Eburnews - Un opposant aux idées lumineuses, au verbe haut et fort, à l’ambition dévorante et autant noble. Nous sommes en 1999, précisément dans la première quinzaine du mois de juillet. Une période agitée, aussi bien en Côte d’Ivoire que dans le monde. Une époque où M. Laurent Gbagbo, futur Président de la République, opposant historique, brillait de mille feus idéologiques. A ce moment-là, l’homme disait lutter pour la démocratie en Côte d’Ivoire, et nous le croyions. A ce moment-là, M. Gbagbo était à nos yeux un démocrate. Et nous n’étions pas des fous.
Près de douze ans après, re-parcourons ce grand discours, cette haute vision, de M. Gbagbo, publiée dans Notre Voie (le journal officiel du Front populaire ivoirien-FPI) du mardi 13 juillet 1999. A cette époque, M. Gbagbo était un démocrate. Personne n’en douterait.
Comment ne peut accorder, à cette époque, la médaille du grand combattant de la liberté à M. Gbagbo qui expliquait la décision prise par l’Otan de libérer le Kosovo ? « Il y a beaucoup de débats autour du Kosovo. Certains disent : pourquoi l’Otan a fait des frappes ? Elle n’aurait pas dû. D’autres disent : la Serbie est un pays souverain, on ne doit pas le déranger. D’autres disent encore : l’Otan avait le droit et le devoir de frapper. Sur tous ces points, nous avons, bien sûr, un point de vue ».
Et ce point de vue, tenez-vous bien, est celui défendu aujourd’hui, par M. Guillaume Soro, qui en appelle à l’Ecomog pour « rétablir la démocratie en Côte d’Ivoire ».
Lisons cette charmante réflexion de M. Gbagbo sur la question : « Les Européens, après avoir lutté chez eux par petits groupes, ont décidé de lutter globalement. Ils sont fatigués de voir en Europe des Hitler, des Franco, des Musolini. Oui, qui veut la démocratie doit en prendre les chemins. Qui veut la démocratie en prend armes. Ils veulent la démocratie, ils en prennent les armes. Les armes au sens propre pour le Kosovo ». Stupéfiant !
Relisons donc cette position qui ne rappelait ni celle d’un boulanger ou d’un homme marqué par la duplicité, ni celle d’un politicien faussement nationaliste, adepte des compromissions et des accusations fantaisistes et ridicules portées contre l’occident: « Il faut que nous-mêmes les Africains, nous commencions à nous remettre en cause, parce que trop souvent, quand nous parlons, nous accusons l’impérialisme, le colonialisme. Mais, nous, on n’a jamais rien fait (…) Alors cessons de tout mettre sur l’Europe, sur l’Amérique et interrogeons-nous ».
Re-parcourons donc l’invitation claire, précise, directe de M. Gbagbo, adressée à l’Onu, pour « neutraliser » M. Jonas Savimbi, comme M. Alassane Ouattara en ferait la même chose aujourd’hui : « Tant que l’Angola restera déstabilisé, des menaces pèseront sur la Namibie, sur la République démocratique du Congo, sur le Congo-Brazza. Et c’est le lieu d’interpeller l’Onu. Sur le problème de l’Angola, l’Onu st clair. L’Onu a pris des résolutions qui disent qui a tort, qui a raison. L’Onu dit que c’est le gouvernement de Dos Santos qui est le gouvernement légitime. L’Onu a désigné comme paria, Jonas Savimbi. Mais qu’attend l’Onu pour faire comme les Européens, pour prendre les armes et rétablir la paix ? ».
Comme ce temps où M. Gbagbo, auréolé de la gloire enviée du défenseur acharné des droits de l’homme, dénonçait le « sanguinaire Abacha » au Nigéria ou les « exécutions perpétrées par le Président Kabbah » en Sierra Leone, semble si loin ?
Comment ne pas avoir envie de réécouter cet homme politique aux sermons irrévocables dénoncer la confiscation du pouvoir en Afrique et saluer avec des hommages appuyés, M. Alpha Omar Konaré, qui s’apprêtait à céder le pouvoir à son successeur-prédécesseur Amadou Toumani Touré.
« Il faut arrêter ces tentations qui remettent souvent en cause les acquis démocratiques (…) Alpha Konaré, c’est ici tout près. C’est un Dioula du Mali. C’est-à-dire que c’est nous. Cela veut dire que nous aussi, nous pouvons être démocrates. Mais pourquoi nous ne le sommes pas ? Si un de ceux avec qui nous avons fait l’école, un de ceux avec qui nous avons milité à ciel ouvert, s’il est capable de prendre un texte et de respecter ce texte et à partir à la fin de son mandat, pourquoi serions-nous incapables d’instaurer la démocratie dans notre pays, la Côte d’Ivoire ? », lançait, il y a douze petites années, M. Gbagbo au troisième congrès ordinaire du FPI, son parti.
Comment ne pas tomber en admiration face à cette profusion de bonnes intentions de M. Gbagbo, qui déclarait, sérieux et solennel : « Ici, dans cette partie-ci de l’Afrique, les gens croient que quitter le pouvoir, c’est une infamie. Ils pensent que quitter le pouvoir, c’est infamant. Il y en a même qui ont dit : ‘’On ne dira jamais de moi, voilà un ancien chef d’Etat ». Mais c’est grave. Et Mandela leur montre qu’il est plus célèbre qu’eux, qu’il est plus populaire qu’eux, alors que lui, il est un ancien chef d’Etat. Celui qui ne veut pas qu’on dise de lui qu’il est un ancien chef d’Etat, est un dictateur » ?
Comment, enfin, ne pas finir cet éditorial par cette brillante sentence, qui ressort d’un principe sans appel, lancée du haut de sa tribune ensoleillée par l’espérance et le changement, à M. Henri Konan Bédié, alors au pouvoir : « Comme on le dit en Côte d’Ivoire, pardon, démissionnez. Pardon, je vous en supplie, démissionnez. Donnez un signal au peuple de Côte d’Ivoire pour dire que vous êtes capable de changement. Pardon, démissionnez ! ».
André Silver Konan
kandresilver@yahoo.fr
Source : http://andresilverkonan.over-blog.com
Près de douze ans après, re-parcourons ce grand discours, cette haute vision, de M. Gbagbo, publiée dans Notre Voie (le journal officiel du Front populaire ivoirien-FPI) du mardi 13 juillet 1999. A cette époque, M. Gbagbo était un démocrate. Personne n’en douterait.
Comment ne peut accorder, à cette époque, la médaille du grand combattant de la liberté à M. Gbagbo qui expliquait la décision prise par l’Otan de libérer le Kosovo ? « Il y a beaucoup de débats autour du Kosovo. Certains disent : pourquoi l’Otan a fait des frappes ? Elle n’aurait pas dû. D’autres disent : la Serbie est un pays souverain, on ne doit pas le déranger. D’autres disent encore : l’Otan avait le droit et le devoir de frapper. Sur tous ces points, nous avons, bien sûr, un point de vue ».
Et ce point de vue, tenez-vous bien, est celui défendu aujourd’hui, par M. Guillaume Soro, qui en appelle à l’Ecomog pour « rétablir la démocratie en Côte d’Ivoire ».
Lisons cette charmante réflexion de M. Gbagbo sur la question : « Les Européens, après avoir lutté chez eux par petits groupes, ont décidé de lutter globalement. Ils sont fatigués de voir en Europe des Hitler, des Franco, des Musolini. Oui, qui veut la démocratie doit en prendre les chemins. Qui veut la démocratie en prend armes. Ils veulent la démocratie, ils en prennent les armes. Les armes au sens propre pour le Kosovo ». Stupéfiant !
Relisons donc cette position qui ne rappelait ni celle d’un boulanger ou d’un homme marqué par la duplicité, ni celle d’un politicien faussement nationaliste, adepte des compromissions et des accusations fantaisistes et ridicules portées contre l’occident: « Il faut que nous-mêmes les Africains, nous commencions à nous remettre en cause, parce que trop souvent, quand nous parlons, nous accusons l’impérialisme, le colonialisme. Mais, nous, on n’a jamais rien fait (…) Alors cessons de tout mettre sur l’Europe, sur l’Amérique et interrogeons-nous ».
Re-parcourons donc l’invitation claire, précise, directe de M. Gbagbo, adressée à l’Onu, pour « neutraliser » M. Jonas Savimbi, comme M. Alassane Ouattara en ferait la même chose aujourd’hui : « Tant que l’Angola restera déstabilisé, des menaces pèseront sur la Namibie, sur la République démocratique du Congo, sur le Congo-Brazza. Et c’est le lieu d’interpeller l’Onu. Sur le problème de l’Angola, l’Onu st clair. L’Onu a pris des résolutions qui disent qui a tort, qui a raison. L’Onu dit que c’est le gouvernement de Dos Santos qui est le gouvernement légitime. L’Onu a désigné comme paria, Jonas Savimbi. Mais qu’attend l’Onu pour faire comme les Européens, pour prendre les armes et rétablir la paix ? ».
Comme ce temps où M. Gbagbo, auréolé de la gloire enviée du défenseur acharné des droits de l’homme, dénonçait le « sanguinaire Abacha » au Nigéria ou les « exécutions perpétrées par le Président Kabbah » en Sierra Leone, semble si loin ?
Comment ne pas avoir envie de réécouter cet homme politique aux sermons irrévocables dénoncer la confiscation du pouvoir en Afrique et saluer avec des hommages appuyés, M. Alpha Omar Konaré, qui s’apprêtait à céder le pouvoir à son successeur-prédécesseur Amadou Toumani Touré.
« Il faut arrêter ces tentations qui remettent souvent en cause les acquis démocratiques (…) Alpha Konaré, c’est ici tout près. C’est un Dioula du Mali. C’est-à-dire que c’est nous. Cela veut dire que nous aussi, nous pouvons être démocrates. Mais pourquoi nous ne le sommes pas ? Si un de ceux avec qui nous avons fait l’école, un de ceux avec qui nous avons milité à ciel ouvert, s’il est capable de prendre un texte et de respecter ce texte et à partir à la fin de son mandat, pourquoi serions-nous incapables d’instaurer la démocratie dans notre pays, la Côte d’Ivoire ? », lançait, il y a douze petites années, M. Gbagbo au troisième congrès ordinaire du FPI, son parti.
Comment ne pas tomber en admiration face à cette profusion de bonnes intentions de M. Gbagbo, qui déclarait, sérieux et solennel : « Ici, dans cette partie-ci de l’Afrique, les gens croient que quitter le pouvoir, c’est une infamie. Ils pensent que quitter le pouvoir, c’est infamant. Il y en a même qui ont dit : ‘’On ne dira jamais de moi, voilà un ancien chef d’Etat ». Mais c’est grave. Et Mandela leur montre qu’il est plus célèbre qu’eux, qu’il est plus populaire qu’eux, alors que lui, il est un ancien chef d’Etat. Celui qui ne veut pas qu’on dise de lui qu’il est un ancien chef d’Etat, est un dictateur » ?
Comment, enfin, ne pas finir cet éditorial par cette brillante sentence, qui ressort d’un principe sans appel, lancée du haut de sa tribune ensoleillée par l’espérance et le changement, à M. Henri Konan Bédié, alors au pouvoir : « Comme on le dit en Côte d’Ivoire, pardon, démissionnez. Pardon, je vous en supplie, démissionnez. Donnez un signal au peuple de Côte d’Ivoire pour dire que vous êtes capable de changement. Pardon, démissionnez ! ».
André Silver Konan
kandresilver@yahoo.fr
Source : http://andresilverkonan.over-blog.com