A Abidjan, tout comme dans les villes de l’intérieur où la France a déversé des bandes armées, les exactions se multiplient contre les populations civiles pro-Gbagbo. En tout cas, c’est un crime qui vous vaut directement la pendaison, comme au temps de la guillotine. K.B., un jeune de l’intérieur n’en revient pas. Il est traumatisé peut-être à vie pour avoir assisté, il y a une semaine, en directe à l’assassinat de son frère. Qu’est-ce que les rebelles lui reprochaient ? Lisez plutôt : « Mon frère en avait mare d’être enfermé dans la maison. Un matin, il est sorti avec un teeshirt à l’effigie du Président Gbagbo. Parce que pour lui, Alassane ayant pris le pouvoir, il n’y avait plus de problème. Chacun pouvait afficher son opinion. On l’en a dissuadé, mais il est resté ferme. Dès qu’il est sorti de la maison, il a été cueilli par des rebelles qui l’ont traîné chez lui, pour l’assassiner à bout portant devant même ses enfants », relate-t-il. C’est un cas parmi tant d’autres. Mme N. B. est quasiment dans le même cas. Fidèle à son église, elle a vécu l’horreur, l’inhumanité des hommes que la France protège en Côte d’Ivoire : « J’étais à un carrefour, non loin de chez nous. C’est là que j’ai été abordée par des rebelles qui ont tenté même de me draguer. J’ai eu le malheur de leur montrer mon mari et mon domicile. Et c’est cela qui a coûté la vie à mon mari. Le lendemain, ils sont revenus l’assassiner devant moi. Et j’ai reconnu ceux qui m’avaient draguée », explique la dame. La peur au ventre, Mme N. B. est aujourd’hui récluse, par la volonté des hommes que la France protège en Côte d’Ivoire. Et souvent même, elle vit, enfermée, par peur. En un temps record, tout s’est écroulé autour d’elle. Et elle ne fait que couler des armes. Et comme elle, plusieurs milliers d’Ivoiriens vivent enfermés chez eux. Car les hommes à Alassane font la chasse à tous ceux qui se réclament de Gbagbo. Ils mènent en plus un combat à fort relent ethnique, avec une épuration à visage découvert. N’Cho A., jeune étudiant relate le calvaire qu’il a vécu à Adjamé : « J’étais dans un gbaka et nous sommes arrivés à un poste de contrôle tenu par des rebelles. Après avoir contrôlé les pièces, ils m’ont demandé de descendre. Et il y avait sept autres personnes avec moi. Ils nous ont dit : c’est vous qui supportez Gbagbo, vous allez voir. Nous avons été mis à nu. On nous a fait subir toutes les humiliations. Nous avons été sauvés par une détonation d’arme lourde dans les environs. Ils nous ont abandonnés là en courant dans tous les sens. On ne peut pas dire qu’ils fuyaient, mais ça avait tout l’air. » Aujourd’hui N’Cho en parle avec amertume. Il reconnait que la Côte d’Ivoire qui était bien partie malgré ses quelques problèmes, a fait un pas de plus 50 an en arrière. « On est retourné à l’Etat sauvage », déplore-t-il, le menton entre les mains.
K. Mariane
K. Mariane