Le Représentant spécial du Secrétaire général de l’ONU en Côte d’Ivoire, Young-Jin Choi, reste optimiste quand à la fin de la crise postélectorale. Sur les antennes de Télé Côte d’Ivoire, le numéro un de l’ONUCI a fait le point de sa mission avant d’inviter les Ivoiriens à l’optimisme.
TCI : Avec vous, nous allons parler de la crise électorale qui a débuté depuis le 28 novembre et qui a fait des centaines de morts. Pouvez-vous nous rappeler l’implication de la communauté internationale dans la résolution de la crise ?
Young-Jin Choi: Nous sommes là en Côte d’Ivoire depuis plusieurs années, depuis 2004. Notre présence peut se résumer en deux périodes. La première période de 2004 à 2007, au mois de mars avec la signature de l’Accord politique de Ouagadougou. A la première période, la communauté internationale elle-même gérait les affaires en Côte d’Ivoire. Depuis l’Accord de Ouagadougou, notre rôle à changé. Nous faisons de l’accompagnement. Les Ivoiriens eux-mêmes se chargent de leur affaire. Ce sont les Ivoiriens qui sont responsables de la paix. Nous sommes là pour les accompagner et les assister.
TCI : Ces derniers temps, s’il y a un mot que les Ivoiriens connaissent bien, c’est la certification. Qu’est-ce que cela signifie ? Comment ce terme est arrivé dans notre processus électoral ?
YJC : C’est un phénomène assez nouveau. C’est-à-dire qu’il y a eu que trois certifications dans l’histoire. L’ONU a fait une certification d’abord au Timore Est et au Népal. La Côte d’Ivoire est le troisième cas, mais le premier en Afrique. C’est à l’invitation de l’Etat ivoirien que nous l’avons fait. Il faut comprendre deux choses : premièrement, ce n’est pas un phénomène rependu, deuxièmement nous intervenons à la demande de l’Etat ivoirien.
TCI : En termes clairs, se sont les Ivoiriens qui, d’un commun accord, ont convenu de la certification de l’élection en Côte d’Ivoire ?
YJC : Exact.
TCI: Quelle est la place de la certification par rapport à la Constitution ?
YJC : C’est connu. La certification, c’est quoi ? Il s’agit d’intervenir quand tout le processus est terminé. C’est, comme l’indique le processus électoral, d’abord à la Commission électorale indépendante (CEI) de proclamer le résultat provisoire. Vient ensuite le Conseil constitutionnel qui proclame le résultat définitif, après nous intervenons en dernier ressort pour certifier, en disant si tout a bien marché ou non. C’est cela le processus. Nous, nous sommes à la fin de tout le processus national. C’est ce qui a été demandé par tous les protagonistes, y compris le Président Gbagbo.
TCI : Il y a une polémique depuis votre certification quand on écoute les Ivoiriens parler. Pour certains, vous avez fait preuve d’un courage exceptionnel, pour d’autres vous avez outrepassé vos compétences. Comment vivez-vous cette polémique ?
YJ C: Je n’ai fait que mon travail. Ce n’est pas aux politiciens ivoiriens de certifier leur propre élection. J’avais sous ma responsabilité, de sauver la vérité. Pour cela, j’ai déployé trois moyens indépendants de la CEI et du Conseil constitutionnel. Je n’ai certifié ni les résultats de la CEI, ni ceux du Conseil constitutionnel. J’avais mes propres moyens, pour dire la vérité sur le scrutin du 28 novembre. La vérité est toute simple : Monsieur Ouattara a gagné l’élection du 28 novembre, avec près de 8% d’écart, dans une élection qui était très démocratique, très ouverte, tout à fait acceptable. Cette vérité, c’était mon travail. Ceux qui disent qui j’ai outrepassé mes prérogatives sont dans le faux. Puisque, ce sont eux-mêmes qui m’ont demandé de certifier le résultat. J’ai fait un travail courageux ? Merci. Avec mes collègues, nous n’avons que fait le travail recommandé par le peuple ivoirien.
TCI : Depuis le déclenchement de cette crise électorale, vous êtes allés à plusieurs rencontres internationales, on vous à vu à l’ONU, on vous a vu à Addis-Abeba, vous êtes allé dans d’autres capitales. Partout où vous avez été invité, vous êtes allé démontrer que c’est bel et bien monsieur Ouattara qui a gagné l’élection présidentielle ?
YJ C: j’ai pris un engagement avec le peuple ivoirien. Si vous voyez le dispositif de l’ONUCI, nous avions invité les Ivoiriens à aller voter pour que le gagnant soit le gagnant. Vous pouvez vous rendre compte que le peuple ivoirien a pris, d’une manière exceptionnelle, l’engagement d’aller à cette élection. Il l’a fait avec plus de 80% de taux de participation, pas de fraude, avec très peu d’irrégularités. Il y a eu très peu de perturbations. C’est à notre tour de faire en sorte que la volonté du peuple ivoirien soit respectée.
TCI : depuis le deuxième tour, on assiste à des scènes de violences extraordinaires, des massacres, des tueries à grande échelle. On vous reproche vous à l’ONUCI, de regarder les populations se faire massacrer et ne pas agir ?
YJ C: Non, j’aime beaucoup le concept de vérité et réconciliation. Je voudrais que tout le monde accepte la vérité. Je n’accepte pas que ceux qui sont responsables de ces massacres, de l’usage des armes lourdes se dédouanent et accusent l’ONUCI d’être responsable des massacres et de l’usage des armes lourdes. Depuis l’accord de Ouagadougou, nous savons que la sauvegarde de la paix est du ressort des autorités du pays. Tous les abus de droit, seront sanctionnés. Quand nous avons l’information du massacre des populations, nous intervenons rapidement. Nous l’avons fait à Abobo, nous l’avons également fait à Koumassi. Quand nous avons des informations de massacres des populations civiles, nous intervenons. Tard dans la nuit, nous intervenons.
TCI : Est-ce à dire que vous êtes informé des massacres sur les populations ?
YJC : Nous avons à ce jour, plus de 400 morts. Ce n’est pas acceptable, c’est trop. Cela ne peut pas continuer. Pourtant, notre présence, constitue une force de dissuasion. Nous avons réussi à prévenir des massacres à grande échelle. Le12 janvier il y a eu un accrochage entre les pro-Ouattara et les pro-Gbagbo à Abobo. Les derniers ont essuyé un revers. Après un repli, ils ont décidé de revenir pour des représailles, le lendemain. Nous avons eu l’information que le général Mangou allait envoyer ses éléments à Abobo. Avec une forte patrouille, nous nous sommes rendus à Abobo. Nous avons pu, malgré l’opposition des forces spéciales de Gbagbo, avoir accès à Abobo. Une fois à Abobo, nous avons forcé plusieurs barrages. Nous y sommes arrivés vers une heure le matin. Ce jour là, si nous n’avions pas été là, il y aurait eu un massacre à grande échelle. Ça aurait pu être notre échec. Chaque semaine, nous faisons 800 patrouilles à Abidjan, soit un peu plus de 100 par jours. Nous sommes là partout pour dire au peuple ivoirien que nous sommes avec lui, pour le protéger et dire aux hommes du président Laurent Gbagbo qu’ils ne peuvent pas faire un certain nombre de chose.
TCI : Que pensez-vous de l’usage disproportionné de la force pour contrer les manifestations pacifiques ?
YJ C: Nous avons condamné l’usage des armes lourdes des forces spéciales de Laurent Gbagbo. Nous rappelons que l’usage de ces armes contre les femmes qui manifestaient de façon pacifique, peut être considéré comme un crime contre l’humanité. Il y a aussi les tirs des mortiers sur les femmes qui étaient dans un marché à Abobo. Dans un marché il ne pouvait y avoir que des femmes qui faisaient leurs achats pacifiquement. Comment peut-on imaginer un chef d’Etat utiliser des mortiers sur sa propre population ? Il est certain que si les hommes de Laurent Gbagbo continuent d’utiliser les armes lourdes sur la population, cela pourrait signifier que Laurent Gbagbo a perdu le contrôle de ses hommes.
TCI : En ce qui concerne le massacre des femmes le 3 mars dernier, on a parlé de complot, notamment du complot du « bissap ». Quel commentaire faites-vous de ce traitement de ce massacre ?
YJ C: Je pense que le faisant, ceux qui ont commis ces massacres voulaient se dédouaner. Ils se sont rendu compte que c’était un crime crapuleux et difficile à supporter. Nous, nous avons de la documentation qui prouve bien que ce sont les forces spéciales de M. Laurent Gbagbo qui ont tué ces femmes.
TCI : Aujourd’hui, peut-on parler de génocide ? Est-il très tôt d’en parler ?
YJC : Il y a certes des accrochages, mais il est tôt de parler de génocide. Il y a des tragédies chaque jour à Abobo et à l’ouest. Sur le plan national, les combats sont limités, il est tôt de parler de génocide. Ce sont les spécialistes qui peuvent qualifier ce qui se passe actuellement. Ce sont eux qui peuvent parler de génocide ou pas. Il y a des atteintes aux droits de l’homme, mais ce sont les experts qui pourront les qualifier. Il faut aussi dire que ces crimes sont inacceptables.
TCI : Avez découvert des charniers depuis le déclenchement de cette crise ?
YJC : Nous avons eu l’information qu’il pourrait y avoir trois ou quatre charniers : un N’Dotré, près d’Abobo et trois dans l’ouest. Nous avons visité un site suspect près de Daloa, nous n’avons pas trouvé de charnier. Nous n’avons pas encore visité les autres endroits suspects. Nous avons visité tout récemment à deux reprise, le site de N’Dotré avec des experts. Nous n’avons pas trouvé traces suspectes ni corps des morts. Mais, il faut continuer les recherches.
TCI : L’ONUCI a obtenu récemment des renforts en hommes et en matériel. A quel objectif cela répond-il ?
YJC : Depuis que le camp du Président Laurent Gbagbo nous a demandé de quitter le pays, nous travaillons dans un environnement hostile. Nos hommes sont pris à partie, nos véhicules sont attaqués. C’est pour cela que nous avons demandé un renfort de 2000 hommes avec trois hélicoptères armés. Les hélicoptères armés sont arrivés, les 2000 hommes nous allons les avoir bientôt. Cela nous permettra de mieux assurer notre mission. Il ne faut pas oublier que nous sommes chargés de la protection de l’hôtel du Golf et de la sauvegarde du résultat de l’élection présidentielle.
TCI : L’ancien Président Laurent Gbagbo vous demande de partir, vous continuez d’être sur le sol ivoirien, vos avions continuent de voler…
YJC : Nous avons un mandat du Conseil de sécurité. Nous continuons notre mission aussi bien sur terre qu’en l’air.
YJC : Le ministre français des affaires étrangères, Alain Juppé et beaucoup d’Ivoiriens pensent que vous ne faites pas assez dans le cadre de la protection des populations. Alain Juppé dit, entre autre, que votre mandat est assez clair.
CYJ : Vous savez, nous sommes 8000. 3500 sont à Abidjan dont la moitié est consacrée à l’hôtel du Golf. Malgré notre effectif réduit, nous effectuons des patrouilles dans toutes les communes d’Abidjan. Si vous ne voyez pas souvent notre présence, c’est que vous ne suivez pas.
TCI : Que vous faut-il pour faire plus ? Un changement de mandat peut-être ?
YJC : c’est une question qui est importante, mais il ne me revient pas d’y répondre. C’est le Conseil de sécurité qui doit s’en saisir. Pour faire plus, il faut changer notre mandat. Vous avez évoqué le chapitre 7, c’est vrai mais dans ce chapitre, il y a le maintien de la paix et l’imposition de la paix. C’est-à-dire qu’on fait complètement le combat contre les forces de Laurent Gbagbo. Il faut changer le mandat pour qu’il nous recommande d’imposer la paix. On n’en est pas encore là.
TCI : Cette situation de crise fait que les populations attendent beaucoup de vous. La population se dit que vous ne faites pas assez. Est-il juste de le dire ?
YJC : Imaginons que l’ONUCI ne soit pas sur le terrain aujourd’hui. Quel aurait été la situation ? Nous sommes comme l’air. On ne le sent pas, mais on sait que l’air à un rôle important pour les vivants que nous sommes.
TCI : Le camp de l’ancien Président vous reproche parfois de convoyer des rebelles ?
YJC : Il n’en est rien. Si vous lisez vos mandats, cela nous demande de dire la vérité sur la certification et agir avec impartialité. Il y en a qui pensent que si vous dites la vérité, vous n’êtes pas impartial. L’autre camp dit que si vous dites la vérité, il faut agir dans le camp de la vérité. L’un et l’autre, ne comprend très bien notre mandat. Nous agissons avec impartialité. Nous n’avons jamais transporté un seul soldat des Forces Nouvelles. Nous n’avons donné aucune arme à qui que ce soit. Ce sont des fabrications, des inventions. Pour nous, il faut arrêter d’instrumentaliser les jeunes, notamment les jeunes « patriotes » qui constituent l’avenir du pays. La jeunesse n’est pas là pour faire la guerre. Il faut préparer les jeunes à assurer la relève dans leur pays.
TCI : Qu’est-ce que vous vous dites quand vous voyez ces images de ces jeunes qui veulent se faire enrôler dans l’armée ?
YJC : Je crois ceux qui appellent au recrutement des ces jeunes ont fait une erreur. Je ne vois comment ils vont loger ces milliers de personnes, comment ils vont les nourrir, comment ils vont les habiller. D’abord où est-ce qu’ils vont les loger ? Il y a un réel besoin de recherche d’emploi de ces jeunes. Imaginez que l’ONUCI lance un appel d’embauche des jeunes. Je suis certain que des milliers de jeunes vont accourir devant notre siège à Sébroko (QG de l’ONUCI, ndlr).
TCI : Concernant la sécurisation de l’hôtel du Golf où se trouvent le Président élu et l’ancien Président Henri Konan Bédié et les ministres du gouvernement, vous avez dit que c’est un lieu totalement sécurisé…
YJC : Je suis confiant. Avec tous nos éléments, nous sommes capables de repousser toute tentative d’attaque civile ou militaire sur l’hôtel, à n’importe quel moment. Toute attaque d’où qu’elle vient sera repoussée.
TCI : Pendant que la communauté internationale a réagi rapidement en Libye, pour stopper les massacres des populations civiles, elle traine les pas ici. N’y a-t-il pas là deux poids deux mesures ?
YJC : La réponse à cette question dépasse ma compétence. Je ne suis qu’un Envoyé spécial du Secrétaire général de l’ONU, en mission pour accomplir un mandat du Conseil de sécurité. Cette question pourrait être posée au Conseil de sécurité.
TCI : Est-ce parce que la Libye est un pays riche en pétrole que la communauté internationale se mobilise, pour préserver ses richesses ?
YJC : C’est une question qui pourrait être soumise aux Chefs d’Etat de la CEDEAO, au Conseil de sécurité, mais pas à l’ONUCI. Nous sommes dans un mandat que ne nous permet pas d’intervenir militairement.
TCI : La CEDEAO est justement en réunion, qu’est-ce que vous, vous attendez de cette rencontre ?
YJC : Je n’ai pas de commentaire à faire sur la décision que pourraient prendre les Chefs d’Etat. Je sais seulement qu’en décembre dernier, ils avaient envisagé un certain nombre de chose.
TCI : Vous avez certifié l’élection. Avez-vous dit la vérité à cette occasion ?
YJC : J’ai dit la vérité pour l’avenir de la Côte d’Ivoire, pour sa cohésion, pour aller vers la réconciliation. Si les Ivoiriens ne veulent pas accepter la vérité, il n’y aura pas de réconciliation, il n’y aura pas de paix.
TCI : J’en arrive maintenant à ma question. Vous êtes formel, c’est M. Ouattara qui a gagné l’élection. Depuis 4 mois, il est retranché ici, est-ce que ce n’est pas l’échec de l’ONU ?
YJC : Dans le mandat que nous avons reçu, je le répète mot à mot, c’est de faire en sorte que par le dialogue, les acteurs politiques ivoiriens acceptent le résultat. C’est-à-dire que nous sommes là pour protéger le résultat du vote. Il faut promouvoir le dialogue entre les acteurs, mais à une seule condition : le respect du résultat de l’élection.
TCI : Comment voyez-vous la fin de cette crise ?
YJC : personne n’a la boule de cristal. Quatre mois, c’est un peu trop. Mais mon instinct me dit que la fin n’est pas trop loin. La fin n’est pas très loin. Quand je vois les mesures extrêmes prises dans le camp du Président Gbagbo, je me demande où est-ce qu’ils en sont ? Quand vous lisez l’histoire, vous aller réaliser qu’il y a des actes qui montrent la fin de tous les évènements. Gardons espoir. La situation a déjà duré quatre mois. Elle ne peut plus durer encore longtemps. Mon instinct me dit que la fin va intervenir plus tôt qu’on ne peut l’imaginer.
TCI : Pensez-vous le régime de Gbagbo va tomber par essoufflement et que les mesures qui ont été prises finiront par payer ?
YJC : Tout le monde va finir pas accepter le verdict des urnes. J’en suis sûr. La crise finira par l’acceptation de la vérité par tout le monde. La volonté du peuple sera respectée.
TCI : Est-ce la crise la plus difficile que vous ayez à résoudre ?
YJC : C’est un cas unique. Vous savez que depuis quelques temps, le camp de Gbagbo nous a demandé de partir et que malgré cela, nous sommes restés. C’est une première dans une Mission de la paix. C’est difficile mais nous sommes confiants puisque nous luttons pour une cause juste. Comment expliquez-vous le fait que les « jeunes patriotes » ne sont plus actifs comme par le passé ? C’est tout simplement parce qu’ils sont conscients, qu’ils ne sont pas du côté de la vérité, de la justice.
TCI : Avec ce qui se passe, peut-on dire que la démocratie est impossible en Afrique ?
YJC : Si nous échouons en Côte d’Ivoire, il y aura lieu de désespérer de l’Afrique. Si nous échouons, qu’elle leçon allons-nous donner au reste de l’Afrique ? Il y a beaucoup de pays en Afrique qui font des élections. Si on échoue, le cas de la Côte d’Ivoire fera école. Les Présidents en fonction pourraient être tentés de se maintenir au pouvoir avec l’appui de l’armée. Nous ne devons pas échouer en Côte d’Ivoire. Il faut faire respecter la volonté du peuple, avec la fin de la crise.
TCI : Pensez-vous qu’on peut toujours éviter le chaos qui guette la Côte d’Ivoire ?
YJC : Oui. Mais cela dépend beaucoup de la population ivoirienne. C’est elle qui doit prendre des responsabilités. Mais, j’ai foi au peuple ivoirien. Il faut faire confiance au peuple ivoirien qui doit se donner les moyens de sortir de la crise. Cela ne peut se faire sans préserver les acquis du vote du 28 novembre. Sans l’acceptation des résultats, je ne vois pas comment ont peut régler la crise.
TCI : Est-ce qu’aujourd’hui vous avez des contacts avec l’ancien Président, soit directement soit par personne interposée ?
YJC : Je suis prêt à lui rendre visite. Comme j’ai accepté votre invitation, je suis prêt à accepter son invitation. Il en est de même pour notre radio, ONUCI FM. Nous invitons les personnalités aussi bien du camp Ouattara que du camp Gbagbo. Souvent les personnalités proches de Laurent Gbagbo refusent de répondre aux sollicitations de notre radio. C’est tout simplement regrettable.
TCI : Vous n’avez jamais eu peur pour votre vie ?
YJC : Moi, je suis plutôt curieux de savoir comment la crise va m’affecter physiquement. Présentement, j’habite à Sébroko. Ce n’est pas nécessairement par peur.
C’est parce que le commandement est ici, mes plus proches collaborateurs sont également ici. Le travail devient plus facile. Je reçois des appels dont vous ne pouvez pas vous imaginer le contenu. Nous finissons souvent nos réunions très tardivement. Nous sommes habitués à ce rythme de travail. Mais la peur, pas encore.
TCI : Que pouvez vous dire aux Ivoiriens en guise de conclusion ?
YJC : Ayez confiance en vous-mêmes. Vous êtes un peuple magnifique. Vous avez fait une élection exemplaire, à l’échelle mondiale. C’est le seul pays à avoir organisé ces années-ci, une élection avec plus de 80 % de taux de participation. Une élection où il n’y a pas eu de fraudes, très peu d’irrégularités. Ayez confiance en vous. Mais, il faut que les politiciens acceptent la vérité. Il faut que les jeunes pensent à travailler pour leur avenir, l’avenir du pays au lieu d’être utiliser à un but politique. Il faut que chacun fasse son travail. J’ai constaté depuis mon arrivée que le peuple ivoirien est un peuple très raffiné. L’avenir est très prometteur pour le peuple ivoirien. Ayez confiance, la fin arrivera plus tôt que prévu.
Recueillis sur TCI par Thiery Latt
TCI : Avec vous, nous allons parler de la crise électorale qui a débuté depuis le 28 novembre et qui a fait des centaines de morts. Pouvez-vous nous rappeler l’implication de la communauté internationale dans la résolution de la crise ?
Young-Jin Choi: Nous sommes là en Côte d’Ivoire depuis plusieurs années, depuis 2004. Notre présence peut se résumer en deux périodes. La première période de 2004 à 2007, au mois de mars avec la signature de l’Accord politique de Ouagadougou. A la première période, la communauté internationale elle-même gérait les affaires en Côte d’Ivoire. Depuis l’Accord de Ouagadougou, notre rôle à changé. Nous faisons de l’accompagnement. Les Ivoiriens eux-mêmes se chargent de leur affaire. Ce sont les Ivoiriens qui sont responsables de la paix. Nous sommes là pour les accompagner et les assister.
TCI : Ces derniers temps, s’il y a un mot que les Ivoiriens connaissent bien, c’est la certification. Qu’est-ce que cela signifie ? Comment ce terme est arrivé dans notre processus électoral ?
YJC : C’est un phénomène assez nouveau. C’est-à-dire qu’il y a eu que trois certifications dans l’histoire. L’ONU a fait une certification d’abord au Timore Est et au Népal. La Côte d’Ivoire est le troisième cas, mais le premier en Afrique. C’est à l’invitation de l’Etat ivoirien que nous l’avons fait. Il faut comprendre deux choses : premièrement, ce n’est pas un phénomène rependu, deuxièmement nous intervenons à la demande de l’Etat ivoirien.
TCI : En termes clairs, se sont les Ivoiriens qui, d’un commun accord, ont convenu de la certification de l’élection en Côte d’Ivoire ?
YJC : Exact.
TCI: Quelle est la place de la certification par rapport à la Constitution ?
YJC : C’est connu. La certification, c’est quoi ? Il s’agit d’intervenir quand tout le processus est terminé. C’est, comme l’indique le processus électoral, d’abord à la Commission électorale indépendante (CEI) de proclamer le résultat provisoire. Vient ensuite le Conseil constitutionnel qui proclame le résultat définitif, après nous intervenons en dernier ressort pour certifier, en disant si tout a bien marché ou non. C’est cela le processus. Nous, nous sommes à la fin de tout le processus national. C’est ce qui a été demandé par tous les protagonistes, y compris le Président Gbagbo.
TCI : Il y a une polémique depuis votre certification quand on écoute les Ivoiriens parler. Pour certains, vous avez fait preuve d’un courage exceptionnel, pour d’autres vous avez outrepassé vos compétences. Comment vivez-vous cette polémique ?
YJ C: Je n’ai fait que mon travail. Ce n’est pas aux politiciens ivoiriens de certifier leur propre élection. J’avais sous ma responsabilité, de sauver la vérité. Pour cela, j’ai déployé trois moyens indépendants de la CEI et du Conseil constitutionnel. Je n’ai certifié ni les résultats de la CEI, ni ceux du Conseil constitutionnel. J’avais mes propres moyens, pour dire la vérité sur le scrutin du 28 novembre. La vérité est toute simple : Monsieur Ouattara a gagné l’élection du 28 novembre, avec près de 8% d’écart, dans une élection qui était très démocratique, très ouverte, tout à fait acceptable. Cette vérité, c’était mon travail. Ceux qui disent qui j’ai outrepassé mes prérogatives sont dans le faux. Puisque, ce sont eux-mêmes qui m’ont demandé de certifier le résultat. J’ai fait un travail courageux ? Merci. Avec mes collègues, nous n’avons que fait le travail recommandé par le peuple ivoirien.
TCI : Depuis le déclenchement de cette crise électorale, vous êtes allés à plusieurs rencontres internationales, on vous à vu à l’ONU, on vous a vu à Addis-Abeba, vous êtes allé dans d’autres capitales. Partout où vous avez été invité, vous êtes allé démontrer que c’est bel et bien monsieur Ouattara qui a gagné l’élection présidentielle ?
YJ C: j’ai pris un engagement avec le peuple ivoirien. Si vous voyez le dispositif de l’ONUCI, nous avions invité les Ivoiriens à aller voter pour que le gagnant soit le gagnant. Vous pouvez vous rendre compte que le peuple ivoirien a pris, d’une manière exceptionnelle, l’engagement d’aller à cette élection. Il l’a fait avec plus de 80% de taux de participation, pas de fraude, avec très peu d’irrégularités. Il y a eu très peu de perturbations. C’est à notre tour de faire en sorte que la volonté du peuple ivoirien soit respectée.
TCI : depuis le deuxième tour, on assiste à des scènes de violences extraordinaires, des massacres, des tueries à grande échelle. On vous reproche vous à l’ONUCI, de regarder les populations se faire massacrer et ne pas agir ?
YJ C: Non, j’aime beaucoup le concept de vérité et réconciliation. Je voudrais que tout le monde accepte la vérité. Je n’accepte pas que ceux qui sont responsables de ces massacres, de l’usage des armes lourdes se dédouanent et accusent l’ONUCI d’être responsable des massacres et de l’usage des armes lourdes. Depuis l’accord de Ouagadougou, nous savons que la sauvegarde de la paix est du ressort des autorités du pays. Tous les abus de droit, seront sanctionnés. Quand nous avons l’information du massacre des populations, nous intervenons rapidement. Nous l’avons fait à Abobo, nous l’avons également fait à Koumassi. Quand nous avons des informations de massacres des populations civiles, nous intervenons. Tard dans la nuit, nous intervenons.
TCI : Est-ce à dire que vous êtes informé des massacres sur les populations ?
YJC : Nous avons à ce jour, plus de 400 morts. Ce n’est pas acceptable, c’est trop. Cela ne peut pas continuer. Pourtant, notre présence, constitue une force de dissuasion. Nous avons réussi à prévenir des massacres à grande échelle. Le12 janvier il y a eu un accrochage entre les pro-Ouattara et les pro-Gbagbo à Abobo. Les derniers ont essuyé un revers. Après un repli, ils ont décidé de revenir pour des représailles, le lendemain. Nous avons eu l’information que le général Mangou allait envoyer ses éléments à Abobo. Avec une forte patrouille, nous nous sommes rendus à Abobo. Nous avons pu, malgré l’opposition des forces spéciales de Gbagbo, avoir accès à Abobo. Une fois à Abobo, nous avons forcé plusieurs barrages. Nous y sommes arrivés vers une heure le matin. Ce jour là, si nous n’avions pas été là, il y aurait eu un massacre à grande échelle. Ça aurait pu être notre échec. Chaque semaine, nous faisons 800 patrouilles à Abidjan, soit un peu plus de 100 par jours. Nous sommes là partout pour dire au peuple ivoirien que nous sommes avec lui, pour le protéger et dire aux hommes du président Laurent Gbagbo qu’ils ne peuvent pas faire un certain nombre de chose.
TCI : Que pensez-vous de l’usage disproportionné de la force pour contrer les manifestations pacifiques ?
YJ C: Nous avons condamné l’usage des armes lourdes des forces spéciales de Laurent Gbagbo. Nous rappelons que l’usage de ces armes contre les femmes qui manifestaient de façon pacifique, peut être considéré comme un crime contre l’humanité. Il y a aussi les tirs des mortiers sur les femmes qui étaient dans un marché à Abobo. Dans un marché il ne pouvait y avoir que des femmes qui faisaient leurs achats pacifiquement. Comment peut-on imaginer un chef d’Etat utiliser des mortiers sur sa propre population ? Il est certain que si les hommes de Laurent Gbagbo continuent d’utiliser les armes lourdes sur la population, cela pourrait signifier que Laurent Gbagbo a perdu le contrôle de ses hommes.
TCI : En ce qui concerne le massacre des femmes le 3 mars dernier, on a parlé de complot, notamment du complot du « bissap ». Quel commentaire faites-vous de ce traitement de ce massacre ?
YJ C: Je pense que le faisant, ceux qui ont commis ces massacres voulaient se dédouaner. Ils se sont rendu compte que c’était un crime crapuleux et difficile à supporter. Nous, nous avons de la documentation qui prouve bien que ce sont les forces spéciales de M. Laurent Gbagbo qui ont tué ces femmes.
TCI : Aujourd’hui, peut-on parler de génocide ? Est-il très tôt d’en parler ?
YJC : Il y a certes des accrochages, mais il est tôt de parler de génocide. Il y a des tragédies chaque jour à Abobo et à l’ouest. Sur le plan national, les combats sont limités, il est tôt de parler de génocide. Ce sont les spécialistes qui peuvent qualifier ce qui se passe actuellement. Ce sont eux qui peuvent parler de génocide ou pas. Il y a des atteintes aux droits de l’homme, mais ce sont les experts qui pourront les qualifier. Il faut aussi dire que ces crimes sont inacceptables.
TCI : Avez découvert des charniers depuis le déclenchement de cette crise ?
YJC : Nous avons eu l’information qu’il pourrait y avoir trois ou quatre charniers : un N’Dotré, près d’Abobo et trois dans l’ouest. Nous avons visité un site suspect près de Daloa, nous n’avons pas trouvé de charnier. Nous n’avons pas encore visité les autres endroits suspects. Nous avons visité tout récemment à deux reprise, le site de N’Dotré avec des experts. Nous n’avons pas trouvé traces suspectes ni corps des morts. Mais, il faut continuer les recherches.
TCI : L’ONUCI a obtenu récemment des renforts en hommes et en matériel. A quel objectif cela répond-il ?
YJC : Depuis que le camp du Président Laurent Gbagbo nous a demandé de quitter le pays, nous travaillons dans un environnement hostile. Nos hommes sont pris à partie, nos véhicules sont attaqués. C’est pour cela que nous avons demandé un renfort de 2000 hommes avec trois hélicoptères armés. Les hélicoptères armés sont arrivés, les 2000 hommes nous allons les avoir bientôt. Cela nous permettra de mieux assurer notre mission. Il ne faut pas oublier que nous sommes chargés de la protection de l’hôtel du Golf et de la sauvegarde du résultat de l’élection présidentielle.
TCI : L’ancien Président Laurent Gbagbo vous demande de partir, vous continuez d’être sur le sol ivoirien, vos avions continuent de voler…
YJC : Nous avons un mandat du Conseil de sécurité. Nous continuons notre mission aussi bien sur terre qu’en l’air.
YJC : Le ministre français des affaires étrangères, Alain Juppé et beaucoup d’Ivoiriens pensent que vous ne faites pas assez dans le cadre de la protection des populations. Alain Juppé dit, entre autre, que votre mandat est assez clair.
CYJ : Vous savez, nous sommes 8000. 3500 sont à Abidjan dont la moitié est consacrée à l’hôtel du Golf. Malgré notre effectif réduit, nous effectuons des patrouilles dans toutes les communes d’Abidjan. Si vous ne voyez pas souvent notre présence, c’est que vous ne suivez pas.
TCI : Que vous faut-il pour faire plus ? Un changement de mandat peut-être ?
YJC : c’est une question qui est importante, mais il ne me revient pas d’y répondre. C’est le Conseil de sécurité qui doit s’en saisir. Pour faire plus, il faut changer notre mandat. Vous avez évoqué le chapitre 7, c’est vrai mais dans ce chapitre, il y a le maintien de la paix et l’imposition de la paix. C’est-à-dire qu’on fait complètement le combat contre les forces de Laurent Gbagbo. Il faut changer le mandat pour qu’il nous recommande d’imposer la paix. On n’en est pas encore là.
TCI : Cette situation de crise fait que les populations attendent beaucoup de vous. La population se dit que vous ne faites pas assez. Est-il juste de le dire ?
YJC : Imaginons que l’ONUCI ne soit pas sur le terrain aujourd’hui. Quel aurait été la situation ? Nous sommes comme l’air. On ne le sent pas, mais on sait que l’air à un rôle important pour les vivants que nous sommes.
TCI : Le camp de l’ancien Président vous reproche parfois de convoyer des rebelles ?
YJC : Il n’en est rien. Si vous lisez vos mandats, cela nous demande de dire la vérité sur la certification et agir avec impartialité. Il y en a qui pensent que si vous dites la vérité, vous n’êtes pas impartial. L’autre camp dit que si vous dites la vérité, il faut agir dans le camp de la vérité. L’un et l’autre, ne comprend très bien notre mandat. Nous agissons avec impartialité. Nous n’avons jamais transporté un seul soldat des Forces Nouvelles. Nous n’avons donné aucune arme à qui que ce soit. Ce sont des fabrications, des inventions. Pour nous, il faut arrêter d’instrumentaliser les jeunes, notamment les jeunes « patriotes » qui constituent l’avenir du pays. La jeunesse n’est pas là pour faire la guerre. Il faut préparer les jeunes à assurer la relève dans leur pays.
TCI : Qu’est-ce que vous vous dites quand vous voyez ces images de ces jeunes qui veulent se faire enrôler dans l’armée ?
YJC : Je crois ceux qui appellent au recrutement des ces jeunes ont fait une erreur. Je ne vois comment ils vont loger ces milliers de personnes, comment ils vont les nourrir, comment ils vont les habiller. D’abord où est-ce qu’ils vont les loger ? Il y a un réel besoin de recherche d’emploi de ces jeunes. Imaginez que l’ONUCI lance un appel d’embauche des jeunes. Je suis certain que des milliers de jeunes vont accourir devant notre siège à Sébroko (QG de l’ONUCI, ndlr).
TCI : Concernant la sécurisation de l’hôtel du Golf où se trouvent le Président élu et l’ancien Président Henri Konan Bédié et les ministres du gouvernement, vous avez dit que c’est un lieu totalement sécurisé…
YJC : Je suis confiant. Avec tous nos éléments, nous sommes capables de repousser toute tentative d’attaque civile ou militaire sur l’hôtel, à n’importe quel moment. Toute attaque d’où qu’elle vient sera repoussée.
TCI : Pendant que la communauté internationale a réagi rapidement en Libye, pour stopper les massacres des populations civiles, elle traine les pas ici. N’y a-t-il pas là deux poids deux mesures ?
YJC : La réponse à cette question dépasse ma compétence. Je ne suis qu’un Envoyé spécial du Secrétaire général de l’ONU, en mission pour accomplir un mandat du Conseil de sécurité. Cette question pourrait être posée au Conseil de sécurité.
TCI : Est-ce parce que la Libye est un pays riche en pétrole que la communauté internationale se mobilise, pour préserver ses richesses ?
YJC : C’est une question qui pourrait être soumise aux Chefs d’Etat de la CEDEAO, au Conseil de sécurité, mais pas à l’ONUCI. Nous sommes dans un mandat que ne nous permet pas d’intervenir militairement.
TCI : La CEDEAO est justement en réunion, qu’est-ce que vous, vous attendez de cette rencontre ?
YJC : Je n’ai pas de commentaire à faire sur la décision que pourraient prendre les Chefs d’Etat. Je sais seulement qu’en décembre dernier, ils avaient envisagé un certain nombre de chose.
TCI : Vous avez certifié l’élection. Avez-vous dit la vérité à cette occasion ?
YJC : J’ai dit la vérité pour l’avenir de la Côte d’Ivoire, pour sa cohésion, pour aller vers la réconciliation. Si les Ivoiriens ne veulent pas accepter la vérité, il n’y aura pas de réconciliation, il n’y aura pas de paix.
TCI : J’en arrive maintenant à ma question. Vous êtes formel, c’est M. Ouattara qui a gagné l’élection. Depuis 4 mois, il est retranché ici, est-ce que ce n’est pas l’échec de l’ONU ?
YJC : Dans le mandat que nous avons reçu, je le répète mot à mot, c’est de faire en sorte que par le dialogue, les acteurs politiques ivoiriens acceptent le résultat. C’est-à-dire que nous sommes là pour protéger le résultat du vote. Il faut promouvoir le dialogue entre les acteurs, mais à une seule condition : le respect du résultat de l’élection.
TCI : Comment voyez-vous la fin de cette crise ?
YJC : personne n’a la boule de cristal. Quatre mois, c’est un peu trop. Mais mon instinct me dit que la fin n’est pas trop loin. La fin n’est pas très loin. Quand je vois les mesures extrêmes prises dans le camp du Président Gbagbo, je me demande où est-ce qu’ils en sont ? Quand vous lisez l’histoire, vous aller réaliser qu’il y a des actes qui montrent la fin de tous les évènements. Gardons espoir. La situation a déjà duré quatre mois. Elle ne peut plus durer encore longtemps. Mon instinct me dit que la fin va intervenir plus tôt qu’on ne peut l’imaginer.
TCI : Pensez-vous le régime de Gbagbo va tomber par essoufflement et que les mesures qui ont été prises finiront par payer ?
YJC : Tout le monde va finir pas accepter le verdict des urnes. J’en suis sûr. La crise finira par l’acceptation de la vérité par tout le monde. La volonté du peuple sera respectée.
TCI : Est-ce la crise la plus difficile que vous ayez à résoudre ?
YJC : C’est un cas unique. Vous savez que depuis quelques temps, le camp de Gbagbo nous a demandé de partir et que malgré cela, nous sommes restés. C’est une première dans une Mission de la paix. C’est difficile mais nous sommes confiants puisque nous luttons pour une cause juste. Comment expliquez-vous le fait que les « jeunes patriotes » ne sont plus actifs comme par le passé ? C’est tout simplement parce qu’ils sont conscients, qu’ils ne sont pas du côté de la vérité, de la justice.
TCI : Avec ce qui se passe, peut-on dire que la démocratie est impossible en Afrique ?
YJC : Si nous échouons en Côte d’Ivoire, il y aura lieu de désespérer de l’Afrique. Si nous échouons, qu’elle leçon allons-nous donner au reste de l’Afrique ? Il y a beaucoup de pays en Afrique qui font des élections. Si on échoue, le cas de la Côte d’Ivoire fera école. Les Présidents en fonction pourraient être tentés de se maintenir au pouvoir avec l’appui de l’armée. Nous ne devons pas échouer en Côte d’Ivoire. Il faut faire respecter la volonté du peuple, avec la fin de la crise.
TCI : Pensez-vous qu’on peut toujours éviter le chaos qui guette la Côte d’Ivoire ?
YJC : Oui. Mais cela dépend beaucoup de la population ivoirienne. C’est elle qui doit prendre des responsabilités. Mais, j’ai foi au peuple ivoirien. Il faut faire confiance au peuple ivoirien qui doit se donner les moyens de sortir de la crise. Cela ne peut se faire sans préserver les acquis du vote du 28 novembre. Sans l’acceptation des résultats, je ne vois pas comment ont peut régler la crise.
TCI : Est-ce qu’aujourd’hui vous avez des contacts avec l’ancien Président, soit directement soit par personne interposée ?
YJC : Je suis prêt à lui rendre visite. Comme j’ai accepté votre invitation, je suis prêt à accepter son invitation. Il en est de même pour notre radio, ONUCI FM. Nous invitons les personnalités aussi bien du camp Ouattara que du camp Gbagbo. Souvent les personnalités proches de Laurent Gbagbo refusent de répondre aux sollicitations de notre radio. C’est tout simplement regrettable.
TCI : Vous n’avez jamais eu peur pour votre vie ?
YJC : Moi, je suis plutôt curieux de savoir comment la crise va m’affecter physiquement. Présentement, j’habite à Sébroko. Ce n’est pas nécessairement par peur.
C’est parce que le commandement est ici, mes plus proches collaborateurs sont également ici. Le travail devient plus facile. Je reçois des appels dont vous ne pouvez pas vous imaginer le contenu. Nous finissons souvent nos réunions très tardivement. Nous sommes habitués à ce rythme de travail. Mais la peur, pas encore.
TCI : Que pouvez vous dire aux Ivoiriens en guise de conclusion ?
YJC : Ayez confiance en vous-mêmes. Vous êtes un peuple magnifique. Vous avez fait une élection exemplaire, à l’échelle mondiale. C’est le seul pays à avoir organisé ces années-ci, une élection avec plus de 80 % de taux de participation. Une élection où il n’y a pas eu de fraudes, très peu d’irrégularités. Ayez confiance en vous. Mais, il faut que les politiciens acceptent la vérité. Il faut que les jeunes pensent à travailler pour leur avenir, l’avenir du pays au lieu d’être utiliser à un but politique. Il faut que chacun fasse son travail. J’ai constaté depuis mon arrivée que le peuple ivoirien est un peuple très raffiné. L’avenir est très prometteur pour le peuple ivoirien. Ayez confiance, la fin arrivera plus tôt que prévu.
Recueillis sur TCI par Thiery Latt