Jean Kacou Diagou préside depuis 2005 la Confédération générale des entreprises de Côte d`Ivoire (Cgeci) et, depuis 2010, la Fédération des organisations patronales de l`Afrique de l`Ouest (Fopao). Après avoir lancé en 1995 le groupe d`assurances et de réassurance Nsia, il a pris le contrôle en 2006 de la Banque internationale de l`Afrique de l`Ouest (Biao), dont a dû fermer la filiale ivoirienne en raison d`un blocage politique qui dérive dangereusement vers la guerre civile, avec plus de 400 morts recensés par l`Onu depuis la fin de décembre 2010. État des lieux de la crise économique et de ses conséquences sur la vie des populations.
La Côte d`ivoire s`enlise dans la crise. Où en est l`activité économique ?
Aujourd`hui, il n`y a pratiquement plus d`activité économique dans le pays. Tous les secteurs tournent au ralenti. Le bâtiment est sinistré, l`industrie agroalimentaire a baissé de 70, voire 80 %... Au port d`Abidjan, il n`y a presque pas de bateaux ! Et l`aéroport a vu son trafic baisser considérablement. De nombreuses entreprises ont commencé à licencier...
Les banques privées ont fermé en Côte d`Ivoire. Parmi elles, la Biao-Côte d`Ivoire dont vous êtes le président. Quelles sont vos explications ?
Chaque banque a fait son analyse de la situation et a pris sa décision. C`est pour cette raison que les fermetures n`ont pas été faites à la même date. En ce qui nous concerne, il était arrivé un moment où nous ne pouvions plus travailler. Conformément aux règles de la Banque centrale des États d`Afrique de l`Ouest (Bceao), nous ne pouvions plus réaliser des transactions internationales car nos correspondants avaient suspendu leur relation avec nous... Et pour ne rien arranger, nous avons reçu la visite d`hommes armés qui ont tenté de faire main basse sur l`épargne de nos clients. Le métier même de banquier ne pouvait plus être exercé dans de telles conditions.
Où en êtes-vous aujourd`hui ? Envisagez-vous une réouverture ?
Nous sommes conscients que cette fermeture crée d`énormes désagréments à nos clients qui nous ont confié leur épargne dans l`intention de pouvoir les retirer pour financer leurs activités. Nous voyons bien que certaines entreprises ne peuvent plus payer les salaires à cause de cette situation, et que cela contribue à l`augmentation de la pauvreté. Nous sommes soucieux de tout cela car la banque reste, d`une certaine manière, un service public. Mais nous n`avons pas fermé de gaieté de cœur. On a voulu nous faire violer le secret bancaire. C`est la sécurité même de nos clients qui étaient en jeu et cela est inadmissible ! Aujourd`hui, nous sommes en train de réfléchir à une ouverture progressive, à condition qu`on nous garantisse un contexte de sécurité de l`épargne de nos clients, de l`information financière, de nos collaborateurs... mais aussi un contexte de respect des réglementations de la Bceao...
Comme les banques, les compagnies d`assurance ont également fermé et, là aussi, ce sont les clients qui sont pénalisés...
Quand les banques ne fonctionnent pas, cela se répercute sur l`activité des compagnies d`assurances. Elles ne peuvent plus recevoir les primes car les chèques émis par les clients ne peuvent pas être encaissés. Et à l`inverse, les bons de prise en charge qu`elles émettent ne sont pas acceptés car aujourd`hui en Côte d`Ivoire, les hôpitaux et les garagistes demandent à être payés en espèces. Ce sont là des questions qui ont ralenti considérablement le fonctionnement des assurances et contraint la majorité d`entre elles à fermer.
Vous êtes également le patron des patrons ivoiriens. Au début de la crise,d vous menaciez indirectement de recommander aux entreprises de ne pas payer leurs impôts. Avez-vous exécuté votre menace ?
Je voulais attirer l`attention des hommes politiques sur les dangers qu`ils font courir à l`économie de la Côte d`Ivoire. Cela a été parfois mal interprété. Après le communiqué dont vous parlez, nous avions sorti une note circulaire indiquant aux entreprises que si elles devaient payer leurs impôts, qu`elles le fassent dans le respect de la loi. C`est-à-dire que lorsque la taxe à payer est supérieure à 250 000 Francs CFA, elle doit être payée par chèque à l`ordre du trésorier payeur général. Nous n`avons à aucun moment appelé au boycott des impôts. Mais aujourd`hui, de toute façon, aucune entreprise ne peut payer ses impôts du fait du blocage économique.
Les ports du Togo, de la Guinée et d`autres pays côtiers attirent de nombreux investissements. La Côte d`Ivoire n`est-elle pas en train de perdre son leadership?
C`est ce que nous craignons. Plus vite la crise sera résorbée, mieux ce sera pour les ports d`Abidjan et de San Pedro. Mais plus la crise durera, plus les pays de l`hinterland trouveront des voies mieux sécurisées pour l`acheminement de leurs importations et exportations, et consolideront leurs relations avec les nouveaux pays de transit. Il sera alors très difficile à la Côte d`Ivoire de reconquérir ses clients.
Propos recueillis à Paris par
Stéphane Ballong
Source: jeuneafrique.com
La Côte d`ivoire s`enlise dans la crise. Où en est l`activité économique ?
Aujourd`hui, il n`y a pratiquement plus d`activité économique dans le pays. Tous les secteurs tournent au ralenti. Le bâtiment est sinistré, l`industrie agroalimentaire a baissé de 70, voire 80 %... Au port d`Abidjan, il n`y a presque pas de bateaux ! Et l`aéroport a vu son trafic baisser considérablement. De nombreuses entreprises ont commencé à licencier...
Les banques privées ont fermé en Côte d`Ivoire. Parmi elles, la Biao-Côte d`Ivoire dont vous êtes le président. Quelles sont vos explications ?
Chaque banque a fait son analyse de la situation et a pris sa décision. C`est pour cette raison que les fermetures n`ont pas été faites à la même date. En ce qui nous concerne, il était arrivé un moment où nous ne pouvions plus travailler. Conformément aux règles de la Banque centrale des États d`Afrique de l`Ouest (Bceao), nous ne pouvions plus réaliser des transactions internationales car nos correspondants avaient suspendu leur relation avec nous... Et pour ne rien arranger, nous avons reçu la visite d`hommes armés qui ont tenté de faire main basse sur l`épargne de nos clients. Le métier même de banquier ne pouvait plus être exercé dans de telles conditions.
Où en êtes-vous aujourd`hui ? Envisagez-vous une réouverture ?
Nous sommes conscients que cette fermeture crée d`énormes désagréments à nos clients qui nous ont confié leur épargne dans l`intention de pouvoir les retirer pour financer leurs activités. Nous voyons bien que certaines entreprises ne peuvent plus payer les salaires à cause de cette situation, et que cela contribue à l`augmentation de la pauvreté. Nous sommes soucieux de tout cela car la banque reste, d`une certaine manière, un service public. Mais nous n`avons pas fermé de gaieté de cœur. On a voulu nous faire violer le secret bancaire. C`est la sécurité même de nos clients qui étaient en jeu et cela est inadmissible ! Aujourd`hui, nous sommes en train de réfléchir à une ouverture progressive, à condition qu`on nous garantisse un contexte de sécurité de l`épargne de nos clients, de l`information financière, de nos collaborateurs... mais aussi un contexte de respect des réglementations de la Bceao...
Comme les banques, les compagnies d`assurance ont également fermé et, là aussi, ce sont les clients qui sont pénalisés...
Quand les banques ne fonctionnent pas, cela se répercute sur l`activité des compagnies d`assurances. Elles ne peuvent plus recevoir les primes car les chèques émis par les clients ne peuvent pas être encaissés. Et à l`inverse, les bons de prise en charge qu`elles émettent ne sont pas acceptés car aujourd`hui en Côte d`Ivoire, les hôpitaux et les garagistes demandent à être payés en espèces. Ce sont là des questions qui ont ralenti considérablement le fonctionnement des assurances et contraint la majorité d`entre elles à fermer.
Vous êtes également le patron des patrons ivoiriens. Au début de la crise,d vous menaciez indirectement de recommander aux entreprises de ne pas payer leurs impôts. Avez-vous exécuté votre menace ?
Je voulais attirer l`attention des hommes politiques sur les dangers qu`ils font courir à l`économie de la Côte d`Ivoire. Cela a été parfois mal interprété. Après le communiqué dont vous parlez, nous avions sorti une note circulaire indiquant aux entreprises que si elles devaient payer leurs impôts, qu`elles le fassent dans le respect de la loi. C`est-à-dire que lorsque la taxe à payer est supérieure à 250 000 Francs CFA, elle doit être payée par chèque à l`ordre du trésorier payeur général. Nous n`avons à aucun moment appelé au boycott des impôts. Mais aujourd`hui, de toute façon, aucune entreprise ne peut payer ses impôts du fait du blocage économique.
Les ports du Togo, de la Guinée et d`autres pays côtiers attirent de nombreux investissements. La Côte d`Ivoire n`est-elle pas en train de perdre son leadership?
C`est ce que nous craignons. Plus vite la crise sera résorbée, mieux ce sera pour les ports d`Abidjan et de San Pedro. Mais plus la crise durera, plus les pays de l`hinterland trouveront des voies mieux sécurisées pour l`acheminement de leurs importations et exportations, et consolideront leurs relations avec les nouveaux pays de transit. Il sera alors très difficile à la Côte d`Ivoire de reconquérir ses clients.
Propos recueillis à Paris par
Stéphane Ballong
Source: jeuneafrique.com