Prestation en live de la star congolaise Fally Ipupa et de vedettes de la musique burkinabé (Bill Aka Kora, Amity Méria…), fresque chorégraphie de Salia Sanou, feux d'artifices gigantesques… Samedi soir, la 22ème édition du Festival panafricain du cinéma et de la télévision de Ouagadougou (Fespaco) a refermé ses portes. Comme elle les avait ouvertes une semaine plus tôt. En fanfare.
Pendant donc sept jours, la capitale du Burkina Faso a vécu au rythme du 7ème art africain. L'événement qui s'articulait autour du thème, «cinéma africain et marchés», a été meublé par des rencontres professionnelles et surtout des projections de films. Au total, 152 films dont 18 longs métrages en compétition pour l'Etalon d'Or de Yennenga, 13 courts métrages en lice pour le Poulain d'or de Yennenga, des documentaires, des séries TV et bien d'autres productions ayant trait à l'Afrique.
Une sélection qui a quelque peu déçu les critiques et des habitués du festival, par son manque d'homogénéité. Beaucoup d'entre eux ont, en effet , déploré un décalage entre des films aboutis aux scénarii habilement ficelés et des productions empreintes d'amateurisme portées par des histoires sans éclat ni intérêt.
Toutefois, le festival a permis de voir de beaux films comme «Pégase» du Marocain Mohamed Mouftakir, a raflé la distinction suprême de ce fespaco 2011(Etalon d'Or de Yennenga), «Un homme qui crie» du Tchadien Mahamat Saleh Haroun, déjà Prix du jury au festival de Cannes 2009, ou encore le très prémonitoire «Raconte Seherazade Raconte…», qui évoquait, bien avant la chute d'Hosni Moubarak, la révolution égyptienne. On a également découvert des films prometteurs qui, assurément, feront une bonne carrière dans les salles, notamment «Le Mec Idéal», véritable succès populaire du fespaco 2011, la comédie romantique pétillante de l'Ivoirien Owell Brown, récompensée par l'Etalon de Bronze et aussi «Notre étrangère» de la réalisatrice burkinabè Sarah Bouyain, qui conte la quête identitaire des métis, écartelés entre deux cultures, voire deux mondes que tout sépare.
Bref, le fespaco 2011 n'a pas été qu'une longue série de projections de films. Bien au contraire, il a été marqué par quelques activités pleines de symbole et riches en émotion. D'abord, l'hommage appuyé au comédien burkinabé Sotigui Kouyaté, vraie icône du cinéma africain, décédé en avril dernier. Avec lui, la mémoire de onze cinéastes du continent, qui ont tiré leur révérence entre 2009 et 2011, a été magnifiée, à travers la mise en lumière de leurs œuvres. Il s'agit pêle-mêle de l'Ivoirien Désiré Ecaré(1938-2009), du Malien Adama Drabo(1948-2009), des Sénégalais Samba Félix N'Diaye (1945-2009), Thierno Faty Sow (1941-2009) et Mahama Johnson Traoré (1942-2010), du Gabonais André Come Ottong (1964-2009), des Burkinabè Amadou Bourou(1951-2010), Dominique Zeida (¬1962-2010) et Mustapha Dao (1955-2010), du Gambien James Campbell-Badiane(1932-2010). Autre moment émouvant de ce 22ème fespaco, l'inauguration des statues de Gaston Kaboré et Souleymane Cissé, à la place des cinéastes qui entrent ainsi au panthéon du cinéma africain. On n'oublie pas non plus l'ouverture officielle de la Cinémathèque africaine, en présence de l'illustre historien Pr Elikia M'Bokolo, invité d'honneur du festival. L'édifice, qui avait été submergé par les eaux lors des mémorables inondations de septembre 2009, renaît à la vie… Côté réflexions, le fespaco 2011 a été encore une fois l'occasion pour les professionnels du cinéma de faire le diagnostic, via des forums débats, le diagnostic des maux qui minent le secteur. Avec en toile de fond, un colloque qui a permis aux panélistes d'analyser l'étroite co-relation entre cinéma africain et marchés. A noter également, l'atelier initié par l'association belge Africalia, qui a permis, sous la supervision de la journaliste belge Karin Tshidimba, de défricher des pistes pour une analyse critique des séries TV africaines. Cela dit, tout n'a pas été parfait à ce fespaco 2011. L'organisation a été visiblement émaillée de quelques couacs, notamment le non respect des horaires de projection. Toute chose qui a irrité le réalisateur tchadien Mahamat Saleh Haroun. A cela s'ajoute la frustration de plusieurs spectateurs qui n'ont pu avoir accès aux salles, alors qu'ils avaient acheté leur ticket. Des imperfections qui devraient être corrigées à la prochaine édition du Fespaco. N'empêche, le festival demeure le plus important et médiatisé événement cinématographique d'Afrique. Pour les cinéastes du continent, il reste sans contexte une meilleure tribune de visibilité. Toutefois, l'événement reste en proie à de sérieuses difficultés financières, avec une baisse drastique de l'appui des bailleurs de fonds. A titre d'exemple, la contribution des partenaires financiers du fespaco a glissé de 700 millions de FCFA à 275 millions, pour un budget de 1,6 milliards de FCFA. Si le fespaco existe encore aujourd'hui, c'est en partie grâce à l'Etat burkinabé dont le soutien est passé de 165 millions de FCFA en 1995 à plus de 500 millions de FCFA en 2009. La situation est donc intenable pour Michel Ouédraogo, Délégué général du Fespaco et son équipe. Il faut trouver d'autres financements, car l'Etat a des priorités. C'est pourquoi, cet ancien journaliste songe de plus en plus à se tourner vers des sponsors qui pourraient être des entreprises commerciales. Là aussi, c'est une autre paire de manches car ce n'est pas gagné d'avance.
De toute évidence, l'avenir du fespaco paraît flou, pour ne pas dire sombre. Et avec lui, c'est tout le cinéma africain qui est en péril…
Y.Sangaré, envoyé spécial à Ouaga
Pendant donc sept jours, la capitale du Burkina Faso a vécu au rythme du 7ème art africain. L'événement qui s'articulait autour du thème, «cinéma africain et marchés», a été meublé par des rencontres professionnelles et surtout des projections de films. Au total, 152 films dont 18 longs métrages en compétition pour l'Etalon d'Or de Yennenga, 13 courts métrages en lice pour le Poulain d'or de Yennenga, des documentaires, des séries TV et bien d'autres productions ayant trait à l'Afrique.
Une sélection qui a quelque peu déçu les critiques et des habitués du festival, par son manque d'homogénéité. Beaucoup d'entre eux ont, en effet , déploré un décalage entre des films aboutis aux scénarii habilement ficelés et des productions empreintes d'amateurisme portées par des histoires sans éclat ni intérêt.
Toutefois, le festival a permis de voir de beaux films comme «Pégase» du Marocain Mohamed Mouftakir, a raflé la distinction suprême de ce fespaco 2011(Etalon d'Or de Yennenga), «Un homme qui crie» du Tchadien Mahamat Saleh Haroun, déjà Prix du jury au festival de Cannes 2009, ou encore le très prémonitoire «Raconte Seherazade Raconte…», qui évoquait, bien avant la chute d'Hosni Moubarak, la révolution égyptienne. On a également découvert des films prometteurs qui, assurément, feront une bonne carrière dans les salles, notamment «Le Mec Idéal», véritable succès populaire du fespaco 2011, la comédie romantique pétillante de l'Ivoirien Owell Brown, récompensée par l'Etalon de Bronze et aussi «Notre étrangère» de la réalisatrice burkinabè Sarah Bouyain, qui conte la quête identitaire des métis, écartelés entre deux cultures, voire deux mondes que tout sépare.
Bref, le fespaco 2011 n'a pas été qu'une longue série de projections de films. Bien au contraire, il a été marqué par quelques activités pleines de symbole et riches en émotion. D'abord, l'hommage appuyé au comédien burkinabé Sotigui Kouyaté, vraie icône du cinéma africain, décédé en avril dernier. Avec lui, la mémoire de onze cinéastes du continent, qui ont tiré leur révérence entre 2009 et 2011, a été magnifiée, à travers la mise en lumière de leurs œuvres. Il s'agit pêle-mêle de l'Ivoirien Désiré Ecaré(1938-2009), du Malien Adama Drabo(1948-2009), des Sénégalais Samba Félix N'Diaye (1945-2009), Thierno Faty Sow (1941-2009) et Mahama Johnson Traoré (1942-2010), du Gabonais André Come Ottong (1964-2009), des Burkinabè Amadou Bourou(1951-2010), Dominique Zeida (¬1962-2010) et Mustapha Dao (1955-2010), du Gambien James Campbell-Badiane(1932-2010). Autre moment émouvant de ce 22ème fespaco, l'inauguration des statues de Gaston Kaboré et Souleymane Cissé, à la place des cinéastes qui entrent ainsi au panthéon du cinéma africain. On n'oublie pas non plus l'ouverture officielle de la Cinémathèque africaine, en présence de l'illustre historien Pr Elikia M'Bokolo, invité d'honneur du festival. L'édifice, qui avait été submergé par les eaux lors des mémorables inondations de septembre 2009, renaît à la vie… Côté réflexions, le fespaco 2011 a été encore une fois l'occasion pour les professionnels du cinéma de faire le diagnostic, via des forums débats, le diagnostic des maux qui minent le secteur. Avec en toile de fond, un colloque qui a permis aux panélistes d'analyser l'étroite co-relation entre cinéma africain et marchés. A noter également, l'atelier initié par l'association belge Africalia, qui a permis, sous la supervision de la journaliste belge Karin Tshidimba, de défricher des pistes pour une analyse critique des séries TV africaines. Cela dit, tout n'a pas été parfait à ce fespaco 2011. L'organisation a été visiblement émaillée de quelques couacs, notamment le non respect des horaires de projection. Toute chose qui a irrité le réalisateur tchadien Mahamat Saleh Haroun. A cela s'ajoute la frustration de plusieurs spectateurs qui n'ont pu avoir accès aux salles, alors qu'ils avaient acheté leur ticket. Des imperfections qui devraient être corrigées à la prochaine édition du Fespaco. N'empêche, le festival demeure le plus important et médiatisé événement cinématographique d'Afrique. Pour les cinéastes du continent, il reste sans contexte une meilleure tribune de visibilité. Toutefois, l'événement reste en proie à de sérieuses difficultés financières, avec une baisse drastique de l'appui des bailleurs de fonds. A titre d'exemple, la contribution des partenaires financiers du fespaco a glissé de 700 millions de FCFA à 275 millions, pour un budget de 1,6 milliards de FCFA. Si le fespaco existe encore aujourd'hui, c'est en partie grâce à l'Etat burkinabé dont le soutien est passé de 165 millions de FCFA en 1995 à plus de 500 millions de FCFA en 2009. La situation est donc intenable pour Michel Ouédraogo, Délégué général du Fespaco et son équipe. Il faut trouver d'autres financements, car l'Etat a des priorités. C'est pourquoi, cet ancien journaliste songe de plus en plus à se tourner vers des sponsors qui pourraient être des entreprises commerciales. Là aussi, c'est une autre paire de manches car ce n'est pas gagné d'avance.
De toute évidence, l'avenir du fespaco paraît flou, pour ne pas dire sombre. Et avec lui, c'est tout le cinéma africain qui est en péril…
Y.Sangaré, envoyé spécial à Ouaga