Abobo : une commune fantôme
Les combats font rage encore à Abobo. Nous sommes allés nous imprégner de la vie dans cette commune, prise en otage par les affrontements entre l’armée de l’ancien chef de l’Etat et un commando mystérieux.
Ce n’est rien d’écrire qu’Abobo vit sur les décombres des affrontements meurtriers entre les soldats de l’armée de Gbagbo et les éléments du commando invisible. Lundi dernier, vers 16h, nous nous sommes rendus dans la commune pour découvrir le quotidien des «Abobolais ». Au Dokui, le premier barrage des fds encore loyales à l’ancien président se composent des éléments du bataillon d’artillerie sol air(Basa). Ils sont appuyés par des éléments de la gendarmerie. Mission : filtrer les entrées et sorties des véhicules d’Abobo. Nous nous plions à cette injonction avant de reprendre la route. De part et d’autre de la route, le premier constat, ce sont ces magasins pillés et les restes de véhicules calcinés. Au niveau de la station Total et du maquis 225, nous croisons un convoi des forces de l’ordre en mouvement vers l’hôpital militaire d’Abidjan (route du Zoo). Il est composé de deux chars, d’un véhicule anti-émeute, de deux cargos de la compagnie républicaine de sécurité(Crs). Au carrefour Samaké et à la clinique centrale d’Abobo, les scènes du chaos et les traces des violents affrontements sont encore visibles. Des véhicules encore calcinés et des commerces brûlés. Les taxis appelés « woro-woro » et les gbakas sont rares voire invisibles. Ces véhicules de transport évitent d’emprunter la voie menant à la mairie. Ils préfèrent aller vers Belleville. Nous fonçons vers la gare. Après l’agence Coopec, un barrage est érigé par des jeunes visiblement surexcités. Ils fouillent les coffres des rares véhicules qui osent s’aventurer dans ce sens « interdit ». La vingtaine de jeunes gens nerveux encercle notre véhicule de reportage. Des échanges houleux s’engagent sur leur attitude guerrière. « Nous venons de capturer trois miliciens de Gbagbo. Ils avaient dans leurs sacs trois kalachnikovs, des munitions. Ce sont des infiltrés donc nous assurons la sécurité dans notre zone », nous lance l’un d’eux. Selon eux, il est impérieux de procéder aux fouilles et autres contrôles de routine pour prévenir tout danger. Le carrefour de la mairie est quadrillé par ces mêmes jeunes. De l’autre côté de la voie, l’agence de la compagnie de téléphonie cellulaire «Moov » a été pillée et le marché connu sous le nom de « Siaka Koné » est vide. Nous sommes soumis à un contrôle devant la mairie. C’est le même rituel, avec la même nervosité. Fait notable : aucun élément des forces de l’ordre n’est présent sur les lieux. « La vie commence ici à 6h pour prendre fin à 10h. Après cette heure, les combats reprennent. Et c’est parti pour le reste de la journée et de la nuit », fait remarquer l’un des rares habitants du quartier « Marley ».
“On va braiser l’armée et les miliciens de Gbagbo “
A 50 mètres de là, un attroupement de jeunes gens autour d’un grand feu. Renseignement pris, ils affirment qu’ils venaient de braiser trois miliciens pris avec des kalachnikovs et des munitions. « On va les brûler un à un. On a soif des miliciens. On en veut encore. Ce sont les miliciens convoyés au quartier Zion. On se connaît. Les miliciens de Gbagbo seront tués un à un », crie nerveusement le nommé Rougeau, l’un des meneurs de la troupe. Au rond-point d’Abobo, la brigade de gendarmerie a aussi été pillée et le toit emporté. Nous progressons vers le 21ème arrondissement, situé à Sagbé Palmeraie. Mais contre toute attente, un char surgit de nulle part. Lancé à vive allure sur la voie express, il fonce droit sur nous. Le char se met alors à tirer des rafales pour s’assurer qu’il n’y a pas de tireurs ennemis embusqués au carrefour « Gagnoa gare ». Il fait demi-tour pour se diriger vers le camp commando. Une caserne qui compte 250 gendarmes. Elle est devenue un bunker inaccessible car, un gros béton barre l’entrée secondaire, dans le sens opposé à la route menant au quartier Belle cité. On aperçoit aussi des sacs remplis de sables placés aux quatre coins du camp.
Des gendarmes en faction veillent au grain.
Nous franchissons le passage à niveau des rails, dans la direction du commissariat de police du 21ème arrondissement. Des tirs nourris alertent le chef de poste de l’un des nombreux barrages des jeunes gens. Il intime l’ordre à ses éléments de prendre position. Mais les tirs s’éloignent. Sur place, nous constatons que le commissariat a été pillé et dévalisé. Les mêmes scènes d’horreur sont encore visibles. Moumouni, le jeune coiffeur du coin témoigne : « Monsieur, ici on est habitué. Les combats et les tirs à l’arme lourde ne nous disent absolument rien. Nous sommes engagés dans ce combat pour instaurer la démocratie. Gbagbo doit comprendre qu’il est fini. Il continue de tuer mais, on lui réserve la fin du film », tranche notre interlocuteur. A la rencontre de notre informateur, nous fonçons droit sur Avocatier. Chemin faisant, les tirs nourris reprennent. Le char fou se met encore à tirer dans tous les sens. Joint par téléphone, notre contact, D. L, professeur de philosophie dans un lycée de la place, nous déconseille de ne pas nous aventurer plus loin. Selon lui, le risque est grand dans la mesure où des combats font rage du côté d’Agripac. Sur le chemin du retour, le commissariat du 14ème arrondissement ressemble à une bâtisse abandonnée depuis des lustres : pillé et incendié. Les barrages d’auto-défense sont aussi nombreux que les jeunes gens qui disent « assurer la sécurité » et « contre les miliciens ».
Les hommes de Mangou se trouvent sur les principaux axes d’accès à la commune. Sur le boulevard principal, leur 1er barrage se trouve au niveau de l’université d’Abobo-Adjamé. Pendant ce temps, d’autres éléments fidèles au chef de file de la refondation, filtrent les mouvements du côté du Dokui. Le troisième corridor est installé entre Abobo baoulé et Angré. Le dernier barrage est basé après la Maison d’arrêt et de correction d’Abidjan (Maca), pour contrôler l’entrée du côté de N’Dotré. Ce lundi, la commune d’Abobo ressemble à une zone fantôme où même les chiens refusent d’errer dans les rues.
Bahi K.
Les combats font rage encore à Abobo. Nous sommes allés nous imprégner de la vie dans cette commune, prise en otage par les affrontements entre l’armée de l’ancien chef de l’Etat et un commando mystérieux.
Ce n’est rien d’écrire qu’Abobo vit sur les décombres des affrontements meurtriers entre les soldats de l’armée de Gbagbo et les éléments du commando invisible. Lundi dernier, vers 16h, nous nous sommes rendus dans la commune pour découvrir le quotidien des «Abobolais ». Au Dokui, le premier barrage des fds encore loyales à l’ancien président se composent des éléments du bataillon d’artillerie sol air(Basa). Ils sont appuyés par des éléments de la gendarmerie. Mission : filtrer les entrées et sorties des véhicules d’Abobo. Nous nous plions à cette injonction avant de reprendre la route. De part et d’autre de la route, le premier constat, ce sont ces magasins pillés et les restes de véhicules calcinés. Au niveau de la station Total et du maquis 225, nous croisons un convoi des forces de l’ordre en mouvement vers l’hôpital militaire d’Abidjan (route du Zoo). Il est composé de deux chars, d’un véhicule anti-émeute, de deux cargos de la compagnie républicaine de sécurité(Crs). Au carrefour Samaké et à la clinique centrale d’Abobo, les scènes du chaos et les traces des violents affrontements sont encore visibles. Des véhicules encore calcinés et des commerces brûlés. Les taxis appelés « woro-woro » et les gbakas sont rares voire invisibles. Ces véhicules de transport évitent d’emprunter la voie menant à la mairie. Ils préfèrent aller vers Belleville. Nous fonçons vers la gare. Après l’agence Coopec, un barrage est érigé par des jeunes visiblement surexcités. Ils fouillent les coffres des rares véhicules qui osent s’aventurer dans ce sens « interdit ». La vingtaine de jeunes gens nerveux encercle notre véhicule de reportage. Des échanges houleux s’engagent sur leur attitude guerrière. « Nous venons de capturer trois miliciens de Gbagbo. Ils avaient dans leurs sacs trois kalachnikovs, des munitions. Ce sont des infiltrés donc nous assurons la sécurité dans notre zone », nous lance l’un d’eux. Selon eux, il est impérieux de procéder aux fouilles et autres contrôles de routine pour prévenir tout danger. Le carrefour de la mairie est quadrillé par ces mêmes jeunes. De l’autre côté de la voie, l’agence de la compagnie de téléphonie cellulaire «Moov » a été pillée et le marché connu sous le nom de « Siaka Koné » est vide. Nous sommes soumis à un contrôle devant la mairie. C’est le même rituel, avec la même nervosité. Fait notable : aucun élément des forces de l’ordre n’est présent sur les lieux. « La vie commence ici à 6h pour prendre fin à 10h. Après cette heure, les combats reprennent. Et c’est parti pour le reste de la journée et de la nuit », fait remarquer l’un des rares habitants du quartier « Marley ».
“On va braiser l’armée et les miliciens de Gbagbo “
A 50 mètres de là, un attroupement de jeunes gens autour d’un grand feu. Renseignement pris, ils affirment qu’ils venaient de braiser trois miliciens pris avec des kalachnikovs et des munitions. « On va les brûler un à un. On a soif des miliciens. On en veut encore. Ce sont les miliciens convoyés au quartier Zion. On se connaît. Les miliciens de Gbagbo seront tués un à un », crie nerveusement le nommé Rougeau, l’un des meneurs de la troupe. Au rond-point d’Abobo, la brigade de gendarmerie a aussi été pillée et le toit emporté. Nous progressons vers le 21ème arrondissement, situé à Sagbé Palmeraie. Mais contre toute attente, un char surgit de nulle part. Lancé à vive allure sur la voie express, il fonce droit sur nous. Le char se met alors à tirer des rafales pour s’assurer qu’il n’y a pas de tireurs ennemis embusqués au carrefour « Gagnoa gare ». Il fait demi-tour pour se diriger vers le camp commando. Une caserne qui compte 250 gendarmes. Elle est devenue un bunker inaccessible car, un gros béton barre l’entrée secondaire, dans le sens opposé à la route menant au quartier Belle cité. On aperçoit aussi des sacs remplis de sables placés aux quatre coins du camp.
Des gendarmes en faction veillent au grain.
Nous franchissons le passage à niveau des rails, dans la direction du commissariat de police du 21ème arrondissement. Des tirs nourris alertent le chef de poste de l’un des nombreux barrages des jeunes gens. Il intime l’ordre à ses éléments de prendre position. Mais les tirs s’éloignent. Sur place, nous constatons que le commissariat a été pillé et dévalisé. Les mêmes scènes d’horreur sont encore visibles. Moumouni, le jeune coiffeur du coin témoigne : « Monsieur, ici on est habitué. Les combats et les tirs à l’arme lourde ne nous disent absolument rien. Nous sommes engagés dans ce combat pour instaurer la démocratie. Gbagbo doit comprendre qu’il est fini. Il continue de tuer mais, on lui réserve la fin du film », tranche notre interlocuteur. A la rencontre de notre informateur, nous fonçons droit sur Avocatier. Chemin faisant, les tirs nourris reprennent. Le char fou se met encore à tirer dans tous les sens. Joint par téléphone, notre contact, D. L, professeur de philosophie dans un lycée de la place, nous déconseille de ne pas nous aventurer plus loin. Selon lui, le risque est grand dans la mesure où des combats font rage du côté d’Agripac. Sur le chemin du retour, le commissariat du 14ème arrondissement ressemble à une bâtisse abandonnée depuis des lustres : pillé et incendié. Les barrages d’auto-défense sont aussi nombreux que les jeunes gens qui disent « assurer la sécurité » et « contre les miliciens ».
Les hommes de Mangou se trouvent sur les principaux axes d’accès à la commune. Sur le boulevard principal, leur 1er barrage se trouve au niveau de l’université d’Abobo-Adjamé. Pendant ce temps, d’autres éléments fidèles au chef de file de la refondation, filtrent les mouvements du côté du Dokui. Le troisième corridor est installé entre Abobo baoulé et Angré. Le dernier barrage est basé après la Maison d’arrêt et de correction d’Abidjan (Maca), pour contrôler l’entrée du côté de N’Dotré. Ce lundi, la commune d’Abobo ressemble à une zone fantôme où même les chiens refusent d’errer dans les rues.
Bahi K.