Compte tenu d'un calendrier très chargé, le Premier ministre, Guillaume Soro a reporté le meeting qu'il devait animer, samedi dernier, au stade de la Paix de Bouaké. En lieu et place, il s'est entretenu dans la soirée, au secrétariat général des Forces nouvelles, avec les chefs de communautés, les chefs traditionnels et religieux. Les échanges ont eu lieu en présence du corps préfectoral des zones Centre, Nord et Ouest (Cno). Nous vous proposons un large extrait du message du chef du gouvernement.
M. le préfet de Bouaké, M. le maire de Bouaké, messieurs les chefs
traditionnels, messieurs les chefs de communauté, messieurs les chefs religieux. Avant que je prenne la parole pour dire et lancer un message aux populations de Bouaké, je veux tout d'abord présenter mes excuses à cette population, qui s'est mobilisée depuis 7 heures du matin pour nous attendre pour un meeting au stade. Malheureusement, j'ai dû partir de Ouagadougou, à Lomé pour voir le président Faure Gnassingbé, dans le cadre de mes fonctions de Premier ministre de la République de Côte d'Ivoire. Nous avons eu une audience qui a pris beaucoup de temps. Le président Faure Gnasingbé voulait me faire l'amitié de me retenir à déjeuner. J'ai dû lui dire que je ne pouvais pas déjeuner parce que les populations à Bouaké m'attendaient. Je n'ai donc pas pu rattraper le temps et être-là plus tôt pour pouvoir parler aux populations de Bouaké. Mais je suis content d'une chose, les chefs traditionnels, nos papas, les chefs religieux, nos papas, les femmes, de 7 heures à 17 heures, sans boire ni manger, nous ont attendu. Cela veut dire que nos papas et nos mamans sont prêts pour la révolution. Parce que la révolution demande beaucoup d'endurance et beaucoup de courage. Mais avant d'aller plus loin, je vais demander aux chefs traditionnels, aux religieux, aux femmes, à tous ceux qui sont ici et je vais demander au préfet de région de Bouaké et au corps préfectoral de se lever pour les ovationner. Mes premiers mots sont des mots de félicitation au corps préfectoral. Je veux que vous le reteniez. C'est un grand symbole. Et je vais leur rappeler la phrase
que je leur ai dite le premier jour en 2007 au cinéma le Capitol, quand ils ont mis les pieds à Bouaké. Je leur ai dit qu'ils sont des pionniers de la République de Côte d'Ivoire et que la tâche serait difficile et même risquée mais, qu'ils ne devraient pas se préoccuper des questions politiques. Je leur ai dit qu'ils devraient travailler au nom et pour le compte de la République de Côte d'Ivoire. Je ne savais pas, en le disant ce jour-là, que les risques seraient grands
pour eux. Et que même leur intégrité physique serait en jeu. J'ai été personnellement frappé et séduit par le professionnalisme du corps préfectoral de Côte d'Ivoire et surtout pour leur courage.
C'est pourquoi j'ai voulu qu'on leur rende hommage parce que tout ce que nous sommes en train de faire, si ceux-là n'avaient pas été courageux, il aurait simplement suffi d'un coup de fil du ministre de l'Intérieur de l'époque pour leur dire de faire de faux rapports pour dire que les élections ont été truquées. Et que vous qui êtes assis devant moi, vous étiez des fraudeurs et des étrangers. La Côte d'Ivoire serait en train de brûler. C'est parce qu'ils ont refusé de dire le mensonge, ils ont refusé de trahir leur conscience professionnelles qu'aujourd'hui, nous avons la force de parler au monde entier et de dire que les élections se sont déroulées dans la transparence et dans la démocratie sur l'ensemble du territoire ivoirien. C'est important. Je les recevrai tout à l'heure pour leur parler, parce que je sais qu'on a coupé leur salaire en se disant que si on le fait, ils auront faim et puis ils vont changer leur rapport. Mais les préfets qui ont eu le courage de leur opinion et qui ont tenu à leur serment et à leur profession, n'auront jamais faim. Je m'engage à leur assurer leur salaire au nom de la République de Côte d'Ivoire. Ceci dit, je veux parler aux chefs traditionnels, aux religieux. C'est bien que des religieux soient-là. Vous qui êtes les garants de la tradition et vous, garants de l'éthique morale et religieuse, je veux vous parler. J'ai été nommé Premier ministre en 2007. C'était pour amener les Ivoiriens aux élections pour que la guerre finisse. Pendant trois ans, je ne dormais pas. Nous avons travaillé pour faire ces élections, c'est pourquoi, aujourd'hui, je suis un homme triste pour mon pays. Parce que nous avons travaillé au risque de nos vies. Le premier jour où j'allais à Abidjan, j'ai reçu tellement de coups de fil pour me dire : « Guillaume, fais attention parce qu'on va te tuer à
Abidjan ». Je suis allé quand- même et on a travaillé. Il fallait faire les cartes d'identité et on en a fait. On a arrêté la guerre, je suis allé voir MM. Gbagbo, Bédié, Ouattara et j'ai dit qu'on va organiser l'élection. L'engagement que je prends devant toute la Côte d'Ivoire, c'est de
faire une élection propre où ni Gbagbo, ni Alassane, ni Bédié ne pourront pas tricher. Je fais l'élection pas pour quelqu'un mais pour la Côte d'Ivoire. Nous tous, nous aimons la Côte d'Ivoire et on s'est mis à travailler pour faire les élections. Les Ivoiriens sont allés voter au premier tour. MM. Ouattara et Gbagbo ont été les deux qui ont été admis au second tour et c'est là, permettez-moi de m'arrêter un instant pour saluer le président Bédié. Il faut que je le salue parce que le président Bédié n'est pas venu au second tour je me suis rendu chez lui à la maison. Il m'a dit une phrase forte que je veux vous redire. Il m'a dit : « Soro, je ne suis pas admis au second tour. Je sais que dans certaines régions, Gbagbo m'a volé des voix mais moi Bédié j'aime la Côte d'Ivoire. J'ai été déjà ministre en 1965, ministre de l'Economie et des Finances, c'est nous qui avons tracé et construit la Côte d'Ivoire moderne. Pour l'amour que j'ai pour mon pays, même si j'ai le sentiment d'avoir été victime d'une fraude de la part de M. Gbagbo, j'accepte le verdict, au nom de l'amour que j'ai pour le pays. Tu peux faire le deuxième tour ». Voilà quelqu'un qui aime son pays. Cela fait deux fois que le président Bédié me démontre qu'il aime la Côte d'Ivoire. La première fois, c'était le 24 décembre 1999. Gbagbo prend cela pour se moquer de lui en disant, Bédié c'est un peureux, il a fui. C'est parce qu'il a aimé son pays qu'il est parti. En 2010, il a aimé son pays, il a laissé faire le second tour. C'est pourquoi je le salue, je lui rends hommage et je vous assure que je ne peux pas accepter que ce monsieur soit cloîtré à l'hôtel du Golf après tout ce qu'il a fait. Nous sommes allés au second tour. L'élection s'est bien déroulée. Pour preuve, à la télévision nationale, on a vu
les représentants de Gbagbo dire «on a bien voté, tout s'est bien passé. Laurent Dona Fologo, Eugène Djué et tout le monde ». Nous avions les tendances. Je suis allé voir Laurent Gbagbo pour lui dire Monsieur le président, les résultats vous sont défavorables mais laissez la Commission électorale indépendante donner les résultats.
Il n'a pas voulu, plongeant la Côte d'Ivoire dans une crise. Gbagbo n'aime pas la Côte d'Ivoire. Il s'aime lui-même mais, il n'aime pas la Côte d'Ivoire. Parce que s'il pense qu'il est une victime, il n'aime pas la Côte d'Ivoire. Parce que quand tu aimes ton pays et quand on franchit les 50, 100, 200 et 300 morts, on quitte le pouvoir. En Tunisie Ben Ali a été bien élu mais il est parti. Mais lui, quel genre d'homme est-il ? Il faut qu'il parte. C'est pourquoi je veux parler aux chefs traditionnels et aux religieux. Moi, j'ai des principes et des convictions. Cette élection, nous l'avons
organisée et je puis vous dire que Gbagbo a perdu l'élection.
Ce ne sont pas les régions qui ont vu leur vote invalidé qui ont élu Alassane Ouattara. Il n'a pas battu Gbagbo que de 100.000 à 400.000 voix. Les autres voix, il les a eues au Sud. Ce sont les électeurs de Bédié qui ont voté Alassane Ouattara. Il y a dans des départements où il ya eu 80% de report de voix de Bédié sur Alassane. Gbagbo n'aime pas la Côte d'Ivoire. Est-ce que Houphouet l'a séquestré dans un hôtel avec tout son banditisme qu'il a fait en Côte d'Ivoire. Il n'aime pas la Côte d'Ivoire et nous, nous devons lui montrer que nous, nous aimons notre pays. C'est pourquoi, j'ai dit à l'occasion d'une interview que c'est aux Ivoiriens, c'est-à-dire ceux qui ont élu Alassane Ouattara d'aller installer le nouveau président au palais. Et les Ivoiriens doivent compter sur eux-mêmes. Il n'y a pas de dictature qui ne soit vaincue si le peuple est mobilisé et nous allons le faire. Nous allons nous organiser. C'est pourquoi, je demande aux chefs traditionnels et aux religieux, partout où vous êtes, organisez les populations pour la révolution de demain. Partout où vous êtes, dans les hameaux, campements, villages, villes, vous devez les organiser parce que ce que nous allons entreprendre, est une tâche importante et de longue haleine. Nous ne pouvons pas laisser le pays divisé. Nous ne pouvons pas laisser Gbagbo brûler la Côte d'Ivoire. Parce que les hommes vont et viennent. Mais ce qui est essentiel pour nous, c'est notre pays.
Tout le monde sait qu'il a perdu les élections. Mais qu'il parte. Perdre une élection, ce n'est pas la fin de tout. Au Bénin, Mathieu Kérékou a perdu, il est parti. Cinq ans après, il est revenu se présenter et il a gagné. C'est ça la démocratie. La démocratie, on peut échouer aujourd'hui et gagner demain. Mais on ne dit pas je suis battu et je reste-là quand-même. On ne l'acceptera pas. C'est pourquoi je voudrais, chers chefs traditionnels et religieux, vous dire que dans quelques jour Gbagbo partira et il partira. Il le sait lui-même. S'il est suicidaire, nous on est déterminés. Donc, il partira. Le souci du président Alassane Dramane Ouattara est de venir diriger un
pays où il aura la capacité de réconcilier tout le monde. La philosophie d'Alassane Ouattara est contraire à celle de Gbagbo qui dit mille morts à gauche, mille morts à droite, j'avance. Mais quand il dit ça, oui il sera certainement un bon président pour le cimetière, mais pas pour la République de Côte d'Ivoire. Parce que pour le président de la République de Côte d'Ivoire, la première préoccupation, c'est le citoyen. Et, c'est pourquoi le président de la République, chaque fois m'a répété : « c'est vrai, je voulais devenir président, je le suis aujourd'hui, mais je veux être président des Ivoiriens vivants ». Mais comme je le dis, nous allons nous donner le moyen pour que Gbagbo parte. Je n'ai aucun doute là-dessus. Si j'ai accepté d'être Premier ministre - parce que ce n'était pas moi qui étais prévu pour être le Premier ministre du président Alassane Ouattara. C'est sur concertation avec le président Bédié qu'on m'a demandé d'être Premier ministre - c'est pour une raison. On ne peut pas s'être battu pour organiser les élections qui ont abouti à l'élection d'un président et puis se lever et dire que -j'ai fini ma mission, pour prendre mes cliques et mes claques pour partir et laisser le pays dans la guerre civile. Sinon je vous avais tous dit que je partais. Je ne savais pas que Gbagbo allait nous mettre dans des problèmes comme-ça. Donc nous sommes-là et nous allons nous organiser.
Nos collaborateurs vont vous dire comment nous allons nous organiser pour aller prendre le palais présidentiel. Il faut que les populations se mobilisent. A Abidjan, le président Ouattara m'a donné le ministère de la Défense. Certains d'entre vous se sont demandé pourquoi les Forces Nouvelles n'attaquent pas ? Je vais vous dire, je suis ministre de la Défense pour les Forces armées des Forces nouvelles et pour les Fanci. J'ai dit au général Bakayoko que ce n'est pas la peine d'aller attaquer les Fanci parce que les Fanci ont voté à 63% le président Alassane Ouattara. Si vous allez les attaquer, ce sont des électeurs d'Alassane Ouattara que vous attaquer. Donc aux Fanci qui ont voté Alassane, je leur ai demandé, de s'organiser. Ces Fanci donneront la main aux Forces armées des Forces Nouvelles pour faire un, pour combattre les mercenaires de Gbagbo et sa garde républicaine. Ça, c'est la stratégie. C'est pourquoi tous les Fanci que j'ai nommés au ministère de la Défense, ne sont pas des Forces nouvelles. Mon directeur de Cabinet, Mian Gaston, n'est pas des Forces nouvelles. Le porte-parole militaire, le capitaine Kouakou Alla Léon n'est pas des Forces nouvelles. C'est lui-même qui était au front de l'Ouest à Zouan-hounien en 2002 pour nous attaquer. Aujourd'hui, il est avec nous, avec la République. Et celui qui incarne l'institution, aujourd'hui, c'est Alassane Dramane Ouattara. Donc, il est avec nous.
Et vous avez vu, il a commencé à parler aux forces de défense et de sécurité. Ceux-là je les ai nommés, ce sont les premiers visages que vous voyez. Mais il y a encore les 63 % des Fanci qui nous appellent. Donc gardez la sérénité. Le jour où on aura décidé, vous verrez. Gbagbo croit qu'il a des soldats, il n'en a pas. Ils ne vont pas mourir pour lui. On ne meurt pas pour quelqu'un qui a perdu l'élection. On peut mourir pour la République mais pas pour un individu. Donc je sais que les Fanci ne se battront pas pour Gbagbo. Comme hier en 2000, les Fanci ne se sont pas battus pour Guéi. Aujourd'hui, en 2011, les Fanci ne se battront pas pour Gbagbo. Il a une garde républicaine mais pas les Fanci, c'est-à-dire ceux que vous avez contribué à former. Parce que c'est l'argent du contribuable qu'on prend pour les payer, les former, nourrir. Ils ne se battront pas pour mourir pour Gbagbo. Donc je peux vous rassurer. J'aurais aimé encore vous parler pendant longtemps…. mais moi j'avais soif de vous voir, de voir Bouaké, parce que Bouaké me manquait. Je suis content de vous avoir vus, d'avoir vu les chefs traditionnels, les chefs religieux et de pouvoir parler avec vous.
C'est sur ces notes d'espoirs que je veux que vous gardez la sérénité. Je vous dis n'ayez aucune crainte; n'ayez aucun doute Gbagbo est fini. Oui il est fini. Donc n'ayez aucun doute Gbagbo, c'est terminé. J'ai dit au président Alassane Ouattara qu'il faut réfléchir comment il va réconcilier les Ivoiriens parce que nous, on va faire partir Gbagbo. Lui, il est président. Il doit déjà anticiper comment ça va se faire. Ne parlez plus de Gbagbo, c'est fini.
Tout le monde le dit. La Cedeao, l'Union africaine, l'Union européenne, les Nations Unies disent qu'il a perdu. Lui seul ne peut rien contre tous ceux-là. Et puis même si tous ceux-là ne viennent pas nous aider, nous sommes-là. Qu'est-ce qu'il peut contre nous ? Nous, nous sommes ici depuis 2002. Donc n'ayez aucun doute, c'est terminé. Maintenant nous sommes en train de regarder l'opportunité. Mais je l'ai dit, les populations doivent s'organiser pour que nous fassions la révolution ivoirienne et nous la ferons. On le dira à chacun d'entre vous, le message parviendra, comment nous devons nous organiser. Je l'ai déjà dit à Dakar et je le dirai aux populations d'Abidjan. Nous allons nous organiser et Gbagbo s'en ira. Chers parents, voici le message que je voulais vous livrer. Je tiens encore à vous remercier pour la grande patience dont vous avez fait preuve. Depuis 7 heures du matin, vous avez attendu, vous avez été mobilisés, je suis reconnaissant, je vous dis ma gratitude d'avoir montré autant de patience et ensemble restons solidaires pour engager le combat pour la démocratie. Parce que le combat que nous allons engager, c'est pour la démocratie. Quand nos pères se battaient hier, il y a des moments où ils doutaient mais ils ont fini par avoir l'indépendance. C'est comme cela. Aujourd'hui, nous nous battons pour la démocratie. D'une manière ou d'une autre, nous aurons la démocratie dans notre pays.
Propos recueillis par
Denis Koné à Bouaké
M. le préfet de Bouaké, M. le maire de Bouaké, messieurs les chefs
traditionnels, messieurs les chefs de communauté, messieurs les chefs religieux. Avant que je prenne la parole pour dire et lancer un message aux populations de Bouaké, je veux tout d'abord présenter mes excuses à cette population, qui s'est mobilisée depuis 7 heures du matin pour nous attendre pour un meeting au stade. Malheureusement, j'ai dû partir de Ouagadougou, à Lomé pour voir le président Faure Gnassingbé, dans le cadre de mes fonctions de Premier ministre de la République de Côte d'Ivoire. Nous avons eu une audience qui a pris beaucoup de temps. Le président Faure Gnasingbé voulait me faire l'amitié de me retenir à déjeuner. J'ai dû lui dire que je ne pouvais pas déjeuner parce que les populations à Bouaké m'attendaient. Je n'ai donc pas pu rattraper le temps et être-là plus tôt pour pouvoir parler aux populations de Bouaké. Mais je suis content d'une chose, les chefs traditionnels, nos papas, les chefs religieux, nos papas, les femmes, de 7 heures à 17 heures, sans boire ni manger, nous ont attendu. Cela veut dire que nos papas et nos mamans sont prêts pour la révolution. Parce que la révolution demande beaucoup d'endurance et beaucoup de courage. Mais avant d'aller plus loin, je vais demander aux chefs traditionnels, aux religieux, aux femmes, à tous ceux qui sont ici et je vais demander au préfet de région de Bouaké et au corps préfectoral de se lever pour les ovationner. Mes premiers mots sont des mots de félicitation au corps préfectoral. Je veux que vous le reteniez. C'est un grand symbole. Et je vais leur rappeler la phrase
que je leur ai dite le premier jour en 2007 au cinéma le Capitol, quand ils ont mis les pieds à Bouaké. Je leur ai dit qu'ils sont des pionniers de la République de Côte d'Ivoire et que la tâche serait difficile et même risquée mais, qu'ils ne devraient pas se préoccuper des questions politiques. Je leur ai dit qu'ils devraient travailler au nom et pour le compte de la République de Côte d'Ivoire. Je ne savais pas, en le disant ce jour-là, que les risques seraient grands
pour eux. Et que même leur intégrité physique serait en jeu. J'ai été personnellement frappé et séduit par le professionnalisme du corps préfectoral de Côte d'Ivoire et surtout pour leur courage.
C'est pourquoi j'ai voulu qu'on leur rende hommage parce que tout ce que nous sommes en train de faire, si ceux-là n'avaient pas été courageux, il aurait simplement suffi d'un coup de fil du ministre de l'Intérieur de l'époque pour leur dire de faire de faux rapports pour dire que les élections ont été truquées. Et que vous qui êtes assis devant moi, vous étiez des fraudeurs et des étrangers. La Côte d'Ivoire serait en train de brûler. C'est parce qu'ils ont refusé de dire le mensonge, ils ont refusé de trahir leur conscience professionnelles qu'aujourd'hui, nous avons la force de parler au monde entier et de dire que les élections se sont déroulées dans la transparence et dans la démocratie sur l'ensemble du territoire ivoirien. C'est important. Je les recevrai tout à l'heure pour leur parler, parce que je sais qu'on a coupé leur salaire en se disant que si on le fait, ils auront faim et puis ils vont changer leur rapport. Mais les préfets qui ont eu le courage de leur opinion et qui ont tenu à leur serment et à leur profession, n'auront jamais faim. Je m'engage à leur assurer leur salaire au nom de la République de Côte d'Ivoire. Ceci dit, je veux parler aux chefs traditionnels, aux religieux. C'est bien que des religieux soient-là. Vous qui êtes les garants de la tradition et vous, garants de l'éthique morale et religieuse, je veux vous parler. J'ai été nommé Premier ministre en 2007. C'était pour amener les Ivoiriens aux élections pour que la guerre finisse. Pendant trois ans, je ne dormais pas. Nous avons travaillé pour faire ces élections, c'est pourquoi, aujourd'hui, je suis un homme triste pour mon pays. Parce que nous avons travaillé au risque de nos vies. Le premier jour où j'allais à Abidjan, j'ai reçu tellement de coups de fil pour me dire : « Guillaume, fais attention parce qu'on va te tuer à
Abidjan ». Je suis allé quand- même et on a travaillé. Il fallait faire les cartes d'identité et on en a fait. On a arrêté la guerre, je suis allé voir MM. Gbagbo, Bédié, Ouattara et j'ai dit qu'on va organiser l'élection. L'engagement que je prends devant toute la Côte d'Ivoire, c'est de
faire une élection propre où ni Gbagbo, ni Alassane, ni Bédié ne pourront pas tricher. Je fais l'élection pas pour quelqu'un mais pour la Côte d'Ivoire. Nous tous, nous aimons la Côte d'Ivoire et on s'est mis à travailler pour faire les élections. Les Ivoiriens sont allés voter au premier tour. MM. Ouattara et Gbagbo ont été les deux qui ont été admis au second tour et c'est là, permettez-moi de m'arrêter un instant pour saluer le président Bédié. Il faut que je le salue parce que le président Bédié n'est pas venu au second tour je me suis rendu chez lui à la maison. Il m'a dit une phrase forte que je veux vous redire. Il m'a dit : « Soro, je ne suis pas admis au second tour. Je sais que dans certaines régions, Gbagbo m'a volé des voix mais moi Bédié j'aime la Côte d'Ivoire. J'ai été déjà ministre en 1965, ministre de l'Economie et des Finances, c'est nous qui avons tracé et construit la Côte d'Ivoire moderne. Pour l'amour que j'ai pour mon pays, même si j'ai le sentiment d'avoir été victime d'une fraude de la part de M. Gbagbo, j'accepte le verdict, au nom de l'amour que j'ai pour le pays. Tu peux faire le deuxième tour ». Voilà quelqu'un qui aime son pays. Cela fait deux fois que le président Bédié me démontre qu'il aime la Côte d'Ivoire. La première fois, c'était le 24 décembre 1999. Gbagbo prend cela pour se moquer de lui en disant, Bédié c'est un peureux, il a fui. C'est parce qu'il a aimé son pays qu'il est parti. En 2010, il a aimé son pays, il a laissé faire le second tour. C'est pourquoi je le salue, je lui rends hommage et je vous assure que je ne peux pas accepter que ce monsieur soit cloîtré à l'hôtel du Golf après tout ce qu'il a fait. Nous sommes allés au second tour. L'élection s'est bien déroulée. Pour preuve, à la télévision nationale, on a vu
les représentants de Gbagbo dire «on a bien voté, tout s'est bien passé. Laurent Dona Fologo, Eugène Djué et tout le monde ». Nous avions les tendances. Je suis allé voir Laurent Gbagbo pour lui dire Monsieur le président, les résultats vous sont défavorables mais laissez la Commission électorale indépendante donner les résultats.
Il n'a pas voulu, plongeant la Côte d'Ivoire dans une crise. Gbagbo n'aime pas la Côte d'Ivoire. Il s'aime lui-même mais, il n'aime pas la Côte d'Ivoire. Parce que s'il pense qu'il est une victime, il n'aime pas la Côte d'Ivoire. Parce que quand tu aimes ton pays et quand on franchit les 50, 100, 200 et 300 morts, on quitte le pouvoir. En Tunisie Ben Ali a été bien élu mais il est parti. Mais lui, quel genre d'homme est-il ? Il faut qu'il parte. C'est pourquoi je veux parler aux chefs traditionnels et aux religieux. Moi, j'ai des principes et des convictions. Cette élection, nous l'avons
organisée et je puis vous dire que Gbagbo a perdu l'élection.
Ce ne sont pas les régions qui ont vu leur vote invalidé qui ont élu Alassane Ouattara. Il n'a pas battu Gbagbo que de 100.000 à 400.000 voix. Les autres voix, il les a eues au Sud. Ce sont les électeurs de Bédié qui ont voté Alassane Ouattara. Il y a dans des départements où il ya eu 80% de report de voix de Bédié sur Alassane. Gbagbo n'aime pas la Côte d'Ivoire. Est-ce que Houphouet l'a séquestré dans un hôtel avec tout son banditisme qu'il a fait en Côte d'Ivoire. Il n'aime pas la Côte d'Ivoire et nous, nous devons lui montrer que nous, nous aimons notre pays. C'est pourquoi, j'ai dit à l'occasion d'une interview que c'est aux Ivoiriens, c'est-à-dire ceux qui ont élu Alassane Ouattara d'aller installer le nouveau président au palais. Et les Ivoiriens doivent compter sur eux-mêmes. Il n'y a pas de dictature qui ne soit vaincue si le peuple est mobilisé et nous allons le faire. Nous allons nous organiser. C'est pourquoi, je demande aux chefs traditionnels et aux religieux, partout où vous êtes, organisez les populations pour la révolution de demain. Partout où vous êtes, dans les hameaux, campements, villages, villes, vous devez les organiser parce que ce que nous allons entreprendre, est une tâche importante et de longue haleine. Nous ne pouvons pas laisser le pays divisé. Nous ne pouvons pas laisser Gbagbo brûler la Côte d'Ivoire. Parce que les hommes vont et viennent. Mais ce qui est essentiel pour nous, c'est notre pays.
Tout le monde sait qu'il a perdu les élections. Mais qu'il parte. Perdre une élection, ce n'est pas la fin de tout. Au Bénin, Mathieu Kérékou a perdu, il est parti. Cinq ans après, il est revenu se présenter et il a gagné. C'est ça la démocratie. La démocratie, on peut échouer aujourd'hui et gagner demain. Mais on ne dit pas je suis battu et je reste-là quand-même. On ne l'acceptera pas. C'est pourquoi je voudrais, chers chefs traditionnels et religieux, vous dire que dans quelques jour Gbagbo partira et il partira. Il le sait lui-même. S'il est suicidaire, nous on est déterminés. Donc, il partira. Le souci du président Alassane Dramane Ouattara est de venir diriger un
pays où il aura la capacité de réconcilier tout le monde. La philosophie d'Alassane Ouattara est contraire à celle de Gbagbo qui dit mille morts à gauche, mille morts à droite, j'avance. Mais quand il dit ça, oui il sera certainement un bon président pour le cimetière, mais pas pour la République de Côte d'Ivoire. Parce que pour le président de la République de Côte d'Ivoire, la première préoccupation, c'est le citoyen. Et, c'est pourquoi le président de la République, chaque fois m'a répété : « c'est vrai, je voulais devenir président, je le suis aujourd'hui, mais je veux être président des Ivoiriens vivants ». Mais comme je le dis, nous allons nous donner le moyen pour que Gbagbo parte. Je n'ai aucun doute là-dessus. Si j'ai accepté d'être Premier ministre - parce que ce n'était pas moi qui étais prévu pour être le Premier ministre du président Alassane Ouattara. C'est sur concertation avec le président Bédié qu'on m'a demandé d'être Premier ministre - c'est pour une raison. On ne peut pas s'être battu pour organiser les élections qui ont abouti à l'élection d'un président et puis se lever et dire que -j'ai fini ma mission, pour prendre mes cliques et mes claques pour partir et laisser le pays dans la guerre civile. Sinon je vous avais tous dit que je partais. Je ne savais pas que Gbagbo allait nous mettre dans des problèmes comme-ça. Donc nous sommes-là et nous allons nous organiser.
Nos collaborateurs vont vous dire comment nous allons nous organiser pour aller prendre le palais présidentiel. Il faut que les populations se mobilisent. A Abidjan, le président Ouattara m'a donné le ministère de la Défense. Certains d'entre vous se sont demandé pourquoi les Forces Nouvelles n'attaquent pas ? Je vais vous dire, je suis ministre de la Défense pour les Forces armées des Forces nouvelles et pour les Fanci. J'ai dit au général Bakayoko que ce n'est pas la peine d'aller attaquer les Fanci parce que les Fanci ont voté à 63% le président Alassane Ouattara. Si vous allez les attaquer, ce sont des électeurs d'Alassane Ouattara que vous attaquer. Donc aux Fanci qui ont voté Alassane, je leur ai demandé, de s'organiser. Ces Fanci donneront la main aux Forces armées des Forces Nouvelles pour faire un, pour combattre les mercenaires de Gbagbo et sa garde républicaine. Ça, c'est la stratégie. C'est pourquoi tous les Fanci que j'ai nommés au ministère de la Défense, ne sont pas des Forces nouvelles. Mon directeur de Cabinet, Mian Gaston, n'est pas des Forces nouvelles. Le porte-parole militaire, le capitaine Kouakou Alla Léon n'est pas des Forces nouvelles. C'est lui-même qui était au front de l'Ouest à Zouan-hounien en 2002 pour nous attaquer. Aujourd'hui, il est avec nous, avec la République. Et celui qui incarne l'institution, aujourd'hui, c'est Alassane Dramane Ouattara. Donc, il est avec nous.
Et vous avez vu, il a commencé à parler aux forces de défense et de sécurité. Ceux-là je les ai nommés, ce sont les premiers visages que vous voyez. Mais il y a encore les 63 % des Fanci qui nous appellent. Donc gardez la sérénité. Le jour où on aura décidé, vous verrez. Gbagbo croit qu'il a des soldats, il n'en a pas. Ils ne vont pas mourir pour lui. On ne meurt pas pour quelqu'un qui a perdu l'élection. On peut mourir pour la République mais pas pour un individu. Donc je sais que les Fanci ne se battront pas pour Gbagbo. Comme hier en 2000, les Fanci ne se sont pas battus pour Guéi. Aujourd'hui, en 2011, les Fanci ne se battront pas pour Gbagbo. Il a une garde républicaine mais pas les Fanci, c'est-à-dire ceux que vous avez contribué à former. Parce que c'est l'argent du contribuable qu'on prend pour les payer, les former, nourrir. Ils ne se battront pas pour mourir pour Gbagbo. Donc je peux vous rassurer. J'aurais aimé encore vous parler pendant longtemps…. mais moi j'avais soif de vous voir, de voir Bouaké, parce que Bouaké me manquait. Je suis content de vous avoir vus, d'avoir vu les chefs traditionnels, les chefs religieux et de pouvoir parler avec vous.
C'est sur ces notes d'espoirs que je veux que vous gardez la sérénité. Je vous dis n'ayez aucune crainte; n'ayez aucun doute Gbagbo est fini. Oui il est fini. Donc n'ayez aucun doute Gbagbo, c'est terminé. J'ai dit au président Alassane Ouattara qu'il faut réfléchir comment il va réconcilier les Ivoiriens parce que nous, on va faire partir Gbagbo. Lui, il est président. Il doit déjà anticiper comment ça va se faire. Ne parlez plus de Gbagbo, c'est fini.
Tout le monde le dit. La Cedeao, l'Union africaine, l'Union européenne, les Nations Unies disent qu'il a perdu. Lui seul ne peut rien contre tous ceux-là. Et puis même si tous ceux-là ne viennent pas nous aider, nous sommes-là. Qu'est-ce qu'il peut contre nous ? Nous, nous sommes ici depuis 2002. Donc n'ayez aucun doute, c'est terminé. Maintenant nous sommes en train de regarder l'opportunité. Mais je l'ai dit, les populations doivent s'organiser pour que nous fassions la révolution ivoirienne et nous la ferons. On le dira à chacun d'entre vous, le message parviendra, comment nous devons nous organiser. Je l'ai déjà dit à Dakar et je le dirai aux populations d'Abidjan. Nous allons nous organiser et Gbagbo s'en ira. Chers parents, voici le message que je voulais vous livrer. Je tiens encore à vous remercier pour la grande patience dont vous avez fait preuve. Depuis 7 heures du matin, vous avez attendu, vous avez été mobilisés, je suis reconnaissant, je vous dis ma gratitude d'avoir montré autant de patience et ensemble restons solidaires pour engager le combat pour la démocratie. Parce que le combat que nous allons engager, c'est pour la démocratie. Quand nos pères se battaient hier, il y a des moments où ils doutaient mais ils ont fini par avoir l'indépendance. C'est comme cela. Aujourd'hui, nous nous battons pour la démocratie. D'une manière ou d'une autre, nous aurons la démocratie dans notre pays.
Propos recueillis par
Denis Koné à Bouaké