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Politique Publié le mardi 22 mars 2011 | L’expression

Crise postélectorale : c’est la ruée vers Aboisso

© L’expression
Insécurité : Des familles fuient Abobo pour d`autres refuges.
Un tour dans les gare d’Aboisso, à d’Abidjan comme à Aboisso, et on croirait aux veilles d’une fête de pâques avec les déplacements massifs des populations vers les villages pour le ‘’pâquinou’’. Hélas, ne vous trompez pas, ce sont des ivoiriens (mais aussi des non nationaux) qui fuient les balles d’Abidjan pour Aboisso, une zone jusque-là calme. Ils deviennent déplacés malgré eux-mêmes (pour certains dans leurs propre pays), pour un fauteuil présidentiel perdu et qu’on veut conserver à tous les prix.

La ville hospitalière continue de recevoir les populations…

En tout cas, les abidjanais descendent beaucoup sur Aboisso. On peut les compter par milliers à ce jour dans la zone. «Il y a beaucoup d’hommes à la gare à Abidjan qui arrivent, mais il n’y a pas de voiture », raconte un passager fraichement descendu. A longueur de journée, les gares des petits villages, surtout celle de Bianouan et petits villages sur l’axe Ayamé-Bianouan, ne désemplissent pas. Les populations descendent des cars d’Abidjan par dizaines. Qu’on ait un parent à Aboisso ou pas, il suffit de trouver refuge. «Je n’ai pas besoin d’avoir un parent ici pour venir, c’est une question de vie », lance une dame arrivée avec cinq enfants, qui nous demande de l’aider à trouver « une baraque juste pour dormir». Mais pratiquement plus de maison à louer, difficile de trouver souvent une chambre d’hôtel, deux tiers des ménages ont aux moins un déplacé, certaines familles en ont plus de la dizaine. « Chez moi à la maison, nous sommes huit personnes. Je viens de recevoir une famille de sept personnes pour une maison de deux chambres. Je vous assure qu’on ne peut pas le décrire», a fait remarquer M. Seydou, un père de famille. Pour certains des déplacés qui ont pu se trouver une maison, ils y sont par dizaines. C’est le cas de cette famille nombreuse rencontrée au quartier Eboakro. Ils sont plus de quarante personnes, hommes, enfants, vieilles femmes et femmes enceintes dans une maison de trois pièces. «Nous sommes arrivés ici le vendredi 18 mars. Nous sommes venus de quartiers différents d’Abidjan, Abobo, Yopougon, Adjamé, Williamsville, tous d’une même famille. Pour certains, on a passé deux semaines dans la maison sans sortir. Les enfants étaient traumatisés par les tirs des cannons. Moi j’ai été violemment frappé à Abidjan par les policiers à cause de mon nom. Heureusement, on ne m’a pas tué, comme d’autres. On a engagé un car de 44 places pour nous emmener ici, mais avec les enfants, on était superposés. Et il y en a qui nous ont appelé, qui arrivent. Les difficultés, on n’en parle pas, la nourriture, la santé. On a laissé tout derrière nous. Dieu merci, qu’ici est calme. On prie Dieu que ce qui nous a fait fuir Abidjan n’arrive pas ici », raconte le chef de famille. « À Willy, les miliciens ont pourchassé des jeunes du RHDP pour les tuer. Moi, j’ai vu ça. Qui peut voir cela et rester», laisse entendre une jeune fille. A Ayamé ville, c’est le même décor. La ville est remplie, à en croire les habitants. «On est dépassé par la situation à Ayamé ici. Il y a plus de dix personnes dans des maisons ici», décrit Brou, un habitant d’Ayamé. Les villages ne sont pas en reste. « Tous nos villages sur l’axe Aboisso-Bianouan sont remplis », indique un habitant de Sanhoukro. L’école en paie aussi les frais. Les salles de classe déjà surchargées sont obligées de recevoir d’autres élèves, des déplacés, largement en retard sur les programmes. Les enfants sont parfois assis à quatre ou cinq sur les bancs. Pourtant, le flux, ces derniers jours, devient plus important. Les plus chanceux pour continuer dans les villages chez des parents lointains ; certains pour se chercher un tuteur, un grand groupe est logé à l’église catholique saint Xavier ; les autres pour aller vers le Ghana. Ce sont des files de voitures 4x4 et autres personnelles, avec des familles entières et chargées de vivres qui traversent Aboisso à longueurs de journées en direction du Ghana. A en croire certains témoins, la situation serait peu reluisante à la frontière. Des camps de réfugiés auraient été créés à Noé (dernier village ivoirien) et à Elubo (premier village ghanéen). Cette scène se produit certes depuis les évènements postélectoraux du 28 novembre dernier. Mais il est devenu très alarmant depuis les évènements d’Abobo du 3 mars dernier et la généralisation de la violence à Abidjan. Les déplacés sont visibles partout dans la ville, dans toutes les cours, dans les villages et tout le monde en parle. Tous cela à cause d’une personne et sa clique qui refusent de laisser un fauteuil présidentiel qu’ils ont pourtant perdu par des élections démocratiques. En tout cas, tous ces hommes, à l’instar de ce jeune étudiant, n’ont qu’un seul souhait, le retour de la paix. « Que nos hommes politiques aient la tête sur les épaules pour percevoir ce qu’endurent ceux qu’ils prétendent diriger. On a l’impression qu’ils cherchent seulement à se faire plaisir. Le peuple souffre énormément à leurs pieds. Qu’ils se montrent un peu sensibles à nos cris de détresse», a imploré le jeune étudiant en partance pour Abengourou.

…mais les rumeurs troublent de plus en plus la quiétude

Aboisso est réputée pour son caractère paisible. Aucun trouble n’y a encore été enregistré depuis les évènements du 22 septembre 2002. Les populations ont toujours vécu en parfaite harmonie. Mais cette situation, avec son lot de rumeurs trouble ce calme. De plus en plus (depuis la semaine dernière), il est question de présence de miliciens qui s’entrainent derrière le cafop ou de rebelles qui auraient infiltré la zone. Miliciens ou rebelles selon l’appartenance politique de la source. Tantôt, ce sont des rumeurs d’attaques qui se préparent contre une communauté telle. Depuis le lundi dernier, un courrier sous forme de tract fait le tour de la ville et des villages, qui met en état d’alerte maximale les communautés malinké.

Ahoussi Delmas
Correspondant régional
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