le mois de décembre, nous n'avons reçu qu'un seul navire", indique-t-il. A en croire notre interlocuteur, et comparativement à Global manutention, chaque acconier et manutentionnaire a ses réalités. En effet, la baisse du trafic des navires occasionne des frais que les opérateurs économiques doivent payer. Entre autres les prestations liées aux frais liés à l'utilisation des entrepôts. "Ce qui est rentable pour le port n'est pas rentable pour nous les opérateurs dans cette situation de crise ", précise notre source. Soutenant par la suite que "si cela doit perdurer, nous allons opter pour le chômage technique".
Au magasin 9, service manutention de SDV-SAGA, filiale du groupe Bolloré Africa Logistic ce sont des travailleurs qui se rongent les pouces. Et pour cause, avant l'application effective de la sanction de l'UE (Union Européenne) portant entre autres sur "l'interdiction aux navires immatriculés sur l'espace européen de faire des escales au port d'Abidjan", trois navires ont été annulés par des exportateurs cacao.
Il s'agit des M/V appellation des navires (Moteur/Vessel) Clipper dont l'arrivée était prévue le 26 janvier 2011, jour de notre passage. Il était prévu du cacao en vrac de 220 lots soit 5 800 tonnes pour l'exportateur européen, ADM, et le M/V ISIS prévu le 1er février 2011 pour 100 lots de cacao soit 2 500 tonnes ainsi que M/V Safmarime pour le cacao preelingue de 200 lots soit 5000 tonnes à destination de Philadelphie.
"Nous payons le lourd préjudice de tout ça puisque le dernier navire, M/V UALANTWERP que nous avons reçu date du dimanche 23 janvier 2011", affirment les travailleurs l'air très inquiet. Le groupe Bolloré, faut-il le rappeler, c'est plus de 70% du trafic portuaire d'Abidjan.
Une situation de plus en plus difficile mais, pas impossible
La situation de crise sociopolitique que traverse la Côte d'Ivoire n'est pas trop favorable à la cadence des navires. Pourtant, le port d'Abidjan est équipé en matériel de pointe. Il dispose de plusieurs équipements dont deux grues mobiles et 16 nouveaux portiques. Ce qui permet au port de passer d'une cadence d'opération de 18 à 25 mouvements par heure par portique et 80 mouvements par heure par navire. Il en est de même pour le terminal à conteneurs, le plus performant d'Afrique selon Maersk-Line, premier armateur mondial. La création de ce terminal permet également de porter la cadence de déchargements de 3000 à 13000 tonnes par jour. Idem pour le terminal roulier dédié en grande partie au trafic de véhicules pour assurer une manutention et une exploitation conformes aux normes et standards internationaux. "On n'attend pas longtemps au port d'Abidjan. Les autres ports de la sous-région sont petits par rapport à celui d'Abidjan. Un navire qui attend dépense environ 25 millions par jour", rappelle Marcel Gossio. Cette disposition met en confiance la direction générale du Paa. "Un comité restreint de crise, composé du Port autonome d'Abidjan, de la gendarmerie, de la police, des affaires maritimes et des représentants des manutentionnaires, a été mis en place, pour assurer la continuité des opérations dans les meilleures conditions de sureté et de sécurité", rassure le Dg du Paa et président de la communauté portuaire, Marcel Gossio pour une sortie de crise post-électorale. De fait, soutient le président de l'Amci, Dosso Mamadou, le secteur de la consignation maritime a été emmené à s'organiser pour amenuiser l'impact de la crise sur le navire car, "dans son rôle de représentant légal de l'armateur, le consignataire se doit, pour l'essentiel, de veiller au bon déroulement des opérations du navire en escale dans le port".
A l'en croire, veiller au bon déroulement des opérations, c'est veiller à ce que le navire effectue ses opérations commerciales de chargement et déchargement dans le temps imparti car "ici plus qu'ailleurs, le temps c'est de l'argent au regard du niveau exorbitant du coût journalier des navires qui va au-delà des 20 millions de francs CFA pour certains navires ; c'est également veiller à pourvoir et à satisfaire aux besoins du navire dans le temps, le tout dans un environnement qui ne mette pas en péril la sécurité du navire et de l'équipage".
Du point de vue de la sécurité, des efforts ont été accomplis par l'autorité portuaire qui a su asseoir les garanties nécessaires à ce niveau dans l'enceinte portuaire au niveau des deux ports pendant la crise.
Les perturbations notées ont été consécutives à l'application du couvre-feu qui a affecté les horaires d'embauche et de relève des dockers, les embauches s'effectuant habituellement à 6 heures le matin avec des changements d'équipes aux environs de 19 heures.
Par ailleurs, en relation avec l'autorité portuaire, des aménagements ont pu être apportés à ces horaires pour permettre le travail sur les navires 24 heures/24 même si les cadences de manutention ont pu connaître quelques ralentissements par moment.
Toutefois, les navires ont quand même subi le contrecoup du couvre-feu au niveau des entrées et sorties du port qui ne pouvaient se faire qu'en dehors des horaires du couvre-feu, contraignant ainsi parfois des navires ayant terminé leurs opérations commerciales à attendre les heures appropriées pour sortir du port ou pour des navires arrivant au port d'attendre en rade extérieure.
"En définitive, un comité restreint a été mis en place dans le cadre de la communauté portuaire à la levée du couvre-feu pour en analyser l'impact, tant au niveau des clients importateurs que des navires, comité qui a proposé des mesures correctives dans le but de minimiser à certains égards l'impact financier négatif de la crise sur cette période", explique le président de l'Amci.
Concernant l'impact sur le volume du trafic, et aux dires de certains importateurs, les nouvelles commande sont aujourd'hui réduites au strict minimum pour la plupart d'entre eux du fait de la crise dans beaucoup de secteurs, le souci premier étant d'écouler les stocks existants.
A cela s'ajoute la baisse du volume des trafics de l'hinterland passant par le port d'Abidjan.
"Si ces tendances se poursuivent, elles ne pourront qu'impacter négativement sur le volume global du trafic portuaire et sur l'activité des entreprises du secteur", conclut Dosso Mamadou.
Malgré les mesures, l'hinterland dans la désolation
La direction générale des douanes par note de service n°343-du 07 décembre 2010 a procédé de la "procédure de traitement des importations des opérateurs privilégiés", "en vue d'accélérer l'enlèvement des marchandises sous douane et sauvegarder les intérêts du Trésor Public par l'accroissement des recettes".
Malgré ces mesures, la situation ne s'y prête pas. "C'est la célérité des transbordements qui fait la force du PAA, mais avec la situation actuelle, les importateurs du Mali et du Burkina préfèrent les autres ports de la sous région notamment Cotonou (Benin) ou Téma (Togo). Même si cela doit leur prendre des jours au lieu des 24 heures suffisantes à Abidjan", ajoute un opérateur économique du Burkina Faso sous le sceau de l'anonymat.
Le transport routier qui constitue le principal moyen des échanges commerciaux, soit plus de 80%, entre les différentes régions de la Côte d'Ivoire et entre la Côte d'Ivoire et les pays voisins est en proie à des difficultés.
En effet, depuis le déclenchement de la crise post-électorale, l'acheminement des arrivages se heurte à la paralysie des transports terrestres, acteurs déterminants dans les échanges entre Abidjan et Ouagadougou. Les autorités des Forces nouvelles (FN) dans la moitié nord de la Côte d'Ivoire ne permettent que la navette entre Ouagadougou et Bouaké.
Le chemin de fer est quant à lui devenu très contraignant soumis lui aussi au blocus des voies de circulation par les FN. L'escorte opérée par l'Oic (Office ivoirien des chargeurs) est confronté à ce problème. En effet, au Salon africain des transports et des infrastructures tenu en octobre 2010 par Bamba Magnatié, le directeur des infrastructures et de la facilitation des transports à l'Oic, N'Doumé Jean-Patrick annonçait au cours d'une conférence sur " l'impact de la fluidité routière sur l'économie régionale " que, l'absence de fluidité routière " a un impact négatif sur la compétitivité des entreprises, la libre circulation des personnes et des biens et les recettes au niveau de l'Etat en matière de fiscalité et de parafiscalité ". En témoignent les ressources collectées au titre du racket sur les transports urbains, inter urbains et marchandises estimés entre 95 et 150 milliards Fcfa par an par la Banque mondiale.
"Les opérateurs économiques maliens ont actuellement près de 11 milliards de francs de marchandises bloquées en Côte d'Ivoire. C'est un problème sérieux pour nous...", se désolait la semaine dernière, à Bamako, un opérateur économique malien proche de la direction générale du Port autonome d'Abidjan à un confrère de Fraternité-Matin. L'enlèvement de plus de 30 mille tonnes de marchandises du port d'Abidjan par 300 camions maliens, à la mi-décembre, n'a quasiment pas ramené la quiétude. Le Burkina Faso, l'autre géant client du Port autonome d'Abidjan est, selon des informations publiées dans le magazine panafricain Jeune Afrique dans sa dernière parution, dans la tourmente. On annonce au moins 20 mille tonnes de marchandises appartenant aux opérateurs économiques de ce pays, bloquées au Port autonome d'Abidjan dont 14 mille tonnes de riz. Comme au Mali, les prix des produits ont aussi augmenté. Le "port sec" de Bobo-Dioulasso, la plus grande ville du Burkina Faso, proche de la frontière ivoirienne a "séché", mentionne le confrère. Le Niger qui n'effectue que 30% de ses importations par le port d'Abidjan, n'échappe pas pour autant aux effets de la crise ivoirienne. "Nous sentons moins les effets de la crise ivoirienne que le Mali et le Burkina Faso, dont les économies sont extrêmement liées à celle de la Côte d'Ivoire. Mais nous sommes tout de même affectés", a fait savoir le secrétaire général de la Chambre de commerce, d'industrie et d'artisanat du Niger, Laouali Chaïbou, au confrère de Jeune Afrique.
Face à la confuse situation de ni paix ni guerre doublée de la crise post-électorale née du 2nd tour de la présidentielle de novembre 2010, le président de la communauté portuaire d'Abidjan, Marcel Gossio fait beaucoup d'efforts et reste serein. "Au niveau du trafic général, à fin octobre, nous étions à une hausse de 4,9% et en fin décembre 7,54%. Il y a donc une augmentation", précise le Dg du Paa. En 2010, le Paa tournera autour 24 à 25 millions de tonnes de marchandises légèrement en hausse que l'année écoulée avec 24 millions de tonnes, à cause des différentes perturbations causées par les dockers selon Marcel Gossio.
Les douanes ivoiriennes, toujours le poumon ?
Le Port autonome d'Abidjan représente environ 85% des recettes douanières, soit plus de 60% du budget général de l'Etat, avec 70% des activités industrielles et 40000 emplois directs. Aussi, 95% des échanges commerciaux avec l'extérieur se font par voie maritime dont 90% par le Paa. Il a enregistré en 2010, plus de 24 millions de tonnes de marchandises. Pour mieux "sécuriser" les "recettes de l'Etat de Côte d'Ivoire", la circulaire N°104/DGD/DR du 03 janvier 2011, à l'attention des déclarations en douanes agréées relative au règlement des droits et taxes par chèques certifiés a été signée par les autorités douanières. Et ce, pour "éviter les incidents de règlement relatifs aux chèques qui retournent impayés (chèques sans provision)". Qui, selon des sources proches de la recette douanière aurait causé un préjudice évalué à des dizaines de milliards Fcfa à l'Etat de Côte d'Ivoire en 2010.
Toutefois, au moment de notre passage à la direction du Trésor, notre source nous a révélé sous le sceau de l'anonymat que la tendance était de 3,2 milliards Fcfa par jour. Ce qui a fait dire à notre interlocuteur que "les recettes se portent bien". Du 03 au 12 janvier la tendance était de 32,8 milliards Fcfa. "Si elle se maintient pour les 14 jours qui restent jusqu'à la fin du mois (ndlr: 31 janvier 2011), nous serons à environ 75 milliards Fcfa", a-t-il indiqué.
Sériba Koné