L’Université d’Abobo-Adjamé, où sont délocalisées les UFR des Sciences juridiques et des Sciences économiques de l’Université de Bouaké-la-Neuve (Institution sinistrée, délocalisée à Abidjan depuis 2002), a été le théâtre de violents affrontements entre des insurgés dits ‘’commando invisible’’ et les Forces Armées Nationales de Côte d’Ivoire (FANCI), les 13 et 14 mars 2011. Ces insurgés ont pendant quelques temps occupé cette Université avant de poursuivre leurs attaques sur Williamsville. Ces derniers ont pu être repoussés et l’Université a été libérée. Pendant cette période de relative accalmie, les autorités de cette Institution s’y sont rendues pour faire le constat. Elle est en ruine. Le Président de cette Université, le Professeur Germain Gourène, nous situe dans cet entretien, sur l’ampleur des dégâts.
Monsieur le Président de l’Université, qu’est-ce qui s’est passé pour que votre Institution connaisse ce sinistre ?
Germain Gourène : C’est la guerre ! On est tous surpris de cette situation. L’Université d’Abobo-Adjamé assurait normalement ses activités jusqu’aux alentours du 19 février 2011 et puis, il y a eu les premiers évènements à Abobo. De par notre proximité avec cette commune, les cours ont été perturbés. Les cours ont repris normalement à partir du 21 février 2011. Il n’y avait pas grande d’affluence parce que la majorité de nos étudiants sont logés à la cité Universitaire d’Abobo. En outre, le personnel administratif et technique de mon Institution est majoritairement logé à Abobo. En plus de cela, il s’est ajouté, le problème de l’ONUCI (Opération des Nations Unies en Côte d’Ivoire) qui venait par moments positionner 3 à 6 chars devant l’Université.
Face à cette situation, j’ai réuni les Doyens d’UFR, le Vice-président et nous sommes allés leur dire que quelle que soit la situation dans laquelle nous nous trouvons aujourd’hui, il y a des structures qui doivent être préservées. Il s’agit entre autres des Hôpitaux, des Ecoles, qui sont des biens communs et quel que soit son bord politique, il faut en tenir compte. La preuve, les Présidents des Universités sont des élus et quel que soit le Président de la République qui arrive, il ne peut pas les démettre. Il est aussi tout à fait normal de former tous les Ivoiriens quel que soit leur bord politique. Au nom des franchises universitaires, ce n’est pas bien d’occuper ces lieux. Il fallait que ces chars de l’ONUCI s’en aillent parce que les étudiants avaient peur et ne pouvaient pas venir au cours.
Qu’est-ce que ces militaires à bord de ces chars vous ont-ils répondu ?
G.G : Nous sommes allés les rencontrer vers 11 heures et aux environs de 15 heures ils ont quitté le petit portail pour s’installer devant le grand portail. Nous sommes restés dans les tractations avec l’ONUCI. Et sont survenus les évènements du week-end dernier, où la rébellion est venue occuper tout le campus. Tout le week-end, il ya eu des tirs nourris qu’on entendait depuis Cocody. Nous sommes repartis le mardi à l’Université et nous avons découvert que tous les points névralgiques de l’Université avaient été détruits.
Qu’est-ce que vous avez perdu ?
G.G : Les points sensibles de l’Université ont été détruits à 70%. Il n’y a plus de mémoire administrative pour tous les diplômes de la formation et pour la base de données des étudiants depuis que l’Université existe.
Généralement, quand ce genre de phénomène se produit, on se rabat sur la mémoire électronique. Le bâtiment du service informatique a été visé et la mémoire électronique a aussi été détruite. Aujourd’hui, on peut parler d’Université, mais concrètement, l’Université d’Abobo-Adjamé n’existe presque plus. Vous savez, nous servons de base de données à la Faculté de Médecine en odonto-stomatologie. Les étudiants, une fois à l’extérieur de la Côte d’Ivoire, on nous demande d’authentifier leurs diplômes. Aujourd’hui, il n’y a plus de possibilité, plus de référence administrative, plus de bases de données. Nous ne pouvons plus authentifier les diplômes. Tous ceux qui ont eu des diplômes à l’Université d’Abobo-Adjamé doivent commencer à s’interroger.
En plus de cela, il y a le service financier où tout a aussi été détruit. C’est pourquoi je parlais des points les plus sensibles de l’Université qui ont été détruits. Le Centre de Calcul qui est un point aussi sensible que les autres a été détruit. J’ai trouvé dans la cour les carcasses de certains serveurs de l’Université. Ils ont pris soin de les démonter. Cela montre qu’il y a quelque chose qui était visé et là, je ne comprends pas du tout. L’Université, à mon sens, ne peut pas être visée ; c’est un lieu où chacun peut avoir des personnes de son parti politique, mais cela n’a rien de particulier avec un parti. Quand vous me demandez ce que l’Université a perdu, je réponds qu’elle a été détruite à près de 70%.
C’est une Université sinistrée comme celle de Bouaké…
G.G : Lorsque l’Université de Bouaké était sinistrée, j’étais le directeur de l’Ures de Korhogo. Mais, l’URES de Korhogo, contrairement à Bouaké, n’avait pas été touchée alors que normalement, les rebelles étaient présents à Korhogo. Certains rebelles, dans le temps, disaient qu’il fallait préserver l’Institution. On peut envoyer des milliards de francs cfa aujourd’hui, pour acheter tout le matériel, mais où trouver la base de données sur papier et la base de données électroniques ?
Depuis la création de l’Université d’Abobo-Adjamé en 1996, depuis qu’elle a été coupée du cordon ombilical qui la liait à l’Université de Cocody, nous avons nos archives à part. Avant 1996, on peut trouver des archives, mais à partir de 1996, on ne peut plus trouver de données puisque tout a été détruit.
L’Université de Bouaké est sinistrée, mais des documents ont été préservés. Mais le sinistre de l’Université d’Abobo-Adjamé est méchant. Ce ne sont pas les bâtiments, mais des points clés de cette Institution qui ont été détruits.
Où est délocalisée cette Université aujourd’hui ?
G.G : Il n’y a pas de délocalisation puisque c’est maintenant qu’on vient de découvrir l’ampleur des dégâts. On n’a que notre téléphone portable, on vient à l’Université de Bouaké qu’on a hébergé en grande partie et qui nous prête le local à partir duquel je vous parle.
Comment faire pour reprendre le travail?
G.G : Je ne peux pas vous répondre dans l’immédiat. Même avec le budget qu’on nous a apporté, c’était un budget sinistré suite à la guerre. Or, aujourd’hui on ne peut pas engager dans ce budget quelque chose qui n’a pas été prévu. Comment s’y prendre ? C’est une affaire nationale, c’est en quelque sorte un SOS que nous lançons et nous ne savons pas comment cela va se faire.
Il faut reconnaitre que l’Université d’Abobo-Adjamé a une particularité. La première année, ce qu’on appelle l’Ecole préparatoire aux Sciences de la santé, qui prépare aux UFR de Pharmacie, d’Odontostomatologie, de Médecine, des Universités de Bouaké et de Cocody, se fait uniquement à l’Université d’Abobo-Adjamé. En plus de cela, nous avons nos UFR classiques. Aujourd’hui, d’une manière ou d’une autre, cela affecte les Universités au plan national. C’est un gros problème que nous allons devoir résoudre avec toute la Côte d’Ivoire.
K.Parfait
kaparfait@yahoo.fr
Monsieur le Président de l’Université, qu’est-ce qui s’est passé pour que votre Institution connaisse ce sinistre ?
Germain Gourène : C’est la guerre ! On est tous surpris de cette situation. L’Université d’Abobo-Adjamé assurait normalement ses activités jusqu’aux alentours du 19 février 2011 et puis, il y a eu les premiers évènements à Abobo. De par notre proximité avec cette commune, les cours ont été perturbés. Les cours ont repris normalement à partir du 21 février 2011. Il n’y avait pas grande d’affluence parce que la majorité de nos étudiants sont logés à la cité Universitaire d’Abobo. En outre, le personnel administratif et technique de mon Institution est majoritairement logé à Abobo. En plus de cela, il s’est ajouté, le problème de l’ONUCI (Opération des Nations Unies en Côte d’Ivoire) qui venait par moments positionner 3 à 6 chars devant l’Université.
Face à cette situation, j’ai réuni les Doyens d’UFR, le Vice-président et nous sommes allés leur dire que quelle que soit la situation dans laquelle nous nous trouvons aujourd’hui, il y a des structures qui doivent être préservées. Il s’agit entre autres des Hôpitaux, des Ecoles, qui sont des biens communs et quel que soit son bord politique, il faut en tenir compte. La preuve, les Présidents des Universités sont des élus et quel que soit le Président de la République qui arrive, il ne peut pas les démettre. Il est aussi tout à fait normal de former tous les Ivoiriens quel que soit leur bord politique. Au nom des franchises universitaires, ce n’est pas bien d’occuper ces lieux. Il fallait que ces chars de l’ONUCI s’en aillent parce que les étudiants avaient peur et ne pouvaient pas venir au cours.
Qu’est-ce que ces militaires à bord de ces chars vous ont-ils répondu ?
G.G : Nous sommes allés les rencontrer vers 11 heures et aux environs de 15 heures ils ont quitté le petit portail pour s’installer devant le grand portail. Nous sommes restés dans les tractations avec l’ONUCI. Et sont survenus les évènements du week-end dernier, où la rébellion est venue occuper tout le campus. Tout le week-end, il ya eu des tirs nourris qu’on entendait depuis Cocody. Nous sommes repartis le mardi à l’Université et nous avons découvert que tous les points névralgiques de l’Université avaient été détruits.
Qu’est-ce que vous avez perdu ?
G.G : Les points sensibles de l’Université ont été détruits à 70%. Il n’y a plus de mémoire administrative pour tous les diplômes de la formation et pour la base de données des étudiants depuis que l’Université existe.
Généralement, quand ce genre de phénomène se produit, on se rabat sur la mémoire électronique. Le bâtiment du service informatique a été visé et la mémoire électronique a aussi été détruite. Aujourd’hui, on peut parler d’Université, mais concrètement, l’Université d’Abobo-Adjamé n’existe presque plus. Vous savez, nous servons de base de données à la Faculté de Médecine en odonto-stomatologie. Les étudiants, une fois à l’extérieur de la Côte d’Ivoire, on nous demande d’authentifier leurs diplômes. Aujourd’hui, il n’y a plus de possibilité, plus de référence administrative, plus de bases de données. Nous ne pouvons plus authentifier les diplômes. Tous ceux qui ont eu des diplômes à l’Université d’Abobo-Adjamé doivent commencer à s’interroger.
En plus de cela, il y a le service financier où tout a aussi été détruit. C’est pourquoi je parlais des points les plus sensibles de l’Université qui ont été détruits. Le Centre de Calcul qui est un point aussi sensible que les autres a été détruit. J’ai trouvé dans la cour les carcasses de certains serveurs de l’Université. Ils ont pris soin de les démonter. Cela montre qu’il y a quelque chose qui était visé et là, je ne comprends pas du tout. L’Université, à mon sens, ne peut pas être visée ; c’est un lieu où chacun peut avoir des personnes de son parti politique, mais cela n’a rien de particulier avec un parti. Quand vous me demandez ce que l’Université a perdu, je réponds qu’elle a été détruite à près de 70%.
C’est une Université sinistrée comme celle de Bouaké…
G.G : Lorsque l’Université de Bouaké était sinistrée, j’étais le directeur de l’Ures de Korhogo. Mais, l’URES de Korhogo, contrairement à Bouaké, n’avait pas été touchée alors que normalement, les rebelles étaient présents à Korhogo. Certains rebelles, dans le temps, disaient qu’il fallait préserver l’Institution. On peut envoyer des milliards de francs cfa aujourd’hui, pour acheter tout le matériel, mais où trouver la base de données sur papier et la base de données électroniques ?
Depuis la création de l’Université d’Abobo-Adjamé en 1996, depuis qu’elle a été coupée du cordon ombilical qui la liait à l’Université de Cocody, nous avons nos archives à part. Avant 1996, on peut trouver des archives, mais à partir de 1996, on ne peut plus trouver de données puisque tout a été détruit.
L’Université de Bouaké est sinistrée, mais des documents ont été préservés. Mais le sinistre de l’Université d’Abobo-Adjamé est méchant. Ce ne sont pas les bâtiments, mais des points clés de cette Institution qui ont été détruits.
Où est délocalisée cette Université aujourd’hui ?
G.G : Il n’y a pas de délocalisation puisque c’est maintenant qu’on vient de découvrir l’ampleur des dégâts. On n’a que notre téléphone portable, on vient à l’Université de Bouaké qu’on a hébergé en grande partie et qui nous prête le local à partir duquel je vous parle.
Comment faire pour reprendre le travail?
G.G : Je ne peux pas vous répondre dans l’immédiat. Même avec le budget qu’on nous a apporté, c’était un budget sinistré suite à la guerre. Or, aujourd’hui on ne peut pas engager dans ce budget quelque chose qui n’a pas été prévu. Comment s’y prendre ? C’est une affaire nationale, c’est en quelque sorte un SOS que nous lançons et nous ne savons pas comment cela va se faire.
Il faut reconnaitre que l’Université d’Abobo-Adjamé a une particularité. La première année, ce qu’on appelle l’Ecole préparatoire aux Sciences de la santé, qui prépare aux UFR de Pharmacie, d’Odontostomatologie, de Médecine, des Universités de Bouaké et de Cocody, se fait uniquement à l’Université d’Abobo-Adjamé. En plus de cela, nous avons nos UFR classiques. Aujourd’hui, d’une manière ou d’une autre, cela affecte les Universités au plan national. C’est un gros problème que nous allons devoir résoudre avec toute la Côte d’Ivoire.
K.Parfait
kaparfait@yahoo.fr