La Côte d’Ivoire n’est pas encore en faillite, du moins officiellement. Mais les signes avant-coureurs d’un tel drame sont visibles chaque jour qui passe. Si l’on n’y prend garde, tous les Ivoiriens en général, mais les Abidjanais en particulier, pourraient se retrouver dans la galère. Au sens propre de l’expression. Tenez, un client d’une banque commerciale dont nous taisons volontairement le nom, était tout désemparé hier. Muni de sa carte magnétique, il a fait le tour d’une demi-dizaine d’agences dans la commune de Cocody. Plus précisément dans les quartiers d’Angré, Deux Plateaux, Riviera Palmeraie avant de se retrouver au Plateau. Partout où il est passé, les vigiles et certains agents de ces agences avec lesquels il a échangé, lui ont fait savoir que «les guichets ne fonctionnent pas». En fait, a précisé un de ses interlocuteurs, les guichets ne sont pas fournis en ‘’liquidité’’. Cependant, ce dernier avait encore une dernière chance. Laquelle ? Se rendre dans l’agence où il ouvert son compte bancaire. Ce qu’il fait sans attendre. Une fois sur place au Plateau, quelle ne fut pas sa surprise de s’entendre dire que, comme partout où il est passé, le fameux guichet automatique ‘’ne marche pas’’. Il doit entendre par là qu’il y a manque d’argent dans ce guichet aussi. Ne comprenant rien du tout à ce qui se passe, il demande à rencontrer le chef d’agence à qui il explique son calvaire. Celle-ci lui conseille de se rendre au siège social de la banque, juste à quelques encablures de l’agence. Là bas, une longue file de clients est perceptible à quelques mètres. L’infortuné croit être au bout de ses peines. Que non. Son espoir ainsi que celui de tous ceux qui n’avaient pas encore retiré leur argent, va se ruiner. Un client sort de la cabine. Tout en colère: «Mais ce n’est pas possible. Dans quel pays nous sommes là?» Ses lamentations inquiètent les autres. Aussitôt, ceux-ci se ruent sur lui pour s’enquérir des nouvelles. Il lâche alors ceci: «Il n’y a plus d’argent dans le guichet.» La nouvelle fait l’effet d’un véritable coup de massue sur la tête des autres clients. Une dame enceinte s’affaisse sur l’escalier. Impuissante certes, mais surtout abattue. Désarçonnés, désabusés, désemparés, ces derniers se dispersent. Les uns montent à bord de leur voiture, les autres quittent à pied les lieux, pendant que d’autres encore hèlent des taxis. Indubitablement, la situation vécue et décrite par ce travailleur est la face visible de l’iceberg. En effet, comme l’argent, tout manque à Abidjan. Même les services publics, n’échappent pas à ce chaos qui ne dit pas son nom. La preuve, même les timbres fiscaux ne sont plus disponibles dans les mairies. Impossibles donc d’effectuer certains actes pourtant essentiels non seulement au fonctionnement des services mais aussi dans tout le système économique d’un pays. En outre, l’on signale d’ici à la mi-mars, une pénurie de carburant. D’ailleurs certaines stations services commencent à être asséchées. Il commence à y manquer le carburant. Cette ‘’pénurie de tout’’ a déjà atteint les secteurs comme les ménages. En plus de la cherté de la vie due aux prix élevés des denrées de première nécessité, le gaz butane utilisé par de nombreux ménages, mêmes les plus modestes, se raréfie. Toute chose qui entraîne une véritable inflation. Tenez, la bouteille de gaz de 12 kilos qui se vendait, il n’y a pas longtemps à 4000 F CFA a pris l’ascenseur. Certains ménages affirment l’avoir achetée, tenez-vous bien, à près de 10 000 F CFA, cette semaine, à cause justement de la pénurie. A cette allure, il sera impossible pour les Ivoiriens de se nourrir. Si ce n’est d’ailleurs pas déjà le cas. Gbagbo avait promis le chaos avant son départ. Il est en train, lentement certes, mais sûrement, de l’installer avant de quitter le pouvoir.
Yves-M. ABIET
Yves-M. ABIET