En mission en Suisse pour le compte de l’Etat de Côte d’Ivoire, Me Ahoussou Kouadio Jeannot, ministre d’Etat, ministre de la Justice de la République de Côte d’Ivoire fait le point sur sa tournée. L’émissaire du président Alassane Ouattara déplore le bradage des biens de l’Etat en Europe et milite pour que la CPI accélère son intervention en Côte d’Ivoire pour mettre fin aux assassinats et autres impunités du clan Gbagbo.
Onuci.fm : Quelle raison accordez-vous à votre présence en Suisse ?
Me Ahoussou Kouadio : J'y suis par le dossier du gèle des avoirs des ex-dirigeants de la Côte d'Ivoire ».
OFM : Pour dire quoi précisément en ce qui concerne ce dossier du gel des avoirs ?
Me AK : Pour voir quel est l'état de la situation, combien d'argent a été détourné, stocké sur les comptes suisses ici à Genève.
OFM : Est-ce une enquête qui sera suivie par d'autres enquêtes dans d'autres pays ?
Me AK : Evidemment, nous allons voir dans les autres pays afin que l'argent qui a été et volé, détourné puisse être rapatrié en Côte d'Ivoire pour construire des hôpitaux, des routes, des écoles et des châteaux d'eau pour les Ivoiriens. Nous allons rechercher dans d'autres pays parce que l'impunité doit cesser en Côte d'Ivoire.
OFM : Quelles sont les chances de succès d'une telle mission, surtout en termes de collaboration des différents pays dans le monde ?
Me AK : Ici en Suisse, il y a ce qu'on appelle la loi Duvalier qui est en application depuis février 2011. Dans le cadre de cette loi, les autorités suisses prêtent main forte à tout Etat où il y a eu prévarication, des détournements forts comme en Côte d'Ivoire.
OFM : En ce qui concerne les autres pays dans le monde, avez-vous la certitude de bénéficier de leur collaboration ?
Me AK : Il n'y a pas de raison qu'il n'en soit pas ainsi. Vous savez que nous-mêmes sommes avocat, et dans le cadre de notre métier, depuis 30 ans, nous avons travaillé sur ces dossiers. Nous les connaissons bien. Notamment, leurs ramifications. Cet argent n'appartient pas à des individus. Il appartient à tous les Ivoiriens. A Genève où je suis, j'ai découvert quatre résidences achetées par le président Houphouët-Boigny. Sur les quatre résidences, il y avait une destinée à notre ambassadeur. Cette résidence a été bradée. L'argent a été utilisé à des fins personnelles. Alors, j'en profite pour dire à tous les Ivoiriens que l'héritage que le président Houphouët-Boigny nous a laissé est notre héritage commun. Personne quel qu'il soit n'a le droit de le brader tel que cela a été fait par les anciens dirigeants de la Côte d'Ivoire.
OFM : Vous dites sur quatre résidences, lesquelles ont été vendues?
Me AK : Il y a quatre résidences. Ces quatre résidences donnent sur le Golf. C'est une position qui donne de la valeur à ces résidences. Qui appartenaient à la Côte d'Ivoire. Elles ont été bradées. Et donc l'ambassadeur de Côte d'Ivoire à Genève est obligé de louer une maison pour y résider. Alors que le président Houphouët-Boigny avait pris des dispositions pour que nos services ne soient pas en location ».
OFM : Quelle peut être l'ampleur des détournements selon vous ?
Me AK : Dieu seul sait. Ce sont des détournements massifs, exponentiels, incommensurables. Vous ne pouvez pas imaginer tout ce qui a été fait ou s'est passé en Côte d'Ivoire, vous ne pouvez pas imaginer l'ampleur. C'est un drame.
OFM : Ce qui vous a conduit en Suisse, c'est avant tout la question des droits de l'homme. Avez-vous la capacité d'apporter la preuve à la cour pénale internationale. Quelle est la situation des violations des droits de l'homme en Côte d'Ivoire ?
Me AK : Au temps du président Houphouët-Boigny, on le critiquait, on faisait tout. Mais on n'a jamais supprimé la vie d'un individu. A présent à Abidjan, tout le monde s'improvise policier ou milicien. Tout le monde devient force de l'ordre public et tue. Ça tue ! Ça tue à l'arme lourde en pleine ville. Ce n'est pas normal.
OFM : Quel est le bilan, en termes de pertes en vies humaines ?
Me AK : Plus de 1000 personnes tuées. Plus de 3000 personnes blessées. Plus de 200 personnes disparues. Sans compter les déplacés. Ce n'est pas normal. On ne peut continuer ainsi.
OFM : Avez-vous toutes les preuves versées au dossier que allez présenter à la Cour pénale internationale ?
Me AK : En nous appuyant sur les organisations internationales comme Human Rights, Amenesty ou la représentation du Haut commissariat des droits de l'homme à Abidjan, nous avons fournis le dossier à la Cour pénale internationale.
OFM : Ces requêtes, selon vous, seront-elles prêtes à être acceptées par la Cour pénale ?
Me AK : Je crois que là, le dossier est sûr. Ça tue à tous vents.
OFM : Quel est donc votre appui ?
Me AK : Nous disons que toute la Communauté internationale qui a pu soutenir et reconnaître le président Alassane Ouattara comme président élu de Côte d'Ivoire, devrait se dresser comme une seule personne pour arrêter ce drame humain. C'est sûr, la Cour pénale va sanctionner. Mais pour le moment, il faut arrêter de tuer. Nous pensons que l'Onu a les moyens de le faire ».
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