Hamed Bakayoko, ministre de l’Intérieur, était l’invité de Brou Aka Pascal sur les antennes de Télé Côte d’Ivoire (TCI). L’invité de la chaîne de la paix a fait un tour d’horizon de l’actualité sociopolitique de la Côte d’Ivoire. Pour lui, le temps de Laurent Gbagbo est compté. Nous vous proposons l’intégralité de cet entretien.
Question : M. le Ministre avec vous, nous allons commenter l’actualité brûlante. Nous allons commencer par la visite du panel de l’UA à Abidjan. Le panel a eu une séance de travail avec le Président de la République, son Excellence Alassane Dramane Ouattara. Vous avez assisté à cette séance. Sans trahir de secret, comment cela s’est-il passé dans la salle ?
Hamed Bakayoko : J’ai participé à l’introduction de cette séance de travail. Mais après, comme vous savez, il y a eu un huis clos entre les chefs de l’Etat. Ce que je peux dire, c’est que les chefs d’Etat ont voulu à nouveau se faire une meilleure opinion sur certaines questions, sur certains mensonges qui avaient encore été racontés, etc. des questions qui avaient été évoquées avec le groupe d’experts. Donc, cela a été une opportunité pour le Président de la République, qui était accompagné du Premier ministre de donner des éclairages convaincants. Je peux vous dire que la plupart des chefs d’Etat du panel, au moins pour ceux qui avaient encore des appréhensions ou quelques doutes sur tout ce qu’on leur avait raconté, sont repartis satisfaits des réponses, de tous ces éclairages qui ont mis en évidence la seule vérité qui vaille, à savoir que les élections se sont déroulées correctement en Côte d’Ivoire. Il y a eu un élu qui est le Président Alassane Ouattara. Qui a été élu démocratiquement, qui a le soutien de la CEDEAO, notre organisation sous-régional, qui a le soutient de l’UA, à travers le dernier communiqué du CPS (Conseil de Paix et de Sécurité) et qui a le soutien de l’ONU et de toutes les grandes puissances. Pour bien comprendre en fait cette question, il faut voir comment le panel est arrivé. A la réunion de l’UA qui avait déjà entériné cette question, un pays, disons-le l’Afrique du Sud, avait estimé que oui, M. Ouattara a été élu. Parce que l’Afrique du Sud, déjà en décembre avait dans un communiqué reconnu l’élection et demandé à M. Gbagbo de partir. Mais avait estimé que certains développements, certaines informations qui leur parvenaient nécessitaient qu’il y ait encore une nouvelle tentative de faire un tour sur la question pour parler aux différents partis et proposer des mesures qui permettent la prise effective du pouvoir par le Président Ouattara. Donc, on a perdu un mois. On a reçu des experts. Je crois que les experts ont fait le tour. Vous devez savoir que les experts étaient très choqués quand ils ont rencontré le Conseil constitutionnel. Parce que toutes les sources disent que sur la question de savoir pourquoi le Conseil Constitutionnel n’a pas activé l’article 64, le président du Conseil n’a pas pu apporter de réponse. Donc, les chefs de l’Etat sont venus, ils ont fait aussi le tour. Nous avons estimé qu’il fallait accompagner cette énième démarche.
Q : Parce que l’article 64 autorise la reprise de l’élection ?
HB : c’était le seul espace que le Conseil constitutionnel avait. S’il estimait qu’il y avait un problème sur la sincérité du scrutin. Mais il est allé au-delà de ce que dit la loi, notre loi fondamentale. Il n’a pas dit le droit, alors que c’est le temple du droit. Aujourd’hui, ce qu’on peut dire, c’est que l’isolement de Gbagbo va s’accroître. Des pays comme l’Afrique du Sud, ils les avaient influencés au nom des fausses informations, des fausses valeurs en essayant de leur faire croire que ce sont les occidentaux, les blancs, pour essayer de titiller un peu leur orgueil de peuple opprimé par l’apartheid, de leur faire dire : « c’est une forme de colonisation » en déplaçant ainsi le débat, dans le dessein de monter les uns contre les autres. Je crois donc que cette énième rencontre à permis de recentrer le débat et de monter aux uns et aux autres que tout cela n’est que mensonges et qu’il existe une seule vérité qui vaille et qui n’est pas contestable : le Président Alassane Ouattara a bel et bien gagné les élections et qu’aujourd’hui, il faut lui donner les moyens de l’effectivité pleine et totale de tout ce pouvoir.
Q : Cette visité a été dominée par l’absence, je dirais bruyante, du Président du Faso, Blaise Compaoré. Comment cette absence a été ressentie dans la salle ?
HB : Nous l’avons regretté. Nous l’avons condamné. Le Président de la République s’est exprimé sur la question. Il a dit qu’il s’étonnait que le panel qui représentait les cinq grandes régions d’Afrique, n’ait pas pu compter la présence de la région qui est en première ligne. D’abord, son représentant au niveau du chef de l’Etat n’était pas là, même pas un ministre des Affaires étrangères. Mais non plus le président de la commission de la CEDEAO. Donc c’est une question qui a été posée. Je pense que le communiqué de la CEDEAO est éloquent là-dessus. Et les chefs de l’Etat ont pris note. Mais nous avons estimé qu’il appartenait aux chefs d’Etat eux-mêmes de tirer les conséquences d’une telle altitude. C’est-à-dire, voilà des chefs d’Etat qui s’engagent, qui prennent leur temps, qui laissent leurs problèmes dans leur pays, pour venir aider un autre en difficulté, et il y a des menaces ouvertes sur la sécurité d’un des leurs, qui a même été médiateur et que le Président Gbagbo a décoré dans l’ordre de la Grande croix de la Côte d’Ivoire, qui a été reçu à Mama, qui a été présenté comme un homme de paix, l’ami de la Côte d’Ivoire, etc. Et voilà qu’aujourd’hui, pour encore manipuler l’opinion, on envoie des jeunes à l’aéroport pour l’humilier, cela est regrettable. Et je pense que les chefs d’Etat doivent en tirer toutes les conséquences, parce qu’un tel acte ne peut pas rester sans conséquence.
Q : Vous avez parlé du communiqué de la CEDEAO. Ce communiqué en clair s’étonne du manque de solidarité des autres chefs d’Etat du panel à l’égard du Président du Faso. Vous pensez que le panel aurait dû ajourner sa mission ?
HB : Je ne peux pas parler à la place des chefs d’Etat. Je ne me le permettrai pas. Mais ce que je pense, c’est que le panel doit tirer les conséquences d’une telle attitude, d’une telle agression d’un des leurs. Il doit marquer sa solidarité d’une façon et d’une autre. Mais je pense que les chefs d’Etat sont des hommes d’expérience. Ils ont vu, ils ont entendu et ils vont en tirer les conséquences. Parce que la solidarité entre les Etats, le respect qu’on doit à chaque peuple représenté par son chef d’Etat, est important.
Q : Depuis hier, nous avons reçu des appels des Ivoiriens qui ont été perturbés par l’information donnée par une agence de presse avant le début des travaux. A l’intérieur, comment cela a été ressenti. On parlait de partage de pouvoir ou de reprise des élections.
HB : Ecoutez, le Président Alassane Ouattara a été informé de cette dépêche. Il l’a lue en séance. Et je peux vous dire que la délégation sud africaine était très gênée et le Président Zuma ne comprenait pas d’où ça venait. C’est donc la preuve qu’il y a beaucoup de manipulations. Ce que nous voulons dire, ce qui est important, le Président Ouattara l’a dit clairement et nous pouvons appuyer à sa suite, que nous n’allons pas entrer dans aucun chemin qui viole le droit du peuple à se donner le dirigeant qu’il souhaite, qui viole notre Constitution. Nous n’allons nous accommoder d’aucun schéma qui nie la démocratie. Il y a eu des élections, il y a eu un président élu, il y a un président qui s’accroche par la violence et la terreur. On ne peut pas accepter que par des gymnastiques afro-africaines on vient nous proposer un schéma « tordu ». En tout cas, nous n’y entrerons pas. Parce que le peuple qui l’a investi, qui lui a donné sa confiance ne le comprendrait pas. Donc, je peux rassurer les Ivoiriens. Ce combat est difficile, ce combat n’est pas facile, mais nous n’allons pas céder à n’importe quoi.
Q : Cette information a été donnée juste avant les travaux. Expliquez un peu le comportement de vos militants vis-à-vis du Président sud-africain. Comment Jacob Zuma a-t-il ressenti cela ? Ce chahut dont il a été l’objet.
HB : Nous regrettons qu’il y ait eu ce dont vous parlez. Mais c’est un peu la conséquence de ce que vous dites. Ces dépêches, ces informations, ces rumeurs sur les positions sud-africaines. Parce que ce que je dois faire noter, c’est que déjà au niveau de l’union africaine, la décision de reconnaitre le Président Ouattara est prise. Et c’est à l’initiative de l’Afrique du Sud que tout ce mois a été écoulé, que Gbagbo s’est armé davantage, à encore tué des Ivoiriens, à alourdi le bilan et à compliqué cette crise. Donc, je comprends l’amertume des Ivoiriens et je l’ai dit à l’ambassadrice de l’Afrique du Sud. Vous savez, comme tous les hommes et les femmes de la terre qui aiment le football, on a tous un peu l’âme des Brésiliens. Tous les Africains qui ont le sens du combat politique ont tous été un peu Sud-africain. On a tous participé à cette grande bataille contre l’apartheid. Je me souviens que quand j’étais étudiant, on a marché dans les capitales contre l’apartheid. Les dirigeants, notamment le Président Houphouët-Boigny à l’époque, se ont investis, ont financé les études de beaucoup d’enfants de l’apartheid, ont financé les soins de beaucoup de dirigeants de l’Apartheid. L’Afrique du Sud n’a pas le droit de cautionner une dictature. L’Afrique du Sud ne peut pas se permettre de se donner l’image d’un régime qui cautionne des tueurs, qui décembre – exactement dans un communiqué du 5 décembre dernier – où l’Afrique du Sud dans une position claire a dit que le Président Ouattara a gagné et qu’il faut que Gbagbo parte, on se demande ce qui a bien pu se passer pour que l’Afrique du Sud commence à avoir des positions glissantes et qu’elle tourne en rond. Moi, je crois que l’Afrique du Sud doit faire en sorte que l’image, l’attente de tous les Africains, le rôle de grand pays africain qui est le sien ne soit pas détruit. Le Président Zuma doit se dire qu’il est un des successeurs d’un grand homme qui s’appelle Nelson Mandela. Il n’a pas le droit de trahir l’Afrique, il n’a pas le droit de trahir les Africains par des positions ambiguë, par des positions qui ne font pas avancer la démocratie, par des positions qui encourage la tuerie, les massacres, les meurtres. Parce que pendant longtemps, on a tous pleuré, on a tous marché pour dénoncer les meurtres à Soweto. Aujourd’hui, lui, il ne peut pas être le complice des gens comme Gbagbo qui lui font croire que c’est un combat contre le colonialisme, alors que ce sont les Gbagbo qui sont avec les blancs, quand il faut faire des campagnes électorales, ce sont les Gbagbo qui demandent des armes aux blancs, mais ils ne leur disent pas cela. Ce sont donc des prétextes. Je le dis, le Président de la République a eu l’occasion de le dire à la délégation sud africaine. Aujourd’hui, on a le sentiment que c’est l’Afrique du Sud qui bloque. Mais j’ai bon espoir. Je crois que cette visite a permis beaucoup d’éclairage et je suis convaincu que le Président Jacob Zuma est reparti dans des dispositions d’esprit assez claires. De sorte que je suis convaincu qu’il ne perturbera pas cette cohésion générale du monde entier autour du dossier ivoirien.
Q : Vous dites des dispositions claires. Les chefs d’Etat sont repartis après avoir rencontré le Président Ouattara, le Président Zuma le premier. Est-ce que ce qui s’est passé, n’a pas un peu précipité son retour?
HB : Non. Je crois que c’était son calendrier. Si vous suivez l’actualité aujourd’hui (Ndrl hier), il avait un rendez-vous important avec un émissaire américain. C’était son calendrier, je pense.
Q : La CEDEAO qui était absente à cette rencontre est revenue reprendre sa place par le président de la Commission, James Victor Gbeho. Qu’est-ce que cela veut dire ? C’est une reprise en main du dossier par la CEDEAO, qui semblait un peu céder la place à l’UA?
HB : Mais tout à fait. Quand il y a une crise au Zimbabwe, au Kenyan, c’est la SADC, leur organisation régionale, et c’est comme ça que le monde fonctionne du point de vue de la diplomatie. C’est d’abord les organisations régionales, c'est-à-dire les pays voisins qui connaissent le mieux vos réalités qui se mettent ensemble. Tous les 15 chefs Etat de la CEDEAO se mettent d’accord pour dire qu’on connait le dossier, on a suivi de bout en bout, on y a des ambassades, des compatriotes, des intérêts. L’équilibre sous-régional passe par là. Les élections ont été transparentes, il y a eu un seul vainqueur, c’est le Président Alassane Ouattara. Et cette position, en général, elle est consolidée par l’UA qui s’aligne toujours sur l’organisation sous-régionale. Et dans le cas d’espèces, l’UA a décidé de s’aligner. Elle a dit qu’Alassane Ouattara est le Président. C’est le Postulat de base. Quels que soient les schémas, l’introduction a été toujours invariable : Alassane Ouattara est le Président de la République. Maintenant, c’est l’Afrique du Sud qui a demandé ce panel pour essayer de trouver des voix et moyens pacifiques, mais « contraignantes » pour toutes les parties. On attend ces dispositions contraignantes.
Q : Comme vous le dites, depuis le début de cette crise, la position de la communauté internationale n’a pas varié. Elle a toujours dit Alassane Ouattara est le Président élu, elle vient de le réitérer. Mais la question que tout le monde se pose, c’est comment l’installer, comment lui permettre d’exercer la plénitude de son pouvoir ?
HB : Ecoutez, avant d’être l’affaire de la communauté internationale, cela est d’abord l’affaire des Ivoiriens. Je pense que nous nous battons. La tâche est difficile, mais je veux rassurer les Ivoiriens, nous allons y arriver. Chaque peuple a son histoire. Chaque peuple à ses épreuves. Nous ne sommes pas le premier pays à connaitre ce genre de difficultés. Mais nous allons nous en sortir. Il faut être consistant, il faut persévérer. Bien sûr, un pays comme le nôtre, dans le contexte d’un Président sortant, qui a les leviers de la force – cela fait quand même 10 ans qu’il nomme les Généraux, qu’il recrute ses parents, son clan à la police et à la gendarmerie – il a des leviers de la force en main. Mais la démocratie ne s’exprime pas par la force des armes. La démocratie s’exprime par la force des urnes. Si c’était la force physique, les Sud africains noirs ne seraient jamais au pouvoir. Parce que la minorité blanche a les moyens et avait les moyens de demeurer au pouvoir. C’est parce qu’il y a eu une pression internationale, mais aussi intérieure. Donc aujourd’hui, nous estimons que nous avons besoin du soutien de toutes les nations à travers toutes ces mesures qui sont prises, à travers toutes ces coopérations que nous avons commencé à développer dans tous les domaines. Que ça soit militaire ou d’intelligence pour faire partir Gbagbo. Je considère que c’est d’abord notre responsabilité. Quand vous me parlez de ce problème, je veux interpeller toute la Côte d’Ivoire, je veux interpeller les Ivoiriens. Ce combat, ce n’est pas le combat d’un homme, ce n’est pas le combat d’un clan, c’est le combat d’un peuple. Et dans toutes les batailles, dans l’histoire d’un peuple, à un moment donné, les peuples ont des rendez-vous avec le destin. Et ces grands rendez-vous passent par des hommes, des grands hommes qui se donnent rendez-vous avec leur peuple. Aujourd’hui, c’est ce qui nous manque. Il nous manque des grands hommes comme le général Ammar qui a pris rendez-vous avec le destin de son peuple. C’est gravé à vie, pour la nuit des temps dans l’histoire de la Tunisie. Il a dit non au Président qui l’a nommé. Il a dit non, qu’il ne peut pas tirer sur son peuple, qu’il faut négocier. Pareil pour les Généraux en Egypte. Je veux interpeller ici, le Général Mangou, le Général Kassaraté, le Général Brindou. Je les connais, je sais qu’ils ne sont pas à l’aise. Je sais qu’ils n’aiment pas ça. Ils savent que des extrémistes comme les Généraux Dogbo Blé, Guiai bi Poin ne les aiment pas, les surveillent, les guettent. Mais, ils doivent assumer leur part de l’histoire. Ils doivent assumer leur rendez-vous avec l’histoire de la Côte d’Ivoire. Parce que l’histoire s’écrit comme ça. Leurs noms seront gravés dans le sang. Leurs noms seront à jamais gravé dans la gloire, s’ils assument leur position, s’ils se mettent du côté du peuple, du côté de la vérité. Tout le monde le sait. Et ceux qui sont en contact avec eux, savent qu’ils sont mal, qu’ils ne supportent pas ces mercenaires qui vont tuer leurs compatriotes. Ils ne supportent pas ces extrémistes, ils sont malades, mais ils n’osent pas. Mais il faut de l’audace, il faut du courage, il faut prendre rendez-vous avec l’histoire. Je considère que cet appel est important, parce que quand vous regardez la situation en Tunisie, en Egypte, les peuples qui se donnent rendez-vous avec la liberté et la démocratie, ne sont pas plus avancés que nous en Côte d’Ivoire. On a déjà eu une élection démocratique. Mais la outrageusement disproportionnée, elle tire, elle tire. Si on tirait avec des roquettes à la place Tahrir, il y aurait eu des morts. Mais l’histoire le retiendrait. Ils n’ont pas le droit de laisser faire cela. Je sais qu’ils sont contre ces mercenaires. Moi je considère qu’aujourd’hui, la Côte d’Ivoire les appelle, les Ivoiriens les appellent. Aujourd’hui, vous voyez ce qui se passe à Abobo, d’aucuns parlent de l’équilibre de la terreur, d’aucuns parlent du commando mystérieux. La vérité, c’est que les FDS, les soldats de Côte d’Ivoire, les militaires, les gendarmes de Côte d’Ivoire qui n’acceptent plus que leur commandement les envoient tuer leurs frères, enlèvent leurs tenues et vont rejoindre le peuple. Et aujourd’hui, les rapports secrets de l’état-major disent qu’il y a plus de 1000 déserteurs dans notre armée. Mais justement, s’ils ne prennent pas leur responsabilité pour conduire notre armée dans le vérité et le droit, ce qui va arriver, c’est que au fur et à mesure, il va y avoir une cassure et vous allez avoir des poches de militaires qui n’en peuvent plus qui sont choqués. Moi j’ai les rapports. En tant que ministre de l’Intérieur je peux vous le dire. Il y a des militaires qui vont au combat, qui enlèvent leur tenue et qui vont rejoindre les autres. On l’a vu en Libye. Des militaires qui avaient des avions pour bombarder sont allés les déposer à Malte et ont demandé l’asile. Il y a des moments où il faut être un grand homme. Je leur lance donc cet appel.
Q : Vous l’avez dit, vous êtes le ministre de l’Intérieur et vous assurez l’intérim de la Communication. Le deuxième point de l’actualité c’est la violence sur le terrain qui est la conséquence même de cette crise politique. Des civils sont morts, des forces meurent aussi. Ce sont des moments difficiles. Comment vivez-vous tout cela ?
HB : C’est notre histoire. Nous devons passer par là. Nous devons rester débout. Nous devons nous battre. Nous devons trouver toutes les solutions pour contrecarrer cette répression barbare et sanguinaire. Je ne sais pas, est-ce que le Président Gbagbo est en otage ? Je ne comprends pas. Comment on peut vouloir rester au pouvoir, tuer tous les jours autant d’Ivoiriens sans être préoccupé. Ce pouvoir, il veut le garder pour quoi ? Pour qui ? Pour son camp ? Mais qu’est-ce qu’il peut faire avec son camp ? Mais son camp est terrorisé ! Il ne le voit pas. Le premier cercle est terrorisé. Aujourd’hui, il y a des gens comme le professeur Mamadou Koulibaly qui considèrent que cette politique n’a pas été cohérente, depuis les Accords politiques de Ouagadougou. Qui a été en cohérence avec lui-même, mais qui ne dit plus rien. Des gens comme Bohoun Bouabré, qui ne disent plus rien, parce qu’ils se disent que c’est la bande à Tagro qui mènent tout cela autour du Président Gbagbo. Ils les regardent. Mais, ils sont déçus, tous ces gens du FPI, qui ont conçu pendant longtemps leur vie autour des valeurs de gauches, de liberté et de démocratie. Etre aujourd’hui complice, parce que leur leader avec une clique est en train de les mener à l’abattoir, c’est forcément difficile à vivre. Qu’est-ce qu’ils espèrent ? J’essaie de me projeter par la force, par la terreur en tuant, je me maintiens et après, je fais quoi ? Comment je crée des lycées ? Comment je construis des universités ? Comment je construis des hôpitaux ?
Mais demain, il faut bien que la Côte d’Ivoire par rapport à notre situation, ait un programme économique avec le Fonds monétaire. Or cette institution dit : « je ne travaillerai jamais avec toi (Gbagbo) parce que tu es illégitime ». Il faut des financements avec la Banque mondiale, mais la Banque mondiale dit : « je ne te reconnais pas ». Il faut des financements de l’OMS. Mais l’OMS dit : « je ne te reconnais pas ». Tu veux garder le pouvoir pourquoi ? Pour porter des costumes, pour avoir des copines ? Mais ça, on peut lui en donner. Il n’a pas besoin pour cela de continuer à prolonger les souffrances des Ivoiriens.
Q : Mais, vous, ministre de l’Intérieur, est-ce que vous vous préoccupez des morts des deux côtés, des civils et des FDS ?
HB : Bien sûr. Pour nous, la mort d’un Ivoirien doit nous interpeller. Nous avons rencontré des familles des FDS, qui sont RHDP. Parce que dans la logique du commandement, vous êtes Bakayoko, Kouakou, Zadi et êtes en poste dans un commandement. On vous dit : « réunissez le peloton, mouvement vers Abobo ! ». Vous y allez et vous tombez dans les combats alors qu’au fond de vous, vous n’êtes pas d’accord avec cette décision. C’est pour cela que je veux lancer un appel à tous nos frères militaires. Il faut qu’ils désertent. Il faut qu’ils quittent les rangs de ces chefs qui les conduisent à l’abattoir, de ces chefs qui veulent faire tuer leurs compatriotes. Il faut qu’ils désertent et qu’ils rejoignent le camp de tous leurs amis, qui savent qu’ils sont nombreux et qui sont en contact permanent. Aujourd’hui, il y a un commandement ici, qui est basé au Golf et qui comprend plusieurs officiers dont le porte-parole est le capitaine Alla et qui fait des communiqués. Nous savons aujourd’hui que beaucoup de FDS prennent leurs armes et vont rejoindre le camp du peuple. C’est comme ça qu’on fait la révolution, c’est comme ça qu’on aide le peuple. C’est comme ça qu’on rentre dans l’histoire. Regardez ce qui se passe dans d’autres pays. Vous avez rendez-vous avec l’histoire, vous devez aider vos frères, vous devez regarder votre conscience. Votre conscience, le juge de la conscience. Vous êtes assis. Vous-mêmes, vous savez qu’il y a eu des élections. Certains d’entre vous ont voté Alassane Ouattara. Mais on vous impose d’aller tuer ses partisans qui demandent pacifiquement le droit de manifester, qui est un droit inaliénable de tout être. Il faut dire non, il faut vous rebeller, il faut déserter.
Q : Et dans cette situation de violence inouïe, vous demandez à vos manifestants de continuer ?
HB : Non. En fait, nos militants avaient souhaité faire des manifestations pacifiques pour accueillir les chefs d’Etat. Ces manifestations ont été réprimées dans des conditions disproportionnées, à l’arme lourde, avec des RPG7, avec des roquettes. Nos manifestants avaient souhaité faire des rassemblements à deux grands meetings ; à Abobo et à Koumassi qui ont été réprimés. Même pas des marches. Des manifestations pacifiques. C’est vrai, nous ne pouvons pas continuer à demander à nos militants d’aller se faire tuer. Nous sommes en train d’adapter les méthodes de lutte. Nous sommes en train d’adapter la stratégie du moment au contexte. Ce qui va faire que très bientôt, nous aurons des mots d’ordre clairs, qui tiennent compte du contexte. Mais je peux vous dire que nous sommes très optimistes, parce que selon les informations que nous avons en notre possession, le niveau de ralliement, le niveau d’organisation qui en train d’être mis en place me fait percevoir que le système de Gbagbo est en train de se fissurer, le système de Gbagbo est en train de se casser. Le système va craquer, les gens n’en peuvent plus. Le moral des troupes est au plus bas, on le sait et Gbagbo le sait. Gbagbo règne par la terreur. Même ses proches collaborateurs qui ont envie de lui faire entendre raison ont peur. Ceux qui ont essayé, se sont vus bannis. L’ancien secrétaire général de la présidence, qui a voulu dire la vérité, a été pourchassé. Aujourd’hui, il est pratiquement caché. Tous les amis de Gbagbo qui veulent lui dire la vérité, on les traumatise et ils se taisent
Q : Aujourd’hui, pour beaucoup M. le ministre, les ingrédients de la guerre civile sont en train de se mettre en place.
HB : Non, je ne dirais pas cela. Je pense que c’est ce que Gbagbo cherche. C’est la stratégie de la terre brûlée. Gbagbo veut qu’après lui, ce soit le chaos. Sa théorie est : « Maintenez-moi, sinon c’est le chaos ». C’est la technique de la terre brûlée. Et vous savez, je peux vous le raconter, Gbagbo déjà en conseil nous disais : « quand tu es un garçon, en pays bété, quand tu es un baobab et qu’on vient pour terrasser le baobab et que le village est ravagé, on dit que ça, c’est un baobab ». Traduction : « je suis parti, mais avant j’ai fait tellement de dégâts, j’étais un garçon ». Mais, le ce n’est pas ainsi qu’on peut qualifier un garçon. Ce n’est pas ça un garçon. Aujourd’hui, le monde a changé. Sinon, avant on allait rester. On allait se battre à coups de poing et le plus fort allait être le chef. On a dit, on s’investit dans un processus qui est une précaution contre les dénis de démocratie, de droit. Parce que tout ce qui s’est passé en dessous des valeurs nouvelles, de démocratie. C'est-à-dire, on demande au peuple : qui est le meilleur choix ? Le peuple te choisit et il met en place une politique sur la base de laquelle il a été élu. C’est ça être un garçon. C’est ça être un grand homme pour pouvoir entrer dans l’histoire. Regardez aujourd’hui ce qui ce passe, le nom Gbagbo, comment il le porte pour lui-même, pour ses descendants, ses petits enfants ? Pendant des générations, il aura été le Président de la guerre, il aura été le Président des tueries, il aura été le Président de la Côte d’Ivoire qui a connu la fermeture des banques, des souffrances extrêmes de la population. Mais pourquoi cela ? Pour maintenir un pouvoir que tu ne pourras pas garder, qui ne t’apportera rien, dont tu ne pourras rien faire ? Aujourd’hui, voilà un régime qui n’a aucun ambassadeur à l’extérieur. Ils ne parlent avec personne. Ils sont au palais ou à Cocody, ils mangent du riz, ils sont contents. Récemment, pendant que les gens meurent, ils envoient Kassav pour faire un concert et ils rient aux éclats, ils sont contents. Mais quelle inconscience ! Quelle insouciance ! Mais qu’est-ce que nous avons fait pour mériter cela ?
Q : Aujourd’hui, M. le Ministre, la fracture est large et ne cesse de s’agrandir. Le pays est presque en lambeau. Comment faire pour ressouder ce pays ?
HB : D’abord, il faut qu’on fasse partir Gbagbo, le plus vite possible. Ce ne sont pas des paroles en l’air, mais vraiment nous sommes au travail. Très sérieusement. C’est vrai que la tâche n’est pas facile. Parce que nous on préparait les élections. On était en campagne, à gauche à droite. Or lui, il préparait la guerre. Peut-être, mea culpa, on n’a pas vu venir ce niveau d’extrémité. Mais, nous avons pris les choses en main. Et je pense que Gbagbo va voir dans les jours qui viennent que l’équilibre de la terreur se fait. Au fur et à mesure, il va voir que la tendance est renversée, il va voir que son système va craquer, il va voir qu’il n’en pourra plus. Et tous ceux qui sont zélés aujourd’hui, vous les verrez défilé ici en Côte d’Ivoire, demander pardon aux Ivoiriens. Tous ces zélés, vous pouvez le noter, vous allez les voir demander pardon aux Ivoiriens. Quand ils vont être devant les tribunaux pour répondre de leurs actes, ce moment arrive, il n’est pas loin. Il faut que les Ivoiriens restent accrochés à cela. Quel que soit le niveau de souffrance, ce sont nos sacrifices. Parce que, derrière, il y a un grand projet pour la Côte d’Ivoire. Il y a une grande ambition pour la Côte d’Ivoire. Le Président Ouattara est déjà en relation avec les bailleurs de fonds, avec les partenaires pour que dès la sortie de crise, un plan Marshall pour la Côte d’Ivoire soit mis en place. Une conférence de tous nos amis pour mobiliser une aide massive pour essayer de compenser tous ces chocs dans tous ces secteurs, le secteur banquier, le secteur agricole, tous ces secteurs doivent être soutenus. Nous allons engager le combat pour redresser la Côte d’Ivoire. Et les Ivoiriens seront impressionnés par ce que nous allons faire. Mais pour le moment, nous avons un problème, une épine et on doit s’en débarrasser. Tous nos efforts sont tournés vers cet objectif.
Q : Depuis quelques mois, nous émettons sur TCI depuis l’hôtel du Golf, M. le ministre, qu’est-ce qui a causé la création de cette chaine ?
HB : C’est pour équilibrer l’information. Dire la vérité aux Ivoiriens. La télévision de la honte, vous la voyez tous les jours. Ils mentent, ils mentent. Ils divisent la Côte d’Ivoire. C’est la télévision des mille collines. Il ne faut pas accepter cela. Et puis, depuis l’indépendance de la Côte d’Ivoire, il y a eu la première chaîne, la deuxième est arrivée quand le Président Ouattara était Premier ministre. Aujourd’hui, en quelques jours, dans un environnement de blocus, il met en place une politique qui permet aux Ivoiriens d’avoir une télévision sur satellite dans les meilleures qualités que la RTI. Pour vous dire ce qui nous attend. En dix ans de pouvoir, le Front populaire ivoirien, n’a même pas été capable d’ajouter une nouvelle expression à l’espace audiovisuelle en Côte d’Ivoire.
Q : Quelle différence y a-t-il entre TCI et la RTI ?
HB : D’abord TCI, c’est la télévision de la paix. Vous, M. Brou Aka Pascal, tous les Ivoiriens vous connaissent, vous n’êtes pas un partisan, vous n’êtes pas un politique. C’est pour cela que de façon unanime, j’étais là, que les deux camps vous ont choisis. Le seul nom qui est revenu à l’unanimité des deux camps pour le débat du face à face. Le Président Ouattara a des partisans à la RTI, il aurait pu nommer l’un d’entre eux comme DG. Il vous a choisi parce qu’il veut mettre à l’avant les gens qui font l’unanimité pour conduire une télévision de paix, une télévision qui rassemble les Ivoiriens, qui réconcilie les Ivoiriens. Une télévision qui porte des valeurs nouvelles, qui vont construire la Côte d’Ivoire de demain. C’est la grande différence. Ce n’est pas une télévision de partisans. Ce n’est pas une télévision de gens qui font tout pour aggraver les souffrances des Ivoiriens. Ils n’ont même pas honte. Je suis gêné quand je vois le zèle de Ouattara Gnonzié. Je suis dépité. Je vois le zèle de Ouattara Gnonzié qui menace la presse. Je lui demande d’arrêter. Je lui demande de se souvenir. Le même zèle qu’il avait en 99. Avec le coup d’Etat, il a été arrêté. Il a une petite amie à l’époque, qui s’appelait Ami Traoré, qui m’a appelé en pleurs et qui m’a supplié d’intervenir. On a couru çà et là pour le protéger. Aujourd’hui encore, il recommence, dans le même zèle. Mais, il va voir, il n’y a jamais deux sans trois. Bientôt, encore il va se retrouver dans cette situation et demander pardon. Mais il va voir. Qu’il arrête donc son zèle. Qu’il arrête de menacer les journaux. Je luis parle, il sait de quoi je parle. Nous nous connaissons. Je lance un appel à tous ces cadres qu’on envoie à l’aventure. A tous ces cadres, des ministres comme Don Mello. Je sais qu’ils sont mal dans leur peau. Mais ils ont peur. Dallo Désiré, est un garçon agréable, mais ils ont peur. Il faut qu’ils arrêtent. Ce sont des gens qui sont structurés. Mais ne voient-ils pas qu’il n’y a pas d’issue ? Nous, on a peut être choisi une voie difficile, mais eux ont une voie sans issue. Imaginent-ils qu’un jour le monde va changer et que Gbagbo va rester Président ? Qu’on va prendre un nouvel ambassadeur de Gbagbo à l’ONU aux Etats-Unis, en France ? Non, c’est fini. Quand on dit Gbagbo est fini, c’est cela. C’est-à-dire résister pour exister. Mais pour quoi ? Aujourd’hui, il ne peut pas construire un programme de développement, il ne peut pas construire une route. Pour construire une route, il faut avoir affaire aux bailleurs de fonds. Parce que nous-mêmes, n’avons pas les ressources propres. Les bailleurs de fonds, que ce soit la Conférence islamique, que ce soit la Banque mondiale, l’Union européenne. Tous disent qu’ils ne travaillent pas avec toi. Comment vas-tu construire les routes ? On a fait des sacrifices pour le PPTE, qui va nous faire économiser 500 milliards de FCFA par an qu’on va réinvestir ? Le FMI dit que tu es un usurpateur et qu’il ne te connait pas. Il ne travaille pas avec toi. Leurs représentants ne te voient pas, ne te rencontrent pas. La France, les Etats-Unis, la Grande-Bretagne, les pays avec qui ont peut avoir des relations de coopérations disent qu’ils ne te reconnaissent pas. Tu veux rester toi seul assis dans ton fauteuil, pour ton petit clan. Vous mangez du riz avec de la bière et vous êtes contents ! Ce n’est pas une vie, ce n’est pas une ambition ça ! Qu’ils ailent plus loin.
Q : Pour revenir à la presse, vous avez parlez des menaces qui pèsent sur elle, Eugène Kacou, le président du Conseil national de la presse (CNP), a été limogé. Vous avez produit un communiqué pour rejeter la décision, mais concrètement Eugène Kacou est parti, son équipe a été balayée. Quel est le poids de votre communiqué ?
HB : Ce sont des positions de principes. Pour nous, cette décision est nulle et de nul effet. Ce sont des positions de principes. C’est sûr, ils ont les armes, ils menacent les gens. Mais pour nous, cette mesure n’existe pas. Nous avons joint Eugène Kacou, il était dépité. Il n’avait pas envie de mener ce combat. Nous avons dit que pour nous, son institution et ses responsables demeurent. Les gens oublient le tribunal de l’histoire. Et ceux qui ont l’expérience savent que le temps va passer où ces choses là vont être derrière nous. Le temps est passé où Taylor était le maître de Monrovia, où il y régnait en maître. Aujourd’hui, il est dans un box. Ce temps-là viendra pour tous ceux-là. C’est pourquoi, même quand nous savons que ces mesures dans leurs effectivités vont être violées par la force brutale, nous prenons ces positions parce que ce sont des positions de droits et de principe. Pour nous juridiquement, toutes ces mesures qui sont prises n’ont aucun contenu. D’après eux, ils ont décidé que les ambassadeurs des Etats-Unis et de France n’étaient plus en fonction. Ils sont là. Ils vont et ils viennent. Parce ces derniers considèrent que cette décision n’a aucune valeur juridique. Nous sommes dans la même disposition d’esprit. Et d’ailleurs, le gouvernement a produit un communiqué global pour dire que toutes ces mesures qui sont prises par ces usurpateurs sont nulles et de nul effet et n’ont aucun fondement juridique. Nous nous en tenons à cela.
Q : Les journaux proches du RHDP sont menacés. Certains responsables ont été convoqués à la police criminelle. Aujourd’hui qu’est-ce que vous pouvez dire pour les rassurer pour qu’ils continuent leur travail ?
HB : Il faut qu’ils continuent. Ils mènent le bon combat. Nous les encourageons. Ce n’est pas facile. Nous le reconnaissons. Mais, c’est notre histoire, c’est notre épreuve, c’est l’épreuve de notre avenir. Je leur demande de se battre. De ne pas se décourager. Je dis à Ouattara Gnonzié qui est devenu le bourreau de la presse de faire attention, de s’arrêter. Que le même zèle qu’il a porté en 99 et qui le porte aujourd’hui va le perdre. Il viendra le jour où il va encore demander pardon. Qu’il arrête.
Q : La crise postélectorale dure bientôt trois mois. Toute la communauté internationale a dit que M Ouattara est le vainqueur, vos militants qui ont voté pour lui attendent la mise en œuvre de son programme. Certains trouvent le temps long. A quand le bout du tunnel ? Que pouvez-vous leur dire ?
HB : Je veux parler aux Ivoiriens. Je l’ai déjà dit dans un autre cadre. Tout le monde est triste. Tout le monde souffre de cette situation. Il y a un Président ainsi que l’ancien Président Henri Konan Bédié, à qui je rends hommage, les ministres qui travaillent dans des conditions difficiles. Aujourd’hui, nos bureaux sont des chambres d’hôtel. Nos déplacements sont limités. C’est notre part de sacrifice. Le Président lui-même accepte cela. Il le vit comme une souffrance. Mais il l’accepte. Parce qu’il ne veut pas être Président pour lui-même. Si nous ici, nous craquons, nous abandonnons, à qui allons nous laisser la Côte d’Ivoire ? A cette bande illégitime, cette bande de tueurs ? A cette bande qui ne peut rien apporter aux enfants de la Côte d’Ivoire ? On n’a pas le droit de se décourager. C’est difficile. Mais regardez les luttes des peuples sud africains. 27 ans de luttes, nous ne mènerons pas une lutte aussi longue. Regardez tous ces pays. Le monde est en train de changer. Il y a une dynamique nouvelle dans le monde. L’usure de pouvoir, on n’en veut plus. Une clique au pouvoir qui vit dans l’opulence devant un peuple qui crie sa faim, ça ne marche plus. Il y a de nouvelles valeurs. Il y a une nouvelle écoute. Il faut anticiper sur ces choses-là. Le pouvoir par la force ne marche plus. L’armée égyptienne, une armée puissante n’a pas pu. On voit ce qui se passe, l’expression démocratique des peuples. Les peuples qui se sont donné rendez-vous. Dans le monde, il y a toujours des grands courants. Il y a eu le vent de la démocratisation. Aujourd’hui, c’est le droit d’exister, le droit d’avoir à manger, le droit d’avoir le développement. Le temps d’être dirigé par des valeurs de droit, le respect de la vie humaine. Les hommes ne rigolent plus avec ces valeurs. L’impunité, on ne vous laisse plus tuer les gens comme cela. C’est tellement évident. Il y a des gens qui ne voient pas, qui ne comprennent pas. Ils iront rendre compte devant l’histoire au TPI. On a attrapé des gens dix après, quinze ans après. Parce que le monde s’est donné le moyen de ne pas accepter l’arbitraire, de ne pas accepter la violence gratuite. De ne pas accepter les atteintes aux droits de l’homme. Aujourd’hui, c’est quotidien. Au quartier on appelle cela le « discas », c’est-à-dire qui prend par la force. C’est fini. Le monde est porté par d’autres valeurs. Aujourd’hui, il faut être légitime. Il faut avoir une relation parfaite pour être dans le concert des nations pour faire progresser son peuple. Dans ce monde universel, avec Internet, les autres voient, les gens de chez nous voient leur développement, leur retard. Ils comparent leur souffrance. Le monde a changé, c’est ça la nouvelle vérité. Je lui dis à Gbagbo qu’il ne pourra rien comme cela. Il va peut-être encore en tuer davantage, mais il ne pourra pas changer la donne. Il n’a pas été capable après 10 ans de pouvoir avec les moyens de l’Etat de gagner l’élection démocratique. S’il avait gagné, tout le monde allait applaudir. Tout le monde allait le reconnaitre. Il a perdu l’élection parce qu’il a fait une mauvaise campagne, axé sur le dénigrement, sur la violence, il n’a rien produit comme programme, il n’a pas séduit les Ivoiriens, dans son comportement, dans sa tenue. C’est tout cela que les gens regardent aujourd’hui. Ça ce sert à rien de donner le sentiment qu’on va prendre par la force. Qu’on va s’imposer. C’est un temps d’illusion de croire qu’on est la force. La grandeur aujourd’hui d’un homme, ce n’est pas ça. C’est dépassé. C’étaient des vérités, des logiques d’une autre époque. Même si vous êtes élu démocratiquement et que vous ne répondez pas aux attentes du peuple, vous avez un problème. Aux Etats-Unis, Obama a été élu dans un mélange d’adhésion généralisée. A mi mandat, il perd le sénat. L’attente du peuple est grande. Les gens demandent que les dirigeants soient à la hauteur de leurs attentes. Gbagbo ne peut pas régler les problèmes de la Côte d’Ivoire. Il ne peut pas sortir la Côte d’Ivoire de cette crise. Il peut tuer les Ivoiriens. Mais il payera pour ses crimes. Il peut alourdir son bilan. Il peut entraîner la Côte d’Ivoire dans le chaos, mais il ne s’en sortira pas.
(Retranscription : Thierry Latt, Dao Maïmouna)
Question : M. le Ministre avec vous, nous allons commenter l’actualité brûlante. Nous allons commencer par la visite du panel de l’UA à Abidjan. Le panel a eu une séance de travail avec le Président de la République, son Excellence Alassane Dramane Ouattara. Vous avez assisté à cette séance. Sans trahir de secret, comment cela s’est-il passé dans la salle ?
Hamed Bakayoko : J’ai participé à l’introduction de cette séance de travail. Mais après, comme vous savez, il y a eu un huis clos entre les chefs de l’Etat. Ce que je peux dire, c’est que les chefs d’Etat ont voulu à nouveau se faire une meilleure opinion sur certaines questions, sur certains mensonges qui avaient encore été racontés, etc. des questions qui avaient été évoquées avec le groupe d’experts. Donc, cela a été une opportunité pour le Président de la République, qui était accompagné du Premier ministre de donner des éclairages convaincants. Je peux vous dire que la plupart des chefs d’Etat du panel, au moins pour ceux qui avaient encore des appréhensions ou quelques doutes sur tout ce qu’on leur avait raconté, sont repartis satisfaits des réponses, de tous ces éclairages qui ont mis en évidence la seule vérité qui vaille, à savoir que les élections se sont déroulées correctement en Côte d’Ivoire. Il y a eu un élu qui est le Président Alassane Ouattara. Qui a été élu démocratiquement, qui a le soutien de la CEDEAO, notre organisation sous-régional, qui a le soutient de l’UA, à travers le dernier communiqué du CPS (Conseil de Paix et de Sécurité) et qui a le soutien de l’ONU et de toutes les grandes puissances. Pour bien comprendre en fait cette question, il faut voir comment le panel est arrivé. A la réunion de l’UA qui avait déjà entériné cette question, un pays, disons-le l’Afrique du Sud, avait estimé que oui, M. Ouattara a été élu. Parce que l’Afrique du Sud, déjà en décembre avait dans un communiqué reconnu l’élection et demandé à M. Gbagbo de partir. Mais avait estimé que certains développements, certaines informations qui leur parvenaient nécessitaient qu’il y ait encore une nouvelle tentative de faire un tour sur la question pour parler aux différents partis et proposer des mesures qui permettent la prise effective du pouvoir par le Président Ouattara. Donc, on a perdu un mois. On a reçu des experts. Je crois que les experts ont fait le tour. Vous devez savoir que les experts étaient très choqués quand ils ont rencontré le Conseil constitutionnel. Parce que toutes les sources disent que sur la question de savoir pourquoi le Conseil Constitutionnel n’a pas activé l’article 64, le président du Conseil n’a pas pu apporter de réponse. Donc, les chefs de l’Etat sont venus, ils ont fait aussi le tour. Nous avons estimé qu’il fallait accompagner cette énième démarche.
Q : Parce que l’article 64 autorise la reprise de l’élection ?
HB : c’était le seul espace que le Conseil constitutionnel avait. S’il estimait qu’il y avait un problème sur la sincérité du scrutin. Mais il est allé au-delà de ce que dit la loi, notre loi fondamentale. Il n’a pas dit le droit, alors que c’est le temple du droit. Aujourd’hui, ce qu’on peut dire, c’est que l’isolement de Gbagbo va s’accroître. Des pays comme l’Afrique du Sud, ils les avaient influencés au nom des fausses informations, des fausses valeurs en essayant de leur faire croire que ce sont les occidentaux, les blancs, pour essayer de titiller un peu leur orgueil de peuple opprimé par l’apartheid, de leur faire dire : « c’est une forme de colonisation » en déplaçant ainsi le débat, dans le dessein de monter les uns contre les autres. Je crois donc que cette énième rencontre à permis de recentrer le débat et de monter aux uns et aux autres que tout cela n’est que mensonges et qu’il existe une seule vérité qui vaille et qui n’est pas contestable : le Président Alassane Ouattara a bel et bien gagné les élections et qu’aujourd’hui, il faut lui donner les moyens de l’effectivité pleine et totale de tout ce pouvoir.
Q : Cette visité a été dominée par l’absence, je dirais bruyante, du Président du Faso, Blaise Compaoré. Comment cette absence a été ressentie dans la salle ?
HB : Nous l’avons regretté. Nous l’avons condamné. Le Président de la République s’est exprimé sur la question. Il a dit qu’il s’étonnait que le panel qui représentait les cinq grandes régions d’Afrique, n’ait pas pu compter la présence de la région qui est en première ligne. D’abord, son représentant au niveau du chef de l’Etat n’était pas là, même pas un ministre des Affaires étrangères. Mais non plus le président de la commission de la CEDEAO. Donc c’est une question qui a été posée. Je pense que le communiqué de la CEDEAO est éloquent là-dessus. Et les chefs de l’Etat ont pris note. Mais nous avons estimé qu’il appartenait aux chefs d’Etat eux-mêmes de tirer les conséquences d’une telle altitude. C’est-à-dire, voilà des chefs d’Etat qui s’engagent, qui prennent leur temps, qui laissent leurs problèmes dans leur pays, pour venir aider un autre en difficulté, et il y a des menaces ouvertes sur la sécurité d’un des leurs, qui a même été médiateur et que le Président Gbagbo a décoré dans l’ordre de la Grande croix de la Côte d’Ivoire, qui a été reçu à Mama, qui a été présenté comme un homme de paix, l’ami de la Côte d’Ivoire, etc. Et voilà qu’aujourd’hui, pour encore manipuler l’opinion, on envoie des jeunes à l’aéroport pour l’humilier, cela est regrettable. Et je pense que les chefs d’Etat doivent en tirer toutes les conséquences, parce qu’un tel acte ne peut pas rester sans conséquence.
Q : Vous avez parlé du communiqué de la CEDEAO. Ce communiqué en clair s’étonne du manque de solidarité des autres chefs d’Etat du panel à l’égard du Président du Faso. Vous pensez que le panel aurait dû ajourner sa mission ?
HB : Je ne peux pas parler à la place des chefs d’Etat. Je ne me le permettrai pas. Mais ce que je pense, c’est que le panel doit tirer les conséquences d’une telle attitude, d’une telle agression d’un des leurs. Il doit marquer sa solidarité d’une façon et d’une autre. Mais je pense que les chefs d’Etat sont des hommes d’expérience. Ils ont vu, ils ont entendu et ils vont en tirer les conséquences. Parce que la solidarité entre les Etats, le respect qu’on doit à chaque peuple représenté par son chef d’Etat, est important.
Q : Depuis hier, nous avons reçu des appels des Ivoiriens qui ont été perturbés par l’information donnée par une agence de presse avant le début des travaux. A l’intérieur, comment cela a été ressenti. On parlait de partage de pouvoir ou de reprise des élections.
HB : Ecoutez, le Président Alassane Ouattara a été informé de cette dépêche. Il l’a lue en séance. Et je peux vous dire que la délégation sud africaine était très gênée et le Président Zuma ne comprenait pas d’où ça venait. C’est donc la preuve qu’il y a beaucoup de manipulations. Ce que nous voulons dire, ce qui est important, le Président Ouattara l’a dit clairement et nous pouvons appuyer à sa suite, que nous n’allons pas entrer dans aucun chemin qui viole le droit du peuple à se donner le dirigeant qu’il souhaite, qui viole notre Constitution. Nous n’allons nous accommoder d’aucun schéma qui nie la démocratie. Il y a eu des élections, il y a eu un président élu, il y a un président qui s’accroche par la violence et la terreur. On ne peut pas accepter que par des gymnastiques afro-africaines on vient nous proposer un schéma « tordu ». En tout cas, nous n’y entrerons pas. Parce que le peuple qui l’a investi, qui lui a donné sa confiance ne le comprendrait pas. Donc, je peux rassurer les Ivoiriens. Ce combat est difficile, ce combat n’est pas facile, mais nous n’allons pas céder à n’importe quoi.
Q : Cette information a été donnée juste avant les travaux. Expliquez un peu le comportement de vos militants vis-à-vis du Président sud-africain. Comment Jacob Zuma a-t-il ressenti cela ? Ce chahut dont il a été l’objet.
HB : Nous regrettons qu’il y ait eu ce dont vous parlez. Mais c’est un peu la conséquence de ce que vous dites. Ces dépêches, ces informations, ces rumeurs sur les positions sud-africaines. Parce que ce que je dois faire noter, c’est que déjà au niveau de l’union africaine, la décision de reconnaitre le Président Ouattara est prise. Et c’est à l’initiative de l’Afrique du Sud que tout ce mois a été écoulé, que Gbagbo s’est armé davantage, à encore tué des Ivoiriens, à alourdi le bilan et à compliqué cette crise. Donc, je comprends l’amertume des Ivoiriens et je l’ai dit à l’ambassadrice de l’Afrique du Sud. Vous savez, comme tous les hommes et les femmes de la terre qui aiment le football, on a tous un peu l’âme des Brésiliens. Tous les Africains qui ont le sens du combat politique ont tous été un peu Sud-africain. On a tous participé à cette grande bataille contre l’apartheid. Je me souviens que quand j’étais étudiant, on a marché dans les capitales contre l’apartheid. Les dirigeants, notamment le Président Houphouët-Boigny à l’époque, se ont investis, ont financé les études de beaucoup d’enfants de l’apartheid, ont financé les soins de beaucoup de dirigeants de l’Apartheid. L’Afrique du Sud n’a pas le droit de cautionner une dictature. L’Afrique du Sud ne peut pas se permettre de se donner l’image d’un régime qui cautionne des tueurs, qui décembre – exactement dans un communiqué du 5 décembre dernier – où l’Afrique du Sud dans une position claire a dit que le Président Ouattara a gagné et qu’il faut que Gbagbo parte, on se demande ce qui a bien pu se passer pour que l’Afrique du Sud commence à avoir des positions glissantes et qu’elle tourne en rond. Moi, je crois que l’Afrique du Sud doit faire en sorte que l’image, l’attente de tous les Africains, le rôle de grand pays africain qui est le sien ne soit pas détruit. Le Président Zuma doit se dire qu’il est un des successeurs d’un grand homme qui s’appelle Nelson Mandela. Il n’a pas le droit de trahir l’Afrique, il n’a pas le droit de trahir les Africains par des positions ambiguë, par des positions qui ne font pas avancer la démocratie, par des positions qui encourage la tuerie, les massacres, les meurtres. Parce que pendant longtemps, on a tous pleuré, on a tous marché pour dénoncer les meurtres à Soweto. Aujourd’hui, lui, il ne peut pas être le complice des gens comme Gbagbo qui lui font croire que c’est un combat contre le colonialisme, alors que ce sont les Gbagbo qui sont avec les blancs, quand il faut faire des campagnes électorales, ce sont les Gbagbo qui demandent des armes aux blancs, mais ils ne leur disent pas cela. Ce sont donc des prétextes. Je le dis, le Président de la République a eu l’occasion de le dire à la délégation sud africaine. Aujourd’hui, on a le sentiment que c’est l’Afrique du Sud qui bloque. Mais j’ai bon espoir. Je crois que cette visite a permis beaucoup d’éclairage et je suis convaincu que le Président Jacob Zuma est reparti dans des dispositions d’esprit assez claires. De sorte que je suis convaincu qu’il ne perturbera pas cette cohésion générale du monde entier autour du dossier ivoirien.
Q : Vous dites des dispositions claires. Les chefs d’Etat sont repartis après avoir rencontré le Président Ouattara, le Président Zuma le premier. Est-ce que ce qui s’est passé, n’a pas un peu précipité son retour?
HB : Non. Je crois que c’était son calendrier. Si vous suivez l’actualité aujourd’hui (Ndrl hier), il avait un rendez-vous important avec un émissaire américain. C’était son calendrier, je pense.
Q : La CEDEAO qui était absente à cette rencontre est revenue reprendre sa place par le président de la Commission, James Victor Gbeho. Qu’est-ce que cela veut dire ? C’est une reprise en main du dossier par la CEDEAO, qui semblait un peu céder la place à l’UA?
HB : Mais tout à fait. Quand il y a une crise au Zimbabwe, au Kenyan, c’est la SADC, leur organisation régionale, et c’est comme ça que le monde fonctionne du point de vue de la diplomatie. C’est d’abord les organisations régionales, c'est-à-dire les pays voisins qui connaissent le mieux vos réalités qui se mettent ensemble. Tous les 15 chefs Etat de la CEDEAO se mettent d’accord pour dire qu’on connait le dossier, on a suivi de bout en bout, on y a des ambassades, des compatriotes, des intérêts. L’équilibre sous-régional passe par là. Les élections ont été transparentes, il y a eu un seul vainqueur, c’est le Président Alassane Ouattara. Et cette position, en général, elle est consolidée par l’UA qui s’aligne toujours sur l’organisation sous-régionale. Et dans le cas d’espèces, l’UA a décidé de s’aligner. Elle a dit qu’Alassane Ouattara est le Président. C’est le Postulat de base. Quels que soient les schémas, l’introduction a été toujours invariable : Alassane Ouattara est le Président de la République. Maintenant, c’est l’Afrique du Sud qui a demandé ce panel pour essayer de trouver des voix et moyens pacifiques, mais « contraignantes » pour toutes les parties. On attend ces dispositions contraignantes.
Q : Comme vous le dites, depuis le début de cette crise, la position de la communauté internationale n’a pas varié. Elle a toujours dit Alassane Ouattara est le Président élu, elle vient de le réitérer. Mais la question que tout le monde se pose, c’est comment l’installer, comment lui permettre d’exercer la plénitude de son pouvoir ?
HB : Ecoutez, avant d’être l’affaire de la communauté internationale, cela est d’abord l’affaire des Ivoiriens. Je pense que nous nous battons. La tâche est difficile, mais je veux rassurer les Ivoiriens, nous allons y arriver. Chaque peuple a son histoire. Chaque peuple à ses épreuves. Nous ne sommes pas le premier pays à connaitre ce genre de difficultés. Mais nous allons nous en sortir. Il faut être consistant, il faut persévérer. Bien sûr, un pays comme le nôtre, dans le contexte d’un Président sortant, qui a les leviers de la force – cela fait quand même 10 ans qu’il nomme les Généraux, qu’il recrute ses parents, son clan à la police et à la gendarmerie – il a des leviers de la force en main. Mais la démocratie ne s’exprime pas par la force des armes. La démocratie s’exprime par la force des urnes. Si c’était la force physique, les Sud africains noirs ne seraient jamais au pouvoir. Parce que la minorité blanche a les moyens et avait les moyens de demeurer au pouvoir. C’est parce qu’il y a eu une pression internationale, mais aussi intérieure. Donc aujourd’hui, nous estimons que nous avons besoin du soutien de toutes les nations à travers toutes ces mesures qui sont prises, à travers toutes ces coopérations que nous avons commencé à développer dans tous les domaines. Que ça soit militaire ou d’intelligence pour faire partir Gbagbo. Je considère que c’est d’abord notre responsabilité. Quand vous me parlez de ce problème, je veux interpeller toute la Côte d’Ivoire, je veux interpeller les Ivoiriens. Ce combat, ce n’est pas le combat d’un homme, ce n’est pas le combat d’un clan, c’est le combat d’un peuple. Et dans toutes les batailles, dans l’histoire d’un peuple, à un moment donné, les peuples ont des rendez-vous avec le destin. Et ces grands rendez-vous passent par des hommes, des grands hommes qui se donnent rendez-vous avec leur peuple. Aujourd’hui, c’est ce qui nous manque. Il nous manque des grands hommes comme le général Ammar qui a pris rendez-vous avec le destin de son peuple. C’est gravé à vie, pour la nuit des temps dans l’histoire de la Tunisie. Il a dit non au Président qui l’a nommé. Il a dit non, qu’il ne peut pas tirer sur son peuple, qu’il faut négocier. Pareil pour les Généraux en Egypte. Je veux interpeller ici, le Général Mangou, le Général Kassaraté, le Général Brindou. Je les connais, je sais qu’ils ne sont pas à l’aise. Je sais qu’ils n’aiment pas ça. Ils savent que des extrémistes comme les Généraux Dogbo Blé, Guiai bi Poin ne les aiment pas, les surveillent, les guettent. Mais, ils doivent assumer leur part de l’histoire. Ils doivent assumer leur rendez-vous avec l’histoire de la Côte d’Ivoire. Parce que l’histoire s’écrit comme ça. Leurs noms seront gravés dans le sang. Leurs noms seront à jamais gravé dans la gloire, s’ils assument leur position, s’ils se mettent du côté du peuple, du côté de la vérité. Tout le monde le sait. Et ceux qui sont en contact avec eux, savent qu’ils sont mal, qu’ils ne supportent pas ces mercenaires qui vont tuer leurs compatriotes. Ils ne supportent pas ces extrémistes, ils sont malades, mais ils n’osent pas. Mais il faut de l’audace, il faut du courage, il faut prendre rendez-vous avec l’histoire. Je considère que cet appel est important, parce que quand vous regardez la situation en Tunisie, en Egypte, les peuples qui se donnent rendez-vous avec la liberté et la démocratie, ne sont pas plus avancés que nous en Côte d’Ivoire. On a déjà eu une élection démocratique. Mais la outrageusement disproportionnée, elle tire, elle tire. Si on tirait avec des roquettes à la place Tahrir, il y aurait eu des morts. Mais l’histoire le retiendrait. Ils n’ont pas le droit de laisser faire cela. Je sais qu’ils sont contre ces mercenaires. Moi je considère qu’aujourd’hui, la Côte d’Ivoire les appelle, les Ivoiriens les appellent. Aujourd’hui, vous voyez ce qui se passe à Abobo, d’aucuns parlent de l’équilibre de la terreur, d’aucuns parlent du commando mystérieux. La vérité, c’est que les FDS, les soldats de Côte d’Ivoire, les militaires, les gendarmes de Côte d’Ivoire qui n’acceptent plus que leur commandement les envoient tuer leurs frères, enlèvent leurs tenues et vont rejoindre le peuple. Et aujourd’hui, les rapports secrets de l’état-major disent qu’il y a plus de 1000 déserteurs dans notre armée. Mais justement, s’ils ne prennent pas leur responsabilité pour conduire notre armée dans le vérité et le droit, ce qui va arriver, c’est que au fur et à mesure, il va y avoir une cassure et vous allez avoir des poches de militaires qui n’en peuvent plus qui sont choqués. Moi j’ai les rapports. En tant que ministre de l’Intérieur je peux vous le dire. Il y a des militaires qui vont au combat, qui enlèvent leur tenue et qui vont rejoindre les autres. On l’a vu en Libye. Des militaires qui avaient des avions pour bombarder sont allés les déposer à Malte et ont demandé l’asile. Il y a des moments où il faut être un grand homme. Je leur lance donc cet appel.
Q : Vous l’avez dit, vous êtes le ministre de l’Intérieur et vous assurez l’intérim de la Communication. Le deuxième point de l’actualité c’est la violence sur le terrain qui est la conséquence même de cette crise politique. Des civils sont morts, des forces meurent aussi. Ce sont des moments difficiles. Comment vivez-vous tout cela ?
HB : C’est notre histoire. Nous devons passer par là. Nous devons rester débout. Nous devons nous battre. Nous devons trouver toutes les solutions pour contrecarrer cette répression barbare et sanguinaire. Je ne sais pas, est-ce que le Président Gbagbo est en otage ? Je ne comprends pas. Comment on peut vouloir rester au pouvoir, tuer tous les jours autant d’Ivoiriens sans être préoccupé. Ce pouvoir, il veut le garder pour quoi ? Pour qui ? Pour son camp ? Mais qu’est-ce qu’il peut faire avec son camp ? Mais son camp est terrorisé ! Il ne le voit pas. Le premier cercle est terrorisé. Aujourd’hui, il y a des gens comme le professeur Mamadou Koulibaly qui considèrent que cette politique n’a pas été cohérente, depuis les Accords politiques de Ouagadougou. Qui a été en cohérence avec lui-même, mais qui ne dit plus rien. Des gens comme Bohoun Bouabré, qui ne disent plus rien, parce qu’ils se disent que c’est la bande à Tagro qui mènent tout cela autour du Président Gbagbo. Ils les regardent. Mais, ils sont déçus, tous ces gens du FPI, qui ont conçu pendant longtemps leur vie autour des valeurs de gauches, de liberté et de démocratie. Etre aujourd’hui complice, parce que leur leader avec une clique est en train de les mener à l’abattoir, c’est forcément difficile à vivre. Qu’est-ce qu’ils espèrent ? J’essaie de me projeter par la force, par la terreur en tuant, je me maintiens et après, je fais quoi ? Comment je crée des lycées ? Comment je construis des universités ? Comment je construis des hôpitaux ?
Mais demain, il faut bien que la Côte d’Ivoire par rapport à notre situation, ait un programme économique avec le Fonds monétaire. Or cette institution dit : « je ne travaillerai jamais avec toi (Gbagbo) parce que tu es illégitime ». Il faut des financements avec la Banque mondiale, mais la Banque mondiale dit : « je ne te reconnais pas ». Il faut des financements de l’OMS. Mais l’OMS dit : « je ne te reconnais pas ». Tu veux garder le pouvoir pourquoi ? Pour porter des costumes, pour avoir des copines ? Mais ça, on peut lui en donner. Il n’a pas besoin pour cela de continuer à prolonger les souffrances des Ivoiriens.
Q : Mais, vous, ministre de l’Intérieur, est-ce que vous vous préoccupez des morts des deux côtés, des civils et des FDS ?
HB : Bien sûr. Pour nous, la mort d’un Ivoirien doit nous interpeller. Nous avons rencontré des familles des FDS, qui sont RHDP. Parce que dans la logique du commandement, vous êtes Bakayoko, Kouakou, Zadi et êtes en poste dans un commandement. On vous dit : « réunissez le peloton, mouvement vers Abobo ! ». Vous y allez et vous tombez dans les combats alors qu’au fond de vous, vous n’êtes pas d’accord avec cette décision. C’est pour cela que je veux lancer un appel à tous nos frères militaires. Il faut qu’ils désertent. Il faut qu’ils quittent les rangs de ces chefs qui les conduisent à l’abattoir, de ces chefs qui veulent faire tuer leurs compatriotes. Il faut qu’ils désertent et qu’ils rejoignent le camp de tous leurs amis, qui savent qu’ils sont nombreux et qui sont en contact permanent. Aujourd’hui, il y a un commandement ici, qui est basé au Golf et qui comprend plusieurs officiers dont le porte-parole est le capitaine Alla et qui fait des communiqués. Nous savons aujourd’hui que beaucoup de FDS prennent leurs armes et vont rejoindre le camp du peuple. C’est comme ça qu’on fait la révolution, c’est comme ça qu’on aide le peuple. C’est comme ça qu’on rentre dans l’histoire. Regardez ce qui se passe dans d’autres pays. Vous avez rendez-vous avec l’histoire, vous devez aider vos frères, vous devez regarder votre conscience. Votre conscience, le juge de la conscience. Vous êtes assis. Vous-mêmes, vous savez qu’il y a eu des élections. Certains d’entre vous ont voté Alassane Ouattara. Mais on vous impose d’aller tuer ses partisans qui demandent pacifiquement le droit de manifester, qui est un droit inaliénable de tout être. Il faut dire non, il faut vous rebeller, il faut déserter.
Q : Et dans cette situation de violence inouïe, vous demandez à vos manifestants de continuer ?
HB : Non. En fait, nos militants avaient souhaité faire des manifestations pacifiques pour accueillir les chefs d’Etat. Ces manifestations ont été réprimées dans des conditions disproportionnées, à l’arme lourde, avec des RPG7, avec des roquettes. Nos manifestants avaient souhaité faire des rassemblements à deux grands meetings ; à Abobo et à Koumassi qui ont été réprimés. Même pas des marches. Des manifestations pacifiques. C’est vrai, nous ne pouvons pas continuer à demander à nos militants d’aller se faire tuer. Nous sommes en train d’adapter les méthodes de lutte. Nous sommes en train d’adapter la stratégie du moment au contexte. Ce qui va faire que très bientôt, nous aurons des mots d’ordre clairs, qui tiennent compte du contexte. Mais je peux vous dire que nous sommes très optimistes, parce que selon les informations que nous avons en notre possession, le niveau de ralliement, le niveau d’organisation qui en train d’être mis en place me fait percevoir que le système de Gbagbo est en train de se fissurer, le système de Gbagbo est en train de se casser. Le système va craquer, les gens n’en peuvent plus. Le moral des troupes est au plus bas, on le sait et Gbagbo le sait. Gbagbo règne par la terreur. Même ses proches collaborateurs qui ont envie de lui faire entendre raison ont peur. Ceux qui ont essayé, se sont vus bannis. L’ancien secrétaire général de la présidence, qui a voulu dire la vérité, a été pourchassé. Aujourd’hui, il est pratiquement caché. Tous les amis de Gbagbo qui veulent lui dire la vérité, on les traumatise et ils se taisent
Q : Aujourd’hui, pour beaucoup M. le ministre, les ingrédients de la guerre civile sont en train de se mettre en place.
HB : Non, je ne dirais pas cela. Je pense que c’est ce que Gbagbo cherche. C’est la stratégie de la terre brûlée. Gbagbo veut qu’après lui, ce soit le chaos. Sa théorie est : « Maintenez-moi, sinon c’est le chaos ». C’est la technique de la terre brûlée. Et vous savez, je peux vous le raconter, Gbagbo déjà en conseil nous disais : « quand tu es un garçon, en pays bété, quand tu es un baobab et qu’on vient pour terrasser le baobab et que le village est ravagé, on dit que ça, c’est un baobab ». Traduction : « je suis parti, mais avant j’ai fait tellement de dégâts, j’étais un garçon ». Mais, le ce n’est pas ainsi qu’on peut qualifier un garçon. Ce n’est pas ça un garçon. Aujourd’hui, le monde a changé. Sinon, avant on allait rester. On allait se battre à coups de poing et le plus fort allait être le chef. On a dit, on s’investit dans un processus qui est une précaution contre les dénis de démocratie, de droit. Parce que tout ce qui s’est passé en dessous des valeurs nouvelles, de démocratie. C'est-à-dire, on demande au peuple : qui est le meilleur choix ? Le peuple te choisit et il met en place une politique sur la base de laquelle il a été élu. C’est ça être un garçon. C’est ça être un grand homme pour pouvoir entrer dans l’histoire. Regardez aujourd’hui ce qui ce passe, le nom Gbagbo, comment il le porte pour lui-même, pour ses descendants, ses petits enfants ? Pendant des générations, il aura été le Président de la guerre, il aura été le Président des tueries, il aura été le Président de la Côte d’Ivoire qui a connu la fermeture des banques, des souffrances extrêmes de la population. Mais pourquoi cela ? Pour maintenir un pouvoir que tu ne pourras pas garder, qui ne t’apportera rien, dont tu ne pourras rien faire ? Aujourd’hui, voilà un régime qui n’a aucun ambassadeur à l’extérieur. Ils ne parlent avec personne. Ils sont au palais ou à Cocody, ils mangent du riz, ils sont contents. Récemment, pendant que les gens meurent, ils envoient Kassav pour faire un concert et ils rient aux éclats, ils sont contents. Mais quelle inconscience ! Quelle insouciance ! Mais qu’est-ce que nous avons fait pour mériter cela ?
Q : Aujourd’hui, M. le Ministre, la fracture est large et ne cesse de s’agrandir. Le pays est presque en lambeau. Comment faire pour ressouder ce pays ?
HB : D’abord, il faut qu’on fasse partir Gbagbo, le plus vite possible. Ce ne sont pas des paroles en l’air, mais vraiment nous sommes au travail. Très sérieusement. C’est vrai que la tâche n’est pas facile. Parce que nous on préparait les élections. On était en campagne, à gauche à droite. Or lui, il préparait la guerre. Peut-être, mea culpa, on n’a pas vu venir ce niveau d’extrémité. Mais, nous avons pris les choses en main. Et je pense que Gbagbo va voir dans les jours qui viennent que l’équilibre de la terreur se fait. Au fur et à mesure, il va voir que la tendance est renversée, il va voir que son système va craquer, il va voir qu’il n’en pourra plus. Et tous ceux qui sont zélés aujourd’hui, vous les verrez défilé ici en Côte d’Ivoire, demander pardon aux Ivoiriens. Tous ces zélés, vous pouvez le noter, vous allez les voir demander pardon aux Ivoiriens. Quand ils vont être devant les tribunaux pour répondre de leurs actes, ce moment arrive, il n’est pas loin. Il faut que les Ivoiriens restent accrochés à cela. Quel que soit le niveau de souffrance, ce sont nos sacrifices. Parce que, derrière, il y a un grand projet pour la Côte d’Ivoire. Il y a une grande ambition pour la Côte d’Ivoire. Le Président Ouattara est déjà en relation avec les bailleurs de fonds, avec les partenaires pour que dès la sortie de crise, un plan Marshall pour la Côte d’Ivoire soit mis en place. Une conférence de tous nos amis pour mobiliser une aide massive pour essayer de compenser tous ces chocs dans tous ces secteurs, le secteur banquier, le secteur agricole, tous ces secteurs doivent être soutenus. Nous allons engager le combat pour redresser la Côte d’Ivoire. Et les Ivoiriens seront impressionnés par ce que nous allons faire. Mais pour le moment, nous avons un problème, une épine et on doit s’en débarrasser. Tous nos efforts sont tournés vers cet objectif.
Q : Depuis quelques mois, nous émettons sur TCI depuis l’hôtel du Golf, M. le ministre, qu’est-ce qui a causé la création de cette chaine ?
HB : C’est pour équilibrer l’information. Dire la vérité aux Ivoiriens. La télévision de la honte, vous la voyez tous les jours. Ils mentent, ils mentent. Ils divisent la Côte d’Ivoire. C’est la télévision des mille collines. Il ne faut pas accepter cela. Et puis, depuis l’indépendance de la Côte d’Ivoire, il y a eu la première chaîne, la deuxième est arrivée quand le Président Ouattara était Premier ministre. Aujourd’hui, en quelques jours, dans un environnement de blocus, il met en place une politique qui permet aux Ivoiriens d’avoir une télévision sur satellite dans les meilleures qualités que la RTI. Pour vous dire ce qui nous attend. En dix ans de pouvoir, le Front populaire ivoirien, n’a même pas été capable d’ajouter une nouvelle expression à l’espace audiovisuelle en Côte d’Ivoire.
Q : Quelle différence y a-t-il entre TCI et la RTI ?
HB : D’abord TCI, c’est la télévision de la paix. Vous, M. Brou Aka Pascal, tous les Ivoiriens vous connaissent, vous n’êtes pas un partisan, vous n’êtes pas un politique. C’est pour cela que de façon unanime, j’étais là, que les deux camps vous ont choisis. Le seul nom qui est revenu à l’unanimité des deux camps pour le débat du face à face. Le Président Ouattara a des partisans à la RTI, il aurait pu nommer l’un d’entre eux comme DG. Il vous a choisi parce qu’il veut mettre à l’avant les gens qui font l’unanimité pour conduire une télévision de paix, une télévision qui rassemble les Ivoiriens, qui réconcilie les Ivoiriens. Une télévision qui porte des valeurs nouvelles, qui vont construire la Côte d’Ivoire de demain. C’est la grande différence. Ce n’est pas une télévision de partisans. Ce n’est pas une télévision de gens qui font tout pour aggraver les souffrances des Ivoiriens. Ils n’ont même pas honte. Je suis gêné quand je vois le zèle de Ouattara Gnonzié. Je suis dépité. Je vois le zèle de Ouattara Gnonzié qui menace la presse. Je lui demande d’arrêter. Je lui demande de se souvenir. Le même zèle qu’il avait en 99. Avec le coup d’Etat, il a été arrêté. Il a une petite amie à l’époque, qui s’appelait Ami Traoré, qui m’a appelé en pleurs et qui m’a supplié d’intervenir. On a couru çà et là pour le protéger. Aujourd’hui encore, il recommence, dans le même zèle. Mais, il va voir, il n’y a jamais deux sans trois. Bientôt, encore il va se retrouver dans cette situation et demander pardon. Mais il va voir. Qu’il arrête donc son zèle. Qu’il arrête de menacer les journaux. Je luis parle, il sait de quoi je parle. Nous nous connaissons. Je lance un appel à tous ces cadres qu’on envoie à l’aventure. A tous ces cadres, des ministres comme Don Mello. Je sais qu’ils sont mal dans leur peau. Mais ils ont peur. Dallo Désiré, est un garçon agréable, mais ils ont peur. Il faut qu’ils arrêtent. Ce sont des gens qui sont structurés. Mais ne voient-ils pas qu’il n’y a pas d’issue ? Nous, on a peut être choisi une voie difficile, mais eux ont une voie sans issue. Imaginent-ils qu’un jour le monde va changer et que Gbagbo va rester Président ? Qu’on va prendre un nouvel ambassadeur de Gbagbo à l’ONU aux Etats-Unis, en France ? Non, c’est fini. Quand on dit Gbagbo est fini, c’est cela. C’est-à-dire résister pour exister. Mais pour quoi ? Aujourd’hui, il ne peut pas construire un programme de développement, il ne peut pas construire une route. Pour construire une route, il faut avoir affaire aux bailleurs de fonds. Parce que nous-mêmes, n’avons pas les ressources propres. Les bailleurs de fonds, que ce soit la Conférence islamique, que ce soit la Banque mondiale, l’Union européenne. Tous disent qu’ils ne travaillent pas avec toi. Comment vas-tu construire les routes ? On a fait des sacrifices pour le PPTE, qui va nous faire économiser 500 milliards de FCFA par an qu’on va réinvestir ? Le FMI dit que tu es un usurpateur et qu’il ne te connait pas. Il ne travaille pas avec toi. Leurs représentants ne te voient pas, ne te rencontrent pas. La France, les Etats-Unis, la Grande-Bretagne, les pays avec qui ont peut avoir des relations de coopérations disent qu’ils ne te reconnaissent pas. Tu veux rester toi seul assis dans ton fauteuil, pour ton petit clan. Vous mangez du riz avec de la bière et vous êtes contents ! Ce n’est pas une vie, ce n’est pas une ambition ça ! Qu’ils ailent plus loin.
Q : Pour revenir à la presse, vous avez parlez des menaces qui pèsent sur elle, Eugène Kacou, le président du Conseil national de la presse (CNP), a été limogé. Vous avez produit un communiqué pour rejeter la décision, mais concrètement Eugène Kacou est parti, son équipe a été balayée. Quel est le poids de votre communiqué ?
HB : Ce sont des positions de principes. Pour nous, cette décision est nulle et de nul effet. Ce sont des positions de principes. C’est sûr, ils ont les armes, ils menacent les gens. Mais pour nous, cette mesure n’existe pas. Nous avons joint Eugène Kacou, il était dépité. Il n’avait pas envie de mener ce combat. Nous avons dit que pour nous, son institution et ses responsables demeurent. Les gens oublient le tribunal de l’histoire. Et ceux qui ont l’expérience savent que le temps va passer où ces choses là vont être derrière nous. Le temps est passé où Taylor était le maître de Monrovia, où il y régnait en maître. Aujourd’hui, il est dans un box. Ce temps-là viendra pour tous ceux-là. C’est pourquoi, même quand nous savons que ces mesures dans leurs effectivités vont être violées par la force brutale, nous prenons ces positions parce que ce sont des positions de droits et de principe. Pour nous juridiquement, toutes ces mesures qui sont prises n’ont aucun contenu. D’après eux, ils ont décidé que les ambassadeurs des Etats-Unis et de France n’étaient plus en fonction. Ils sont là. Ils vont et ils viennent. Parce ces derniers considèrent que cette décision n’a aucune valeur juridique. Nous sommes dans la même disposition d’esprit. Et d’ailleurs, le gouvernement a produit un communiqué global pour dire que toutes ces mesures qui sont prises par ces usurpateurs sont nulles et de nul effet et n’ont aucun fondement juridique. Nous nous en tenons à cela.
Q : Les journaux proches du RHDP sont menacés. Certains responsables ont été convoqués à la police criminelle. Aujourd’hui qu’est-ce que vous pouvez dire pour les rassurer pour qu’ils continuent leur travail ?
HB : Il faut qu’ils continuent. Ils mènent le bon combat. Nous les encourageons. Ce n’est pas facile. Nous le reconnaissons. Mais, c’est notre histoire, c’est notre épreuve, c’est l’épreuve de notre avenir. Je leur demande de se battre. De ne pas se décourager. Je dis à Ouattara Gnonzié qui est devenu le bourreau de la presse de faire attention, de s’arrêter. Que le même zèle qu’il a porté en 99 et qui le porte aujourd’hui va le perdre. Il viendra le jour où il va encore demander pardon. Qu’il arrête.
Q : La crise postélectorale dure bientôt trois mois. Toute la communauté internationale a dit que M Ouattara est le vainqueur, vos militants qui ont voté pour lui attendent la mise en œuvre de son programme. Certains trouvent le temps long. A quand le bout du tunnel ? Que pouvez-vous leur dire ?
HB : Je veux parler aux Ivoiriens. Je l’ai déjà dit dans un autre cadre. Tout le monde est triste. Tout le monde souffre de cette situation. Il y a un Président ainsi que l’ancien Président Henri Konan Bédié, à qui je rends hommage, les ministres qui travaillent dans des conditions difficiles. Aujourd’hui, nos bureaux sont des chambres d’hôtel. Nos déplacements sont limités. C’est notre part de sacrifice. Le Président lui-même accepte cela. Il le vit comme une souffrance. Mais il l’accepte. Parce qu’il ne veut pas être Président pour lui-même. Si nous ici, nous craquons, nous abandonnons, à qui allons nous laisser la Côte d’Ivoire ? A cette bande illégitime, cette bande de tueurs ? A cette bande qui ne peut rien apporter aux enfants de la Côte d’Ivoire ? On n’a pas le droit de se décourager. C’est difficile. Mais regardez les luttes des peuples sud africains. 27 ans de luttes, nous ne mènerons pas une lutte aussi longue. Regardez tous ces pays. Le monde est en train de changer. Il y a une dynamique nouvelle dans le monde. L’usure de pouvoir, on n’en veut plus. Une clique au pouvoir qui vit dans l’opulence devant un peuple qui crie sa faim, ça ne marche plus. Il y a de nouvelles valeurs. Il y a une nouvelle écoute. Il faut anticiper sur ces choses-là. Le pouvoir par la force ne marche plus. L’armée égyptienne, une armée puissante n’a pas pu. On voit ce qui se passe, l’expression démocratique des peuples. Les peuples qui se sont donné rendez-vous. Dans le monde, il y a toujours des grands courants. Il y a eu le vent de la démocratisation. Aujourd’hui, c’est le droit d’exister, le droit d’avoir à manger, le droit d’avoir le développement. Le temps d’être dirigé par des valeurs de droit, le respect de la vie humaine. Les hommes ne rigolent plus avec ces valeurs. L’impunité, on ne vous laisse plus tuer les gens comme cela. C’est tellement évident. Il y a des gens qui ne voient pas, qui ne comprennent pas. Ils iront rendre compte devant l’histoire au TPI. On a attrapé des gens dix après, quinze ans après. Parce que le monde s’est donné le moyen de ne pas accepter l’arbitraire, de ne pas accepter la violence gratuite. De ne pas accepter les atteintes aux droits de l’homme. Aujourd’hui, c’est quotidien. Au quartier on appelle cela le « discas », c’est-à-dire qui prend par la force. C’est fini. Le monde est porté par d’autres valeurs. Aujourd’hui, il faut être légitime. Il faut avoir une relation parfaite pour être dans le concert des nations pour faire progresser son peuple. Dans ce monde universel, avec Internet, les autres voient, les gens de chez nous voient leur développement, leur retard. Ils comparent leur souffrance. Le monde a changé, c’est ça la nouvelle vérité. Je lui dis à Gbagbo qu’il ne pourra rien comme cela. Il va peut-être encore en tuer davantage, mais il ne pourra pas changer la donne. Il n’a pas été capable après 10 ans de pouvoir avec les moyens de l’Etat de gagner l’élection démocratique. S’il avait gagné, tout le monde allait applaudir. Tout le monde allait le reconnaitre. Il a perdu l’élection parce qu’il a fait une mauvaise campagne, axé sur le dénigrement, sur la violence, il n’a rien produit comme programme, il n’a pas séduit les Ivoiriens, dans son comportement, dans sa tenue. C’est tout cela que les gens regardent aujourd’hui. Ça ce sert à rien de donner le sentiment qu’on va prendre par la force. Qu’on va s’imposer. C’est un temps d’illusion de croire qu’on est la force. La grandeur aujourd’hui d’un homme, ce n’est pas ça. C’est dépassé. C’étaient des vérités, des logiques d’une autre époque. Même si vous êtes élu démocratiquement et que vous ne répondez pas aux attentes du peuple, vous avez un problème. Aux Etats-Unis, Obama a été élu dans un mélange d’adhésion généralisée. A mi mandat, il perd le sénat. L’attente du peuple est grande. Les gens demandent que les dirigeants soient à la hauteur de leurs attentes. Gbagbo ne peut pas régler les problèmes de la Côte d’Ivoire. Il ne peut pas sortir la Côte d’Ivoire de cette crise. Il peut tuer les Ivoiriens. Mais il payera pour ses crimes. Il peut alourdir son bilan. Il peut entraîner la Côte d’Ivoire dans le chaos, mais il ne s’en sortira pas.
(Retranscription : Thierry Latt, Dao Maïmouna)