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Politique Publié le mardi 19 avril 2011 | L’Inter

Changement de régime / La vie des prisonniers pro-Gbagbo au Golf hôtel - Plusieurs miliciens relâchés

© L’Inter Par DR
Offensive des Forces républicaines: vue de mercenaires et miliciens faits prisonniers
Pro Ivory Coast strongman Laurent Gbagbo militiamen are pictured after their capture on April 11, 2011 at in Abidjan
Après la levée du blocus militaire et la chute de l'ex-chef d'Etat, Laurent Gbagbo, nous avons fait, par voie terrestre, une visite au Golf hôtel, QG du président de la République, Alassane Ouattara, hier lundi 18 avril 2011. Au niveau de l'église Saint Jean de Cocody, la vie reprend son cours. Les taxis communaux et intercommunaux appelés « woro-woro » reprennent du service. De l'église Saint Jean au siège du PDCI surveillé par des éléments des Forces républicaines de Côte d'Ivoire (FRCI), la circulation est fluide. La prudence est cependant de mise, compte tenu de l'absence des Forces régulières; une situation qui n'incite pas les populations à sortir massivement. Du siège du PDCI, nous mettons le cap sur le Golf hôtel. Sur la voie, ce sont les véhicules de type 4X4 des FRCI qui font la loi. Au niveau du carrefour Marie Thérèse Houphouët Boigny, du nom de l'épouse du premier président de la République, autrefois tenu par les Forces militaires loyales à l'ex-chef d'État, nous apercevons un char de l'Opération des Nations unies en Côte d'Ivoire (ONUCI). 100 mètres plus loin, à quelques encablures de la résidence privée du président Ouattara, un impressionnant dispositif des casques bleus monte la garde. Le passage ne se fait pas automatiquement. Il faut décliner son identité avant de continuer son chemin. Un chemin dévié volontairement pour des mesures de sécurité. Après un contrôle de routine, des éléments des casques bleu nous laissent passer. Nous bifurquons à gauche, puis à droite pour sortir devant le Golf hôtel. Là encore, nous sommes contrôlés par des éléments des FRCI en collaboration avec des jeunes militants du RHDP. Au portail, il nous faut indiquer les motifs de notre présence au Golf hôtel et se faire accompagner d'un membre du service communication d'Alassane Ouattara. Après avoir laissé nos pièces d'identité aux contrôleurs, nous sommes conduits dans le hall de l'hôtel où nous découvrons plusieurs policiers, gendarmes et militaires. Des personnes, qui ne s'étaient sans doute pas vue depuis un long moment, se font des accolades.

Le bal des prisonniers

Nous apercevons plusieurs personnalités civiles, militaires et policières dont le Directeur adjoint de la Police nationale. Nous avons également aperçu l'ambassadeur Gnamien Yao, Directeur de campagne de Laurent Gbagbo chargé de la diaspora. Vêtu d'un tee-shirt blanc, d'un pantalon noir avec une paire de tapette, il a traversé le hall pour s'engouffrer dans le bar climatisé de l'hôtel, aménagé, dit-on, pour héberger les proches de Gbagbo arrêtés avec lui dans la résidence présidentielle. Lui n'était pas dans la résidence présidentielle au moment de l'arrestation de Laurent Gbagbo. Il se serait rendu au Golf pour bénéficier de la protection des FRCI en vue d'échapper aux représailles. Nous avons vu sortir de cette « prison doré » Diabaté Beh, proche du président de l'Assemblée nationale, Mamadou Koulibaly, arrêté en même temps que Laurent Gbagbo. Il était vêtu d'un tee-shirt blanc et d'un pantalon jean avec une paire de chaussure fermée, style bon-chic bon-genre, accompagné d'un casque bleu et d'un membre de la sécurité du hall. Il paraissait très détendu. « Ils sont tous ici. Nourris au frais de Ouattara », nous a soufflé, ironique, un locataire du Golf hôtel. En fait, ces collaborateurs de l'ex-chef d'État sont repartis en trois endroits différents. La première catégorie loge dans un hôtel huppé de la place sous la protection des casques bleus et des FRCI. La deuxième et troisième catégorie logent au Golf hôtel dans des endroits différents. Si les parents de Gbagbo, ainsi que certains de ses proches collaborateurs dont son épouse, Simone Gbagbo, occupaient deux suites avant d'être relâchés, d'autres sont hébergés dans le bar climatisé aménagé pour les recevoir. Ils sont accompagnés dans les toilettes chaque fois qu'ils en éprouvent le besoin par des éléments des casques bleus. Interdit de s'aventurer, pour un simple visiteur, au bar climatisé qui est très surveillé. La directrice de campagne de Laurent Gbagbo chargée des femmes, Geneviève Bro Grébé y loge. Munie de béquilles, elle préfère aller dans les toilettes en empruntant les escaliers qui donnent sur l'arrière de l'hôtel pour éviter les regards des militants du RHDP dans le hall, contrairement à plusieurs « prisonniers ». D'autres personnalités ont été amenées ailleurs, dans une destination qui ne nous a pas été révélée.

Anecdotes et bruits de couloir

C'est le cas de Me Baï Patrice, l'un des chefs de la sécurité de l'ancien président de la République. Sur le compte des personnalités pro-Gbagbo arrêtées, plusieurs anecdotes, aussi bien hilarantes qu'irréalistes, circulent. Ainsi, un proche de Ouattara nous a raconté que Laurent Gbagbo aurait demandé, sur un ton de plaisanterie, du poulet braisé le lendemain de son arrestation, et de la bouillie pour son épouse, indiquant qu'elle aime beaucoup jeûner. Concernant Bro Grébé, un élément des FRCI nous a indiqué qu'elle leur a demandé, le jour de son arrestation, de tout faire d'elle, à condition de la laisser partir. « Nous avons refusé et exigé qu'elle embarque dans le véhicule avec les autres », nous a-t-il révélé. Nous n'avons pu apercevoir Jean-Jacques Béchio, un autre partisan de Laurent Gbagbo, qu'on dit blessé. « Il a du sparadrap partout sur son visage », nous a confié un militant du RHDP. Un membre du cabinet de Ouattara que nous avons interrogé ne confirme, ni n'infirme la présence de l'inspecteur général de l'État, Aboudramane Sangaré, arrêté avec sa mère à la résidence présidentielle. « Ils étaient là, mais aujourd'hui, je n'en sais rien. Eux occupaient une suite avec les parents et les petits enfants de Laurent Gbagbo », nous a-t-il déclaré. Ce lundi, nous avons aperçu plusieurs journalistes de la Radio télévision ivoirienne (RTI) venus rencontrer, pour certains, le nouveau Directeur général, Brou Aka Pascal, et pour d'autres, commencer le travail pour le compte de la TCI, qui fait désormais office de télévision nationale. Le nouveau Dg de la RTI, qui a convoqué une réunion avec le personnel de la télévision national le mercredi prochain, est apparu dans le hall heureux et distribuant des poignets de main et des sourire à ses partisans. Devant le hall, nous assistons à un ballet incessant de grosses cylindrées desquelles sortaient des ministres du nouveau gouvernement et d'ex-ministres venus offrir leurs services. Notre attention s'est portée sur un camion transportant plusieurs soldats qui vibraient au rythme d'une chanson qui célébrait la victoire d'Alassane Ouattara. Ceux-ci, les kalachnikovs brandies en signe de victoire, ont dansé pendant plusieurs minutes devant le hall sous les flashes des photographes et caméramen de la presse internationale. Quelques instants plus tard, nous voyons une trentaine de miliciens arrêtés par les FRCI regagner leurs domiciles. Main dans la main, ces jeunes, le torse nu pour certains, drapés de tee-shirts pour d'autres, entonnaient des chants de remerciement à l'endroit d'Alassane Ouattara. « Papa merci », pouvait-on entendre de la bouche de ces jeunes détenus depuis plusieurs jours au terrain de tennis du Golf hôtel. Une manière pour le nouveau pouvoir de marquer la conscience de ces jeunes en leur offrant une chance de se racheter.

Y.DOUMBIA
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