Dans un précédent article daté du mardi 4 janvier dernier, je livrais les réflexions particulières que m'inspirait l'attitude de M. Gbagbo, notamment son refus de reconnaître sa défaite à l'élection présidentielle transparente et démocratique du 28 novembre 2010, et de céder le pouvoir, M. Gbagbo que j'interpellais en sa double qualité de fervent Chrétien et de démocrate.
Dans la présente contribution, c'est surtout à l'historien que je voudrais respectueusement m'adresser.
Mais tout d'abord, à tous ceux qui voudraient fixer à l'Eglise des limites bien définies qu'elle ne devrait pas dépasser face aux problèmes qui minent la société ivoirienne, en général, et en particulier , face à l'inextricable imbroglio créé par le Conseil Constitutionnel qui, contre toute attente, a annoncé l'invalidation des résultats de la CEI (Commission Electorale Indépendante), et proclamé la victoire de Laurent Gbagbo ; à tous ceux qui pousseraient des hauts cris d'indignation du genre : " encore lui !", " de quoi se mêle-t-il, ce prêtre ? ", " qu'il reste à sa place … !", je voudrais rappeler cette parole des Pharisiens pourtant réputés farouches adversaires de Jésus :
" Nous savons que tu parles et enseignes avec droiture et que tu ne tiens pas compte des personnes, mais que tu enseignes en toute vérité la voie de DIEU " (Luc 20,21)
La vérité, tel est le but de mon intervention, la vérité qui est invincible et que l'Eglise transmet depuis plus de 2000 ans aux générations successives, sa mission historique étant de la proclamer, à temps et à contretemps.
Fidèle à cet idéal, j'estime que je n'ai pas le droit de me laver les mains comme Ponce Pilate et de passer la vérité sous silence, car elle vient de Dieu et " nous rend libres " (Jean 8,31-36). Oui, je n'ai pas le droit de me taire devant le coup de force que M. Gbagbo veut imposer au peuple souverain de Côte d'Ivoire qui l'a sanctionné à l'issue de l'élection présidentielle du 28 novembre 2010.
En effet, l'on s'attendait à ce que la Côte d'Ivoire, jadis Havre de paix, terre de stabilité, d'hospitalité et de sagesse à l'image de son Fondateur, Félix Houphouët Boigny, " le Sage de l'Afrique ", saisît l'occasion de cette élection présidentielle moult fois reportée, pour repartir sur de bons pieds, pour redevenir le phare incontestable de la sous-région Ouest africaine, et se placer , définitivement, sur les rails d'une authentique démocratie.
L'on s'attendait à ce que M. Gbagbo tînt sa promesse, celle faite Urbi et Orbi de respecter le verdict des urnes, attitude ô combien élégante politiquement et moralement, qui malgré sa défaite, eût pu lui permettre de sortir honorablement et d'entrer dans l'Histoire, s'il avait immédiatement et clairement reconnu la victoire de M. Ouattara, et appelé ses partisans à faire de même.
Et depuis plus de deux mois, la descente aux enfers entamée depuis le coup d'Etat moyenâgeux du 24 décembre 1999, s'accentue. La Côte d'Ivoire se déchire en lambeaux, refusant d'avancer sur la voie du progrès, son développement étant gravement entravé, par la faute de M. Gbagbo qui s'accroche piteusement au pouvoir comme un naufragé à une bouée de sauvetage, grâce au soutien indéfectible de l'armée, une armée qu'il a corrompue et engraissée, qui compte dans son sein des milliers d'hommes qu'il a recrutés depuis 2002, et qui lui sont redevables !
Depuis lors, la vie dans notre pays est rythmée par l'Etat d'urgence, les couvre-feux interminables, les barrages filtrants établis par les FDS (Forces de Défense et de Sécurité) restées loyales à M. Gbagbo aux alentours de l'Hôtel du Golf, imposant de facto un blocus abject au Vainqueur de cette élection, lesquelles forces font régner la terreur sur les populations qui vivent déjà dans des conditions extrêmement précaires, en particulier dans les quartiers réputés favorables à M. Ouattara !
Depuis lors, M. Gbagbo défie la Communauté Internationale, tourne en dérision l'ONU et ses responsables traités d'incompétents par ses partisans, fait découvrir à ses Pairs Africains de l'UA (Union Africaine) et de la CEDEAO, dépêchés auprès de lui comme médiateurs dans la crise inédite qui secoue la Côte d'Ivoire devenue, dans l'intervalle, une espèce de monstre à deux têtes, une autre facette de son grand talent de boulanger !
Pire, M. Gbagbo visité en songe par je ne sais quel esprit céleste, se convainc, et avec lui son clan, ses courtisans et la foule de ses laudateurs désœuvrés, que le pouvoir, au soir du deuxième tour de l'élection présidentielle, lui aurait été offert sur un plateau d'or descendu des cieux par le Dieu Créateur de toutes choses.
Mais comment comprendre que celui qui, hier, se croyait investi de la mission éminente de faire de la Côte d'Ivoire un pays véritablement démocratique s'il accédait un jour au pouvoir d'Etat soit, aujourd'hui, devenu au fil des années, un vrai autocrate qui se bouche les oreilles pour ne point entendre les cris de détresse de son peuple et ses appels croissants à la paix, au progrès, à un mieux-être ?
A la vérité, les longues et âpres années passées dans l'opposition, années marquées du sceau de la galère, ont opéré une formidable métamorphose en M. Gbagbo qui, découvrant la réalité du pouvoir d'Etat et notamment son côté faste, s'est laissé prendre par le vertige d'un pouvoir personnel, émoussant ainsi en lui l'idéal démocratique d'antan.
La boulimie de pouvoir qui s'est emparée de M. Gbagbo depuis qu'il occupe le fauteuil présidentiel, acquis au moyen de contorsions, de revirements et de compromissions dont il a seul le secret, dans des conditions jugées par lui-même de calamiteuses, est à mettre sur le compte du mal pernicieux qui le ronge depuis lors et qui, aujourd'hui, a atteint son paroxysme : le syndrome d'Hérode
Ce mal, c'est l'endurcissement du cœur, car plus on en est atteint, moins on le voit, parce qu'il rend aveugle. Le patient se croit alors vertueux et meilleur que les autres, et ne sait pas qu'il est prisonnier de son orgueil et de son égoïsme, lui qui croit détenir la science infuse et se prend pour une sorte de messie dont la mission est de sauver son peuple, le bon peuple qui doit comprendre que, sans lui, c'est le chaos
Comme Hérode, M. Gbagbo qui vit dans la hantise permanente de perdre son pouvoir, n'a aucun scrupule à ordonner l'usage de la force et de la violence, de la manipulation, de l'intoxication et de la propagande, à distiller la haine pour parvenir à ses fins et notamment à éliminer tous ceux qui peuvent lui porter ombrage ou constituer une menace à la conservation de son pouvoir, son objectif inavoué, dès sa prise de fonction en Octobre 2000, étant de se maintenir indéfiniment au pouvoir.
Ainsi, l'on retiendra principalement que, sous le régime FPI (Front Populaire Ivoirien), le sang des Ivoiriens a coulé à flot pendant toute une décennie sans discontinuer, de la manière la plus barbare et la plus cynique, comme aux premières heures de l'humanité, souillant progressivement son palais au point de rendre pestilentiel le fauteuil présidentiel.
Un tel pouvoir aurait-il un caractère divin comme d'aucuns le proclament avec beaucoup de grandiloquence ? En effet, Dieu donne le pouvoir en vue d'une mission éminente de Service ordonnée autour d'un triptyque : le Service de Dieu, de la Patrie et du Prochain. Cette mission a-t-elle connu un début d'accomplissement, d'Octobre 2000 à ce jour ?
En tant que fervent chrétien, M. Gbagbo n'ignore pas que les actes qu'il a posés, dans l'exercice de sa fonction, devaient être aiguillonnés par sa foi chrétienne qui lui imposait l'observance des commandements divins résumés par Jésus notre Seigneur Lui-même, en un seul : celui de l'Amour : " Aimer Dieu de tout son cœur, de toute son âme et de tout son esprit ", et " Aimer son prochain comme soi-même " (Matthieu 22 ; 37-39). Mais peut-on raisonnablement aimer Dieu sans aimer ceux et celles qui nous entourent ?
M. Gbagbo n'a-t-il pas oublié, tout au long des dix ans qu'il a passés au pouvoir, que le bien suprême, c'est l'homme, son être, sa dignité, son humanité, l'homme en tant qu'être créé à l'image et à la ressemblance de Dieu ?
La responsabilité première d'un vrai chef est de promouvoir le bien-être de son peuple. Or, M. Gbagbo et son parti, le FPI, ont prouvé qu'ils sont peu soucieux du bonheur du peuple Ivoirien, leur préoccupation majeure étant de sauvegarder leurs intérêts personnels et mesquins aux dépens de l'immense majorité du peuple qui croule sous le poids de la misère et de la faim et dont toutes les velléités d'expression sont sévèrement réprimées par les Forces de Défense et de Sécurité devenues ses bourreaux, alors qu'ils se hâtent de se bâtir des fortunes colossales.
L'armée ivoirienne, justement, n'a-t-elle pas perdu de vue son caractère républicain et apolitique ?
Notre armée a le devoir d'être au service de la Nation toute entière, de toutes les citoyennes et de tous les citoyens, et non au service d'une personne, d'un parti politique ou d'un groupe. Son rôle doit être de maintenir l'ordre, et non pas de réprimer dans le sang ou de mater sauvagement des manifestants aux mains nues, qui revendiquent pacifiquement leurs droits fondamentaux et sur lesquels l'on tire à balles réelles.
Dieu notre Père peut-Il approuver les actes intrinsèquement mauvais qui ont émaillé les dix ans d'exercice de pouvoir sans partage de M. Gbagbo, les milliers de victimes qui en ont résulté, les massacres planifiés et programmés, les charniers, les fosses communes , les exactions et l'apparition subite des escadrons de la mort en Côte d'Ivoire ?
Dieu notre Père peut-Il tolérer les actes hautement impis qui ont consisté à extraire manu militari l'un de ses enfants réfugié à la Cathédrale Saint Paul d'Abidjan, sa demeure et la Maison commune de tous ses enfants, fût-il le Général Guéi, pour être aussitôt froidement abattu, à déverser des déchets toxiques sur certains et à priver d'autres d'eau et d'électricité au cours d'une période aussi cruciale que le saint temps du jeûne musulman?
Dieu peut-Il accepter la pensée unique que l'on veut imposer à ceux de ses enfants qui ne partagent pas les mêmes opinions que les autres et que le Pouvoir FPI divise et taxe d'antirépublicains, d'antipatriotes, d'ennemis de la Côte d'Ivoire, de candidats de l'Etranger, ces enfants qu'Il a créés libres et qui, au nom de cette liberté, peuvent accepter son amour ou le refuser ?
Dieu peut-Il fermer les yeux sur les crimes économiques perpétrés par le FPI de M. Gbagbo, sur les braquages de banques et l'extorsion de fonds à des sociétés, l'augmentation sans cesse croissante et scandaleuse du budget de souveraineté de M. Gbagbo, le détournement des revenus du pétrole à des fins personnelles, depuis qu'il est au pouvoir, alors que le peuple dont il est le Père, est visiblement famélique et affamé ?
Le Seigneur notre Dieu, peut-Il tolérer pendant longtemps encore l'instauration en Côte d'Ivoire de ce nouveau culte idolâtrique, cette espèce de cannibalisme politique qui consiste à arracher de façon violente la vie à certains de ses enfants et à verser abondamment leur sang, chaque jour qu'Il fait ?
La crainte de l'ire divine prochaine, lorsque sonnera l'heure des règlements de comptes, n'aurait-elle pas dû commander qu'on éloignât de soi l'idée même de tels actes ? Un tel agir est-il conforme à la volonté divine ? La Sainte Ecriture nous en donne la réponse : "Il n'est proche de Moi qu'en paroles…, mais de cœur, il est loin de Moi " (Esaie 29 ; 13)
Les Prophètes de l'Ancien Testament ne nous montrent-ils pas Dieu faisant crouler en quelques heures des royaumes qui avaient rempli le monde de terreur et réduit de nombreux peuples en esclavage ? L'exemple d'Hitler ne nous apprend-il pas que la Puissance de Dieu n'est jamais ralentie et que sa justice possède toujours le dernier mot, " Lui qui écrase non seulement les tyrans, mais élève les humbles " (Luc 1 ; 52).
M. Gbagbo, vous avez encore l'occasion de vous rapprocher de Dieu, de revenir à Lui. Gardez-vous du reflexe du roi Hérode qui, après avoir commis tant d'actes ignominieux, perpétré tant de crimes dont la décapitation de Jean le Baptiste, le massacre des Saints Innocents et qui, bourrelé de remords, en proie à un mystérieux delirium tremens, et ne voulant pas affronter seul la mort, ordonna qu'on rassemblât dans l'hippodrome de Jéricho, les chefs des grandes familles juives, afin qu'on les égorgeât, à l'heure de sa mort. L'histoire nous révèle que cet autre ordre cruel ne fut toutefois pas exécuté.
Faites le geste qui sauvera la Côte d'Ivoire : celui de prendre l'engagement solennel devant la Nation toute entière. Faites une déclaration en expliquant à l'ensemble de vos concitoyennes et de vos concitoyens, à ceux et celles qui vous ont accordé leur suffrage ou non, les nobles sentiments qui vous habitent : l'intérêt supérieur de la Nation Ivoirienne.
Vous éviterez ainsi à la Côte d'Ivoire l'embrasement général, le feu, le sang qui n'a que trop coulé, le chaos. Vous serez alors perçu comme le rassembleur, celui qui aura, enfin, permis à la Côte d'Ivoire de se réconcilier avec elle-même, avec tous ses enfants et avec Dieu. Agissez de la sorte, humblement et sincèrement, et la Côte d'Ivoire vous en sera reconnaissante. Alors, du Nord au Sud, de l'Est à l'Ouest, les Ivoiriennes et les Ivoiriens, sous le regard de Dieu, pourront se tendre la main, une main sincère de pardon et de réconciliation, et regarder toutes et tous dans la même direction pour engager ensemble, le seul vrai combat qui vaille, celui de l'unification, de la reconstruction, du développement et du progrès de la Côte d'Ivoire, dans la paix retrouvée et le pardon !
Que Dieu bénisse et protège la Côte d'Ivoire, et vous garde, M. Gbagbo !
ABBE James Aka WADJA
Prêtre "fidei donum",
En mission en Tunisie
Dans la présente contribution, c'est surtout à l'historien que je voudrais respectueusement m'adresser.
Mais tout d'abord, à tous ceux qui voudraient fixer à l'Eglise des limites bien définies qu'elle ne devrait pas dépasser face aux problèmes qui minent la société ivoirienne, en général, et en particulier , face à l'inextricable imbroglio créé par le Conseil Constitutionnel qui, contre toute attente, a annoncé l'invalidation des résultats de la CEI (Commission Electorale Indépendante), et proclamé la victoire de Laurent Gbagbo ; à tous ceux qui pousseraient des hauts cris d'indignation du genre : " encore lui !", " de quoi se mêle-t-il, ce prêtre ? ", " qu'il reste à sa place … !", je voudrais rappeler cette parole des Pharisiens pourtant réputés farouches adversaires de Jésus :
" Nous savons que tu parles et enseignes avec droiture et que tu ne tiens pas compte des personnes, mais que tu enseignes en toute vérité la voie de DIEU " (Luc 20,21)
La vérité, tel est le but de mon intervention, la vérité qui est invincible et que l'Eglise transmet depuis plus de 2000 ans aux générations successives, sa mission historique étant de la proclamer, à temps et à contretemps.
Fidèle à cet idéal, j'estime que je n'ai pas le droit de me laver les mains comme Ponce Pilate et de passer la vérité sous silence, car elle vient de Dieu et " nous rend libres " (Jean 8,31-36). Oui, je n'ai pas le droit de me taire devant le coup de force que M. Gbagbo veut imposer au peuple souverain de Côte d'Ivoire qui l'a sanctionné à l'issue de l'élection présidentielle du 28 novembre 2010.
En effet, l'on s'attendait à ce que la Côte d'Ivoire, jadis Havre de paix, terre de stabilité, d'hospitalité et de sagesse à l'image de son Fondateur, Félix Houphouët Boigny, " le Sage de l'Afrique ", saisît l'occasion de cette élection présidentielle moult fois reportée, pour repartir sur de bons pieds, pour redevenir le phare incontestable de la sous-région Ouest africaine, et se placer , définitivement, sur les rails d'une authentique démocratie.
L'on s'attendait à ce que M. Gbagbo tînt sa promesse, celle faite Urbi et Orbi de respecter le verdict des urnes, attitude ô combien élégante politiquement et moralement, qui malgré sa défaite, eût pu lui permettre de sortir honorablement et d'entrer dans l'Histoire, s'il avait immédiatement et clairement reconnu la victoire de M. Ouattara, et appelé ses partisans à faire de même.
Et depuis plus de deux mois, la descente aux enfers entamée depuis le coup d'Etat moyenâgeux du 24 décembre 1999, s'accentue. La Côte d'Ivoire se déchire en lambeaux, refusant d'avancer sur la voie du progrès, son développement étant gravement entravé, par la faute de M. Gbagbo qui s'accroche piteusement au pouvoir comme un naufragé à une bouée de sauvetage, grâce au soutien indéfectible de l'armée, une armée qu'il a corrompue et engraissée, qui compte dans son sein des milliers d'hommes qu'il a recrutés depuis 2002, et qui lui sont redevables !
Depuis lors, la vie dans notre pays est rythmée par l'Etat d'urgence, les couvre-feux interminables, les barrages filtrants établis par les FDS (Forces de Défense et de Sécurité) restées loyales à M. Gbagbo aux alentours de l'Hôtel du Golf, imposant de facto un blocus abject au Vainqueur de cette élection, lesquelles forces font régner la terreur sur les populations qui vivent déjà dans des conditions extrêmement précaires, en particulier dans les quartiers réputés favorables à M. Ouattara !
Depuis lors, M. Gbagbo défie la Communauté Internationale, tourne en dérision l'ONU et ses responsables traités d'incompétents par ses partisans, fait découvrir à ses Pairs Africains de l'UA (Union Africaine) et de la CEDEAO, dépêchés auprès de lui comme médiateurs dans la crise inédite qui secoue la Côte d'Ivoire devenue, dans l'intervalle, une espèce de monstre à deux têtes, une autre facette de son grand talent de boulanger !
Pire, M. Gbagbo visité en songe par je ne sais quel esprit céleste, se convainc, et avec lui son clan, ses courtisans et la foule de ses laudateurs désœuvrés, que le pouvoir, au soir du deuxième tour de l'élection présidentielle, lui aurait été offert sur un plateau d'or descendu des cieux par le Dieu Créateur de toutes choses.
Mais comment comprendre que celui qui, hier, se croyait investi de la mission éminente de faire de la Côte d'Ivoire un pays véritablement démocratique s'il accédait un jour au pouvoir d'Etat soit, aujourd'hui, devenu au fil des années, un vrai autocrate qui se bouche les oreilles pour ne point entendre les cris de détresse de son peuple et ses appels croissants à la paix, au progrès, à un mieux-être ?
A la vérité, les longues et âpres années passées dans l'opposition, années marquées du sceau de la galère, ont opéré une formidable métamorphose en M. Gbagbo qui, découvrant la réalité du pouvoir d'Etat et notamment son côté faste, s'est laissé prendre par le vertige d'un pouvoir personnel, émoussant ainsi en lui l'idéal démocratique d'antan.
La boulimie de pouvoir qui s'est emparée de M. Gbagbo depuis qu'il occupe le fauteuil présidentiel, acquis au moyen de contorsions, de revirements et de compromissions dont il a seul le secret, dans des conditions jugées par lui-même de calamiteuses, est à mettre sur le compte du mal pernicieux qui le ronge depuis lors et qui, aujourd'hui, a atteint son paroxysme : le syndrome d'Hérode
Ce mal, c'est l'endurcissement du cœur, car plus on en est atteint, moins on le voit, parce qu'il rend aveugle. Le patient se croit alors vertueux et meilleur que les autres, et ne sait pas qu'il est prisonnier de son orgueil et de son égoïsme, lui qui croit détenir la science infuse et se prend pour une sorte de messie dont la mission est de sauver son peuple, le bon peuple qui doit comprendre que, sans lui, c'est le chaos
Comme Hérode, M. Gbagbo qui vit dans la hantise permanente de perdre son pouvoir, n'a aucun scrupule à ordonner l'usage de la force et de la violence, de la manipulation, de l'intoxication et de la propagande, à distiller la haine pour parvenir à ses fins et notamment à éliminer tous ceux qui peuvent lui porter ombrage ou constituer une menace à la conservation de son pouvoir, son objectif inavoué, dès sa prise de fonction en Octobre 2000, étant de se maintenir indéfiniment au pouvoir.
Ainsi, l'on retiendra principalement que, sous le régime FPI (Front Populaire Ivoirien), le sang des Ivoiriens a coulé à flot pendant toute une décennie sans discontinuer, de la manière la plus barbare et la plus cynique, comme aux premières heures de l'humanité, souillant progressivement son palais au point de rendre pestilentiel le fauteuil présidentiel.
Un tel pouvoir aurait-il un caractère divin comme d'aucuns le proclament avec beaucoup de grandiloquence ? En effet, Dieu donne le pouvoir en vue d'une mission éminente de Service ordonnée autour d'un triptyque : le Service de Dieu, de la Patrie et du Prochain. Cette mission a-t-elle connu un début d'accomplissement, d'Octobre 2000 à ce jour ?
En tant que fervent chrétien, M. Gbagbo n'ignore pas que les actes qu'il a posés, dans l'exercice de sa fonction, devaient être aiguillonnés par sa foi chrétienne qui lui imposait l'observance des commandements divins résumés par Jésus notre Seigneur Lui-même, en un seul : celui de l'Amour : " Aimer Dieu de tout son cœur, de toute son âme et de tout son esprit ", et " Aimer son prochain comme soi-même " (Matthieu 22 ; 37-39). Mais peut-on raisonnablement aimer Dieu sans aimer ceux et celles qui nous entourent ?
M. Gbagbo n'a-t-il pas oublié, tout au long des dix ans qu'il a passés au pouvoir, que le bien suprême, c'est l'homme, son être, sa dignité, son humanité, l'homme en tant qu'être créé à l'image et à la ressemblance de Dieu ?
La responsabilité première d'un vrai chef est de promouvoir le bien-être de son peuple. Or, M. Gbagbo et son parti, le FPI, ont prouvé qu'ils sont peu soucieux du bonheur du peuple Ivoirien, leur préoccupation majeure étant de sauvegarder leurs intérêts personnels et mesquins aux dépens de l'immense majorité du peuple qui croule sous le poids de la misère et de la faim et dont toutes les velléités d'expression sont sévèrement réprimées par les Forces de Défense et de Sécurité devenues ses bourreaux, alors qu'ils se hâtent de se bâtir des fortunes colossales.
L'armée ivoirienne, justement, n'a-t-elle pas perdu de vue son caractère républicain et apolitique ?
Notre armée a le devoir d'être au service de la Nation toute entière, de toutes les citoyennes et de tous les citoyens, et non au service d'une personne, d'un parti politique ou d'un groupe. Son rôle doit être de maintenir l'ordre, et non pas de réprimer dans le sang ou de mater sauvagement des manifestants aux mains nues, qui revendiquent pacifiquement leurs droits fondamentaux et sur lesquels l'on tire à balles réelles.
Dieu notre Père peut-Il approuver les actes intrinsèquement mauvais qui ont émaillé les dix ans d'exercice de pouvoir sans partage de M. Gbagbo, les milliers de victimes qui en ont résulté, les massacres planifiés et programmés, les charniers, les fosses communes , les exactions et l'apparition subite des escadrons de la mort en Côte d'Ivoire ?
Dieu notre Père peut-Il tolérer les actes hautement impis qui ont consisté à extraire manu militari l'un de ses enfants réfugié à la Cathédrale Saint Paul d'Abidjan, sa demeure et la Maison commune de tous ses enfants, fût-il le Général Guéi, pour être aussitôt froidement abattu, à déverser des déchets toxiques sur certains et à priver d'autres d'eau et d'électricité au cours d'une période aussi cruciale que le saint temps du jeûne musulman?
Dieu peut-Il accepter la pensée unique que l'on veut imposer à ceux de ses enfants qui ne partagent pas les mêmes opinions que les autres et que le Pouvoir FPI divise et taxe d'antirépublicains, d'antipatriotes, d'ennemis de la Côte d'Ivoire, de candidats de l'Etranger, ces enfants qu'Il a créés libres et qui, au nom de cette liberté, peuvent accepter son amour ou le refuser ?
Dieu peut-Il fermer les yeux sur les crimes économiques perpétrés par le FPI de M. Gbagbo, sur les braquages de banques et l'extorsion de fonds à des sociétés, l'augmentation sans cesse croissante et scandaleuse du budget de souveraineté de M. Gbagbo, le détournement des revenus du pétrole à des fins personnelles, depuis qu'il est au pouvoir, alors que le peuple dont il est le Père, est visiblement famélique et affamé ?
Le Seigneur notre Dieu, peut-Il tolérer pendant longtemps encore l'instauration en Côte d'Ivoire de ce nouveau culte idolâtrique, cette espèce de cannibalisme politique qui consiste à arracher de façon violente la vie à certains de ses enfants et à verser abondamment leur sang, chaque jour qu'Il fait ?
La crainte de l'ire divine prochaine, lorsque sonnera l'heure des règlements de comptes, n'aurait-elle pas dû commander qu'on éloignât de soi l'idée même de tels actes ? Un tel agir est-il conforme à la volonté divine ? La Sainte Ecriture nous en donne la réponse : "Il n'est proche de Moi qu'en paroles…, mais de cœur, il est loin de Moi " (Esaie 29 ; 13)
Les Prophètes de l'Ancien Testament ne nous montrent-ils pas Dieu faisant crouler en quelques heures des royaumes qui avaient rempli le monde de terreur et réduit de nombreux peuples en esclavage ? L'exemple d'Hitler ne nous apprend-il pas que la Puissance de Dieu n'est jamais ralentie et que sa justice possède toujours le dernier mot, " Lui qui écrase non seulement les tyrans, mais élève les humbles " (Luc 1 ; 52).
M. Gbagbo, vous avez encore l'occasion de vous rapprocher de Dieu, de revenir à Lui. Gardez-vous du reflexe du roi Hérode qui, après avoir commis tant d'actes ignominieux, perpétré tant de crimes dont la décapitation de Jean le Baptiste, le massacre des Saints Innocents et qui, bourrelé de remords, en proie à un mystérieux delirium tremens, et ne voulant pas affronter seul la mort, ordonna qu'on rassemblât dans l'hippodrome de Jéricho, les chefs des grandes familles juives, afin qu'on les égorgeât, à l'heure de sa mort. L'histoire nous révèle que cet autre ordre cruel ne fut toutefois pas exécuté.
Faites le geste qui sauvera la Côte d'Ivoire : celui de prendre l'engagement solennel devant la Nation toute entière. Faites une déclaration en expliquant à l'ensemble de vos concitoyennes et de vos concitoyens, à ceux et celles qui vous ont accordé leur suffrage ou non, les nobles sentiments qui vous habitent : l'intérêt supérieur de la Nation Ivoirienne.
Vous éviterez ainsi à la Côte d'Ivoire l'embrasement général, le feu, le sang qui n'a que trop coulé, le chaos. Vous serez alors perçu comme le rassembleur, celui qui aura, enfin, permis à la Côte d'Ivoire de se réconcilier avec elle-même, avec tous ses enfants et avec Dieu. Agissez de la sorte, humblement et sincèrement, et la Côte d'Ivoire vous en sera reconnaissante. Alors, du Nord au Sud, de l'Est à l'Ouest, les Ivoiriennes et les Ivoiriens, sous le regard de Dieu, pourront se tendre la main, une main sincère de pardon et de réconciliation, et regarder toutes et tous dans la même direction pour engager ensemble, le seul vrai combat qui vaille, celui de l'unification, de la reconstruction, du développement et du progrès de la Côte d'Ivoire, dans la paix retrouvée et le pardon !
Que Dieu bénisse et protège la Côte d'Ivoire, et vous garde, M. Gbagbo !
ABBE James Aka WADJA
Prêtre "fidei donum",
En mission en Tunisie