Hier, le président de la République a accordé une interview à Télé Côte d'Ivoire. Nous vous proposons de larges extraits de cet entretien.
Depuis trois mois vous êtes retranché à l'hôtel du Golf. Dans quel état d'esprit êtes-vous ?
Cela va faire bientôt trois mois que nos compatriotes m'ont porté à la tête de notre pays avec plus de 54% des suffrages exprimé à l'occasion d'une élection dont le taux de participation a été exceptionnel : 83%. De ce point de vue, je ressens une très grande fierté. J'ai été empêché de me mettre au travail pour mettre en œuvre mon programme. Trois mois de perdus, ce sont des centaines de milliards qui sont perdus pour la Côte d'Ivoire. De ce point de vue, je suis un peu déçu. Mais je ne cède pas au découragement. Je suis plein d'espoir. J'ai une grande détermination. Parce que je suis persuadé que nous arriverons au bout de cette situation grave. La Côte d'Ivoire a besoin d'être remise au travail. C'est pour cela que j'ai été élu. Les compatriotes en votant aussi massivement au premier comme au second tour ont souhaité le changement. Et, nous ferons en sorte que le pays bouge et que les choses changent le plus rapidement possible.
Ici à l'hôtel du Golf comment arrivez-vous à gérer les affaires de l'Etat ?
Oui, c'est vrai il y a une certaine contrainte à l'hôtel. Mais avec l'aide d'internet et tout ce qui est possible au niveau des nouvelles technologies on peut faire beaucoup de chose même de son bureau. C'est vrai que dans certains domaines telle que la diplomatie, nous avons essayé d'aller de l'avant. En matière de communication, je suis heureux que nos compatriotes puissent me voir sur notre télévision, Télé Côte d'Ivoire. C'est une grande réalisation. En moins de trois mois nous avons mis en place une radio et une télévision. Vous imaginez ce que nous pourrions faire pour le pays en cinq ans. J'ai une grande ambition dans tous ces domaines. Bien entendu nous aurons l'occasion de parler des questions économiques, des questions financières. Nous travaillons avec une équipe restreinte : treize personnes plus le premier ministre et moi-même. Bien entendu, ce n'est pas assez et nous devrions avoir de meilleures conditions de travail. Mais ce n'est pas le plus important. Ce qui m'importe c'est la souffrance des Ivoiriens. Le fait que chaque jour qui passe, on a des dizaines d'Ivoiriens qui sont assassinés. C'est cela mon angoisse. Etre à l'hôtel du Golf n'est pas une panacée mais nous travaillerons. Car nous avons été élus pour diriger la Côte d'Ivoire et nous allons le faire.
Dès les premiers instants de la proclamation des résultats, vous avez bénéficiez du soutien de la Cedeao, de l'Union africaine, de l'Union européenne et de l'Onu. Comment interprétez-vous cette caution ?
Ces élections ont été transparentes. Elles ont été démocratiques. Elles ont été suivies par la Cedeao avec la présence d'un représentant du Facilitateur, par l'Union africaine qui a d'ailleurs donné un mandat blanc à M. Laurent Gbagbo. Ensuite avec l'Organisation des Nations Unies qui a permis de suivre le processus de bout en bout avec son financement et son encadrement avec le rôle de certification. Ces institutions ne pouvaient que se rallier à la décision du verdict des urnes, à la décision des Ivoiriens. Les Ivoiriens m'ont élu à plus de 54%.
M. le président il y aussi a part le braquage de la Bceao, la réquisition des agents de la bourse des valeurs ainsi que la commission bancaire…
Ce sont des actes inadmissibles. En réalité, c'est parce qu'ils ne comprennent rien à la banque et à la finance. La bourse régionale des valeurs n'appartient pas à la seule Cote d'Ivoire. Les valeurs qui y sont cotées sont cotées pour l'ensemble des entreprises de la sous-région. Mais pourquoi ils font braquer la bourse régionale des valeurs? Ce n'était pas normal qu'ils braquent la banque centrale (Bceao, ndlr). En braquant la commission bancaire en l'obligeant à fermer, qu'est-ce que cela a comme conséquence ? C'est que cette commission ne peut plus jouer son rôle de régulation du système bancaire. C'est elle qui fait l'inspection des banques. Elle doit dire si une banque est en bon fonctionnement ou pas. Si elle doit continuer de fonctionner, si elle respecte les règles déontologiques. C'est comme un médecin qui regarde si le patient est en bonne santé. S'ils font braquer cette institution, alors qu'elle est complètement fermée, donc n'importe quelle banque peut fonctionner n'importe comment, quitte à utiliser complètement l'argent des Ivoiriens et à ne peut rendre compte. C'est d'ailleurs ce qu'ils veulent. Comme ils ont quelques banques qui n'ont aucune substance c'est pour empêcher que la commission bancaire ne dise que telle banque n'est en réalité une banque en faillite. Parce qu'elle n'a pas ce que nous appelons des fonds propres. C'est-à-dire qu'elle n'a plus de substance, qu'elle n'a plus de capitaux et qu'elle ne doit pas fonctionner. C'est pour empêcher l'expression libre. Chez eux c'est la pensée unique. Ils veulent dire voici la route. Et, c'est la seule route que vous pouvez prendre. Et nous n'accepterons pas cela. Je pense que les Ivoiriens ont bien compris que ces gens sont arrivés avec une idée précise de bâillonner les Ivoiriens. C'est de prendre la Cote d'Ivoire et les Ivoiriens en otages. Et le braquage des institutions comme la banque centrale, comme la commission bancaire, la bourse des valeurs et j'en passe, est quelque chose d'inédit. Il faut qu'on y mette fin le plus rapidement possible.
Des banques commerciales ont fermé ou sont en instance de fermeture…
Vous avez il faut que ce régime parte. Autrement, il nous amène directement dans le chaos. Mais ces actes sont criminels. Mais pourquoi ces banques ont-elles fermées ? Elles ont fermé parce que la banque centrale n'a plus de légitimité. Si vous êtes dans une banque et que vous allez pour chercher de l'argent, et on vous donne de la fausse monnaie que vous ne pouvez pas utiliser en Cote d'Ivoire comme ailleurs, votre banque n'a plu de raison d'être. Ayant braqué la banque centrale, ces banques se trouvent dans une situation où toutes les opérations avec cette fameuse banque centrale, n'a plus aucun intérêt. L'argent que cette banque va émettre sera de l'argent sans valeurs. C'est du blanchissement parce que c'est de l'argent volé. C'est frauduleux. Les banques commerciales sont obligées de faire pour se protéger. Parce qu'elles peuvent même faire l'objet de poursuites par les déposants en Cote d'Ivoire comme par les gens à l'extérieur du pays. Ils peuvent dire que vous avez faire vos opérations, avec de l'argent blanchi, avec de l'argent volé. Parce qu'ils n'ont aucune pièce pour justifier l'argent pris à la banque centrale. Alors, ces banques sont dans l'obligation de fermer du fait de Laurent Gbagbo et de son camp. Ils ne comprennent rien à la banque et à la finance. Ils peuvent poursuivre leur combat entre guillemets. Pourquoi ont-ils braqué la banque centrale ? Si ce n'est que pour créer des problèmes à la Cote d'Ivoire. Braquer la banque centrale veut dire amener cette banque qui donnera de l'argent volé comme un braquage ordinaire. Et si une banque centrale s'amuse à utiliser cet argent, elle sera dans une situation de complicité. Donc pour éviter des procès en cascades avec leurs correspondants et leurs épargnants, elles sont obligées de fermer. Laurent Gbagbo est responsable de cette situation avec son équipe. Ils ne comprennent rien à la banque et à la finance. Ils n'ont pas leur place dans ces structures. Et c'est pour cela qu'ils agissent ainsi. Il faut qu'ils partent autrement dit ils nous amènent au chaos. Je demande que les Ivoiriens n'acceptent pas de se soumettre à une telle évolution. La Cote d'Ivoire, pendant 50 ans, a eu des banques, tout s'est bien passé. Il y a eu même un coup d'Etat, il y a eu des problèmes. Gbagbo est resté pendant 10 ans au pouvoir sans rien faire. Il n'a pas construit une seule école pas un seul dispensaire pas une université. Mais personne le l'a agressé pour cela. Mais pourquoi va-t-il aujourd'hui à l'épargne des Ivoiriens. Pourquoi va-t-il braquer la banque centrale au point d'aller les banques commerciales à fermer. Parce qu'autrement elles s'exposent à la liquidation, à la faillite. Mais qu'ils s'arrêtent et qu'ils restituent la banque centrale à l'union économique monétaire ouest africaine (Uemoa).
Votre pays est secoué par une crise aigue. Jusque-là toutes les négociations ont échoué. Le panel des chefs d'Etats de l'Ua arrive bientôt, qu'est-ce que vous attendez de cette énième mission ?
Vous savez, nous avons eu sept missions déjà qui sont venues en Côte d'Ivoire depuis le 16 décembre ; elles sont venues essentiellement, elles nous ont toutes dit la même chose : Alassane Ouattara est le président élu, le président légitime. Toutes les preuves sont là, j'ai gagné les élections. Elles m'ont demandé qu'est-ce je suis à prêt à faire pour faciliter une sortie honorable pour Laurent Gbagbo. Je leur ai fait part de mes propositions de garanties, de protection, de reconnaissance de statut d'ancien chef d'Etat. Et chaque fois, ces missions se sont heurtées à un niet de Monsieur Laurent Gbagbo qui tient à s'accrocher au pouvoir, peut-être par peur l'avenir ; par peur aussi parce qu'il sait tout ce qu'il a fait aussi bien à l'intérieur qu'à l'extérieur. Il faut nécessairement aller au-delà et je pense que le panel des chefs d'Etat qui arrivent doit peut-être lui enlever ses peurs et ses angoisses, pour qu'il rende la Côte d'Ivoire au régime légitime au verdict des urnes des Ivoiriens. Lui comme nous tous savons qu'il a perdu les élections, les preuves sont là : nous sommes quand-mêmes sur toute l'étendue du territoire. Que ce soit au Sud, au Centre, à l'Ouest, à l'Est au Nord, nous savons que ces élections se sont passées dans des conditions quasi-parfaites par rapport à comment les choses sont faites dans d'autres africains. Il n'y a pas eu de fraudes, que les violences qui ont été constatées, l'ont été dans des régions où Laurent Gbagbo a empêché les électeurs du Rhdp de voter. Mais nous l'avons accepté parce que nous voulons la paix pour notre pays. Et si nous en sommes là encore aujourd'hui, c'est parce que nous, nous, voulons une sortie pacifique de cette crise. Et je souhaite véritablement que ce soit ainsi.
Le soutien massif dont vous bénéficiez, l'Angola et l'Afrique du Sud semblent faire un peu bande à part…
Oui, mais vous savez, les pays sont ceux qu'ils sont avec leurs objectifs, leurs intérêts. Mais je note que ces pays sont très loin de nous, ils ne connaissent pas nos réalités. L'Angola et l'Afrique du Sud, ce sont des présidents que je connais bien. Je connais bien Dos Santos ; quand j'étais directeur général adjoint du Fonds monétaire international, je l'ai vu à plusieurs occasions. Je connais bien le président Zuma, le président M'Beki. L'Afrique du Sud est un pays dont je me suis occupé, dont le président Houphouet s'est occupé : je ne veux pas trahir un secret d'Etat. Nous avons soigné quasiment tous les leaders sud-africains quand ils en exil, nous avons donné des bourses aux étudiants sud-africains du temps du président Félix Houphouet-Boigny. Donc ce sont des pays-amis, les peuples de l'Angola et d'Afrique du Sud sont nos frères, nous n'avons pas de problème. Maintenant, la presse dit un certain nombre de chose concernant leur position, mais je vous signale qu'à Addis-Abeba, il n'y a pas eu de problème. C'est à l'unanimité que les 53 pays-membres de l'Union africaine ont reconnu que je suis le président élu, légitime de Côte d'Ivoire, y compris l'Angola et l'Afrique du Sud. Ce haut panel arrive pour, peut-être, amener Laurent Gbagbo à comprendre que cette crise a assez durée et que les Ivoiriens méritent mieux. Je ressens fortement toutes ces missions, dans notre pays, qui viennent nous dire les mêmes choses et qui repartent avec les mêmes réponses de Laurent Gbagbo. C'est humiliant pour nous Ivoiriens d'être d'une telle situation. Nous sommes devenus la risée du monde entier, je pense que si Laurent Gbagbo aime véritablement la Côte d'Ivoire, l'amour pour la Côte d'Ivoire doit être au-dessus de sa passion pour le pouvoir. Il doit pouvoir quitter, il faut qu'il quitte pour que la Côte d'Ivoire continue son chemin dans la paix.
Vous pensez avoir fait toutes les propositions à Laurent Gbagbo, qu'il n'y a plus à négocier avec lui ?
(Rire) C'est une question intéressante, mais qu'est-ce que, cher frère vous qui m'avez élu à 54% ? Qu'est-ce que c'est la démocratie ? La démocratie, on dit voilà vous avez un certain nombre de candidats, vous allez aux élections. Et quand on finit de voter, celui que le peuple a choisi doit exercer les responsabilités. Ceci s'est passé en deux étapes, le 31 octobre et ensuite le 28 novembre. Et j'ai été élu largement. Nous Ivoiriens nous le savons, parce que ceux qui fabriquent de faux PV et de faux DVD pour faire le tour du monde et qui n'ont pas suivi le processus peuvent essayer de tromper les autres. On dit qu'on peut tromper une partie du peuple tout le temps, on peut tromper le peuple une partie du temps mais on ne peut pas tromper tout le monde tout le temps. D'ailleurs la mission des experts de l'Ua a été un piège pour Laurent Gbagbo parce qu'ils avaient raconté tellement de choses et quand ces messieurs sont venus et qu'ils ont parlé à tout le monde de ce qu'elle je sais, ils sont ahuris par des mensonges dont ils ont été abreuvés. Laurent Gbagbo et son clan s'attendent bien sûr que la vérité soit dite à nouveau. Il dit je veux connaître la vérité, mais la vérité il l'a connaît. A partir de là, nous considérons, nous, qu'il faut véritablement aller de l'avant. Quand on est élu président de la République, on doit avoir une grande ouverture et c'est ce que j'envisage de faire. Je tiens beaucoup à la réconciliation des fils et des filles de notre pays. Je veux que la Côte d'Ivoire apprenne le pardon. Que les Ivoiriens se disent que quel que soit les incompréhensions, les récriminations du passé, nous devons passer à une autre étape. Et que c'est par le passé que nous devons y arriver.
Dans sa résolution, l'Union africaine parle de décisions qui seraient contraignantes pour toutes les parties. Seriez-vous prêt, monsieur le président, à vous soumettre à la décision du panel des chefs d'Etat ?
Je crois qu'il y a une interprétation de cette phrase de l'Union africaine que les gens limitent à Laurent Gbagbo et à moi-même. Mais, c'est toutes les parties ivoiriennes. Cela veut dire les institutions, l'armée etc. Ce sont toutes les institutions qui composent la Côte d'Ivoire. Parce que certaines de ces institutions ont contribué à cette crise. Quant à moi, l'Ua me reconnaît comme le président élu. Qu'est ce qu'on voudra me demander ? Ce que je considère que je peux déjà donner.
Par exemple un partage du pouvoir ?
Le mot partage n'est pas juste. La démocratie veut dire qu'on a élu un président. Même Laurent Gbagbo qui n'a pas été élu a eu la totalité du pouvoir au départ. Ce n'est pas le partage du pouvoir. Je veux rassembler tous les Ivoiriens, et donc j'aurai des ministres Rhdp, mais j'aurai aussi des ministres de La minorité présidentielle. Je n'exclurai personne de la société civile etc. Parce qu'il y a des compétences partout et je l'ai démontré de 1990-93. J'avais fait en sorte que toutes les grandes régions de la Côte d'Ivoire soient représentées dans mon gouvernement. Et je veux surtout mettre le gouvernement et les Ivoiriens au travail comme j'ai eu à le faire. Par conséquent, des décisions contraignantes pour toutes les parties seraient une bonne chose. Il faut que toutes les parties appliquent les décisions qui seront apportées par le panel de chefs d'Etat. Ce sont des homologues à moi. Et je les connais tous. Je considère que ce sont des personnes sages qui ont eu des difficultés dans leurs pays. Ils ont réussi à les résoudre et ils viendront nous donner des conseils, nous faire des recommandations dans le cadre du mandat qui a été arrêté par l'Ua, c'est-à-dire qu'Alassane Ouattara est le président de la République. A partir de là, que devons nous faire pour sortir de cette situation dans la paix ? Voila l'équation.
Beaucoup de personnes expriment leur civisme, le premier ministre l'a dit clairement. Le Rhdp parle de dernière médiation. Que devons-nous comprendre par là ?
Il y a une lassitude, un pessimisme et je comprends cela. Ma responsabilité, c'est de faire preuve de patience. C'est de tout faire pour garder l'intégrité de notre pays. C'est de faire en sorte que les Ivoiriens ne désespèrent pas et que mes compatriotes soient persuadés que nous allons sortir de cette crise. La vie des nations est ainsi faite. Il y a des moments terribles, il y a même des guerres qui ont marqué certaines époques dans certains pays. Mais nous allons en sortir parce que moi je pense que les Ivoiriens ont voté massivement. Voyez les élections se sont passées dans les pays voisins. Au Niger, le taux de participation était de 50 %. En Centrafrique etc, mais nos compatriotes ont voté à 84% au premier tour. Et c'est sans ceux qui ont été exclus du scrutin, avec les histoires de vérification qui ont enlevé 10% de l'électorat. Si tout ce monde avait voté, peut être que nous aurions un taux de 90 %. Ce fort taux de participation veut dire que les Ivoiriens veulent la démocratie. En deuxième lieu, au deuxième tour, l'écart entre Laurent Gbagbo et moi-même est de près de 400 000 voix sur 4 millions d'électeurs. Cela veut dire que les Ivoiriens ont voté pour le changement. Et nous devons leur apporter ce changement. Je ne dois pas continuer d'accepter cette situation. Je l'ai accepté dans un souci de paix, de respect de l'Ua de mes collègues et de mes homologues chefs d'Etat. Mais j'ai perdu trois mois de mon mandat. Vous savez trois mois dans le calcul que j'ai fait, c'est plus de 600 milliards de Fcfa d'investissement que les Ivoiriens n'ont pas eu sans compter les difficultés quotidiennes et les souffrances qui sont vécues. J'ai dans mon programme un investissement sur les 5 années de 12 000 milliards de Fcfa. Cela veut dire 2 400 milliards par an, donc 200 milliards par mois et 3 mois cela fait 600 milliards. Et nous avions des projets identifiés que nous devions faire dans certaines régions, des écoles, des dispensaires, des Km de route. Mais nous sommes en train de perdre du temps du fait de Laurent Gbagbo. Il est important d'aller de l'avant, de sortir de cette crise. Malgré le pessimisme du Premier ministre et du Rhdp, nous allons en sortir.
Vous êtes confiant ou vous pensez que la sortie de crise passera forcément par ce qu'on appelle l'utilisation de la force légitime…
Je souhaite pour ma part, en tant que chef d'Etat que nous sortions de cette crise par la paix. Maintenant, à l'impossible, nul n'est tenu. Mais je suis quand même déterminé. Je ne veux pas rester dans une telle situation pendant longtemps. J'avais donné un ultimatum pour le 31 janvier et deux semaines avant. J'ai eu le contact des chefs d'Etat par rapport à cette réunion d'Addis-Abeba. Je me suis dis, donnons une chance à la paix. Et à Addis-Abeba, le 27 et 28 janvier, les chefs d'Etat ont décidé qu'il y ait ce panel du 21 février. Laurent Gbagbo doit comprendre que le compte à rebours a commencé dès le 1er février. Et Laurent Gbagbo est fini. C'est terminé pour lui et il ne peut pas entraîner la Côte d'Ivoire comme ce qu'il est en train de faire. Il faut qu'il parte et qu'il parte dans une situation de paix pour la Côte d'Ivoire. Il y a eu assez de violences et de meurtres. Nous sommes à plus 600 personnes tuées. Et une centaines de personnes disparues. Qu'est ce qu'il faut lui dire ? Qu'il arrête. Nous ne pouvons pas continuer de cette manière. J'ai bon espoir pour la visite de ce panel de chefs d'Etat. Je souhaite que la sagesse habite tout le monde, y compris ceux qui ont commis des erreurs d'appréciation.
Votre ainé le président Bédié a dit récemment que vous serez bientôt installé au palais, alors vous vous donnez combien de jour pour y être au palais?
Le président Bédié est un sage. Il a donné un mot d'ordre qui a été largement suivi. Je suis reconnaissant et lui et nous nous voyions quasi quotidiennement je lui fais le point. Si nous sommes ensemble dans cet hôtel depuis plus de deux mois est un acte très fort de solidarité mais également d'amour pour la patrie. Et c'est ce qui est important. Je dis que le compte à rebours pour Laurent Gbagbo a commencé. Et croyez-moi.
Le Rhdp a appelé ses militants à manifester samedi prochain. Qu'est ce que vous en pensez et quelle est la pertinence de cette manifestation
C'est une excellence chose et le Rhdp a entièrement raison. Trop c'est trop comme le disait le slogan du Président Bédié pendant la campagne électorale. Il faut arrêter tout cela. J'en appelle à mes compatriotes pour une large mobilisation. L'appel du Rhdp et du président Bédié doit être attendu. La Côte d'Ivoire ne peut être entre les mains d'un groupe de gens qui vont braquer des banques.
Un groupe de gens qui vont braquer des banques. Que les Ivoiriens s'expriment à nouveau à l'occasion de ces manifestations. Que l'on demande que malgré l'utilisation de la force, de la violence par le clan de Gbagbo, nous n'avons pas peur. Et que nous sommes déterminés cette fois-ci à faire entendre de manière claire et définitive la voix de la majorité. Les Ivoiriens ne peuvent pas continuer de souffrir ainsi par la volonté d'une minorité violente.
Avant cette crise, on se disait que le nouveau président aurait beaucoup de difficultés à rebâtir le pays. Avec cette crise que nous traversons, les difficultés sont certainement accrues. Par où commencer la reconstruction?
Cette période est très difficile pour nos compatriotes. Cette élection était censée être une élection de sortie de crise. Nous avons eu beaucoup d'espoirs. Si j'avais perdu, j'aurais reconnu le résultat de ma défaite, j'aurais appelé Gbagbo pour le féliciter et me mettre à sa disposition pour la reconstruction de la Côte d'Ivoire. Les 10 années passées sont des moments de difficultés pour des Ivoiriens. Le taux de pauvreté de 30% dans les années 1990 est passé à plus de 50% aujourd'hui. Le chômage des jeunes est terrible. Et nous savons ce que la population demande. Les jeunes et les femmes n'arrivent pas avoir une activité. Aujourd'hui, du fait de la volonté d'un seul homme et de son clan, nous sommes dans une crise plus profonde. La Côte d'Ivoire ne sortira de cette crise que par le départ de Laurent Gbagbo. J'en appelle à tous mes compatriotes qu'il en soit ainsi avec ou sans le panel des chefs d'Etat. La deuxième chose, que nous soyons rassemblés après son départ pour reconstruire le pays. La troisième chose, je respecterai mes engagements. J'apporterai le changement.
Le rassemblement est important, il sera difficile…
Il sera difficile mais il faudra l'organiser. J'ai dit dans mon programme que la première chose à faire est de mettre en place un gouvernement inclusif. La deuxième chose sera de mettre en place une commission Vérité et Réconciliation pour que les uns et les autres qui ont eu à commettre des actes détestables, peut-être sous instructions. Le rassemblement et la réconciliation sont possibles. Et surtout, j'apporterai le changement. Le changement commencera par la mise en place d'un Etat de droit. L'Etat de droit sera une réalité avec moi. Il n'y aura pas de chasse aux sorcières. Je considère que tous les Ivoiriens doivent avoir les mêmes droits. Ceci passe par la mise en œuvre du programme que le Rhdp a mis en place. J'ai les moyens de mettre en œuvre ce programme avec l'appui de mon aîné Henri Konan Bédié. Vu l'Etat de dégradation de la Côte d'Ivoire aujourd'hui, on peut se dire que c'est une tâche impossible. Mais le président Houphouet disait que découragement n'est pas Ivoirien. Moi je dirai impossible n'est pas Ivoirien non plus. Je m'attellerai à ce que nous puissions aller de l'avant avec des investissements massifs. Les engagements que j'ai pris, je les respecterai. C'est pour cela que je veux des banques qui soient saines, qui continuent d'avoir leurs ressources dans leurs coffres, leurs livres. Pour que le jour venu, lorsqu'elles vont ouvrir, nous soyons en mesure de fonctionner normalement. Je veux une banque centrale légale qui respecte les règles de la communauté financière que nous avons créée avec les autres pays. Je veux faire en sore que les investisseurs, les nationaux, les pme se disent maintenant, nous pouvons aller de l'avant, nous pouvons investir parce que le gouvernement ne viendra pas avec des kalaches pour telle chose ou telle autre. Que les gros investisseurs, qu'ils soient européens ou asiatiques se diront voici un pays qui marche. Que la Côte d'Ivoire retrouve sa respectabilité, sa crédibilité. Et que la Côte d'Ivoire qui est littéralement le troisième pays de la région africaine après l'Afrique du Sud et le Nigéria trouve sa place.
Cette émission va se terminer, quelle est votre conclusion ?
Je pense que les temps sont difficiles. Chers compatriotes, je connais vos souffrances. Je souffre moi-même pour cette situation. Je n'ai pas voulu être président de la République pour le pouvoir. J'ai voulu participer à cette élection pour mon pays parce que je crois à la Côte d'Ivoire, j'aime mon pays et j'ai la conviction que je le peux à mon pays, à mes concitoyens. Je suis désolé de ce que nous vivons aujourd'hui. Bien entendu, nous savons que c'est le fait de l'ancien président. Je demande qu'il se ressaisisse si cela était possible. Chers compatriotes, je suis déterminé. Je suis plein d'espoirs parce que la Côte d'Ivoire est un pays béni de Dieu. Ces différentes missions qui nous ont visités ont démontré que nous voulons la paix pour nôtre pays. Nous voulons vivre ensemble avec tout le monde. Nous ne voulons pas nous isoler des autres pays de la Cedeao et du reste du continent. Nous ne voulons pas nous isoler du reste du monde. Nous voulons faire partie intégrante de ce monde en perpétuel mouvement. Je tiens à ce que la Côte d'Ivoire ait sa place dans ce monde. Je compte sur vous. J'en appelle à votre grande mobilisation. Nous ne devons pas laisser cette situation perdurer. La Côte d'Ivoire est notre bien commun. Nous avons l'obligation de faire protéger notre bien commun.
Entretien retranscrits sur TCI par BKI, OM, B.I., A.K., N.D. & MAE
Depuis trois mois vous êtes retranché à l'hôtel du Golf. Dans quel état d'esprit êtes-vous ?
Cela va faire bientôt trois mois que nos compatriotes m'ont porté à la tête de notre pays avec plus de 54% des suffrages exprimé à l'occasion d'une élection dont le taux de participation a été exceptionnel : 83%. De ce point de vue, je ressens une très grande fierté. J'ai été empêché de me mettre au travail pour mettre en œuvre mon programme. Trois mois de perdus, ce sont des centaines de milliards qui sont perdus pour la Côte d'Ivoire. De ce point de vue, je suis un peu déçu. Mais je ne cède pas au découragement. Je suis plein d'espoir. J'ai une grande détermination. Parce que je suis persuadé que nous arriverons au bout de cette situation grave. La Côte d'Ivoire a besoin d'être remise au travail. C'est pour cela que j'ai été élu. Les compatriotes en votant aussi massivement au premier comme au second tour ont souhaité le changement. Et, nous ferons en sorte que le pays bouge et que les choses changent le plus rapidement possible.
Ici à l'hôtel du Golf comment arrivez-vous à gérer les affaires de l'Etat ?
Oui, c'est vrai il y a une certaine contrainte à l'hôtel. Mais avec l'aide d'internet et tout ce qui est possible au niveau des nouvelles technologies on peut faire beaucoup de chose même de son bureau. C'est vrai que dans certains domaines telle que la diplomatie, nous avons essayé d'aller de l'avant. En matière de communication, je suis heureux que nos compatriotes puissent me voir sur notre télévision, Télé Côte d'Ivoire. C'est une grande réalisation. En moins de trois mois nous avons mis en place une radio et une télévision. Vous imaginez ce que nous pourrions faire pour le pays en cinq ans. J'ai une grande ambition dans tous ces domaines. Bien entendu nous aurons l'occasion de parler des questions économiques, des questions financières. Nous travaillons avec une équipe restreinte : treize personnes plus le premier ministre et moi-même. Bien entendu, ce n'est pas assez et nous devrions avoir de meilleures conditions de travail. Mais ce n'est pas le plus important. Ce qui m'importe c'est la souffrance des Ivoiriens. Le fait que chaque jour qui passe, on a des dizaines d'Ivoiriens qui sont assassinés. C'est cela mon angoisse. Etre à l'hôtel du Golf n'est pas une panacée mais nous travaillerons. Car nous avons été élus pour diriger la Côte d'Ivoire et nous allons le faire.
Dès les premiers instants de la proclamation des résultats, vous avez bénéficiez du soutien de la Cedeao, de l'Union africaine, de l'Union européenne et de l'Onu. Comment interprétez-vous cette caution ?
Ces élections ont été transparentes. Elles ont été démocratiques. Elles ont été suivies par la Cedeao avec la présence d'un représentant du Facilitateur, par l'Union africaine qui a d'ailleurs donné un mandat blanc à M. Laurent Gbagbo. Ensuite avec l'Organisation des Nations Unies qui a permis de suivre le processus de bout en bout avec son financement et son encadrement avec le rôle de certification. Ces institutions ne pouvaient que se rallier à la décision du verdict des urnes, à la décision des Ivoiriens. Les Ivoiriens m'ont élu à plus de 54%.
M. le président il y aussi a part le braquage de la Bceao, la réquisition des agents de la bourse des valeurs ainsi que la commission bancaire…
Ce sont des actes inadmissibles. En réalité, c'est parce qu'ils ne comprennent rien à la banque et à la finance. La bourse régionale des valeurs n'appartient pas à la seule Cote d'Ivoire. Les valeurs qui y sont cotées sont cotées pour l'ensemble des entreprises de la sous-région. Mais pourquoi ils font braquer la bourse régionale des valeurs? Ce n'était pas normal qu'ils braquent la banque centrale (Bceao, ndlr). En braquant la commission bancaire en l'obligeant à fermer, qu'est-ce que cela a comme conséquence ? C'est que cette commission ne peut plus jouer son rôle de régulation du système bancaire. C'est elle qui fait l'inspection des banques. Elle doit dire si une banque est en bon fonctionnement ou pas. Si elle doit continuer de fonctionner, si elle respecte les règles déontologiques. C'est comme un médecin qui regarde si le patient est en bonne santé. S'ils font braquer cette institution, alors qu'elle est complètement fermée, donc n'importe quelle banque peut fonctionner n'importe comment, quitte à utiliser complètement l'argent des Ivoiriens et à ne peut rendre compte. C'est d'ailleurs ce qu'ils veulent. Comme ils ont quelques banques qui n'ont aucune substance c'est pour empêcher que la commission bancaire ne dise que telle banque n'est en réalité une banque en faillite. Parce qu'elle n'a pas ce que nous appelons des fonds propres. C'est-à-dire qu'elle n'a plus de substance, qu'elle n'a plus de capitaux et qu'elle ne doit pas fonctionner. C'est pour empêcher l'expression libre. Chez eux c'est la pensée unique. Ils veulent dire voici la route. Et, c'est la seule route que vous pouvez prendre. Et nous n'accepterons pas cela. Je pense que les Ivoiriens ont bien compris que ces gens sont arrivés avec une idée précise de bâillonner les Ivoiriens. C'est de prendre la Cote d'Ivoire et les Ivoiriens en otages. Et le braquage des institutions comme la banque centrale, comme la commission bancaire, la bourse des valeurs et j'en passe, est quelque chose d'inédit. Il faut qu'on y mette fin le plus rapidement possible.
Des banques commerciales ont fermé ou sont en instance de fermeture…
Vous avez il faut que ce régime parte. Autrement, il nous amène directement dans le chaos. Mais ces actes sont criminels. Mais pourquoi ces banques ont-elles fermées ? Elles ont fermé parce que la banque centrale n'a plus de légitimité. Si vous êtes dans une banque et que vous allez pour chercher de l'argent, et on vous donne de la fausse monnaie que vous ne pouvez pas utiliser en Cote d'Ivoire comme ailleurs, votre banque n'a plu de raison d'être. Ayant braqué la banque centrale, ces banques se trouvent dans une situation où toutes les opérations avec cette fameuse banque centrale, n'a plus aucun intérêt. L'argent que cette banque va émettre sera de l'argent sans valeurs. C'est du blanchissement parce que c'est de l'argent volé. C'est frauduleux. Les banques commerciales sont obligées de faire pour se protéger. Parce qu'elles peuvent même faire l'objet de poursuites par les déposants en Cote d'Ivoire comme par les gens à l'extérieur du pays. Ils peuvent dire que vous avez faire vos opérations, avec de l'argent blanchi, avec de l'argent volé. Parce qu'ils n'ont aucune pièce pour justifier l'argent pris à la banque centrale. Alors, ces banques sont dans l'obligation de fermer du fait de Laurent Gbagbo et de son camp. Ils ne comprennent rien à la banque et à la finance. Ils peuvent poursuivre leur combat entre guillemets. Pourquoi ont-ils braqué la banque centrale ? Si ce n'est que pour créer des problèmes à la Cote d'Ivoire. Braquer la banque centrale veut dire amener cette banque qui donnera de l'argent volé comme un braquage ordinaire. Et si une banque centrale s'amuse à utiliser cet argent, elle sera dans une situation de complicité. Donc pour éviter des procès en cascades avec leurs correspondants et leurs épargnants, elles sont obligées de fermer. Laurent Gbagbo est responsable de cette situation avec son équipe. Ils ne comprennent rien à la banque et à la finance. Ils n'ont pas leur place dans ces structures. Et c'est pour cela qu'ils agissent ainsi. Il faut qu'ils partent autrement dit ils nous amènent au chaos. Je demande que les Ivoiriens n'acceptent pas de se soumettre à une telle évolution. La Cote d'Ivoire, pendant 50 ans, a eu des banques, tout s'est bien passé. Il y a eu même un coup d'Etat, il y a eu des problèmes. Gbagbo est resté pendant 10 ans au pouvoir sans rien faire. Il n'a pas construit une seule école pas un seul dispensaire pas une université. Mais personne le l'a agressé pour cela. Mais pourquoi va-t-il aujourd'hui à l'épargne des Ivoiriens. Pourquoi va-t-il braquer la banque centrale au point d'aller les banques commerciales à fermer. Parce qu'autrement elles s'exposent à la liquidation, à la faillite. Mais qu'ils s'arrêtent et qu'ils restituent la banque centrale à l'union économique monétaire ouest africaine (Uemoa).
Votre pays est secoué par une crise aigue. Jusque-là toutes les négociations ont échoué. Le panel des chefs d'Etats de l'Ua arrive bientôt, qu'est-ce que vous attendez de cette énième mission ?
Vous savez, nous avons eu sept missions déjà qui sont venues en Côte d'Ivoire depuis le 16 décembre ; elles sont venues essentiellement, elles nous ont toutes dit la même chose : Alassane Ouattara est le président élu, le président légitime. Toutes les preuves sont là, j'ai gagné les élections. Elles m'ont demandé qu'est-ce je suis à prêt à faire pour faciliter une sortie honorable pour Laurent Gbagbo. Je leur ai fait part de mes propositions de garanties, de protection, de reconnaissance de statut d'ancien chef d'Etat. Et chaque fois, ces missions se sont heurtées à un niet de Monsieur Laurent Gbagbo qui tient à s'accrocher au pouvoir, peut-être par peur l'avenir ; par peur aussi parce qu'il sait tout ce qu'il a fait aussi bien à l'intérieur qu'à l'extérieur. Il faut nécessairement aller au-delà et je pense que le panel des chefs d'Etat qui arrivent doit peut-être lui enlever ses peurs et ses angoisses, pour qu'il rende la Côte d'Ivoire au régime légitime au verdict des urnes des Ivoiriens. Lui comme nous tous savons qu'il a perdu les élections, les preuves sont là : nous sommes quand-mêmes sur toute l'étendue du territoire. Que ce soit au Sud, au Centre, à l'Ouest, à l'Est au Nord, nous savons que ces élections se sont passées dans des conditions quasi-parfaites par rapport à comment les choses sont faites dans d'autres africains. Il n'y a pas eu de fraudes, que les violences qui ont été constatées, l'ont été dans des régions où Laurent Gbagbo a empêché les électeurs du Rhdp de voter. Mais nous l'avons accepté parce que nous voulons la paix pour notre pays. Et si nous en sommes là encore aujourd'hui, c'est parce que nous, nous, voulons une sortie pacifique de cette crise. Et je souhaite véritablement que ce soit ainsi.
Le soutien massif dont vous bénéficiez, l'Angola et l'Afrique du Sud semblent faire un peu bande à part…
Oui, mais vous savez, les pays sont ceux qu'ils sont avec leurs objectifs, leurs intérêts. Mais je note que ces pays sont très loin de nous, ils ne connaissent pas nos réalités. L'Angola et l'Afrique du Sud, ce sont des présidents que je connais bien. Je connais bien Dos Santos ; quand j'étais directeur général adjoint du Fonds monétaire international, je l'ai vu à plusieurs occasions. Je connais bien le président Zuma, le président M'Beki. L'Afrique du Sud est un pays dont je me suis occupé, dont le président Houphouet s'est occupé : je ne veux pas trahir un secret d'Etat. Nous avons soigné quasiment tous les leaders sud-africains quand ils en exil, nous avons donné des bourses aux étudiants sud-africains du temps du président Félix Houphouet-Boigny. Donc ce sont des pays-amis, les peuples de l'Angola et d'Afrique du Sud sont nos frères, nous n'avons pas de problème. Maintenant, la presse dit un certain nombre de chose concernant leur position, mais je vous signale qu'à Addis-Abeba, il n'y a pas eu de problème. C'est à l'unanimité que les 53 pays-membres de l'Union africaine ont reconnu que je suis le président élu, légitime de Côte d'Ivoire, y compris l'Angola et l'Afrique du Sud. Ce haut panel arrive pour, peut-être, amener Laurent Gbagbo à comprendre que cette crise a assez durée et que les Ivoiriens méritent mieux. Je ressens fortement toutes ces missions, dans notre pays, qui viennent nous dire les mêmes choses et qui repartent avec les mêmes réponses de Laurent Gbagbo. C'est humiliant pour nous Ivoiriens d'être d'une telle situation. Nous sommes devenus la risée du monde entier, je pense que si Laurent Gbagbo aime véritablement la Côte d'Ivoire, l'amour pour la Côte d'Ivoire doit être au-dessus de sa passion pour le pouvoir. Il doit pouvoir quitter, il faut qu'il quitte pour que la Côte d'Ivoire continue son chemin dans la paix.
Vous pensez avoir fait toutes les propositions à Laurent Gbagbo, qu'il n'y a plus à négocier avec lui ?
(Rire) C'est une question intéressante, mais qu'est-ce que, cher frère vous qui m'avez élu à 54% ? Qu'est-ce que c'est la démocratie ? La démocratie, on dit voilà vous avez un certain nombre de candidats, vous allez aux élections. Et quand on finit de voter, celui que le peuple a choisi doit exercer les responsabilités. Ceci s'est passé en deux étapes, le 31 octobre et ensuite le 28 novembre. Et j'ai été élu largement. Nous Ivoiriens nous le savons, parce que ceux qui fabriquent de faux PV et de faux DVD pour faire le tour du monde et qui n'ont pas suivi le processus peuvent essayer de tromper les autres. On dit qu'on peut tromper une partie du peuple tout le temps, on peut tromper le peuple une partie du temps mais on ne peut pas tromper tout le monde tout le temps. D'ailleurs la mission des experts de l'Ua a été un piège pour Laurent Gbagbo parce qu'ils avaient raconté tellement de choses et quand ces messieurs sont venus et qu'ils ont parlé à tout le monde de ce qu'elle je sais, ils sont ahuris par des mensonges dont ils ont été abreuvés. Laurent Gbagbo et son clan s'attendent bien sûr que la vérité soit dite à nouveau. Il dit je veux connaître la vérité, mais la vérité il l'a connaît. A partir de là, nous considérons, nous, qu'il faut véritablement aller de l'avant. Quand on est élu président de la République, on doit avoir une grande ouverture et c'est ce que j'envisage de faire. Je tiens beaucoup à la réconciliation des fils et des filles de notre pays. Je veux que la Côte d'Ivoire apprenne le pardon. Que les Ivoiriens se disent que quel que soit les incompréhensions, les récriminations du passé, nous devons passer à une autre étape. Et que c'est par le passé que nous devons y arriver.
Dans sa résolution, l'Union africaine parle de décisions qui seraient contraignantes pour toutes les parties. Seriez-vous prêt, monsieur le président, à vous soumettre à la décision du panel des chefs d'Etat ?
Je crois qu'il y a une interprétation de cette phrase de l'Union africaine que les gens limitent à Laurent Gbagbo et à moi-même. Mais, c'est toutes les parties ivoiriennes. Cela veut dire les institutions, l'armée etc. Ce sont toutes les institutions qui composent la Côte d'Ivoire. Parce que certaines de ces institutions ont contribué à cette crise. Quant à moi, l'Ua me reconnaît comme le président élu. Qu'est ce qu'on voudra me demander ? Ce que je considère que je peux déjà donner.
Par exemple un partage du pouvoir ?
Le mot partage n'est pas juste. La démocratie veut dire qu'on a élu un président. Même Laurent Gbagbo qui n'a pas été élu a eu la totalité du pouvoir au départ. Ce n'est pas le partage du pouvoir. Je veux rassembler tous les Ivoiriens, et donc j'aurai des ministres Rhdp, mais j'aurai aussi des ministres de La minorité présidentielle. Je n'exclurai personne de la société civile etc. Parce qu'il y a des compétences partout et je l'ai démontré de 1990-93. J'avais fait en sorte que toutes les grandes régions de la Côte d'Ivoire soient représentées dans mon gouvernement. Et je veux surtout mettre le gouvernement et les Ivoiriens au travail comme j'ai eu à le faire. Par conséquent, des décisions contraignantes pour toutes les parties seraient une bonne chose. Il faut que toutes les parties appliquent les décisions qui seront apportées par le panel de chefs d'Etat. Ce sont des homologues à moi. Et je les connais tous. Je considère que ce sont des personnes sages qui ont eu des difficultés dans leurs pays. Ils ont réussi à les résoudre et ils viendront nous donner des conseils, nous faire des recommandations dans le cadre du mandat qui a été arrêté par l'Ua, c'est-à-dire qu'Alassane Ouattara est le président de la République. A partir de là, que devons nous faire pour sortir de cette situation dans la paix ? Voila l'équation.
Beaucoup de personnes expriment leur civisme, le premier ministre l'a dit clairement. Le Rhdp parle de dernière médiation. Que devons-nous comprendre par là ?
Il y a une lassitude, un pessimisme et je comprends cela. Ma responsabilité, c'est de faire preuve de patience. C'est de tout faire pour garder l'intégrité de notre pays. C'est de faire en sorte que les Ivoiriens ne désespèrent pas et que mes compatriotes soient persuadés que nous allons sortir de cette crise. La vie des nations est ainsi faite. Il y a des moments terribles, il y a même des guerres qui ont marqué certaines époques dans certains pays. Mais nous allons en sortir parce que moi je pense que les Ivoiriens ont voté massivement. Voyez les élections se sont passées dans les pays voisins. Au Niger, le taux de participation était de 50 %. En Centrafrique etc, mais nos compatriotes ont voté à 84% au premier tour. Et c'est sans ceux qui ont été exclus du scrutin, avec les histoires de vérification qui ont enlevé 10% de l'électorat. Si tout ce monde avait voté, peut être que nous aurions un taux de 90 %. Ce fort taux de participation veut dire que les Ivoiriens veulent la démocratie. En deuxième lieu, au deuxième tour, l'écart entre Laurent Gbagbo et moi-même est de près de 400 000 voix sur 4 millions d'électeurs. Cela veut dire que les Ivoiriens ont voté pour le changement. Et nous devons leur apporter ce changement. Je ne dois pas continuer d'accepter cette situation. Je l'ai accepté dans un souci de paix, de respect de l'Ua de mes collègues et de mes homologues chefs d'Etat. Mais j'ai perdu trois mois de mon mandat. Vous savez trois mois dans le calcul que j'ai fait, c'est plus de 600 milliards de Fcfa d'investissement que les Ivoiriens n'ont pas eu sans compter les difficultés quotidiennes et les souffrances qui sont vécues. J'ai dans mon programme un investissement sur les 5 années de 12 000 milliards de Fcfa. Cela veut dire 2 400 milliards par an, donc 200 milliards par mois et 3 mois cela fait 600 milliards. Et nous avions des projets identifiés que nous devions faire dans certaines régions, des écoles, des dispensaires, des Km de route. Mais nous sommes en train de perdre du temps du fait de Laurent Gbagbo. Il est important d'aller de l'avant, de sortir de cette crise. Malgré le pessimisme du Premier ministre et du Rhdp, nous allons en sortir.
Vous êtes confiant ou vous pensez que la sortie de crise passera forcément par ce qu'on appelle l'utilisation de la force légitime…
Je souhaite pour ma part, en tant que chef d'Etat que nous sortions de cette crise par la paix. Maintenant, à l'impossible, nul n'est tenu. Mais je suis quand même déterminé. Je ne veux pas rester dans une telle situation pendant longtemps. J'avais donné un ultimatum pour le 31 janvier et deux semaines avant. J'ai eu le contact des chefs d'Etat par rapport à cette réunion d'Addis-Abeba. Je me suis dis, donnons une chance à la paix. Et à Addis-Abeba, le 27 et 28 janvier, les chefs d'Etat ont décidé qu'il y ait ce panel du 21 février. Laurent Gbagbo doit comprendre que le compte à rebours a commencé dès le 1er février. Et Laurent Gbagbo est fini. C'est terminé pour lui et il ne peut pas entraîner la Côte d'Ivoire comme ce qu'il est en train de faire. Il faut qu'il parte et qu'il parte dans une situation de paix pour la Côte d'Ivoire. Il y a eu assez de violences et de meurtres. Nous sommes à plus 600 personnes tuées. Et une centaines de personnes disparues. Qu'est ce qu'il faut lui dire ? Qu'il arrête. Nous ne pouvons pas continuer de cette manière. J'ai bon espoir pour la visite de ce panel de chefs d'Etat. Je souhaite que la sagesse habite tout le monde, y compris ceux qui ont commis des erreurs d'appréciation.
Votre ainé le président Bédié a dit récemment que vous serez bientôt installé au palais, alors vous vous donnez combien de jour pour y être au palais?
Le président Bédié est un sage. Il a donné un mot d'ordre qui a été largement suivi. Je suis reconnaissant et lui et nous nous voyions quasi quotidiennement je lui fais le point. Si nous sommes ensemble dans cet hôtel depuis plus de deux mois est un acte très fort de solidarité mais également d'amour pour la patrie. Et c'est ce qui est important. Je dis que le compte à rebours pour Laurent Gbagbo a commencé. Et croyez-moi.
Le Rhdp a appelé ses militants à manifester samedi prochain. Qu'est ce que vous en pensez et quelle est la pertinence de cette manifestation
C'est une excellence chose et le Rhdp a entièrement raison. Trop c'est trop comme le disait le slogan du Président Bédié pendant la campagne électorale. Il faut arrêter tout cela. J'en appelle à mes compatriotes pour une large mobilisation. L'appel du Rhdp et du président Bédié doit être attendu. La Côte d'Ivoire ne peut être entre les mains d'un groupe de gens qui vont braquer des banques.
Un groupe de gens qui vont braquer des banques. Que les Ivoiriens s'expriment à nouveau à l'occasion de ces manifestations. Que l'on demande que malgré l'utilisation de la force, de la violence par le clan de Gbagbo, nous n'avons pas peur. Et que nous sommes déterminés cette fois-ci à faire entendre de manière claire et définitive la voix de la majorité. Les Ivoiriens ne peuvent pas continuer de souffrir ainsi par la volonté d'une minorité violente.
Avant cette crise, on se disait que le nouveau président aurait beaucoup de difficultés à rebâtir le pays. Avec cette crise que nous traversons, les difficultés sont certainement accrues. Par où commencer la reconstruction?
Cette période est très difficile pour nos compatriotes. Cette élection était censée être une élection de sortie de crise. Nous avons eu beaucoup d'espoirs. Si j'avais perdu, j'aurais reconnu le résultat de ma défaite, j'aurais appelé Gbagbo pour le féliciter et me mettre à sa disposition pour la reconstruction de la Côte d'Ivoire. Les 10 années passées sont des moments de difficultés pour des Ivoiriens. Le taux de pauvreté de 30% dans les années 1990 est passé à plus de 50% aujourd'hui. Le chômage des jeunes est terrible. Et nous savons ce que la population demande. Les jeunes et les femmes n'arrivent pas avoir une activité. Aujourd'hui, du fait de la volonté d'un seul homme et de son clan, nous sommes dans une crise plus profonde. La Côte d'Ivoire ne sortira de cette crise que par le départ de Laurent Gbagbo. J'en appelle à tous mes compatriotes qu'il en soit ainsi avec ou sans le panel des chefs d'Etat. La deuxième chose, que nous soyons rassemblés après son départ pour reconstruire le pays. La troisième chose, je respecterai mes engagements. J'apporterai le changement.
Le rassemblement est important, il sera difficile…
Il sera difficile mais il faudra l'organiser. J'ai dit dans mon programme que la première chose à faire est de mettre en place un gouvernement inclusif. La deuxième chose sera de mettre en place une commission Vérité et Réconciliation pour que les uns et les autres qui ont eu à commettre des actes détestables, peut-être sous instructions. Le rassemblement et la réconciliation sont possibles. Et surtout, j'apporterai le changement. Le changement commencera par la mise en place d'un Etat de droit. L'Etat de droit sera une réalité avec moi. Il n'y aura pas de chasse aux sorcières. Je considère que tous les Ivoiriens doivent avoir les mêmes droits. Ceci passe par la mise en œuvre du programme que le Rhdp a mis en place. J'ai les moyens de mettre en œuvre ce programme avec l'appui de mon aîné Henri Konan Bédié. Vu l'Etat de dégradation de la Côte d'Ivoire aujourd'hui, on peut se dire que c'est une tâche impossible. Mais le président Houphouet disait que découragement n'est pas Ivoirien. Moi je dirai impossible n'est pas Ivoirien non plus. Je m'attellerai à ce que nous puissions aller de l'avant avec des investissements massifs. Les engagements que j'ai pris, je les respecterai. C'est pour cela que je veux des banques qui soient saines, qui continuent d'avoir leurs ressources dans leurs coffres, leurs livres. Pour que le jour venu, lorsqu'elles vont ouvrir, nous soyons en mesure de fonctionner normalement. Je veux une banque centrale légale qui respecte les règles de la communauté financière que nous avons créée avec les autres pays. Je veux faire en sore que les investisseurs, les nationaux, les pme se disent maintenant, nous pouvons aller de l'avant, nous pouvons investir parce que le gouvernement ne viendra pas avec des kalaches pour telle chose ou telle autre. Que les gros investisseurs, qu'ils soient européens ou asiatiques se diront voici un pays qui marche. Que la Côte d'Ivoire retrouve sa respectabilité, sa crédibilité. Et que la Côte d'Ivoire qui est littéralement le troisième pays de la région africaine après l'Afrique du Sud et le Nigéria trouve sa place.
Cette émission va se terminer, quelle est votre conclusion ?
Je pense que les temps sont difficiles. Chers compatriotes, je connais vos souffrances. Je souffre moi-même pour cette situation. Je n'ai pas voulu être président de la République pour le pouvoir. J'ai voulu participer à cette élection pour mon pays parce que je crois à la Côte d'Ivoire, j'aime mon pays et j'ai la conviction que je le peux à mon pays, à mes concitoyens. Je suis désolé de ce que nous vivons aujourd'hui. Bien entendu, nous savons que c'est le fait de l'ancien président. Je demande qu'il se ressaisisse si cela était possible. Chers compatriotes, je suis déterminé. Je suis plein d'espoirs parce que la Côte d'Ivoire est un pays béni de Dieu. Ces différentes missions qui nous ont visités ont démontré que nous voulons la paix pour nôtre pays. Nous voulons vivre ensemble avec tout le monde. Nous ne voulons pas nous isoler des autres pays de la Cedeao et du reste du continent. Nous ne voulons pas nous isoler du reste du monde. Nous voulons faire partie intégrante de ce monde en perpétuel mouvement. Je tiens à ce que la Côte d'Ivoire ait sa place dans ce monde. Je compte sur vous. J'en appelle à votre grande mobilisation. Nous ne devons pas laisser cette situation perdurer. La Côte d'Ivoire est notre bien commun. Nous avons l'obligation de faire protéger notre bien commun.
Entretien retranscrits sur TCI par BKI, OM, B.I., A.K., N.D. & MAE