Dans une interview exclusive, le Président de la Côte d’Ivoire Alassane Ouattara dresse pour La Croix un premier tableau de son action et de ses urgences, deux semaines après l’arrestation de Laurent Gbagbo.
Vous vous êtes directement adressé aux chrétiens pour Pâques. Quel est le sens de cette démarche ?
Notre pays a été malheureusement divisé depuis de nombreuses années. Pâques célèbre la victoire de l’amour sur la haine. Je me suis dit que c’était une opportunité de m’adresser à mes frères et sœurs chrétiens pour leur dire qu’il faudra travailler à ce que le bien soit au-dessus du mal.
Pourtant vous inquiétez une partie des catholiques…
Certains vous diront que quelques membres de la hiérarchie n’ont pas été tout à fait corrects… J’ai aussi reçu des gestes très fraternels de la part d’évêques comme l’archevêque d’Abidjan, Mgr Kutwa et bien d’autres. Le Nonce apostolique a aussi été très bienveillant à mon égard. Seule une minorité s’est laissée prendre par la haine ethnique et religieuse. La majorité des familles ivoiriennes est, comme la mienne, multireligieuse. J’ai des frères et sœurs musulmans, mon épouse est catholique, certains de mes enfants sont protestants, d’autres catholiques. Je compte sur l’aide de l’Église pour nous aider à nous réconcilier et reconstruire le pays.
Comment allez-vous mettre en œuvre la réconciliation ?
Je vais créer d’ici deux semaines une commission Vérité et Réconciliation à l’image de ce qui a été fait en Afrique du Sud. La semaine prochaine, je reçois l’ancien directeur général de l’ONU, Kofi Annan et Desmond Tutu pour en discuter ensemble. J’ai déjà choisi son président, il a accepté. Mais il est trop tôt pour dire son nom. Ce sera un laïc accompagné par deux religieux : un chrétien et un musulman.
Les Ivoiriens ont-ils le désir de vivre ensemble ?
Ils aspirent à la paix. C’est une minorité qui a utilisé la pauvreté des populations pour donner le sentiment que le problème était profond. La télévision y a beaucoup contribué. Cependant, nous n’avons pas vécu à proprement parler une guerre civile, même si selon mes informations, la crise a fait près de 3 000 morts. Depuis le 2 avril, nous avons ramassé 900 cadavres dans les rues. Une guerre civile aurait coûté des centaines de milliers de vies.
Quand pourra être garantie la sécurité de tous les habitants ?
Je me donne jusqu’à la fin du mois de Juin. Cela va déjà beaucoup mieux qu’il y a deux semaines. Il y a encore trop de racket sur les routes. Il faut aussi sécuriser les frontières, mettre un terme aux trafics et entrées clandestins. J’ai envoyé mardi une mission pour faire le point dans l’Ouest où les gens vivent encore dans la peur. Après avoir été à Monrovia pour établir la situation des réfugiés ivoiriens au Liberia, elle doit se rendre à Duékoué pour rencontrer la population. Il y a eu des crimes épouvantables dans cette région.
Quelles sont les trois plus importantes mesures que vous allez prendre ?
Outre la commission Vérité et Réconciliation, axe fort de ma présidence, la deuxième sera la nomination d’un gouvernement d’union nationale, avant fin mai. Y figureront des ministres issus du FPI (le parti de l’ancien Président), à la condition qu’ils me reconnaissent comme Président… ce qui n’est pas encore le cas. En troisième lieu, la mise au travail de l’Administration. Il faut qu’en trois mois, la vie à Abidjan soit à nouveau normale et qu’à l’intérieur du pays, l’essentiel soit disponible : nourriture, médicaments, eau, électricité. J’ai mis en place un programme d’aide d’urgence d’environ 100 millions de dollars. Ensuite, je mettrai en œuvre le programme sur lequel j’ai été élu. Il est très ambitieux. Reconstruire, ce n’est pas le plus dur. Je l’ai fait pour tellement de pays en Afrique, en Asie et bien ailleurs ! J’ai les financements et j’ai la bonne équipe. Mais obtenir la paix et la réconciliation après ce que nous avons vécu depuis des années, c’est bien plus compliqué.
Quand aura lieu votre cérémonie d’investiture ?
Normalement le 21 mai. Plusieurs chefs d’État sont invités, dont le pape Benoît XVI.
Qu’allez-vous faire de Laurent Gbagbo ?
Si je l’ai envoyé dans le nord ainsi que son épouse, c’est pour des raisons de sécurité. À l’hôtel du Golf, nous n’étions pas à l’abri d’un assassinat. Jusqu’à leur jugement, ils sont en résidence surveillée dans des villages liés à ma famille. Quand j’ai annoncé aux maires qu’ils allaient accueillir Simone Gbagbo, j’ai dit que c’était une sœur. Samedi, j’ai envoyé Mgr Antoine Koné évêque d’Odienné, la rencontrer. Elle lui a demandé une Bible et une paire de lunettes. La Bible lui a été aussitôt envoyée, et elle va recevoir les lunettes cette semaine. Je lui ai envoyé une télévision. Je tiens à ce qu’ils ne soient pas logés dans de mauvaises conditions.
Avez-vous des nouvelles des deux Français enlevés au Novotel ?
Non. Je suis très inquiet. J’ai demandé à ce que les responsables militaires arrêtés soient interrogés. Cela n’a encore rien donné.
Que savez-vous de la mort de Philippe Rémond, à Yamoussoukro, le 30 avril ?
Je ne sais pas encore s’il s’agit d’un crime crapuleux ou politique. J’attends les résultats de l’enquête.
Et la vérité sur la disparition du journaliste Guy-André Kieffer ?
C’est un dossier lourd. La justice a été utilisée pour empêcher l’enquête. Je tiens à ce que l’on sache ce qui s’est passé, qui l’a tué.
Vous vous êtes directement adressé aux chrétiens pour Pâques. Quel est le sens de cette démarche ?
Notre pays a été malheureusement divisé depuis de nombreuses années. Pâques célèbre la victoire de l’amour sur la haine. Je me suis dit que c’était une opportunité de m’adresser à mes frères et sœurs chrétiens pour leur dire qu’il faudra travailler à ce que le bien soit au-dessus du mal.
Pourtant vous inquiétez une partie des catholiques…
Certains vous diront que quelques membres de la hiérarchie n’ont pas été tout à fait corrects… J’ai aussi reçu des gestes très fraternels de la part d’évêques comme l’archevêque d’Abidjan, Mgr Kutwa et bien d’autres. Le Nonce apostolique a aussi été très bienveillant à mon égard. Seule une minorité s’est laissée prendre par la haine ethnique et religieuse. La majorité des familles ivoiriennes est, comme la mienne, multireligieuse. J’ai des frères et sœurs musulmans, mon épouse est catholique, certains de mes enfants sont protestants, d’autres catholiques. Je compte sur l’aide de l’Église pour nous aider à nous réconcilier et reconstruire le pays.
Comment allez-vous mettre en œuvre la réconciliation ?
Je vais créer d’ici deux semaines une commission Vérité et Réconciliation à l’image de ce qui a été fait en Afrique du Sud. La semaine prochaine, je reçois l’ancien directeur général de l’ONU, Kofi Annan et Desmond Tutu pour en discuter ensemble. J’ai déjà choisi son président, il a accepté. Mais il est trop tôt pour dire son nom. Ce sera un laïc accompagné par deux religieux : un chrétien et un musulman.
Les Ivoiriens ont-ils le désir de vivre ensemble ?
Ils aspirent à la paix. C’est une minorité qui a utilisé la pauvreté des populations pour donner le sentiment que le problème était profond. La télévision y a beaucoup contribué. Cependant, nous n’avons pas vécu à proprement parler une guerre civile, même si selon mes informations, la crise a fait près de 3 000 morts. Depuis le 2 avril, nous avons ramassé 900 cadavres dans les rues. Une guerre civile aurait coûté des centaines de milliers de vies.
Quand pourra être garantie la sécurité de tous les habitants ?
Je me donne jusqu’à la fin du mois de Juin. Cela va déjà beaucoup mieux qu’il y a deux semaines. Il y a encore trop de racket sur les routes. Il faut aussi sécuriser les frontières, mettre un terme aux trafics et entrées clandestins. J’ai envoyé mardi une mission pour faire le point dans l’Ouest où les gens vivent encore dans la peur. Après avoir été à Monrovia pour établir la situation des réfugiés ivoiriens au Liberia, elle doit se rendre à Duékoué pour rencontrer la population. Il y a eu des crimes épouvantables dans cette région.
Quelles sont les trois plus importantes mesures que vous allez prendre ?
Outre la commission Vérité et Réconciliation, axe fort de ma présidence, la deuxième sera la nomination d’un gouvernement d’union nationale, avant fin mai. Y figureront des ministres issus du FPI (le parti de l’ancien Président), à la condition qu’ils me reconnaissent comme Président… ce qui n’est pas encore le cas. En troisième lieu, la mise au travail de l’Administration. Il faut qu’en trois mois, la vie à Abidjan soit à nouveau normale et qu’à l’intérieur du pays, l’essentiel soit disponible : nourriture, médicaments, eau, électricité. J’ai mis en place un programme d’aide d’urgence d’environ 100 millions de dollars. Ensuite, je mettrai en œuvre le programme sur lequel j’ai été élu. Il est très ambitieux. Reconstruire, ce n’est pas le plus dur. Je l’ai fait pour tellement de pays en Afrique, en Asie et bien ailleurs ! J’ai les financements et j’ai la bonne équipe. Mais obtenir la paix et la réconciliation après ce que nous avons vécu depuis des années, c’est bien plus compliqué.
Quand aura lieu votre cérémonie d’investiture ?
Normalement le 21 mai. Plusieurs chefs d’État sont invités, dont le pape Benoît XVI.
Qu’allez-vous faire de Laurent Gbagbo ?
Si je l’ai envoyé dans le nord ainsi que son épouse, c’est pour des raisons de sécurité. À l’hôtel du Golf, nous n’étions pas à l’abri d’un assassinat. Jusqu’à leur jugement, ils sont en résidence surveillée dans des villages liés à ma famille. Quand j’ai annoncé aux maires qu’ils allaient accueillir Simone Gbagbo, j’ai dit que c’était une sœur. Samedi, j’ai envoyé Mgr Antoine Koné évêque d’Odienné, la rencontrer. Elle lui a demandé une Bible et une paire de lunettes. La Bible lui a été aussitôt envoyée, et elle va recevoir les lunettes cette semaine. Je lui ai envoyé une télévision. Je tiens à ce qu’ils ne soient pas logés dans de mauvaises conditions.
Avez-vous des nouvelles des deux Français enlevés au Novotel ?
Non. Je suis très inquiet. J’ai demandé à ce que les responsables militaires arrêtés soient interrogés. Cela n’a encore rien donné.
Que savez-vous de la mort de Philippe Rémond, à Yamoussoukro, le 30 avril ?
Je ne sais pas encore s’il s’agit d’un crime crapuleux ou politique. J’attends les résultats de l’enquête.
Et la vérité sur la disparition du journaliste Guy-André Kieffer ?
C’est un dossier lourd. La justice a été utilisée pour empêcher l’enquête. Je tiens à ce que l’on sache ce qui s’est passé, qui l’a tué.