C’est un coup de gueule révélateur d’un changement d’attitude du camp Gbagbo à l’égard des autorités américaines. Le samedi 12 février dernier, le gouvernement du Plateau a vertement rappelé à l’ordre l’ambassadeur des Etats-Unis en Côte d’Ivoire, Phillip Carter III. Par la voix de son porte-parole, Ahoua Don Mello, le gouvernement a « élevé la plus vigoureuse protestation contre de tels agissements ( les récurrentes déclarations de l’ambassadeur) qu’il considère comme une ingérence grave et inadmissible dans les affaires intérieures de la Côte d’Ivoire ». Mieux, il a qualifié de « tentatives de déstabilisation » les propos « désobligeants et infondés » tenus par Carter III le 4 février. De passage à Washington, le diplomate américain en poste à Abidjan, avait en effet déclaré que « la fenêtre est en train de se fermer pour un départ honorable et pacifique de Gbagbo ». C’est la toute première réaction officielle du camp Gbagbo à l’hostilité affichée par le gouvernement américain à l’égard du président Laurent Gbagbo, dont la victoire proclamée par le Conseil constitutionnel est contestée par Barack Obama. En tirant les oreilles à Carter III, Laurent Gbagbo se résout à se dresser contre le président américain, qui ne semble pas disposé à relâcher la pression sur lui afin de le pousser à céder le pouvoir. Jusque-là pourtant, il s’était bien gardé d’attaquer de front Obama qui, comme son homologue français, fait preuve d’un certain activisme dans la gestion de la crise post-électorale en Côte d’Ivoire. Alors que Nicolas Sarkozy est régulièrement pourfendu par les partisans de Laurent Gbagbo, le président américain, lui, était ménagé. Bien que l’un et l’autre dénient au locataire du palais du Plateau sa victoire à la présidentielle du 28 novembre, Sarkozy était jusque-là ouvertement accusé d’être à l’origine de tous les malheurs de la Côte d’Ivoire. L’ambassadeur de France en Côte d’Ivoire, Jean-Marc Simon, est même déclaré désormais indésirable sur le territoire ivoirien et cela en réaction à la reconnaissance, par les autorités françaises, de l’ambassadeur nommé par Alassane Ouattara, reconnu par Paris comme le président élu de Côte d’Ivoire. Un déchainement contre les autorités françaises que d’aucuns trouvaient sélectif, puisque, dans le même temps, le président américain, qui n’en est pas moins hostile à Laurent Gbagbo, ne subissait pas le même traitement. Mais voilà que Gbagbo se décide à se dresser désormais contre Obama. Exaspéré par la pression constante des Etats-Unis sur son régime, il a choisi de faire front. Depuis qu’il a été déclaré vainqueur, puis investi par le Conseil constitutionnel, le gouvernement américain n’a de cesse de le sommer de céder le pouvoir. Il ne se passe de jour sans qu’une autorité américaine ne le charge. Il est interdit de séjour aux Etats-Unis, ses avoirs, ceux de son épouse Simone et de ses proches sont gelés. Et il est interdit à tout Américain de faire des affaires avec eux. Last but not least : l’ambassadeur nommé par Alassane Ouattara a été reconnu par le gouvernement américain la semaine dernière. C’en était trop pour Laurent Gbagbo, qui a pris prétexte des récents propos « désobligeants et infondés » de Phillip Carter III pour adresser un message fort à Obama. Même s’il n’est pas allé jusqu'à limoger son ambassadeur en Côte d’Ivoire.
Assane NIADA
Assane NIADA