Bien qu’ayant perçu deux mois de salaires, les fonctionnaires ont du mal à joindre les deux bouts à cause de l’accumulation de problèmes. A telle enseigne que les priorités des uns ne soient pas forcément celles des autres.
De l’euphorie à la réalité. Les fonctionnaires reviennent de loin. Après deux mois sans argent, puisque contraints de rester calfeutrés chez eux du fait de l’intensification du conflit post-électoral, nombreux sont parmi eux qui ont retrouvé le sourire. En effet, depuis le 28 avril, ils ont pris d’assaut les guichets des banques pour percevoir les deux mois de salaires promis par le président Alassane Ouattara. Deux semaines après cette ruée vers les banques commerciales, comment les fonctionnaires gèrent-ils ces deux mois de salaires? Au regard de l’accumulation des difficultés, force est de constater que les employés de l’Etat ont quitté les nuages de la joie pour revenir sur terre. A l’image de Frédéric A., agent au trésor et père de cinq enfants résidant à Yopougon.
Reconstruire les domiciles pillés
Selon lui, les 2/3 de ces deux mois de salaires se sont vite évaporés parce qu’il fallait faire face à certains engagements nés de la crise. Il s’est «terriblement» endetté pour subvenir aux besoins de sa famille. «A cause de l’aggravation de la crise, j’ai décidé de mettre ma famille (10 personnes y compris ses frères et sœurs) à l’abri. Cela m’a coûté une fortune car j’ai dû débourser la somme 100.000 Fcfa uniquement pour le transport Abidjan-Yamoussoukro. Parce que tout avait augmenté. Sans compter l’argent de la popote», explique-t-il, ce samedi 14 mai. Ajoutant que c’est grâce à la compréhension d’un de ses amis (un opérateur économique) qu’il a pu contracter cette dette. La première priorité visait à respecter ses obligations financières. Aujourd’hui, avec le retour à la normalité, Frédéric A. était contraint de financer une fois encore, le retour de sa famille. Ses enfants devant regagner le chemin de l’école. Ces nombreux imprévus qui ont déséquilibré ses comptes, l’ont amené à mettre certains projets (immobiliers, achat de véhicule,…) en veilleuse. Des projets constitués en majorité sur la base de son épargne. «Les problèmes sont énormes à tel point que pour ces deux mois, je ne pourrai pas constituer d’épargne. Cela suppose que mes différents projets prendront un retard dans leur financement. Mais, quand les choses seront plus claires d’ici la fin de ce mois, je pourrais me réorganiser en conséquence», soutient l’agent du trésor. Le tableau de Coulibaly T., enseignant du public qui habite dans un quartier de Williamsville, est plus que préoccupant. Il a tout perdu chez lui. Son domicile a été totalement pillé par les miliciens de l’ex-chef de l’Etat, Laurent Gbagbo lors des attaques qu’ils ont menées contre les habitants de cette commune. «Ma vie est à refaire. J’ai tout perdu.
Donc, en prenant mes deux mois de salaires, je n’ai pas d’autres choix que de réhabiliter ma maison. Il faut passer des couches de ciment sur certaines parties et refaire la peinture.
Ensuite, je dois meubler l’intérieur de ma maison parce que les criminels de Gbagbo ont détruit les objets qu’ils n’ont pas pu emporter», témoigne-t-il d’une voix sanglotante. Pensez-vous que deux mois de salaires suffiront pour à ces difficultés?, interroge Coulibaly T. qui dit avoir déjà dégagé la somme de 100.000 Fcfa en guise d’avance pour les meubles. Pour lui, une partie des salaires de mai et de juin vont également servir à équiper sa maison. Dans la mesure où il doit acquérir plus tard des appareils électroménagers et autres objets décoratifs. Cet enseignant entend d’ailleurs s’endetter auprès de sa banque pour alléger ses souffrances. «Nous avons espoir que l’Etat fera quelque chose pour nous. Car nous sommes des victimes de la barbarie post-électorale perpétrée par des hommes sans foi ni loi.
Ce que nous avons subi, est indescriptible», souligne-t-il. Malgré cette douleur qu’il n’arrive pas à extérioriser véritablement, l’enseignant trouve la force de se rendre au travail pour dispenser les cours.
Dieu et les sacrifices
«Le pays a besoin de bâtisseurs et non de théoriciens sans vision aucune. Et la Côte d’Ivoire peut gagner beaucoup avec nos nouvelles autorités qui demandent la normalisation rapide pour mettre en œuvre leur projet de société. En dépit des difficultés, nous nous inscrivons totalement dans cette voie qui est celle du développement et du bien-être. Cela commence par la formation. C’est pourquoi, nous n’avons pas hésité à reprendre le travail», affirme-t-il.
Contrairement à ce dernier, K. Sitaf, agent du public qui loge à Yopougon-Niangon a eu plus de chance lors des pillages. En son absence (puisqu’obligé de se réfugier à Cocody-Deux Plateaux), c’est seulement ses appareils électroménagers qui ont été emportés par les truands. Pour lui, c’est l’œuvre de Dieu. «J’avoue que j’étais très heureux lorsque j’ai touché mes deux mois de salaires le vendredi 30 avril. Ma joie est d’autant plus grande que ma maison a été épargnée hormis la télévision, le Vcd et la bouteille de gaz qui ont disparu. Je vais les remplacer très rapidement», fait-il remarquer. A l’en croire, sa petite famille de quatre personnes a quitté Abidjan avant les affrontements. Toute chose qui lui a permis d’amoindrir les dépenses.
«Ma chance, c’est que j’ai un peu anticipé avant que la situation ne dégénère totalement. Je n’ai pas attendu le dernier moment où le transport avait triplé. Et depuis une semaine, ma famille est rentrée», affirme le fonctionnaire qui a pu financer d’ailleurs sa plantation d’hévéas en devenir dans son village. «J’ai envoyé la somme de 70.000 Fcfa aux manœuvres pour l’entretien de ma plantation. Mais avant, j’ai dû régler mes deux mois d’arriérés de loyer et faire un peu de provisions pour la consommation», renchérit K. Sitaf qui entend également payer sa dîme pour rendre grâce à Dieu de l’avoir protégé pendant ces moments d’incertitude. Tout comme lui, Mme Kaba D., attachée administrative, précise qu’en plus des dépenses liées au réaménagement de sa maison saccagée, elle a inscrit dans ses priorités l’immolation d’un mouton pour rendre gloire à Dieu pour avoir étendu son voile protecteur sur sa famille et sur la Côte d’Ivoire. «Aucune dépense n’est plus importante que celle à l’endroit du Tout-Puissant qui nous a épargnés pendant cette grave crise. C’est vrai que cela va certainement me déséquilibrer financièrement mais je tiens à réaliser cette promesse envers mon Protecteur», insiste-t-elle qui dit avoir observé déjà trois jours de jeûne.
Cissé Cheick Ely
De l’euphorie à la réalité. Les fonctionnaires reviennent de loin. Après deux mois sans argent, puisque contraints de rester calfeutrés chez eux du fait de l’intensification du conflit post-électoral, nombreux sont parmi eux qui ont retrouvé le sourire. En effet, depuis le 28 avril, ils ont pris d’assaut les guichets des banques pour percevoir les deux mois de salaires promis par le président Alassane Ouattara. Deux semaines après cette ruée vers les banques commerciales, comment les fonctionnaires gèrent-ils ces deux mois de salaires? Au regard de l’accumulation des difficultés, force est de constater que les employés de l’Etat ont quitté les nuages de la joie pour revenir sur terre. A l’image de Frédéric A., agent au trésor et père de cinq enfants résidant à Yopougon.
Reconstruire les domiciles pillés
Selon lui, les 2/3 de ces deux mois de salaires se sont vite évaporés parce qu’il fallait faire face à certains engagements nés de la crise. Il s’est «terriblement» endetté pour subvenir aux besoins de sa famille. «A cause de l’aggravation de la crise, j’ai décidé de mettre ma famille (10 personnes y compris ses frères et sœurs) à l’abri. Cela m’a coûté une fortune car j’ai dû débourser la somme 100.000 Fcfa uniquement pour le transport Abidjan-Yamoussoukro. Parce que tout avait augmenté. Sans compter l’argent de la popote», explique-t-il, ce samedi 14 mai. Ajoutant que c’est grâce à la compréhension d’un de ses amis (un opérateur économique) qu’il a pu contracter cette dette. La première priorité visait à respecter ses obligations financières. Aujourd’hui, avec le retour à la normalité, Frédéric A. était contraint de financer une fois encore, le retour de sa famille. Ses enfants devant regagner le chemin de l’école. Ces nombreux imprévus qui ont déséquilibré ses comptes, l’ont amené à mettre certains projets (immobiliers, achat de véhicule,…) en veilleuse. Des projets constitués en majorité sur la base de son épargne. «Les problèmes sont énormes à tel point que pour ces deux mois, je ne pourrai pas constituer d’épargne. Cela suppose que mes différents projets prendront un retard dans leur financement. Mais, quand les choses seront plus claires d’ici la fin de ce mois, je pourrais me réorganiser en conséquence», soutient l’agent du trésor. Le tableau de Coulibaly T., enseignant du public qui habite dans un quartier de Williamsville, est plus que préoccupant. Il a tout perdu chez lui. Son domicile a été totalement pillé par les miliciens de l’ex-chef de l’Etat, Laurent Gbagbo lors des attaques qu’ils ont menées contre les habitants de cette commune. «Ma vie est à refaire. J’ai tout perdu.
Donc, en prenant mes deux mois de salaires, je n’ai pas d’autres choix que de réhabiliter ma maison. Il faut passer des couches de ciment sur certaines parties et refaire la peinture.
Ensuite, je dois meubler l’intérieur de ma maison parce que les criminels de Gbagbo ont détruit les objets qu’ils n’ont pas pu emporter», témoigne-t-il d’une voix sanglotante. Pensez-vous que deux mois de salaires suffiront pour à ces difficultés?, interroge Coulibaly T. qui dit avoir déjà dégagé la somme de 100.000 Fcfa en guise d’avance pour les meubles. Pour lui, une partie des salaires de mai et de juin vont également servir à équiper sa maison. Dans la mesure où il doit acquérir plus tard des appareils électroménagers et autres objets décoratifs. Cet enseignant entend d’ailleurs s’endetter auprès de sa banque pour alléger ses souffrances. «Nous avons espoir que l’Etat fera quelque chose pour nous. Car nous sommes des victimes de la barbarie post-électorale perpétrée par des hommes sans foi ni loi.
Ce que nous avons subi, est indescriptible», souligne-t-il. Malgré cette douleur qu’il n’arrive pas à extérioriser véritablement, l’enseignant trouve la force de se rendre au travail pour dispenser les cours.
Dieu et les sacrifices
«Le pays a besoin de bâtisseurs et non de théoriciens sans vision aucune. Et la Côte d’Ivoire peut gagner beaucoup avec nos nouvelles autorités qui demandent la normalisation rapide pour mettre en œuvre leur projet de société. En dépit des difficultés, nous nous inscrivons totalement dans cette voie qui est celle du développement et du bien-être. Cela commence par la formation. C’est pourquoi, nous n’avons pas hésité à reprendre le travail», affirme-t-il.
Contrairement à ce dernier, K. Sitaf, agent du public qui loge à Yopougon-Niangon a eu plus de chance lors des pillages. En son absence (puisqu’obligé de se réfugier à Cocody-Deux Plateaux), c’est seulement ses appareils électroménagers qui ont été emportés par les truands. Pour lui, c’est l’œuvre de Dieu. «J’avoue que j’étais très heureux lorsque j’ai touché mes deux mois de salaires le vendredi 30 avril. Ma joie est d’autant plus grande que ma maison a été épargnée hormis la télévision, le Vcd et la bouteille de gaz qui ont disparu. Je vais les remplacer très rapidement», fait-il remarquer. A l’en croire, sa petite famille de quatre personnes a quitté Abidjan avant les affrontements. Toute chose qui lui a permis d’amoindrir les dépenses.
«Ma chance, c’est que j’ai un peu anticipé avant que la situation ne dégénère totalement. Je n’ai pas attendu le dernier moment où le transport avait triplé. Et depuis une semaine, ma famille est rentrée», affirme le fonctionnaire qui a pu financer d’ailleurs sa plantation d’hévéas en devenir dans son village. «J’ai envoyé la somme de 70.000 Fcfa aux manœuvres pour l’entretien de ma plantation. Mais avant, j’ai dû régler mes deux mois d’arriérés de loyer et faire un peu de provisions pour la consommation», renchérit K. Sitaf qui entend également payer sa dîme pour rendre grâce à Dieu de l’avoir protégé pendant ces moments d’incertitude. Tout comme lui, Mme Kaba D., attachée administrative, précise qu’en plus des dépenses liées au réaménagement de sa maison saccagée, elle a inscrit dans ses priorités l’immolation d’un mouton pour rendre gloire à Dieu pour avoir étendu son voile protecteur sur sa famille et sur la Côte d’Ivoire. «Aucune dépense n’est plus importante que celle à l’endroit du Tout-Puissant qui nous a épargnés pendant cette grave crise. C’est vrai que cela va certainement me déséquilibrer financièrement mais je tiens à réaliser cette promesse envers mon Protecteur», insiste-t-elle qui dit avoir observé déjà trois jours de jeûne.
Cissé Cheick Ely