Le conseiller spécial du Premier ministre aborde dans cet entretien exclusif les sujets brûlants de l’actualité. Il accuse Mamadou Koulibaly de préparer une nouvelle forfaiture avec la convocation d’une session illégale de l’ancien parlement. Des vérités crues.
Il est de plus en plus question de négociations autour de la formation du nouveau gouvernement. Qu’en est-il exactement ?
Il est vrai que nous avons lu dans certains journaux qui soutenaient l’ancien régime du Fpi les informations relatives à des négociations pour former ce gouvernement. Connaissant les méthodes du président de la République, Alassane Ouattara, je ne pense pas que ces informations soient vraies. M. Ouattara n’a aucun problème pour former un gouvernement. Il est dans une coalition avec des personnalités politiques de premier ordre comme le président Henri Konan Bédié et le Premier ministre Guillaume Soro. Et nous savons que la question de la formation du gouvernement ne fait pas l’objet de débat en ce moment dans les différents états-majors. Quand il a rencontré le président Bédié jeudi, le chef de l’Etat a indiqué que le gouvernement sera formé après la cérémonie d’investiture qui aura lieu dans la deuxième quinzaine du mois de mai. Certaines personnes souhaiteraient voir leur parti, sans doute le Fpi, intégrer le gouvernement. Pendant la campagne électorale, le président Ouattara avait déjà promis un gouvernement d’union nationale. Ce gouvernement concerne toutes les forces politiques majeures dans le pays. Pour l’heure, aucune fixation ne devrait être faite autour du gouvernement. Celui qui a été formé le 5 décembre est au travail. Les urgences doivent concerner la sécurisation de la ville d’Abidjan. Je pense que c’est ce qui fait l’objet des discussions actuellement au niveau de l’exécutif ivoirien.
Le nouveau gouvernement, ce sera avec Guillaume Soro comme Premier ministre ou pas ?
En ma qualité de conseiller spécial du Premier ministre, j’ai suivi l’actualité depuis sa nomination. Dans son adresse à la nation le 8 avril, le chef de l’Etat a renouvelé sa confiance au Premier ministre, ministre de la Défense. Et, c’est en tant que tel qu’il lui confie de nouvelles responsabilités, quant au suivi du retour en caserne des différentes forces combattantes, quant au retour des policiers dans les commissariats et des gendarmes dans les brigades. Nous ne pensons pas qu’il faille ouvrir un nouveau débat sur cette question. Il est vrai que certaines personnes ont voulu se voir nommées Premier ministre. Pour l’heure, Soro Guillaume a une mission, il ne l’a pas encore totalement accomplie. Et, il reviendra au président de la République, sans doute avec son allié le président Bédié, de décider de retirer la confiance à M. Soro ou de lui renouveler cette confiance.
Ne craignez-vous pas que l’idée selon laquelle M. Soro s’accroche à la primature ne fasse son chemin au sein de l’opinion ? D’autant que le poste a été promis au Pdci par le président Ouattara.
Pour ceux qui aiment qu’on leur dise certaines vérités, on pourrait leur rétorquer que Guillaume Soro n’est pas un planton de service. Il n’est pas chargé de venir nettoyer un fauteuil pour le céder à une autre personne. Nous pensons que c’est parce qu’il a le profil que M. Soro est Premier ministre. Nous pensons que c’est parce qu’il a les compétences nécessaires que le président l’a nommé à la primature. Remarquons que le secrétaire général des Forces nouvelles a été nommé dans une période de crise, lorsque M. Gbagbo, candidat du Fpi a été battu mais a refusé de céder le pouvoir.
Nous sommes toujours dans cette situation exceptionnelle. Il n’est pas exclu qu’un jour M. Soro quitte la primature et que le président de la République confie cette institution au Pdci, conformément à l’engagement électoral qu’il a pris. Mais, reconnaissons que la situation ne s’y prête pas pour le moment. Je n’ose pas interpréter les avis du président Ouattara. J’ose croire que le jour où tout rentrera dans l’ordre, le jour où la situation du pays s’y prêtera, M. Soro pourrait prendre la décision lui-même de quitter la primature, en concertation bien évidemment avec le chef de l’Etat. Ce jour-là, le Pdci pourra désigner ce Premier ministre tant attendu.
Les négociations vont impliquer l’ancien parti au pouvoir. Depuis quelques jours, les barons de ce parti commencent à donner de la voix. Malheureusement, le ton de ces sorties choque l’opinion nationale. Quelle est votre avis sur la question ?
Je ne pense pas qu’il puisse y avoir de négociations pour mettre en place un gouvernement ouvert au Fpi. Des négociations pour dire quoi ? Que ceux qui ont tué hier rentrent au gouvernement ? je pense que ce serait indécent pour les Ivoiriens de voir les tueurs d’hier intégrer ce gouvernement. On nous dira que tous les responsables du Fpi n’ont pas été impliqués dans cette crise. Mais nous pensons qu’il existe des visages neufs. Nous savons qu’il existe des cadres compétents au Fpi qui, certainement, n’ont pas eu le courage de dénoncer ces dérives meurtrières. Il appartiendra au président de la République de désigner ces représentants du Fpi qui vont intégrer ce gouvernement d’union nationale. Il avait pris l’engagement avant l’élection. Durant la crise, il l’a réitéré devant l’Union africaine et l’Onu. Nous pensons qu’il tiendra parole. Mais, nous ne pensons pas que le Fpi ait aujourd’hui des droits pour imposer ceux qui doivent rentrer dans le gouvernement. En son temps, ni M. Bédié, encore moins M. Ouattara, en tant qu’opposants au régime de M. Laurent Gbagbo n’avaient imposé des noms pour être membres du gouvernement. Donc, je pense qu’il n’est pas exclu que M. Ouattara qui aime bien son pays procède de la même manière.
Mais, est-ce qu’au nom de la réconciliation, le président de la République ne serait pas amené à accepter ces barons comme interlocuteurs ?
Au nom de la réconciliation, M. Ouattara est tenu d’avoir des interlocuteurs, mais des interlocuteurs crédibles. Aujourd’hui, M. Mamadou Koulibaly qui est 3ème vice-président du Fpi est un interlocuteur. Je ne sais pas s’il existe d’autres interlocuteurs aussi crédibles. Je sais que M. Alcide Djédjé qui était un collaborateur fidèle de l’ancien président Gbagbo est un interlocuteur. Certes, ce n’est pas à nous de désigner des interlocuteurs. Mais, je dis qu’il appartiendra au Fpi d’avoir un peu de décence, d’élégance pour désigner un interlocuteur crédible. On ne viendra pas proposer à ceux qui ont gagné les élections des gens qui ont les mains tachées de sang pour venir imposer des points de vue. C’est pourquoi je ne suis pas d’accord avec certains journaux qui disaient ce matin que le Fpi avait des exigences pour intégrer le gouvernement. La seule exigence que ce parti devrait avoir c’est de demander que la lumière soit faite sur tous ces crimes, toutes ces abominations…
Justement, l’opinion nationale a le sentiment que le Fpi est en train de revenir à la surface le verbe haut, avec une certaine arrogance. Cela ne posera-t-il pas un problème par rapport aux entretiens avec le président de la République ?
Effectivement, l’opinion a peur que le Fpi ne revienne en première ligne. Les gens craignent de voir un parti qui est passé de la gauche à l’extrême droite revenir occuper une place dans un pays meurtri par dix années de crise majeure. C’est à ce niveau -que les citoyens et la société civile devraient donner de la voix pour interpeller les nouvelles autorités. Le dernier mot ne doit pas revenir aux acteurs politiques. Il appartiendra aux Ivoiriens de se faire entendre, aux intellectuels de dénoncer cette imposture du Fpi, de demander des comptes à ce parti. C’est ce que j’appelle le procès du Fpi. Ce n’est pas au président de la République de faire le procès de ce parti, mais aux Ivoiriens qui ont souffert des agissements du Fpi.
Procès devant les juridictions ?
Non. Pour moi, il s’agit de situer les responsabilités des uns et des autres dans la crise. Parce que cette crise, on a beau le dire, n’est pas tombée du néant. Elle a commencé dès la fin des années 90, lorsque le Fpi a embouché le discours nationaliste. Aujourd’hui, nous payons cher. On a vu des gens être brûlées vifs pendant que leurs bourreaux chantaient l’Abidjanaise (ndlr, hymne national), parce que le Fpi le leur a demandé.
Après la deuxième guerre mondiale, on a fait le procès de l’église catholique, qui a laissé des Juifs, réfugiés dans des églises, se faire par des nazis . L’église a reconnu son tort. En Côte d’Ivoire, nous devons avoir le courage de mener ce débat autour de la responsabilité du Fpi. Il est vrai que le président prône le pardon et la réconciliation. Mais, on ne saurait parler de réconciliation et de pardon sans la repentance.
Or, tous les cadres du Fpi qui ont donné de la voix après la chute de M. Laurent Gbagbo n’ont pas eu la décence de présenter des excuses à la Côte d’Ivoire pour tout le tort qui a été fait. Nous n’avons pas vu M. Mamadou Koulibaly demander pardon aux Ivoiriens pour ce qui s’est passé. Nous n’avons pas vu M. Laurent Dona Fologo, président du Conseil économique et social, membre de La majorité présidentielle, demander pardon. Nous n’avons pas vu M. Yao N’dré assumer sa part de responsabilité dans ce qui s’est passé. Ce qui signifie qu’au niveau du Fpi, il y a encore problème. Et, les Ivoiriens ne doivent pas se laisser distraire. Parce qu’il importe que ce parti reconnaisse les torts causés à ce pays et présente ses excuses. Il faut que le parti de M. Gbagbo reconnaisse qu’en dix ans de pouvoir, il a choisi le chaos, plutôt que la voie de l’unité, de l’espérance.
Vous avez donc le sentiment que le Fpi n’entend pas assumer son bilan ?
A mon avis, le Fpi ne donne pas l’impression de vouloir reconnaître ses erreurs. Or, il faut que ce parti assume son bilan. Aujourd’hui, on parle d’impunité en Côte d’Ivoire. Je crois que les Ivoiriens doivent se donner les moyens nécessaires, doivent avoir le courage de mettre fin à l’impunité. Cela passe avant tout par la repentance et la vérité. Qu’est-ce qui s’est passé ? Il faut qu’on établisse les faits.
Faut-il pour cela une commission spéciale d’enquête ? Etant entendu qu’un forum vérité et réconciliation sur le modèle sud-africain mettra du temps alors que d’ici là il faudra organiser la collaboration avec les uns les autres au sein du gouvernement d’union.
Il y a quelques jours, j’ai entendu le président de l’Assemblée nationale qui parle de respect des institutions, de légalité. Je crois que les textes de l’assemblée lui donnent le pouvoir d’installer les commissions spéciales pour faire la lumière sur les évènements dans le pays. Malheureusement, cette assemblée n’a jamais été aussi disqualifiée pour faire ce travail. Malheureusement, très peu d’Ivoiriens mesurent l’urgence et la nécessité de faire la lumière sur tous ces évènements passés. Aujourd’hui, tout le monde est obnubilé par l’appel du président qui parle de réconciliation et de pardon. Nous avons une justice. La Constitution reconnaît la séparation des pouvoirs. Il faut que les citoyens aient le courage de porter plainte. Soit des plaintes collectives, soit des plaintes individuelles. Il n’y a pas un délai prescrit pour le faire. Dès que les institutions nationales seront fonctionnelles, chacun des Ivoiriens qui s’est senti floué par le Fpi doit avoir le courage de déposer une plainte. Contre des individus qui ne portaient pas de cagoule, on ne doit pas attendre. Ce n’est pas au président de le faire. Les citoyens peuvent saisir les juridictions nationales ou internationales, en Belgique par exemple. C’est l’occasion de demander à la société civile d’encadrer les citoyens victimes du Fpi.
L’ex-président de l’Assemblée nationale qui a été reçu par le président de la République a parlé de l’Etat de droit. Il a évoqué la nécessité d’inscrire le début de mandat dans le respect du droit et de la Constitution. Quelle est votre avis sur ces propos qui dérangent ? Est-ce que le président doit se présenter devant l’ex-parlement ?
M. Mamadou Koulibaly est issu du Fpi, un parti qui a toujours prôné le respect du droit mais qui ne l’a jamais respecté. Lorsque par un coup de baguette magique, le président du Conseil constitutionnel a inversé les résultats pour proclamer le candidat Laurent Gbagbo vainqueur, nous n’avons pas entendu M. Mamadou Koulibaly dénoncer fermement cette forfaiture. Il aurait pu rappeler ses camarades de parti au respect du droit.
Aujourd’hui, quand il demande au nouveau gouvernement de se conformer au droit, je pense que c’est lui qui ne comprend pas le droit. Le président de la République n’est pas tenu de passer par le parlement pour faire valider toutes les décisions qu’il prend. Parce que c’est le Conseil constitutionnel, en tant qu’institution, qui est chargé de vérifier la validité des décisions prises avec la Constitution. M. Koulibaly est membre du Fpi et au niveau de ce parti, ils ne sont pas prêts à reconnaître ce qu’ils ont fait.
A notre avis, Mamadou Koulibaly n’est pas dans le vrai. Et, il ferait mieux de s’apprêter à demander pardon pour ce que son parti a fait.
Donc selon vous le président de la République ne gagnerait rien à se présenter devant les anciens députés ?
Notre position est simple. L’Assemblée nationale actuelle a perdu toute légitimité depuis la fin de l’année 2010. Notre constitution et le règlement de l’Assemblée nationale le disent. La durée du mandat d’un député est de 5 ans. En 2005, on aurait dû renouveler le parlement.
Cela n’a pas été fait. Certaines instances internationales avaient proclamé la dissolution de ce parlement. Alors qu’on prône le droit. M. Mamadou Koulibaly et je dirais l’ensemble des députés n’ont pas vu d’objection à ce que leur mandat soit prorogé. Ils ont bénéficié de deux législatures sans passer devant le peuple. Aujourd’hui, on note avec surprise une invitation faite au président de la République d’aller devant le parlement pour le 27 avril prochain.
A notre sens, M. Mamadou Koulibaly est à la recherche d’une nouvelle légitimité, d’une nouvelle législature sans élection. Si les Ivoiriens le laissent convoquer cette session le 27 avril, c’est une nouvelle forfaiture. Parce que M. Mamadou Koulibaly se verrait ouvrir 5 nouvelles années sans élection. Avouons que c’est trop. Depuis 1960, les députés ont renouvelé leur mandat tous les cinq ans. Ici, on verra, pour la première fois dans l’histoire de notre pays, des députés sans élections pendant 15 ans. Si jamais on ouvre cette saison, on leur aura donné une nouvelle légitimité, une nouvelle immunité. Et, à ce niveau, nous disons qu’il y a un piège. Nous ne sommes certes pas des juristes. Mais, nous disons que si l’Assemblée nationale siège le 27 avril prochain, avec la caution du président de la République, on aura donné une nouvelle immunité à Mme Simone Gbagbo qui est dans le viseur de la justice nationale et des juridictions internationales. Ou aura donné la légitimité à ces ex-députés refugiés à l’hôtel La Pergola, et qui attendent certainement l’ouverture de cette session pour brandir les écharpes de Côte d’Ivoire pour dire qu’ils sont sous immunité parlementaire. Mieux, pour que Mme Simone Gbagbo soit poursuivie, il faudra que le parlement se réunisse pour lever son immunité. Alors qu’elle n’a plus d’immunité. Donc, c’est un piège que M. Mamadou Koulibaly a tendu au président de la République. Et, nous savons que le président n’ira pas à ce rendez-vous d’une assemblée sans légitimité et dont le mandat a pris fin depuis 2005.
Ceux qui s’intéressent à l’histoire de notre pays peuvent se référer à un article de la Constitution de la première République qui disposait que le mandat du député prend fin avec celui du président de la République. Il est vrai que de façon malicieuse, cet article a disparu de la nouvelle constitution, mais, celle-ci dit clairement que la durée du mandat est de 5 ans.
Donc, selon vous, la session que Mamadou Koulibaly s’apprête à ouvrir le 27 avril est illégale et anticonstitutionnelle ?
Il s’agit de demander à tous les juristes de Côte d’Ivoire. Ils vont constater avec tout le monde que cette session est sans légalité. C’est une nouvelle forfaiture qu’il faut avoir le courage de dénoncer. Mamadou Koulibaly n’est plus président de l’Assemblée nationale, son mandat a expiré depuis 2005. C’est M. Gbagbo qui lui avait donné une nouvelle légitimité. Le mandat de M. Gbagbo a expiré avec celui de l’Assemblée nationale. Il faut arrêter de se moquer des Ivoiriens. Quand la loi nous arrange, nous appelons à la respecter. Dans le cas contraire, nous voulons forcer. Il ne s’agit plus de forcer. Nous sommes dans une nouvelle ère, le président a annoncé une nouvelle page pour le pays. Sur cette page, la seule autorité légitime et légale qui est reconnue, c’est le président de la République. C’est lui seul qui a été élu, c’est lui seul qui a compétence pour prendre les décisions.
On pourrait vous rétorquer qu’on a procédé à des arrangements pour sortir de la crise que nous vivons depuis 2002…
Les derniers arrangements dont nous avons connaissance sont ceux pris par le Cpc (Cadre permanent de concertation) qui demandaient l’organisation des élections et le renouvellement du parlement. Le parlement aurait dû être renouvelé depuis le début de l’année 2011, n’eût été le hold-up électoral du Fpi. Et puis, pour revenir sur la question de l’Assemblée nationale, elle ne représente pas toute la Côte d’Ivoire. Il faut se rappeler qu’en 2000, cette assemblée a été élue sans un candidat issu du Rdr.
Les 3 et 4 décembre 2000, il y a eu des morts. Tous des militants du Rdr lâchement assassinés parce qu’ils protestaient contre le rejet de la candidature de M. Ouattara à Kong. Il y a eu des viols de femmes qualifiés de mérités par Mme Simone Gbagbo. Il ne faut pas souiller la mémoire de toutes ces victimes de 2000. Le Rdr n’a jamais reconnu la légitimité de ce parlement. Et, les accords de paix ont fait fi de l’assemblée nationale. Ainsi, depuis 2005, le budget de l’Etat a été adopté par ordonnance pour éviter d’aller cautionner l’illégalité de ce parlement. Nous devons avoir le courage de mener le débat. Je dirais même qu’avec un peu d’éthique, les députés eux-mêmes devaient rappeler M. Mamadou Koulibaly à l’ordre et lui demander de prononcer lui-même la dissolution de l’Assemblée nationale.
Que doivent faire les ex-députés du Pdci étant entendu que leur parti est membre du Rhdp dont le candidat a été élu ?
La loi dit que le député est le représentant du peuple. Là, le peuple n’a pas renouvelé le parlement. Aucune disposition de la loi ne prévoit une reconduction tacite de mandat de député. Nous sommes restés dans une forfaiture parlementaire depuis 2005. Nous pensons qu’il faut y mettre fin. Au nom de la mémoire de tous ces morts, depuis le 16 décembre 2010, au nom de toutes les femmes qui ont été assassinées à Abobo, de toux ces jeunes qui ont été assassinés parce qu’ils protestaient contre la confiscation du pouvoir, de toutes les personnes qui ont donné leur vie pour restaurer la démocratie en Côte d’Ivoire, les députés, toutes tendances confondues, doivent se racheter. Ils doivent avoir le courage d’interpeller les membres de l’ancien parlement pour dire : « La législature c’est 5 ans, nous avons déjà eu 10 ans, ça suffit ! Demandons au gouvernement de prendre les dispositions nécessaires afin que les dispositions soient réunies pour renouveler le parlement. » C’est ce qu’il y a à faire. Que nous soyons député membre du Rhdp ou de Lmp, nous devons au nom de toutes ces victimes, au nom de tout ce sang versé en Côte d’Ivoire, renoncer à une troisième législature. Parce que c’est le peuple qui donne le mandat et il ne s’est pas encore exprimé. L’Assemblée nationale doit cesser de fonctionner.
Concernant la question des droits de l’Homme qui agite certains médias, les organisations de droit de l’Homme pointent ce qui se passe à l’Ouest. Quel est votre avis là-dessus ?
Aucun combattant de la liberté, aucun amoureux de la démocratie ne peut cautionner une violation de droit de l’Homme. C’est pour cela que tout de suite, quand les accusations ont fusé de partout, le président de la République et le Premier ministre, Soro Guillaume, ont demandé qu’il y ait des enquêtes impartiales afin de situer les faits, situer les responsabilités et prendre des sanctions. Nous avons tout de suite vu que ceux qui entretenaient ce débat avaient immédiatement désigné les coupables. Certains n’ont pas manqué de dire que c’est le Premier ministre Soro Guillaume. Nous savons que c’est de la manipulation, c’est une machination politique.
Comment se fait-il que l’Onuci ait pu avancer ces chiffres sans enquête ?
C’est ce que je vous dis. Il n’y a pas seulement qu’en Afrique ou en Occident où on parle de personnes à la moralité douteuse. Je suis désolé de le dire, mais il faut que l’Onu ait le courage d’ouvrir des enquêtes au sein de ses missions pour apprécier le niveau de moralité de ses fonctionnaires.
Vous parlez de machination politique. Qui, selon vous tire les ficelles ?
Moi, j’ai le courage de le dire, M. Soro Guillaume gêne des gens en Côte d’Ivoire, peut-être des adversaires politiques encagoulés. Mais nous estimons que ce n’est pas le moment. M. Soro Guillaume n’est pas en campagne pour briguer un poste politique. Le jour où il sera en campagne, ceux qui ont des preuves contre lui pourront les brandir. Si c’est avéré, on avisera. Parce qu’un homme politique sur qui reposent des crimes de sang doit avoir le courage de renoncer à tout exercice de la fonction politique. Pour l’heure, nous n’en sommes pas là. M Soro Guillaume est au service de son pays, et nous estimons qu’il faut le laisser travailler. Il a besoin de se concentrer. Et je me félicite qu’il ne soit pas ébranlé par toutes ces accusations qui ont fusées çà et là. Mais, le moment viendra où nous allons donner les noms des personnes qui sont concernées par toutes cette machination.
Vous estimez que c’était une manière de l’affaiblir à ce moment difficile ?
A ce moment crucial, nous avons eu des éléments qui montrent que des personnes n’étaient pas contentes de voir Soro Guillaume réussir le pari de faire chuter Laurent Gbagbo. Or il a eu la confiance du président de la République, il a eu la confiance d’Henri Konan Bédié.
Et c’est certainement ce genre d’accusation qui a permis à certains responsables du Fpi de reprendre des forces. Voyez-vous, M. Mamadou Koulibaly sortant d’audience avec le président Alassane Ouattara, n’a pas manqué de dire que des Bété sont pris pour cible dans tel ou tel quartier. M. Guikahué est Bété, Djédjé Mady est Bété. Il y a beaucoup de bété au Rhdp, au Pdci, au Rdr qui n’ont jamais été menacés. Aucun Bété au niveau du Fpi n’a été menacé. Ça me rappelle encore cette autre sortie de Laurent Gbagbo en 2000, après le coup d’Etat, pour dire que celui qui s’attaque aux Baoulé aura affaire à lui. Pour dire qu’à un moment donné, on utilise les questions de droit de l’Homme pour semer la zizanie. Dernière chose que je veux rappeler, c’est la sortie d’Amnesty international. Quelques heures après la chute de Laurent Gbagbo, cette organisation a dit qu’à Yopougon, les Frci font une chasse à l’Homme au sein des pro-gbagbo. Mais aujourd’hui, Amnesty international serait plus inspiré de venir constater ce qui se passe à Yopougon. Les fameux pro-gbago qui seraient pris pour cible par les Frci, ce sont ceux-là qui tuent au quotidien à Yopougon.
Interview réalisée par Kesy B. Jacob
Coll : Raphaël Tanoh
Il est de plus en plus question de négociations autour de la formation du nouveau gouvernement. Qu’en est-il exactement ?
Il est vrai que nous avons lu dans certains journaux qui soutenaient l’ancien régime du Fpi les informations relatives à des négociations pour former ce gouvernement. Connaissant les méthodes du président de la République, Alassane Ouattara, je ne pense pas que ces informations soient vraies. M. Ouattara n’a aucun problème pour former un gouvernement. Il est dans une coalition avec des personnalités politiques de premier ordre comme le président Henri Konan Bédié et le Premier ministre Guillaume Soro. Et nous savons que la question de la formation du gouvernement ne fait pas l’objet de débat en ce moment dans les différents états-majors. Quand il a rencontré le président Bédié jeudi, le chef de l’Etat a indiqué que le gouvernement sera formé après la cérémonie d’investiture qui aura lieu dans la deuxième quinzaine du mois de mai. Certaines personnes souhaiteraient voir leur parti, sans doute le Fpi, intégrer le gouvernement. Pendant la campagne électorale, le président Ouattara avait déjà promis un gouvernement d’union nationale. Ce gouvernement concerne toutes les forces politiques majeures dans le pays. Pour l’heure, aucune fixation ne devrait être faite autour du gouvernement. Celui qui a été formé le 5 décembre est au travail. Les urgences doivent concerner la sécurisation de la ville d’Abidjan. Je pense que c’est ce qui fait l’objet des discussions actuellement au niveau de l’exécutif ivoirien.
Le nouveau gouvernement, ce sera avec Guillaume Soro comme Premier ministre ou pas ?
En ma qualité de conseiller spécial du Premier ministre, j’ai suivi l’actualité depuis sa nomination. Dans son adresse à la nation le 8 avril, le chef de l’Etat a renouvelé sa confiance au Premier ministre, ministre de la Défense. Et, c’est en tant que tel qu’il lui confie de nouvelles responsabilités, quant au suivi du retour en caserne des différentes forces combattantes, quant au retour des policiers dans les commissariats et des gendarmes dans les brigades. Nous ne pensons pas qu’il faille ouvrir un nouveau débat sur cette question. Il est vrai que certaines personnes ont voulu se voir nommées Premier ministre. Pour l’heure, Soro Guillaume a une mission, il ne l’a pas encore totalement accomplie. Et, il reviendra au président de la République, sans doute avec son allié le président Bédié, de décider de retirer la confiance à M. Soro ou de lui renouveler cette confiance.
Ne craignez-vous pas que l’idée selon laquelle M. Soro s’accroche à la primature ne fasse son chemin au sein de l’opinion ? D’autant que le poste a été promis au Pdci par le président Ouattara.
Pour ceux qui aiment qu’on leur dise certaines vérités, on pourrait leur rétorquer que Guillaume Soro n’est pas un planton de service. Il n’est pas chargé de venir nettoyer un fauteuil pour le céder à une autre personne. Nous pensons que c’est parce qu’il a le profil que M. Soro est Premier ministre. Nous pensons que c’est parce qu’il a les compétences nécessaires que le président l’a nommé à la primature. Remarquons que le secrétaire général des Forces nouvelles a été nommé dans une période de crise, lorsque M. Gbagbo, candidat du Fpi a été battu mais a refusé de céder le pouvoir.
Nous sommes toujours dans cette situation exceptionnelle. Il n’est pas exclu qu’un jour M. Soro quitte la primature et que le président de la République confie cette institution au Pdci, conformément à l’engagement électoral qu’il a pris. Mais, reconnaissons que la situation ne s’y prête pas pour le moment. Je n’ose pas interpréter les avis du président Ouattara. J’ose croire que le jour où tout rentrera dans l’ordre, le jour où la situation du pays s’y prêtera, M. Soro pourrait prendre la décision lui-même de quitter la primature, en concertation bien évidemment avec le chef de l’Etat. Ce jour-là, le Pdci pourra désigner ce Premier ministre tant attendu.
Les négociations vont impliquer l’ancien parti au pouvoir. Depuis quelques jours, les barons de ce parti commencent à donner de la voix. Malheureusement, le ton de ces sorties choque l’opinion nationale. Quelle est votre avis sur la question ?
Je ne pense pas qu’il puisse y avoir de négociations pour mettre en place un gouvernement ouvert au Fpi. Des négociations pour dire quoi ? Que ceux qui ont tué hier rentrent au gouvernement ? je pense que ce serait indécent pour les Ivoiriens de voir les tueurs d’hier intégrer ce gouvernement. On nous dira que tous les responsables du Fpi n’ont pas été impliqués dans cette crise. Mais nous pensons qu’il existe des visages neufs. Nous savons qu’il existe des cadres compétents au Fpi qui, certainement, n’ont pas eu le courage de dénoncer ces dérives meurtrières. Il appartiendra au président de la République de désigner ces représentants du Fpi qui vont intégrer ce gouvernement d’union nationale. Il avait pris l’engagement avant l’élection. Durant la crise, il l’a réitéré devant l’Union africaine et l’Onu. Nous pensons qu’il tiendra parole. Mais, nous ne pensons pas que le Fpi ait aujourd’hui des droits pour imposer ceux qui doivent rentrer dans le gouvernement. En son temps, ni M. Bédié, encore moins M. Ouattara, en tant qu’opposants au régime de M. Laurent Gbagbo n’avaient imposé des noms pour être membres du gouvernement. Donc, je pense qu’il n’est pas exclu que M. Ouattara qui aime bien son pays procède de la même manière.
Mais, est-ce qu’au nom de la réconciliation, le président de la République ne serait pas amené à accepter ces barons comme interlocuteurs ?
Au nom de la réconciliation, M. Ouattara est tenu d’avoir des interlocuteurs, mais des interlocuteurs crédibles. Aujourd’hui, M. Mamadou Koulibaly qui est 3ème vice-président du Fpi est un interlocuteur. Je ne sais pas s’il existe d’autres interlocuteurs aussi crédibles. Je sais que M. Alcide Djédjé qui était un collaborateur fidèle de l’ancien président Gbagbo est un interlocuteur. Certes, ce n’est pas à nous de désigner des interlocuteurs. Mais, je dis qu’il appartiendra au Fpi d’avoir un peu de décence, d’élégance pour désigner un interlocuteur crédible. On ne viendra pas proposer à ceux qui ont gagné les élections des gens qui ont les mains tachées de sang pour venir imposer des points de vue. C’est pourquoi je ne suis pas d’accord avec certains journaux qui disaient ce matin que le Fpi avait des exigences pour intégrer le gouvernement. La seule exigence que ce parti devrait avoir c’est de demander que la lumière soit faite sur tous ces crimes, toutes ces abominations…
Justement, l’opinion nationale a le sentiment que le Fpi est en train de revenir à la surface le verbe haut, avec une certaine arrogance. Cela ne posera-t-il pas un problème par rapport aux entretiens avec le président de la République ?
Effectivement, l’opinion a peur que le Fpi ne revienne en première ligne. Les gens craignent de voir un parti qui est passé de la gauche à l’extrême droite revenir occuper une place dans un pays meurtri par dix années de crise majeure. C’est à ce niveau -que les citoyens et la société civile devraient donner de la voix pour interpeller les nouvelles autorités. Le dernier mot ne doit pas revenir aux acteurs politiques. Il appartiendra aux Ivoiriens de se faire entendre, aux intellectuels de dénoncer cette imposture du Fpi, de demander des comptes à ce parti. C’est ce que j’appelle le procès du Fpi. Ce n’est pas au président de la République de faire le procès de ce parti, mais aux Ivoiriens qui ont souffert des agissements du Fpi.
Procès devant les juridictions ?
Non. Pour moi, il s’agit de situer les responsabilités des uns et des autres dans la crise. Parce que cette crise, on a beau le dire, n’est pas tombée du néant. Elle a commencé dès la fin des années 90, lorsque le Fpi a embouché le discours nationaliste. Aujourd’hui, nous payons cher. On a vu des gens être brûlées vifs pendant que leurs bourreaux chantaient l’Abidjanaise (ndlr, hymne national), parce que le Fpi le leur a demandé.
Après la deuxième guerre mondiale, on a fait le procès de l’église catholique, qui a laissé des Juifs, réfugiés dans des églises, se faire par des nazis . L’église a reconnu son tort. En Côte d’Ivoire, nous devons avoir le courage de mener ce débat autour de la responsabilité du Fpi. Il est vrai que le président prône le pardon et la réconciliation. Mais, on ne saurait parler de réconciliation et de pardon sans la repentance.
Or, tous les cadres du Fpi qui ont donné de la voix après la chute de M. Laurent Gbagbo n’ont pas eu la décence de présenter des excuses à la Côte d’Ivoire pour tout le tort qui a été fait. Nous n’avons pas vu M. Mamadou Koulibaly demander pardon aux Ivoiriens pour ce qui s’est passé. Nous n’avons pas vu M. Laurent Dona Fologo, président du Conseil économique et social, membre de La majorité présidentielle, demander pardon. Nous n’avons pas vu M. Yao N’dré assumer sa part de responsabilité dans ce qui s’est passé. Ce qui signifie qu’au niveau du Fpi, il y a encore problème. Et, les Ivoiriens ne doivent pas se laisser distraire. Parce qu’il importe que ce parti reconnaisse les torts causés à ce pays et présente ses excuses. Il faut que le parti de M. Gbagbo reconnaisse qu’en dix ans de pouvoir, il a choisi le chaos, plutôt que la voie de l’unité, de l’espérance.
Vous avez donc le sentiment que le Fpi n’entend pas assumer son bilan ?
A mon avis, le Fpi ne donne pas l’impression de vouloir reconnaître ses erreurs. Or, il faut que ce parti assume son bilan. Aujourd’hui, on parle d’impunité en Côte d’Ivoire. Je crois que les Ivoiriens doivent se donner les moyens nécessaires, doivent avoir le courage de mettre fin à l’impunité. Cela passe avant tout par la repentance et la vérité. Qu’est-ce qui s’est passé ? Il faut qu’on établisse les faits.
Faut-il pour cela une commission spéciale d’enquête ? Etant entendu qu’un forum vérité et réconciliation sur le modèle sud-africain mettra du temps alors que d’ici là il faudra organiser la collaboration avec les uns les autres au sein du gouvernement d’union.
Il y a quelques jours, j’ai entendu le président de l’Assemblée nationale qui parle de respect des institutions, de légalité. Je crois que les textes de l’assemblée lui donnent le pouvoir d’installer les commissions spéciales pour faire la lumière sur les évènements dans le pays. Malheureusement, cette assemblée n’a jamais été aussi disqualifiée pour faire ce travail. Malheureusement, très peu d’Ivoiriens mesurent l’urgence et la nécessité de faire la lumière sur tous ces évènements passés. Aujourd’hui, tout le monde est obnubilé par l’appel du président qui parle de réconciliation et de pardon. Nous avons une justice. La Constitution reconnaît la séparation des pouvoirs. Il faut que les citoyens aient le courage de porter plainte. Soit des plaintes collectives, soit des plaintes individuelles. Il n’y a pas un délai prescrit pour le faire. Dès que les institutions nationales seront fonctionnelles, chacun des Ivoiriens qui s’est senti floué par le Fpi doit avoir le courage de déposer une plainte. Contre des individus qui ne portaient pas de cagoule, on ne doit pas attendre. Ce n’est pas au président de le faire. Les citoyens peuvent saisir les juridictions nationales ou internationales, en Belgique par exemple. C’est l’occasion de demander à la société civile d’encadrer les citoyens victimes du Fpi.
L’ex-président de l’Assemblée nationale qui a été reçu par le président de la République a parlé de l’Etat de droit. Il a évoqué la nécessité d’inscrire le début de mandat dans le respect du droit et de la Constitution. Quelle est votre avis sur ces propos qui dérangent ? Est-ce que le président doit se présenter devant l’ex-parlement ?
M. Mamadou Koulibaly est issu du Fpi, un parti qui a toujours prôné le respect du droit mais qui ne l’a jamais respecté. Lorsque par un coup de baguette magique, le président du Conseil constitutionnel a inversé les résultats pour proclamer le candidat Laurent Gbagbo vainqueur, nous n’avons pas entendu M. Mamadou Koulibaly dénoncer fermement cette forfaiture. Il aurait pu rappeler ses camarades de parti au respect du droit.
Aujourd’hui, quand il demande au nouveau gouvernement de se conformer au droit, je pense que c’est lui qui ne comprend pas le droit. Le président de la République n’est pas tenu de passer par le parlement pour faire valider toutes les décisions qu’il prend. Parce que c’est le Conseil constitutionnel, en tant qu’institution, qui est chargé de vérifier la validité des décisions prises avec la Constitution. M. Koulibaly est membre du Fpi et au niveau de ce parti, ils ne sont pas prêts à reconnaître ce qu’ils ont fait.
A notre avis, Mamadou Koulibaly n’est pas dans le vrai. Et, il ferait mieux de s’apprêter à demander pardon pour ce que son parti a fait.
Donc selon vous le président de la République ne gagnerait rien à se présenter devant les anciens députés ?
Notre position est simple. L’Assemblée nationale actuelle a perdu toute légitimité depuis la fin de l’année 2010. Notre constitution et le règlement de l’Assemblée nationale le disent. La durée du mandat d’un député est de 5 ans. En 2005, on aurait dû renouveler le parlement.
Cela n’a pas été fait. Certaines instances internationales avaient proclamé la dissolution de ce parlement. Alors qu’on prône le droit. M. Mamadou Koulibaly et je dirais l’ensemble des députés n’ont pas vu d’objection à ce que leur mandat soit prorogé. Ils ont bénéficié de deux législatures sans passer devant le peuple. Aujourd’hui, on note avec surprise une invitation faite au président de la République d’aller devant le parlement pour le 27 avril prochain.
A notre sens, M. Mamadou Koulibaly est à la recherche d’une nouvelle légitimité, d’une nouvelle législature sans élection. Si les Ivoiriens le laissent convoquer cette session le 27 avril, c’est une nouvelle forfaiture. Parce que M. Mamadou Koulibaly se verrait ouvrir 5 nouvelles années sans élection. Avouons que c’est trop. Depuis 1960, les députés ont renouvelé leur mandat tous les cinq ans. Ici, on verra, pour la première fois dans l’histoire de notre pays, des députés sans élections pendant 15 ans. Si jamais on ouvre cette saison, on leur aura donné une nouvelle légitimité, une nouvelle immunité. Et, à ce niveau, nous disons qu’il y a un piège. Nous ne sommes certes pas des juristes. Mais, nous disons que si l’Assemblée nationale siège le 27 avril prochain, avec la caution du président de la République, on aura donné une nouvelle immunité à Mme Simone Gbagbo qui est dans le viseur de la justice nationale et des juridictions internationales. Ou aura donné la légitimité à ces ex-députés refugiés à l’hôtel La Pergola, et qui attendent certainement l’ouverture de cette session pour brandir les écharpes de Côte d’Ivoire pour dire qu’ils sont sous immunité parlementaire. Mieux, pour que Mme Simone Gbagbo soit poursuivie, il faudra que le parlement se réunisse pour lever son immunité. Alors qu’elle n’a plus d’immunité. Donc, c’est un piège que M. Mamadou Koulibaly a tendu au président de la République. Et, nous savons que le président n’ira pas à ce rendez-vous d’une assemblée sans légitimité et dont le mandat a pris fin depuis 2005.
Ceux qui s’intéressent à l’histoire de notre pays peuvent se référer à un article de la Constitution de la première République qui disposait que le mandat du député prend fin avec celui du président de la République. Il est vrai que de façon malicieuse, cet article a disparu de la nouvelle constitution, mais, celle-ci dit clairement que la durée du mandat est de 5 ans.
Donc, selon vous, la session que Mamadou Koulibaly s’apprête à ouvrir le 27 avril est illégale et anticonstitutionnelle ?
Il s’agit de demander à tous les juristes de Côte d’Ivoire. Ils vont constater avec tout le monde que cette session est sans légalité. C’est une nouvelle forfaiture qu’il faut avoir le courage de dénoncer. Mamadou Koulibaly n’est plus président de l’Assemblée nationale, son mandat a expiré depuis 2005. C’est M. Gbagbo qui lui avait donné une nouvelle légitimité. Le mandat de M. Gbagbo a expiré avec celui de l’Assemblée nationale. Il faut arrêter de se moquer des Ivoiriens. Quand la loi nous arrange, nous appelons à la respecter. Dans le cas contraire, nous voulons forcer. Il ne s’agit plus de forcer. Nous sommes dans une nouvelle ère, le président a annoncé une nouvelle page pour le pays. Sur cette page, la seule autorité légitime et légale qui est reconnue, c’est le président de la République. C’est lui seul qui a été élu, c’est lui seul qui a compétence pour prendre les décisions.
On pourrait vous rétorquer qu’on a procédé à des arrangements pour sortir de la crise que nous vivons depuis 2002…
Les derniers arrangements dont nous avons connaissance sont ceux pris par le Cpc (Cadre permanent de concertation) qui demandaient l’organisation des élections et le renouvellement du parlement. Le parlement aurait dû être renouvelé depuis le début de l’année 2011, n’eût été le hold-up électoral du Fpi. Et puis, pour revenir sur la question de l’Assemblée nationale, elle ne représente pas toute la Côte d’Ivoire. Il faut se rappeler qu’en 2000, cette assemblée a été élue sans un candidat issu du Rdr.
Les 3 et 4 décembre 2000, il y a eu des morts. Tous des militants du Rdr lâchement assassinés parce qu’ils protestaient contre le rejet de la candidature de M. Ouattara à Kong. Il y a eu des viols de femmes qualifiés de mérités par Mme Simone Gbagbo. Il ne faut pas souiller la mémoire de toutes ces victimes de 2000. Le Rdr n’a jamais reconnu la légitimité de ce parlement. Et, les accords de paix ont fait fi de l’assemblée nationale. Ainsi, depuis 2005, le budget de l’Etat a été adopté par ordonnance pour éviter d’aller cautionner l’illégalité de ce parlement. Nous devons avoir le courage de mener le débat. Je dirais même qu’avec un peu d’éthique, les députés eux-mêmes devaient rappeler M. Mamadou Koulibaly à l’ordre et lui demander de prononcer lui-même la dissolution de l’Assemblée nationale.
Que doivent faire les ex-députés du Pdci étant entendu que leur parti est membre du Rhdp dont le candidat a été élu ?
La loi dit que le député est le représentant du peuple. Là, le peuple n’a pas renouvelé le parlement. Aucune disposition de la loi ne prévoit une reconduction tacite de mandat de député. Nous sommes restés dans une forfaiture parlementaire depuis 2005. Nous pensons qu’il faut y mettre fin. Au nom de la mémoire de tous ces morts, depuis le 16 décembre 2010, au nom de toutes les femmes qui ont été assassinées à Abobo, de toux ces jeunes qui ont été assassinés parce qu’ils protestaient contre la confiscation du pouvoir, de toutes les personnes qui ont donné leur vie pour restaurer la démocratie en Côte d’Ivoire, les députés, toutes tendances confondues, doivent se racheter. Ils doivent avoir le courage d’interpeller les membres de l’ancien parlement pour dire : « La législature c’est 5 ans, nous avons déjà eu 10 ans, ça suffit ! Demandons au gouvernement de prendre les dispositions nécessaires afin que les dispositions soient réunies pour renouveler le parlement. » C’est ce qu’il y a à faire. Que nous soyons député membre du Rhdp ou de Lmp, nous devons au nom de toutes ces victimes, au nom de tout ce sang versé en Côte d’Ivoire, renoncer à une troisième législature. Parce que c’est le peuple qui donne le mandat et il ne s’est pas encore exprimé. L’Assemblée nationale doit cesser de fonctionner.
Concernant la question des droits de l’Homme qui agite certains médias, les organisations de droit de l’Homme pointent ce qui se passe à l’Ouest. Quel est votre avis là-dessus ?
Aucun combattant de la liberté, aucun amoureux de la démocratie ne peut cautionner une violation de droit de l’Homme. C’est pour cela que tout de suite, quand les accusations ont fusé de partout, le président de la République et le Premier ministre, Soro Guillaume, ont demandé qu’il y ait des enquêtes impartiales afin de situer les faits, situer les responsabilités et prendre des sanctions. Nous avons tout de suite vu que ceux qui entretenaient ce débat avaient immédiatement désigné les coupables. Certains n’ont pas manqué de dire que c’est le Premier ministre Soro Guillaume. Nous savons que c’est de la manipulation, c’est une machination politique.
Comment se fait-il que l’Onuci ait pu avancer ces chiffres sans enquête ?
C’est ce que je vous dis. Il n’y a pas seulement qu’en Afrique ou en Occident où on parle de personnes à la moralité douteuse. Je suis désolé de le dire, mais il faut que l’Onu ait le courage d’ouvrir des enquêtes au sein de ses missions pour apprécier le niveau de moralité de ses fonctionnaires.
Vous parlez de machination politique. Qui, selon vous tire les ficelles ?
Moi, j’ai le courage de le dire, M. Soro Guillaume gêne des gens en Côte d’Ivoire, peut-être des adversaires politiques encagoulés. Mais nous estimons que ce n’est pas le moment. M. Soro Guillaume n’est pas en campagne pour briguer un poste politique. Le jour où il sera en campagne, ceux qui ont des preuves contre lui pourront les brandir. Si c’est avéré, on avisera. Parce qu’un homme politique sur qui reposent des crimes de sang doit avoir le courage de renoncer à tout exercice de la fonction politique. Pour l’heure, nous n’en sommes pas là. M Soro Guillaume est au service de son pays, et nous estimons qu’il faut le laisser travailler. Il a besoin de se concentrer. Et je me félicite qu’il ne soit pas ébranlé par toutes ces accusations qui ont fusées çà et là. Mais, le moment viendra où nous allons donner les noms des personnes qui sont concernées par toutes cette machination.
Vous estimez que c’était une manière de l’affaiblir à ce moment difficile ?
A ce moment crucial, nous avons eu des éléments qui montrent que des personnes n’étaient pas contentes de voir Soro Guillaume réussir le pari de faire chuter Laurent Gbagbo. Or il a eu la confiance du président de la République, il a eu la confiance d’Henri Konan Bédié.
Et c’est certainement ce genre d’accusation qui a permis à certains responsables du Fpi de reprendre des forces. Voyez-vous, M. Mamadou Koulibaly sortant d’audience avec le président Alassane Ouattara, n’a pas manqué de dire que des Bété sont pris pour cible dans tel ou tel quartier. M. Guikahué est Bété, Djédjé Mady est Bété. Il y a beaucoup de bété au Rhdp, au Pdci, au Rdr qui n’ont jamais été menacés. Aucun Bété au niveau du Fpi n’a été menacé. Ça me rappelle encore cette autre sortie de Laurent Gbagbo en 2000, après le coup d’Etat, pour dire que celui qui s’attaque aux Baoulé aura affaire à lui. Pour dire qu’à un moment donné, on utilise les questions de droit de l’Homme pour semer la zizanie. Dernière chose que je veux rappeler, c’est la sortie d’Amnesty international. Quelques heures après la chute de Laurent Gbagbo, cette organisation a dit qu’à Yopougon, les Frci font une chasse à l’Homme au sein des pro-gbagbo. Mais aujourd’hui, Amnesty international serait plus inspiré de venir constater ce qui se passe à Yopougon. Les fameux pro-gbago qui seraient pris pour cible par les Frci, ce sont ceux-là qui tuent au quotidien à Yopougon.
Interview réalisée par Kesy B. Jacob
Coll : Raphaël Tanoh