A l’occasion de la cérémonie d’investiture du Président de la République après la mobilisation exceptionnelle du peuple de Côte d’Ivoire et celle du monde entier, nous publions à nouveau ces trois lettres qui ont été adressées à chacun des deux précédents présidents ainsi qu’Alassane Ouattara, l’actuel chef d’Etat, alors dans l’opposition. Notre objectif est de rappeler certains faits, et de dire d’où venons-nous, et où est-ce qu’on va.
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Ma lettre ouverte à Alassane Dramane Ouattara Par Charles Kouassi In L’Intelligent d’Abidjan N°281 du 11 août 2004
‘’Voici pourquoi vous deviendrez Président de ce pays’’
Charles Kouassi est journaliste à ‘’L’Intelligent d’Abidjan’’. Il ouvre aujourd’hui une série de lettres ouvertes aux principales personnalités politiques du pays. Après M. Alassane Dramane Ouattara, ce jour, MM. Henri Konan Bédié et Laurent Gbagbo recevront leurs lettres. A lire absolument pour saisir les réalités du moment et de demain.
Excellence,
Oui Excellence, dis-je ! Je vous appelle Excellence parce que je pense que bientôt votre prophétie va se réaliser. Votre prophétie date de l’année 2000 environ (pardonnez-moi les erreurs de date) ; vous aviez dit qu’un Ouattara (ou un Ado) réalise toujours ce qu’il dit.
L’on vous a aussi attribué les propos indiquant que vous passeriez une fête de Noël à Abidjan.
Les choses ont certes mis du temps, mais en octobre 2005, si vous êtes élu, comme je le crois et avec moi beaucoup de gens, vous passerez bien votre premier réveillon au Palais présidentiel du Plateau. Vous deviendrez par la volonté des Ivoiriens le cinquième Président de la République, après Houphouët-Boigny qu’on regrette, Henri Konan Bédié, Guéi Robert qu’on ne regrette pas du tout ; et Laurent Gbagbo, qu’on ne regrettera pas peut-être. A l’allure où vont les choses, je pense que personne ne va regretter ni crier à l’imposture si vous devenez Président.
Je ne suis pas militant du Rdr
Je ne suis pas militant du Rdr, je ne ferai pas campagne pour vous. Mais je vous écris pour demander de vous souvenir de moi lorsque vous deviendrez Président dans quelques mois.
Vous vous souviendrez que j’ai été le premier journaliste à prédire que vous serez Président.
Cela vaut des milliards. Je ne suis pas naïf car je sais que beaucoup parmi tous ceux qui vous ont insulté hier aux côtés de Bédié, de Guéi, et de Gbagbo, vont se rallier très vite. Ne soyez pas surpris si les cadres et militants de tous les partis politiques viennent se mettre à votre disposition. M. Bédié ne vient-il pas de dire que vous êtes son frère, que vous êtes leader du Rdr et que votre famille est liée à la sienne ? Tiburce Koffi, feu Guéi Robert et aujourd’hui M. Bédié (en attendant Gbagbo) disent que vous êtes des nôtres, après avoir dit le contraire. Mais qui alors peut vous empêcher de prendre ce pouvoir qui vous est dû ? Les marabouts consultés m’ont confirmé que votre heure de gloire arrive. Monsieur le Premier ministre, euh pardon, Excellence Monsieur le Président de la République (ou plutôt M. le futur Président de la République) ne m’oubliez pas si vous êtes élu. Je ne demande pas un poste de ministre, ce serait trop exiger pour quelqu’un qui n’a pas servi le thé. Les militants qui se battent et qui meurent méritent tout. Je suis sûr que vous trouverez un poste à la hauteur de mon modeste talent.
Vous jouez bien pour le moment
Au soir du mois d’octobre 2005, n’oubliez pas les conseils que je suis en train de vous donner en ce moment. D’abord, il faut garder le profil bas comme vous le faites déjà bien. Il faut continuer à honorer Bédié en le mettant devant pour acculer Gbagbo et lui faire revivre sa jeunesse d’étudiant et de contestataire. Il faut pousser Bédié pour qu’il continue de mouiller le maillot, pour que tous les Ivoiriens se rendent compte de la nécessité de réaliser le Tout sauf Gbagbo. ‘’Peu importe Ouattara ou Bédié, l’essentiel est de débarrasser les refondateurs’’. Voici le message que vous devez réussir à faire passer grâce à Bédié. Tenez bon et continuez sur votre lancée actuelle. Vous tenez le bon bout. Par ailleurs, il faut continuer à faire croire que vous avez peur des élections en refusant un référendum pour l’article 35.
Surtout pas de dramanisation
Et lorsque vous serez au Palais présidentiel, évitez radicalement une nouvelle dramanisation. Il ne faut pas dramaniser votre pouvoir pour éviter de donner les preuves d’une nouvelle dédramanisation. Je vous fais confiance pour cela, car au fond, vous n’avez rien d’un intégriste musulman ou d’un islamiste. Un de vos conseillers m’a déjà dit que si vous devenez Président, les musulmans et les gens du Nord seront les premiers à se plaindre de vous. Le souci qui vous animera sera de plaire aux Bétés et aux Akans. Malgré tout, je vous rappelle : pas de dramanisation de la Fonction publique, de l’Administration et des autres structures de l’Etat. Faites attention dans les nominations de Dg et d’ambassadeurs et de bien d’autres choses.
Mais j’ai peur
Mais j’ai peur d’une chose : vous risquez d’être élu dans des conditions calamiteuses, comme Laurent Gbagbo. Car il paraît, selon vos partisans, que vous souhaitez une modification de l’article sans référendum. J’ai peur : si vous êtes élu avec un article 35 modifié par compromis politique et en dehors d’un référendum, il se trouvera des individus pour vous emmerder après votre élection. Voici ma crainte ! Ne la négligez point ! Surtout que depuis j’ai pensé, de Bédié à Guéi, en passant par Tia Koné, que vous aviez été victime d’exclusion arbitraire et d’un juridisme de mauvais aloi. Excellence, Monsieur le futur Président de la République, je n’ai pas besoin de vous rappeler que vous devez être vigilants au niveau de l’identification, des listes électorales et de la supervision des opérations de vote par l’Onu en 2005. C’est à ce seul prix que votre victoire ne vous sera pas volée. En 2000, après le coup d’Etat, vous aviez bien eu raison de dire que vous gagneriez dès le premier tour. Si Guéi n’avait pas tripatouillé les choses avec son Tia Koné, vous auriez sans doute gagné ! Je suis d’accord avec vous, Excellence ! vous devez vous demander ce qui m’a poussé à vous écrire, alors que vous ne me connaissez pas, même si vous avez entendu parler de Charles Kouassi ou l’avez déjà lu. Il y a plusieurs raisons que j’aurai l’occasion de développer, puisque cette lettre ouverte n’est pas la dernière. Je vous donne trois raisons pour le moment.
Les raisons d’une lettre
1- Avant Accra III, le chef de l’Etat a voyagé et a plaidé pour que la communauté internationale fasse pression pour que vous renonciez à la politique. Les chefs d’Etat ont fait semblant de l’écouter. Mais il a obtenu le résultat contraire à Accra. En Côte d’Ivoire, le seul et dernier leader d’envergure qui vous combat est Laurent Gbagbo, soutenu à mort par ses seuls partisans. Tous les partis, tous les autres grands leaders ont fait le deuil du combat contre vous. Gbagbo seul contre vous M. Ouattara et contre tous réunis au sein du G7. Cela donne un beau slogan S.C.O (Seul Contre Ouattara) au lieu du T.S.O.
2- Jeudi dernier j’ai lu dans ‘’Le Patriote’’ une interview de Cissé Ibrahim Bacongo. Il dit clairement que le problème n’est pas votre éligibilité, mais votre victoire en 2005.
3- Depuis que M. Bédié a dit que vous êtes son frère, de nombreux Ivoiriens se disent que vous avez été brimé à tort et qu’il est temps de vous rendre justice. Par les urnes et après les armes de Soro.
Enfin, j’ai échangé récemment avec une dame qui ne vous aimait pas particulièrement. Comme beaucoup de gens, elle est fatiguée. Et elle m’a dit : ‘’je ne l’aime pas du tout, mais si en plus d’être candidat, il faut qu’il soit Président pour qu’on ait la paix, où est le problème ? Il a emmerdé les Ivoiriens, il a emmerdé Bédié, Guéi et Gbagbo. Ce sera à son tour d’être emmerdé s’il est élu’’.
J’étais contre la solution radicale
Souvent, cette dame me soupçonnait d’être alassaniste parce que je ne la suivais pas dans ses positions tranchées et radicales contre vous, même si elle adore Amadou Gon et Henriette Diabaté. Elle acceptait le Rdr mais elle ne voulait jamais entendre parler de vous. Elle souhaitait même votre élimination physique comme tant d’autres ! Ce que je refusais de cautionner.
Désormais, elle me trouble. Je vois que beaucoup pensent désormais comme elle qui a pourtant voté pour Laurent Gbagbo en octobre 2000. Quand j’ai écouté, j’ai alors décidé de vous écrire pour prendre date avec vous, et avec l’avenir. Les Ivoiriens sont désabusés et à moins que tous aient le cœur de Blé Goudé, Djué Eugène et leurs éléments, vous êtes bien partis pour être Président dans quelques mois. Excellence M. Alassane Dramane Ouattara, Président de la République, ne m’oubliez pas lorsque vous serez au Palais assis dans le fauteuil d’Houphouët-Boigny qui, dit-on, rend fou. Ne m’obligez pas à créer un club de soutien à votre personne ou de défense de votre pouvoir face à vos adversaires qui ne lâcheront pas prise. Si vous m’oubliez, je vais sortir des dossiers bétons, je referai le voyage à la Bceao de Dakar, à Washington et ailleurs ; comme vos anciens détracteurs et nouveaux amis du Pdci-Rda. Je serai un opposant farouche protégé par Reporters sans Frontières, Human Rights Watch, Amnesty International et bien d’autres. Je serai là pour vous emmerder et vous rendre le pouvoir dur et amer!
Vous comprendrez alors que ça n’arrive pas qu’à Bédié, à Guéi ou à Gbagbo. Oui, ne m’oubliez pas… ! Surtout pas!
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Lettre ouverte à Henri Konan Bédié ‘’Difficile d’être bédiéiste aujourd’hui’’
Excellence M. le Président de la République, j’écris cette lettre en m’acquittant de deux devoirs.
Le premier consiste à vous redire merci pour les livres que vous m’avez offerts alors que vous étiez en exil à Paris. A l’occasion d’une audience que vous aviez accordée à deux frères et amis, quand vous avez entendu que je souhaitais qu’ils m’achètent des livres, vous avez apprécié que dans cette Côte d’Ivoire sous régime militaire, un jeune journaliste nourrisse des soucis de cette nature. Mes amis m’ont ramené une dizaine d’ouvrages, parmi lesquels une biographie de Lionel Jospin. Merci Excellence d’avoir donné l’argent pour les livres. Mais j’ai un regret : mes amis n’ont pas eu le temps de revenir vous voir pour dédicacer les ouvrages…
Le second devoir est de la même veine. Merci pour une contribution à ma santé. En novembre 2000, j’ai subi une opération bénigne. Sékou Sangaré (paix à son âme) qui vous était bien proche est venu me rendre visite et a spontanément réglé quelques factures d’hôpital en votre nom et en insistant pour que je n’en dise aucun mot à quiconque. Près de quatre ans après et suite à la disparition du doyen Sékou Sangaré, je trahis le secret pour exprimer ma gratitude. Excellence M. le Président, venons-en à d’autres faits…
Il paraît que j’ai trahi, que je ne suis plus avec vous, ni avec le Pdci-Rda. Vous-même vous savez bien que ce n’est pas la première fois que les gens disent ces choses sur votre petit. A l’époque, on vous avait dit que j’étais avec Robert Guéi, maintenant c’est avec Laurent Gbagbo. Il semble même que pendant que vous étiez encore au pouvoir, certaines personnes avaient dit qu’au fond, j’étais un pion du Rdr et d’Alassane, au sein de ‘’le National’’.
La vérité est que je ne peux pas trahir car je n’ai pris aucun engagement. J’ai agi par conviction depuis toujours… vous concernant. De vos années au pouvoir jusqu’à la situation actuelle, en passant par l’exil. Je crois bien que j’ai manifesté à plusieurs occasions que je n’ai pas l’âme d’un opportuniste qui trahit ou qui agit selon les circonstances. A ma façon, je reste constant ; de ‘’la Nouvelle République’’ avec Yao Noël à ‘’l’Intelligent d’Abidjan’’, en passant par le ‘’Réveil Hebdo’’, le ‘’Démocrate’’ et le ‘’National’’. Et depuis sans un centime de subvention, et sans achat massif par les militants du Pdci, et sans les fonds, cotisés par des militants et cadres, ‘’l’Intelligent d’Abidjan’’ a été créé par deux personnes que vous connaissez bien, très bien même. Ceux qui pensent que je ne suis plus dans la maison Bédié ou dans la maison Pdci-Rda, doivent se rappeler que moi aussi j’ai des faits d’armes et des états de service. Savent-ils par exemple que je fus très proche de Sékou Sangaré ? Savent-ils que je suis à la base du premier voyage de Sékou Sangaré à Paris pour vous rencontrer au tout début de la transition ? Voyage qui a permis de mettre en place la résistance contre Guéi et plus tard Fologo et Gbagbo. Je n’en dis pas plus sur ce point et sur bien d’autres ! Le doyen Sékou Sangaré est mort et je partage avec lui beaucoup de secrets, même si je n’avais pas apprécié qu’il limite mes fréquentations avec lui, parce qu’il n’acceptait plus de me voir écrire dans ‘’Le National’’, lorsque sous l’impulsion du président fondateur du quotidien, le journal aux informations directes, s’était mis au service de la légalité républicaine, version Laurent Gbagbo. J’avais réduit la fréquence de mes contacts avec feu Sékou Sangaré peu de temps avant sa mort parce que chaque fois que je l’appelais ou passais le voir, il me demandait pourquoi je n’avais pas encore quitté ‘’Le National’’ et il affirmait que si je restais, c’est parce que j’étais d’accord avec la ligne éditoriale du journal. Il n’avait peut-être pas tort mais je lui rétorquais alors que le Pdci n’est pas logique de travailler dans le gouvernement Gbagbo et de l’attaquer en même temps. Selon moi, il fallait rester loin du gouvernement comme le Rdr. Mais le doyen Sékou Sangaré se contentait de mettre tous les travers du parti sur le compte de Laurent Dona Fologo et des engagements que celui-ci aurait pris ( ?). Ce rappel de mes relations avec feu Sékou Sangaré, lui-même torpillé par certains de vos proches qui le présentaient tantôt comme un homme de Guéi, tantôt comme un espion de Palenfo ; et même de Laurent Gbagbo, à cause de son épouse ministre du Sida et son fils membre pendant quelque temps, de la sécurité présidentielle, permet de clarifier le bédiéisme que je revendique, même s’il est vraiment dur et difficile d’être bédiéiste de nos jours à 33 ans, c’est-à-dire lier son avenir et l’avenir de la Côte d’Ivoire non au Pdci-Rda, mais à vous seul. Oui, je revendique un bédiéisme critique et non un bédiéisme flagorneur. Je refuse que le bédiéisme d’hier qui a perdu et brisé beaucoup de vies, d’espoirs et d’espérances, continue de nos jours de sévir. Excellence M. le Président, vous avez besoin autour de vous de personnes qui peuvent vous dire lorsque c’est le cas, que vous filez du mauvais coton, sans être traitées de Judas ou sans être traînées dans la boue. Les béni oui oui, les adeptes d’un Bédié parfait n’ont pas leur place dans la maison Bédié. Quand souvent je vois la passion et la folie bédiéiste de quelques personnes, je m’interroge sur les dérives radicales et extrémistes de celles-ci, lorsque vous reviendrez au pouvoir.
Vous êtes ancien Président, et l’on ne peut pas vous critiquer. Mais et si vous redevenez Président alors ! La Refondation risque d’être un bonheur après lequel on va courir, si vous ne mettez pas de l’ordre dans la maison Bédié avant votre éventuel retour au pouvoir… Par ailleurs, au-delà de la lutte pour la Côte d’Ivoire, pour le parti et pour votre retour au pouvoir, la plupart des gens luttent pour leur positionnement personnel. Un tel veut être maire, tel autre ministre, Dg, Pdg, ambassadeur, député, ou membre des instances. Le Pdci a des postes à offrir et des carrières à octroyer. Il est vrai qu’on ne fait rien pour rien, mais ces gens prêts à tout, semble-t-il, et prêts, paraît-il, à mourir pour vous le font aussi et surtout pour des positionnements au niveau national ou dans leurs villages. Ces gens-là, vous devez vous en méfier. Ce n’est pas à vous qui aviez dit jadis que vous n’aviez vraiment pas d’amis que j’apprendrai cela…
L’Alliance avec le RDR est tardive
Pour moi, l’alliance avec le Rdr dans le G7 est tardive. Je reproche au Pdci-Rda et à vous-même d’avoir retardé votre ‘’outing’’, votre mea-culpa. On n’avait pas besoin de la guerre du 19 septembre 2002 pour comprendre que la Côte d’Ivoire allait à la dérive, que le pays d’Houphouët était menacé ! Avant la guerre, les signes de la catastrophe actuelle étaient perceptibles. Avant la guerre, vous aviez eu peur des réactions des Ivoiriens et des militants du Pdci-Rda. C’est pourquoi, vous n’aviez jamais osé régler votre contentieux avec le Rdr et Ouattara. Ce que vous n’aviez pas fait à l’époque, alors que ce geste aurait empêché la guerre, vous le faites à présent, pas par conviction sans doute, mais parce que vous n’avez pas le choix.
‘’Tant que Bédié et le Pdci-Rda ne videront pas leur contentieux avec Ado et le Rdr, Gbagbo va continuer à les rouler un à un pour rester longtemps au pouvoir. Bédié doit se rapprocher d’Ado et de Robert Guéi sinon (…) ‘’, vous avais-je fait dire dès votre retour en Côte d’Ivoire en octobre 2001. Je n’ai pas été entendu. Je n’étais pas alassaniste à l’époque mais je prônais le rassemblement des Houphouëtistes ; bien avant tous ces néo et crypto-houphouëtistes actuels.
Avant la guerre. D’accord avec moi, Sékou Sanagaré appréciait ma fougue mais déplorait mon impatience. Tandis que d’autres me soupçonnaient de rouler pour Ado ou de vouloir vous conseiller dans l’erreur pour masquer mon ralliement à Gbagbo. Des réunions avaient lieu sous les auspices de certains doyens comme M. Djibo Sounkalo. Un tel rassemblement des houphouëtistes à temps, nous aurait évité la guerre… à travers les pressions démocratiques et pacifiques qui auraient été exercées sur Gbagbo. Le silence du Pdci a favorisé la radicalisation, la sérénité, l’assurance et l’arrogance du Fpi qui ont poussé les anciens déserteurs de l’armée ivoirienne à prendre les armes pour résoudre le problème Ado dont le Pdci disait ne plus vouloir se mêler avant la guerre du 19 septembre. Le Pdci refusait de s’en mêler sans avoir le courage de clore et trancher le débat comme Guéi lors du Forum. Le rassemblement des houphouëtistes se sait maintenant alors qu’il est tard et il n’arrive même pas du tout à nous procurer la paix.
Excellence Monsieur le Président, je sais que dans l’espace d’une lettre, je ne peux pas dire tout ce que j’ai dans le cœur, mais je ferai une commission d’un de vos fidèles partisans. Il déplore que vous refusiez de croire aux valeurs ancestrales et traditionnelles de l’Afrique. Tous les hommes politiques s’y adonnent, mais il semble que vous refusez de vous adonner aux sacrifices et aux rituels des marabouts ou autres voyants. Il vous prie de faire entorse à votre foi chrétienne, pour ‘’tuer’’ les sorts et missiles de vos adversaires politiques. C’est ça l’Afrique ! Pour ce qui est de votre retour au pouvoir, j’avoue que ce sera difficile. En 2000, après la publication de la liste des candidats, j’ai établi la conviction que Robert Guéi ne pouvait pas gagner les élections. J’étais convaincu qu’il aurait pu rester au pouvoir, par la force, comme il y est arrivé en décembre 1999. Mais en aucun cas, il ne pouvait remporter les élections face à Laurent Gbagbo.
Ma conviction pour 2005, a été souvent exprimée : à l’allure où vont les choses, la non-réélection de Laurent Gbagbo en 2005, va conduire à une victoire de M. Ouattara, si celui-ci est candidat. Je le dis parce que, vous-même avez toujours refusé jusqu’à Accra III, de croire à ceux qui proposent (de Bongo à Eyadéma) de laisser M. Ouattara être candidat pour que le peuple décide et qu’il soit battu une fois pour toutes. Au-delà du fait qu’il soit burkinabé ou non, c’est bien parce qu’il est susceptible de remporter une élection que vous-même, Robert Guéï et aujourd’hui Laurent Gbagbo, aviez toujours trouvé de quoi le disqualifier. Laurent Gbagbo a été élu avec un peu plus d’un million de voix en 2000. Pour 2005, 2 à 3 millions de voix suffiront pour être Président. A priori, vous êtes grand et digne de prendre le courage et le risque de rassembler et de rapprocher les Houphouétistes. Mais, la conséquence est que vous faites courir le danger de jeter beaucoup de personnes dans les bras du mentor du Rdr à votre détriment ; de la même manière que vous avez laissé des militants et cadres Pdci aider la Refondation à ses débuts.
Beaucoup sont rentrés dans le Gbagboland et refusent d’en sortir. Ils disent être toujours Pdci mais travaillent pour Gbagbo, en prétendant servir la nation et la République et non un individu ou un parti. Etre Pdci et pro Gbagbo en même temps est une réalité même si elle est minime ou minoritaire. En dehors de vos parents et amis de longue date, pensez-vous que celui qui a une situation intéressante avec le pouvoir actuel, prendra le risque de le lâcher pour vous en 2005?
Excellence M. le Président, attention ! Mais si vous revenez au pouvoir, en dépit de tous les obstacles, en particulier du vote des jeunes de 18 ans, du rajeunissement de la carte électorale dont 2 à 3 millions d’électeurs âgés de 18 à 25 ans... parmi eux, plus de 500.000 n’avaient que 13 à 14 ans en 99, quand vous quittiez le pouvoir. Ils ne vous connaissent pas. Par ailleurs, il est bien rare de trouver des bédiéistes ou militants du Pdci ayant 16-18 à 21 ans. Le problème n’est pas propre au Pdci. Il est celui de beaucoup de partis ivoiriens. Enfin, si vous revenez au pouvoir en dépit de la difficulté à maîtriser les enjeux et les dérives d’un vote ethnique et tribal mécanique, alors songez à vous entourer de ceux qui ne vous doivent pas leur ascension et leur positionnement personnel. Méfiez-vous de ceux que vous avez faits et fabriqués ! Ceux-là n’oseront jamais vous faire des observations justes et utiles. Ils auront le souci de toujours manifester leur flagornerie, leur courtisanerie ou leur gratitude pour conserver leur position. C’est cette catégorie de courtisans et partisans qui vous avait conduit à la chute de 1999. (Où sont-ils aujourd’hui les Ahoua N’guetta, Faustin Kouamé et bien d’autres ?) La même bande a perdu Guéï, et le même groupe d’hommes est en train de contribuer à enfoncer Laurent Gbagbo. Je vous suggère vivement de faire attention dans vos choix ; même si je n’ai jamais partagé la thèse un peu courte, selon laquelle le chef est toujours bon mais c’est son entourage qui est toujours mauvais. De vous-même à Gbagbo, on nous a toujours servi cette vérité, mais elle est fausse. Le temps est venu d’assumer les choix et les erreurs.
Excellence, Monsieur le Président de la République, votre petit a choisi de vous parler, de vous interpeller de façon publique. D’aucuns me trouveront insolent et impertinent et vont déplorer le fait que j’ai interpellé le chef devant tout le monde.
J’assume ce choix et j’espère que malgré tout, vous ne m’en voudrez pas beaucoup de prôner un bédiéisme tempéré, apaisé, modéré et critique, aux lieu et place des cris de guerre, des oukases et des anathèmes du bédiéisme flagorneur et outrancier dont les jeunes et la Côte d’Ivoire à bâtir pour demain, n’ont que faire. Et dire qu’on a osé mettre en cause la loyauté de KKB à votre égard au nom de ce bédiéisme primaire et débridé qui refuse de solder tous les comptes de 99 et tirer toutes les leçons ! Père de la démocratie apaisée, malmenée par ceux que vous appelez les négateurs patentés des évidences, vous avez sans doute compris les attentes, les inquiétudes et les ambitions du bédiéiste critique que je demeure malgré tous les procès d’intention et malgré la difficulté d’être bédiéiste dans ce pays, lorsqu’on n’a pas 40 ans. Autre chose M. le Président, plusieurs cadres et militants déplorent votre manque de chaleur humaine et votre attitude distante.
Il paraît que vous prenez rarement vous-même le téléphone pour appeler les cadres et militants.
C’est vrai que le chef doit susciter le désir d’être vu et garder le mystère des attraits et attributs du pouvoir. Mais à force de n’être pas accessible, on ferme la porte à beaucoup de gens. Pis, les messages ne sont pas toujours correctement et humblement transmis lorsqu’ils passent par des émissaires. Des coups de fil, des visites surprises et discrètes aux militants pourraient être utiles.
Depuis la fin de votre exil, beaucoup de cadres, de militants ou de simples amis et connaissances, n’ont pas pu aller vous rencontrer à domicile, n’ont pas pu vous parler au téléphone et n’ont pas eu droit à votre appel. Pensez-y, car cela compte d’être honoré, respecté et flatté. Cela vaut des millions de F CFA dépensés en campagne et est plus efficace que les faiseurs de bruits. Excellence M. le Président, à bientôt. Pour solde de tous les comptes.
Charles Kouassi In L’Intelligent d’Abidjan N°301 du 3 septembre 2004
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Lettre ouverte à Son Excellence Monsieur Laurent Gbagbo‘’La génération couper-décaler, farot-farot veut la paix, elle n’a pas peur de Marcoussis ni de tous les Accra’’
Après le leader du Rdr et le Président du Pdci-Rda, Charles Kouassi s’adresse à S.E.M Laurent Gbagbo dans une lettre ouverte dont le style a contribué à la renommée de l’Intelligent d’Abidjan.
Par où puis-je bien commencer cette lettre que j’ai annoncée sans l’avoir déjà écrite, m’enfermant dans un délai que je suis tenu de respecter. Mes souvenirs me ramènent à cette foi que vous tentiez de communiquer à un de vos amis en août. Nous étions à quelques semaines de l’élection présidentielle.
Revenant des funérailles dans la région de Gagnoa, votre ami a fait escale à Mama votre village que j’avais visité la première fois en 1995 pour un reportage après le boycott actif. Allou Eugène, Lida Kouassi, Sokouri Bohui, que j’ai pu identifier parmi tant d’autres étaient présents. Au retour d’un long tête-à-tête avec vous, votre ami a pris la route, très pensif ne sachant que dire. Mais comme nous étions aussi silencieux et tendus que lui, son fils et moi, il nous a fait cette confidence : ‘’Laurent vient de me dire que dans quelques semaines, il sera Président. Il dit qu’il ne peut me dire sur quoi sa conviction est fondée mais il m’a demandé de me tenir prêt pour servir la République. Ce genre de secret, de confidence, est lourd à porter. Après avoir donc vidé son secret, votre ami est devenu plus relaxe et moi mécontent. Mécontent car durant tout le séjour passé à Gagnoa et dans votre village, je n’ai, à aucun moment, manifesté le désir de vous être présenté. Et je m’en voulais d’avoir snobé le futur président ivoirien (comme FPI mais pas celui de votre collègue Dahico). En fait, le souci et la volonté pour le journaliste de toujours rester inconnu, de brouiller les pistes au niveau de ses sources, ont été plus forts que moi. Je me suis si dit que je m’étais présenté, vous auriez pu deviner mes sources et référence en me lisant souvent !
Je ne voulais pas de cela prenant plaisir à écrire et rester dans l’anonymat vis-à-vis de vous depuis lors. Pourtant, les occasions d’être à votre table n’ont pas manqué ! Cela a suffi, ainsi que quelques articles non laudateurs, pour que dans votre entourage, l’on me fasse passer pour un anti-Gbagbo. C’est à la fois vrai et faux. Vrai parce que je ne fais pas partie de ceux qui ont voté pour vous en Octobre 2000. Rassurez-vous je n’ai pas voté pour Guéi, je suis plutôt resté à l’abri chez moi, loin de l’agitation qui s’annonçait et que je pressentais. L’avenir de la Côte d’Ivoire se jouait à cette date et j’étais étonné par le gros risque que vous aviez pris de ‘’dealer’’ avec Guéi.
J’avais peur pour vous, car si le général Guéi avait réussi son hold-up, vous auriez été grillé à jamais, vous auriez été politiquement fini. Votre crédibilité aurait foutu le camp. En fait, le Rdr aussi bien que le Pdci et bien d’autres souhaitaient la victoire de Robert Guéi. Un putschiste qui fait des pseudo élections pour se légitimer est plus facile à combattre au niveau des arguments et à balayer qu’un roublard, un boulanger qui n’a que la ruse pour avancer et dont on ne vend pas cher la peau. Proche du Pdci-Rda et revendiquant surtout un houphouétisme peu courant chez des jeunes de ma génération, j’ai compris et accepté comme beaucoup d’Ivoiriens qu’il fallait mieux faire avec vous que de brûler le pays.
Affi N’guessan a repris cette façon de faire plus tard en parlant de trêve
Presque quatre ans après, qu’avez-vous fait de cette victoire à l’arrachée, de cette victoire que vous avez refusé qu’on vous vole ?
D’abord, il y a eu le complot de la Mercedes noire, le complot de la cabine téléphonique, les alertes incessantes au coup d’Etat et finalement le 19 septembre 2002, un coup d’Etat manqué mué en rébellion ayant pris le contrôle d’une grande partie du pays, la Côte d’Ivoire non utile mais la Côte d’Ivoire quand même. Que de gâchis ! Que d’occasions manquées ! Je retiens simplement le forum pour la réconciliation nationale. Un bon business, un bon topo dont les résolutions non appliquées constituent la trame des accords de Marcoussis et de tous les Accra. Si pour vos adversaires et détracteurs vous êtes le Président dont le mandat a coïncidé avec la guerre, pour ne pas dire crûment que vous avez apporté la guerre dans notre pays, moi je plaide pour que vous soyez aussi et surtout le Président qui conduit à la paix. Quel sacrifice n’avez-vous pas déjà fait ? Ce qui reste à faire me paraît moins difficile que ce qui a été fait. Comme M. Jourdain, vous faites de l’houphouétisme en le niant, vous appliquez également Marcoussis en le niant sauf quand vos adversaires veulent vous prendre à défaut. Excellence M. le Président de la République, j’ai l’impression que vous faites un peu trop et exagérément de la politique.
Je plaide pour que vous soyez l’homme qui construira la paix.
Etre Abraham Lincoln demande davantage de sacrifices que ce que vous avez déjà fait. Vous serez le premier bénéficiaire de la paix ! Faites la paix Excellence ! J’en vois qui diront que vous en avez déjà assez fait et que c’est aux autres, au G7 de faire leur part de sacrifice. Non Excellence aucun effort n’est de trop car les autres n’ont rien à perdre, ils ont plutôt à vous mettre les bâtons dans les roues pour davantage gâcher votre mandat et prendre votre place.
MM. Bédié et Ouattara ont trouvé suffisamment de raisons pour taire leurs différences et se rassembler contre vous. Cela est à la fois une force et une faiblesse. Mais il vous revient de voir votre part de responsabilité dans ce mariage insolite entre le père de l’ivoirité (de cette ivoirité que vous avez récupérée à votre manière) et la victime de l’ivoirité. Sur le papier, cette alliance fait beau mais elle est bien tardive et surtout choquante et révoltante pour toutes les victimes de ce combat ! Si en Afrique du Sud, Frederick De Klerk a fait la paix avec Mandela, c’est bien parce que ce n’était pas lui l’instigateur de l’apartheid. Frederick De Klerk a hérité d’un système et il a estimé que ledit système ne pouvait plus prospérer. Gorbatchev et De Klerk n’étaient pas les concepteurs et les cerveaux des systèmes dont ils ont précipité la chute. Le père de l’ivoirité ne peut pas tuer lui-même l’ivoirité.
M. Bédié devait en tirer les leçons et se retirer pour confier ce mea-culpa salvateur à quelqu’un d’autre. Peter Botha en Afrique du Sud et d’autres barons du système soviétique se sont d’ailleurs toujours gardés de se renier ! Enfin, le pardon et la réconciliation de M. Bédié auraient été grands et généreux si lui-même n’était plus dans l’arène politique. Il ne pardonne pas pour la Côte d’Ivoire, pour le cœur ; mais il se réconcilie sur l’autel de ses ambitions. Et M. Ouattara la victime de toujours peut bien donner tous les honneurs à Bédié, flatter son ego pour jouir bien de la vengeance et du plaisir du mea culpa même tardif de Bédié. C’est comme ça la vie et le destin de M. Ouattara : ses détracteurs d’hier deviennent vite ses thuriféraires. On a l’exemple des journalistes qui ont attaqué Ado et sont devenus après, ses hommes de main. Pas besoin de les citer.
Au pouvoir, Guéi l’a vilipendé comme Bédié pour se dédire après ! Un vrai brave tchê cet homme ! Mais le peuple n’est pas dupe. Face à cette situation, Excellence qu’attendez-vous pour faire la paix en appliquant ce qui reste d’Accra et de Marcoussis ? Alors que vous avez résisté dans la guerre et qu’ils n’ont pas pu avoir raison de vous avec les armes et toutes les adversités du monde, comment croyez-vous que, la paix retrouvée, vos adversaires vont vous terrasser ?
Impossible !
Allez à la paix et à leurs conditions, à toutes leurs conditions, car ils savent bien qu’une fois qu’ils auront déposé les armes et que la paix sera revenue, il leur sera difficile de reprendre encore les armes pour un oui ou pour un non. Déjà, je devine votre nom d’après la guerre mais faites un effort pour ne pas tout remettre en cause.
La génération couper-décaler, zouglou, farot-farot, peut vous être acquise. Elle veut la paix, elle a besoin de paix pour aller aux élections et pour faroter dans la paix.
Le radicalisme qu’il y a souvent autour de vous fait peur et semble faire le jeu de vos adversaires qui en applaudissent. Ils comptent les jours et sont pressés d’arriver en octobre 2005, pour s’appuyer sur la partie de la constitution qui les arrange : la fin légale et constitutionnelle de votre mandat.
Même si c’était dans des conditions calamiteuses, vous aviez toutefois été élu en 2000 et reconnu comme tel par la communauté internationale après quelques tergiversations internationales et surtout lorsque vos partisans ont pacifié le pays fut-ce au prix d’un charnier et d’autres morts aujourd’hui oubliés au profit des nouveaux martyrs du G7, ceux du 25 mars 2004.
Malgré cette légitimité, certes calamiteuse, qu’ils n’ont jamais vraiment acceptée, vos adversaires vous ont combattu et ont même fait la guerre. A partir d’octobre 2005, ils auront davantage la bouche pour parler si les élections n’ont pas lieu dans les délais impartis. Selon eux, vous ne pourrez plus revendiquer de légitimité dès le dernier jour de votre mandat. La bataille constitutionnelle qui va s’engager pourrait ne pas séduire la communauté internationale qui trouvera enfin l’occasion de vous transformer en Reine d’Angleterre pour avoir un contrôle sur le processus électoral.
Un million de voix
Songez à cela pour ne pas aller trop doucement ! Songez également aux plus d’un million d’Ivoiriens qui vous ont voté en 2000, et dont je ne fis pas personnellement partie. Quoi qu’en disent vos adversaires, qui pensent que le surplus de cinq cents mille voix sur votre maximum depuis le temps d’Houphouët, est plus dû à la volonté de chasser Guéi que de vous voir au pouvoir, (alors que tel n’était pas le calcul des états-majors qui ont appelé au boycott et qui souhaitent que Gbagbo se débatte seul), quoi qu’ils disent donc, vous disposez d’un potentiel de voix d’au moins un million. Vous le pourtant minoritaire ! Quelqu’un qui croit encore au vote tribal m’a même dit que le surplus de voix est constitué des Baoulé qui ont voté pour vous parce que vous aviez promis le retour de Bédié dès votre accession au pouvoir ! Je crois plutôt que vous aviez fait le plein de voix à Abidjan et dans des zones stratégiques et que vous détenez la liste de répartitions des suffrages. En relisant cela, vous deviez enfin comprendre que vous avez intérêt à aller à la paix hic et nunc et surtout être étonné que vos adversaires prennent pour du buff, l’idée de votre réélection en 2005. Les ambitions et les préoccupations des états-majors politiques sont souvent loin des sentiments profonds des peuples. Je ne sais pas dans quel sens l’article 35 sera modifié après le référendum qui est obligatoire, mais j’ai la conviction que dans un premier tour Gbagbo-Ado-Bédié, c’est le dernier cité qui perdra. Il subira le vote sanction de toutes les victimes de coup d’Etat, des ivoiritaires non encore repentis qui pullulent dans le Pdci et qui, pour éviter des risques inutiles, iront voter pour vous en masse pour empêcher que l’ancien nouveau frère de M. Bédié, en l’occurrence M. Ouattara accède à la Magistrature suprême. Les N’Zi Paul David, c’est-à-dire les nouveaux et futurs judas, il en existe beaucoup dans le pays et dans le Pdci-Rda. Après le Fpi et l’épisode du parti unique, après le Rdr, en attendant les pro Fologo, les pro Banny, à côté des N’Zi Paul David (les pro-Gbagbo minoritaires de Pdci), donnez-vous enfin le temps du répit pour savourer la lente mort du serpent Pdci malgré la réconciliation parisienne des Houphouëtistes !
Part de devoir
Excellence M. le Président de la République, j’ai fait ma part de devoir envers vous et envers les deux autres principaux leaders politiques du pays. Ma part de devoir mais aussi de vérité. Du docteur Alassane Ouattara, J’ai prédit qu’il est en route pour la présidence de la République. On a cru que je négociais sérieusement un poste alors qu’il s’agissait de mettre chacun devant ses responsabilités afin que plus personne ne se dérobe et refuse d’assumer désormais. Afin que nul n’en ignore, pour parler comme les juristes.
L’alerte ayant été publique ! Oui tout le monde a été prévenu que M. Ouattara peut être Président, contre vents et marées, envers et contre tous.
Avec M. Bédié, j’ai soldé quelques comptes et j’ai suggéré un peu plus de recul car j’ai le sentiment que toutes les leçons de 1999, n’ont pas été tirées à temps. Et là, voici mes vérités pour vous. Bien entendu ni à vous, ni aux autres leaders, je ne peux avoir tout dit ni tout perçu en l’espace d’une lettre mais je crois avoir exprimé aussi bien le sentiment de vos détracteurs que de certains de vos partisans qui ont certes de l’admiration pour les plus radicaux et durs de vos partisans ; mais qui estiment qu’il y a une autre voie pour la victoire dans et par la paix, même si celle-ci est aux couleurs et aux conditions de Marcoussis et d’Accra. Ceux-là sont des transfuges du Pdci-Rda, des patriotes à leur manière, des patriotes et pro-Gbagbo non militants.
Parmi eux, quelques-uns revendiquent d’avoir été parmi ceux qui ont voté pour vous en 2000.
Ecoutez leur silencieuse détresse Excellence ! et leur soutien non tapageur…
Charles Kouassi
In L’Intelligent d’Abidjan N°329 du 6 octobre 2004
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Ma lettre ouverte à Alassane Dramane Ouattara Par Charles Kouassi In L’Intelligent d’Abidjan N°281 du 11 août 2004
‘’Voici pourquoi vous deviendrez Président de ce pays’’
Charles Kouassi est journaliste à ‘’L’Intelligent d’Abidjan’’. Il ouvre aujourd’hui une série de lettres ouvertes aux principales personnalités politiques du pays. Après M. Alassane Dramane Ouattara, ce jour, MM. Henri Konan Bédié et Laurent Gbagbo recevront leurs lettres. A lire absolument pour saisir les réalités du moment et de demain.
Excellence,
Oui Excellence, dis-je ! Je vous appelle Excellence parce que je pense que bientôt votre prophétie va se réaliser. Votre prophétie date de l’année 2000 environ (pardonnez-moi les erreurs de date) ; vous aviez dit qu’un Ouattara (ou un Ado) réalise toujours ce qu’il dit.
L’on vous a aussi attribué les propos indiquant que vous passeriez une fête de Noël à Abidjan.
Les choses ont certes mis du temps, mais en octobre 2005, si vous êtes élu, comme je le crois et avec moi beaucoup de gens, vous passerez bien votre premier réveillon au Palais présidentiel du Plateau. Vous deviendrez par la volonté des Ivoiriens le cinquième Président de la République, après Houphouët-Boigny qu’on regrette, Henri Konan Bédié, Guéi Robert qu’on ne regrette pas du tout ; et Laurent Gbagbo, qu’on ne regrettera pas peut-être. A l’allure où vont les choses, je pense que personne ne va regretter ni crier à l’imposture si vous devenez Président.
Je ne suis pas militant du Rdr
Je ne suis pas militant du Rdr, je ne ferai pas campagne pour vous. Mais je vous écris pour demander de vous souvenir de moi lorsque vous deviendrez Président dans quelques mois.
Vous vous souviendrez que j’ai été le premier journaliste à prédire que vous serez Président.
Cela vaut des milliards. Je ne suis pas naïf car je sais que beaucoup parmi tous ceux qui vous ont insulté hier aux côtés de Bédié, de Guéi, et de Gbagbo, vont se rallier très vite. Ne soyez pas surpris si les cadres et militants de tous les partis politiques viennent se mettre à votre disposition. M. Bédié ne vient-il pas de dire que vous êtes son frère, que vous êtes leader du Rdr et que votre famille est liée à la sienne ? Tiburce Koffi, feu Guéi Robert et aujourd’hui M. Bédié (en attendant Gbagbo) disent que vous êtes des nôtres, après avoir dit le contraire. Mais qui alors peut vous empêcher de prendre ce pouvoir qui vous est dû ? Les marabouts consultés m’ont confirmé que votre heure de gloire arrive. Monsieur le Premier ministre, euh pardon, Excellence Monsieur le Président de la République (ou plutôt M. le futur Président de la République) ne m’oubliez pas si vous êtes élu. Je ne demande pas un poste de ministre, ce serait trop exiger pour quelqu’un qui n’a pas servi le thé. Les militants qui se battent et qui meurent méritent tout. Je suis sûr que vous trouverez un poste à la hauteur de mon modeste talent.
Vous jouez bien pour le moment
Au soir du mois d’octobre 2005, n’oubliez pas les conseils que je suis en train de vous donner en ce moment. D’abord, il faut garder le profil bas comme vous le faites déjà bien. Il faut continuer à honorer Bédié en le mettant devant pour acculer Gbagbo et lui faire revivre sa jeunesse d’étudiant et de contestataire. Il faut pousser Bédié pour qu’il continue de mouiller le maillot, pour que tous les Ivoiriens se rendent compte de la nécessité de réaliser le Tout sauf Gbagbo. ‘’Peu importe Ouattara ou Bédié, l’essentiel est de débarrasser les refondateurs’’. Voici le message que vous devez réussir à faire passer grâce à Bédié. Tenez bon et continuez sur votre lancée actuelle. Vous tenez le bon bout. Par ailleurs, il faut continuer à faire croire que vous avez peur des élections en refusant un référendum pour l’article 35.
Surtout pas de dramanisation
Et lorsque vous serez au Palais présidentiel, évitez radicalement une nouvelle dramanisation. Il ne faut pas dramaniser votre pouvoir pour éviter de donner les preuves d’une nouvelle dédramanisation. Je vous fais confiance pour cela, car au fond, vous n’avez rien d’un intégriste musulman ou d’un islamiste. Un de vos conseillers m’a déjà dit que si vous devenez Président, les musulmans et les gens du Nord seront les premiers à se plaindre de vous. Le souci qui vous animera sera de plaire aux Bétés et aux Akans. Malgré tout, je vous rappelle : pas de dramanisation de la Fonction publique, de l’Administration et des autres structures de l’Etat. Faites attention dans les nominations de Dg et d’ambassadeurs et de bien d’autres choses.
Mais j’ai peur
Mais j’ai peur d’une chose : vous risquez d’être élu dans des conditions calamiteuses, comme Laurent Gbagbo. Car il paraît, selon vos partisans, que vous souhaitez une modification de l’article sans référendum. J’ai peur : si vous êtes élu avec un article 35 modifié par compromis politique et en dehors d’un référendum, il se trouvera des individus pour vous emmerder après votre élection. Voici ma crainte ! Ne la négligez point ! Surtout que depuis j’ai pensé, de Bédié à Guéi, en passant par Tia Koné, que vous aviez été victime d’exclusion arbitraire et d’un juridisme de mauvais aloi. Excellence, Monsieur le futur Président de la République, je n’ai pas besoin de vous rappeler que vous devez être vigilants au niveau de l’identification, des listes électorales et de la supervision des opérations de vote par l’Onu en 2005. C’est à ce seul prix que votre victoire ne vous sera pas volée. En 2000, après le coup d’Etat, vous aviez bien eu raison de dire que vous gagneriez dès le premier tour. Si Guéi n’avait pas tripatouillé les choses avec son Tia Koné, vous auriez sans doute gagné ! Je suis d’accord avec vous, Excellence ! vous devez vous demander ce qui m’a poussé à vous écrire, alors que vous ne me connaissez pas, même si vous avez entendu parler de Charles Kouassi ou l’avez déjà lu. Il y a plusieurs raisons que j’aurai l’occasion de développer, puisque cette lettre ouverte n’est pas la dernière. Je vous donne trois raisons pour le moment.
Les raisons d’une lettre
1- Avant Accra III, le chef de l’Etat a voyagé et a plaidé pour que la communauté internationale fasse pression pour que vous renonciez à la politique. Les chefs d’Etat ont fait semblant de l’écouter. Mais il a obtenu le résultat contraire à Accra. En Côte d’Ivoire, le seul et dernier leader d’envergure qui vous combat est Laurent Gbagbo, soutenu à mort par ses seuls partisans. Tous les partis, tous les autres grands leaders ont fait le deuil du combat contre vous. Gbagbo seul contre vous M. Ouattara et contre tous réunis au sein du G7. Cela donne un beau slogan S.C.O (Seul Contre Ouattara) au lieu du T.S.O.
2- Jeudi dernier j’ai lu dans ‘’Le Patriote’’ une interview de Cissé Ibrahim Bacongo. Il dit clairement que le problème n’est pas votre éligibilité, mais votre victoire en 2005.
3- Depuis que M. Bédié a dit que vous êtes son frère, de nombreux Ivoiriens se disent que vous avez été brimé à tort et qu’il est temps de vous rendre justice. Par les urnes et après les armes de Soro.
Enfin, j’ai échangé récemment avec une dame qui ne vous aimait pas particulièrement. Comme beaucoup de gens, elle est fatiguée. Et elle m’a dit : ‘’je ne l’aime pas du tout, mais si en plus d’être candidat, il faut qu’il soit Président pour qu’on ait la paix, où est le problème ? Il a emmerdé les Ivoiriens, il a emmerdé Bédié, Guéi et Gbagbo. Ce sera à son tour d’être emmerdé s’il est élu’’.
J’étais contre la solution radicale
Souvent, cette dame me soupçonnait d’être alassaniste parce que je ne la suivais pas dans ses positions tranchées et radicales contre vous, même si elle adore Amadou Gon et Henriette Diabaté. Elle acceptait le Rdr mais elle ne voulait jamais entendre parler de vous. Elle souhaitait même votre élimination physique comme tant d’autres ! Ce que je refusais de cautionner.
Désormais, elle me trouble. Je vois que beaucoup pensent désormais comme elle qui a pourtant voté pour Laurent Gbagbo en octobre 2000. Quand j’ai écouté, j’ai alors décidé de vous écrire pour prendre date avec vous, et avec l’avenir. Les Ivoiriens sont désabusés et à moins que tous aient le cœur de Blé Goudé, Djué Eugène et leurs éléments, vous êtes bien partis pour être Président dans quelques mois. Excellence M. Alassane Dramane Ouattara, Président de la République, ne m’oubliez pas lorsque vous serez au Palais assis dans le fauteuil d’Houphouët-Boigny qui, dit-on, rend fou. Ne m’obligez pas à créer un club de soutien à votre personne ou de défense de votre pouvoir face à vos adversaires qui ne lâcheront pas prise. Si vous m’oubliez, je vais sortir des dossiers bétons, je referai le voyage à la Bceao de Dakar, à Washington et ailleurs ; comme vos anciens détracteurs et nouveaux amis du Pdci-Rda. Je serai un opposant farouche protégé par Reporters sans Frontières, Human Rights Watch, Amnesty International et bien d’autres. Je serai là pour vous emmerder et vous rendre le pouvoir dur et amer!
Vous comprendrez alors que ça n’arrive pas qu’à Bédié, à Guéi ou à Gbagbo. Oui, ne m’oubliez pas… ! Surtout pas!
2
Lettre ouverte à Henri Konan Bédié ‘’Difficile d’être bédiéiste aujourd’hui’’
Excellence M. le Président de la République, j’écris cette lettre en m’acquittant de deux devoirs.
Le premier consiste à vous redire merci pour les livres que vous m’avez offerts alors que vous étiez en exil à Paris. A l’occasion d’une audience que vous aviez accordée à deux frères et amis, quand vous avez entendu que je souhaitais qu’ils m’achètent des livres, vous avez apprécié que dans cette Côte d’Ivoire sous régime militaire, un jeune journaliste nourrisse des soucis de cette nature. Mes amis m’ont ramené une dizaine d’ouvrages, parmi lesquels une biographie de Lionel Jospin. Merci Excellence d’avoir donné l’argent pour les livres. Mais j’ai un regret : mes amis n’ont pas eu le temps de revenir vous voir pour dédicacer les ouvrages…
Le second devoir est de la même veine. Merci pour une contribution à ma santé. En novembre 2000, j’ai subi une opération bénigne. Sékou Sangaré (paix à son âme) qui vous était bien proche est venu me rendre visite et a spontanément réglé quelques factures d’hôpital en votre nom et en insistant pour que je n’en dise aucun mot à quiconque. Près de quatre ans après et suite à la disparition du doyen Sékou Sangaré, je trahis le secret pour exprimer ma gratitude. Excellence M. le Président, venons-en à d’autres faits…
Il paraît que j’ai trahi, que je ne suis plus avec vous, ni avec le Pdci-Rda. Vous-même vous savez bien que ce n’est pas la première fois que les gens disent ces choses sur votre petit. A l’époque, on vous avait dit que j’étais avec Robert Guéi, maintenant c’est avec Laurent Gbagbo. Il semble même que pendant que vous étiez encore au pouvoir, certaines personnes avaient dit qu’au fond, j’étais un pion du Rdr et d’Alassane, au sein de ‘’le National’’.
La vérité est que je ne peux pas trahir car je n’ai pris aucun engagement. J’ai agi par conviction depuis toujours… vous concernant. De vos années au pouvoir jusqu’à la situation actuelle, en passant par l’exil. Je crois bien que j’ai manifesté à plusieurs occasions que je n’ai pas l’âme d’un opportuniste qui trahit ou qui agit selon les circonstances. A ma façon, je reste constant ; de ‘’la Nouvelle République’’ avec Yao Noël à ‘’l’Intelligent d’Abidjan’’, en passant par le ‘’Réveil Hebdo’’, le ‘’Démocrate’’ et le ‘’National’’. Et depuis sans un centime de subvention, et sans achat massif par les militants du Pdci, et sans les fonds, cotisés par des militants et cadres, ‘’l’Intelligent d’Abidjan’’ a été créé par deux personnes que vous connaissez bien, très bien même. Ceux qui pensent que je ne suis plus dans la maison Bédié ou dans la maison Pdci-Rda, doivent se rappeler que moi aussi j’ai des faits d’armes et des états de service. Savent-ils par exemple que je fus très proche de Sékou Sangaré ? Savent-ils que je suis à la base du premier voyage de Sékou Sangaré à Paris pour vous rencontrer au tout début de la transition ? Voyage qui a permis de mettre en place la résistance contre Guéi et plus tard Fologo et Gbagbo. Je n’en dis pas plus sur ce point et sur bien d’autres ! Le doyen Sékou Sangaré est mort et je partage avec lui beaucoup de secrets, même si je n’avais pas apprécié qu’il limite mes fréquentations avec lui, parce qu’il n’acceptait plus de me voir écrire dans ‘’Le National’’, lorsque sous l’impulsion du président fondateur du quotidien, le journal aux informations directes, s’était mis au service de la légalité républicaine, version Laurent Gbagbo. J’avais réduit la fréquence de mes contacts avec feu Sékou Sangaré peu de temps avant sa mort parce que chaque fois que je l’appelais ou passais le voir, il me demandait pourquoi je n’avais pas encore quitté ‘’Le National’’ et il affirmait que si je restais, c’est parce que j’étais d’accord avec la ligne éditoriale du journal. Il n’avait peut-être pas tort mais je lui rétorquais alors que le Pdci n’est pas logique de travailler dans le gouvernement Gbagbo et de l’attaquer en même temps. Selon moi, il fallait rester loin du gouvernement comme le Rdr. Mais le doyen Sékou Sangaré se contentait de mettre tous les travers du parti sur le compte de Laurent Dona Fologo et des engagements que celui-ci aurait pris ( ?). Ce rappel de mes relations avec feu Sékou Sangaré, lui-même torpillé par certains de vos proches qui le présentaient tantôt comme un homme de Guéi, tantôt comme un espion de Palenfo ; et même de Laurent Gbagbo, à cause de son épouse ministre du Sida et son fils membre pendant quelque temps, de la sécurité présidentielle, permet de clarifier le bédiéisme que je revendique, même s’il est vraiment dur et difficile d’être bédiéiste de nos jours à 33 ans, c’est-à-dire lier son avenir et l’avenir de la Côte d’Ivoire non au Pdci-Rda, mais à vous seul. Oui, je revendique un bédiéisme critique et non un bédiéisme flagorneur. Je refuse que le bédiéisme d’hier qui a perdu et brisé beaucoup de vies, d’espoirs et d’espérances, continue de nos jours de sévir. Excellence M. le Président, vous avez besoin autour de vous de personnes qui peuvent vous dire lorsque c’est le cas, que vous filez du mauvais coton, sans être traitées de Judas ou sans être traînées dans la boue. Les béni oui oui, les adeptes d’un Bédié parfait n’ont pas leur place dans la maison Bédié. Quand souvent je vois la passion et la folie bédiéiste de quelques personnes, je m’interroge sur les dérives radicales et extrémistes de celles-ci, lorsque vous reviendrez au pouvoir.
Vous êtes ancien Président, et l’on ne peut pas vous critiquer. Mais et si vous redevenez Président alors ! La Refondation risque d’être un bonheur après lequel on va courir, si vous ne mettez pas de l’ordre dans la maison Bédié avant votre éventuel retour au pouvoir… Par ailleurs, au-delà de la lutte pour la Côte d’Ivoire, pour le parti et pour votre retour au pouvoir, la plupart des gens luttent pour leur positionnement personnel. Un tel veut être maire, tel autre ministre, Dg, Pdg, ambassadeur, député, ou membre des instances. Le Pdci a des postes à offrir et des carrières à octroyer. Il est vrai qu’on ne fait rien pour rien, mais ces gens prêts à tout, semble-t-il, et prêts, paraît-il, à mourir pour vous le font aussi et surtout pour des positionnements au niveau national ou dans leurs villages. Ces gens-là, vous devez vous en méfier. Ce n’est pas à vous qui aviez dit jadis que vous n’aviez vraiment pas d’amis que j’apprendrai cela…
L’Alliance avec le RDR est tardive
Pour moi, l’alliance avec le Rdr dans le G7 est tardive. Je reproche au Pdci-Rda et à vous-même d’avoir retardé votre ‘’outing’’, votre mea-culpa. On n’avait pas besoin de la guerre du 19 septembre 2002 pour comprendre que la Côte d’Ivoire allait à la dérive, que le pays d’Houphouët était menacé ! Avant la guerre, les signes de la catastrophe actuelle étaient perceptibles. Avant la guerre, vous aviez eu peur des réactions des Ivoiriens et des militants du Pdci-Rda. C’est pourquoi, vous n’aviez jamais osé régler votre contentieux avec le Rdr et Ouattara. Ce que vous n’aviez pas fait à l’époque, alors que ce geste aurait empêché la guerre, vous le faites à présent, pas par conviction sans doute, mais parce que vous n’avez pas le choix.
‘’Tant que Bédié et le Pdci-Rda ne videront pas leur contentieux avec Ado et le Rdr, Gbagbo va continuer à les rouler un à un pour rester longtemps au pouvoir. Bédié doit se rapprocher d’Ado et de Robert Guéi sinon (…) ‘’, vous avais-je fait dire dès votre retour en Côte d’Ivoire en octobre 2001. Je n’ai pas été entendu. Je n’étais pas alassaniste à l’époque mais je prônais le rassemblement des Houphouëtistes ; bien avant tous ces néo et crypto-houphouëtistes actuels.
Avant la guerre. D’accord avec moi, Sékou Sanagaré appréciait ma fougue mais déplorait mon impatience. Tandis que d’autres me soupçonnaient de rouler pour Ado ou de vouloir vous conseiller dans l’erreur pour masquer mon ralliement à Gbagbo. Des réunions avaient lieu sous les auspices de certains doyens comme M. Djibo Sounkalo. Un tel rassemblement des houphouëtistes à temps, nous aurait évité la guerre… à travers les pressions démocratiques et pacifiques qui auraient été exercées sur Gbagbo. Le silence du Pdci a favorisé la radicalisation, la sérénité, l’assurance et l’arrogance du Fpi qui ont poussé les anciens déserteurs de l’armée ivoirienne à prendre les armes pour résoudre le problème Ado dont le Pdci disait ne plus vouloir se mêler avant la guerre du 19 septembre. Le Pdci refusait de s’en mêler sans avoir le courage de clore et trancher le débat comme Guéi lors du Forum. Le rassemblement des houphouëtistes se sait maintenant alors qu’il est tard et il n’arrive même pas du tout à nous procurer la paix.
Excellence Monsieur le Président, je sais que dans l’espace d’une lettre, je ne peux pas dire tout ce que j’ai dans le cœur, mais je ferai une commission d’un de vos fidèles partisans. Il déplore que vous refusiez de croire aux valeurs ancestrales et traditionnelles de l’Afrique. Tous les hommes politiques s’y adonnent, mais il semble que vous refusez de vous adonner aux sacrifices et aux rituels des marabouts ou autres voyants. Il vous prie de faire entorse à votre foi chrétienne, pour ‘’tuer’’ les sorts et missiles de vos adversaires politiques. C’est ça l’Afrique ! Pour ce qui est de votre retour au pouvoir, j’avoue que ce sera difficile. En 2000, après la publication de la liste des candidats, j’ai établi la conviction que Robert Guéi ne pouvait pas gagner les élections. J’étais convaincu qu’il aurait pu rester au pouvoir, par la force, comme il y est arrivé en décembre 1999. Mais en aucun cas, il ne pouvait remporter les élections face à Laurent Gbagbo.
Ma conviction pour 2005, a été souvent exprimée : à l’allure où vont les choses, la non-réélection de Laurent Gbagbo en 2005, va conduire à une victoire de M. Ouattara, si celui-ci est candidat. Je le dis parce que, vous-même avez toujours refusé jusqu’à Accra III, de croire à ceux qui proposent (de Bongo à Eyadéma) de laisser M. Ouattara être candidat pour que le peuple décide et qu’il soit battu une fois pour toutes. Au-delà du fait qu’il soit burkinabé ou non, c’est bien parce qu’il est susceptible de remporter une élection que vous-même, Robert Guéï et aujourd’hui Laurent Gbagbo, aviez toujours trouvé de quoi le disqualifier. Laurent Gbagbo a été élu avec un peu plus d’un million de voix en 2000. Pour 2005, 2 à 3 millions de voix suffiront pour être Président. A priori, vous êtes grand et digne de prendre le courage et le risque de rassembler et de rapprocher les Houphouétistes. Mais, la conséquence est que vous faites courir le danger de jeter beaucoup de personnes dans les bras du mentor du Rdr à votre détriment ; de la même manière que vous avez laissé des militants et cadres Pdci aider la Refondation à ses débuts.
Beaucoup sont rentrés dans le Gbagboland et refusent d’en sortir. Ils disent être toujours Pdci mais travaillent pour Gbagbo, en prétendant servir la nation et la République et non un individu ou un parti. Etre Pdci et pro Gbagbo en même temps est une réalité même si elle est minime ou minoritaire. En dehors de vos parents et amis de longue date, pensez-vous que celui qui a une situation intéressante avec le pouvoir actuel, prendra le risque de le lâcher pour vous en 2005?
Excellence M. le Président, attention ! Mais si vous revenez au pouvoir, en dépit de tous les obstacles, en particulier du vote des jeunes de 18 ans, du rajeunissement de la carte électorale dont 2 à 3 millions d’électeurs âgés de 18 à 25 ans... parmi eux, plus de 500.000 n’avaient que 13 à 14 ans en 99, quand vous quittiez le pouvoir. Ils ne vous connaissent pas. Par ailleurs, il est bien rare de trouver des bédiéistes ou militants du Pdci ayant 16-18 à 21 ans. Le problème n’est pas propre au Pdci. Il est celui de beaucoup de partis ivoiriens. Enfin, si vous revenez au pouvoir en dépit de la difficulté à maîtriser les enjeux et les dérives d’un vote ethnique et tribal mécanique, alors songez à vous entourer de ceux qui ne vous doivent pas leur ascension et leur positionnement personnel. Méfiez-vous de ceux que vous avez faits et fabriqués ! Ceux-là n’oseront jamais vous faire des observations justes et utiles. Ils auront le souci de toujours manifester leur flagornerie, leur courtisanerie ou leur gratitude pour conserver leur position. C’est cette catégorie de courtisans et partisans qui vous avait conduit à la chute de 1999. (Où sont-ils aujourd’hui les Ahoua N’guetta, Faustin Kouamé et bien d’autres ?) La même bande a perdu Guéï, et le même groupe d’hommes est en train de contribuer à enfoncer Laurent Gbagbo. Je vous suggère vivement de faire attention dans vos choix ; même si je n’ai jamais partagé la thèse un peu courte, selon laquelle le chef est toujours bon mais c’est son entourage qui est toujours mauvais. De vous-même à Gbagbo, on nous a toujours servi cette vérité, mais elle est fausse. Le temps est venu d’assumer les choix et les erreurs.
Excellence, Monsieur le Président de la République, votre petit a choisi de vous parler, de vous interpeller de façon publique. D’aucuns me trouveront insolent et impertinent et vont déplorer le fait que j’ai interpellé le chef devant tout le monde.
J’assume ce choix et j’espère que malgré tout, vous ne m’en voudrez pas beaucoup de prôner un bédiéisme tempéré, apaisé, modéré et critique, aux lieu et place des cris de guerre, des oukases et des anathèmes du bédiéisme flagorneur et outrancier dont les jeunes et la Côte d’Ivoire à bâtir pour demain, n’ont que faire. Et dire qu’on a osé mettre en cause la loyauté de KKB à votre égard au nom de ce bédiéisme primaire et débridé qui refuse de solder tous les comptes de 99 et tirer toutes les leçons ! Père de la démocratie apaisée, malmenée par ceux que vous appelez les négateurs patentés des évidences, vous avez sans doute compris les attentes, les inquiétudes et les ambitions du bédiéiste critique que je demeure malgré tous les procès d’intention et malgré la difficulté d’être bédiéiste dans ce pays, lorsqu’on n’a pas 40 ans. Autre chose M. le Président, plusieurs cadres et militants déplorent votre manque de chaleur humaine et votre attitude distante.
Il paraît que vous prenez rarement vous-même le téléphone pour appeler les cadres et militants.
C’est vrai que le chef doit susciter le désir d’être vu et garder le mystère des attraits et attributs du pouvoir. Mais à force de n’être pas accessible, on ferme la porte à beaucoup de gens. Pis, les messages ne sont pas toujours correctement et humblement transmis lorsqu’ils passent par des émissaires. Des coups de fil, des visites surprises et discrètes aux militants pourraient être utiles.
Depuis la fin de votre exil, beaucoup de cadres, de militants ou de simples amis et connaissances, n’ont pas pu aller vous rencontrer à domicile, n’ont pas pu vous parler au téléphone et n’ont pas eu droit à votre appel. Pensez-y, car cela compte d’être honoré, respecté et flatté. Cela vaut des millions de F CFA dépensés en campagne et est plus efficace que les faiseurs de bruits. Excellence M. le Président, à bientôt. Pour solde de tous les comptes.
Charles Kouassi In L’Intelligent d’Abidjan N°301 du 3 septembre 2004
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Lettre ouverte à Son Excellence Monsieur Laurent Gbagbo‘’La génération couper-décaler, farot-farot veut la paix, elle n’a pas peur de Marcoussis ni de tous les Accra’’
Après le leader du Rdr et le Président du Pdci-Rda, Charles Kouassi s’adresse à S.E.M Laurent Gbagbo dans une lettre ouverte dont le style a contribué à la renommée de l’Intelligent d’Abidjan.
Par où puis-je bien commencer cette lettre que j’ai annoncée sans l’avoir déjà écrite, m’enfermant dans un délai que je suis tenu de respecter. Mes souvenirs me ramènent à cette foi que vous tentiez de communiquer à un de vos amis en août. Nous étions à quelques semaines de l’élection présidentielle.
Revenant des funérailles dans la région de Gagnoa, votre ami a fait escale à Mama votre village que j’avais visité la première fois en 1995 pour un reportage après le boycott actif. Allou Eugène, Lida Kouassi, Sokouri Bohui, que j’ai pu identifier parmi tant d’autres étaient présents. Au retour d’un long tête-à-tête avec vous, votre ami a pris la route, très pensif ne sachant que dire. Mais comme nous étions aussi silencieux et tendus que lui, son fils et moi, il nous a fait cette confidence : ‘’Laurent vient de me dire que dans quelques semaines, il sera Président. Il dit qu’il ne peut me dire sur quoi sa conviction est fondée mais il m’a demandé de me tenir prêt pour servir la République. Ce genre de secret, de confidence, est lourd à porter. Après avoir donc vidé son secret, votre ami est devenu plus relaxe et moi mécontent. Mécontent car durant tout le séjour passé à Gagnoa et dans votre village, je n’ai, à aucun moment, manifesté le désir de vous être présenté. Et je m’en voulais d’avoir snobé le futur président ivoirien (comme FPI mais pas celui de votre collègue Dahico). En fait, le souci et la volonté pour le journaliste de toujours rester inconnu, de brouiller les pistes au niveau de ses sources, ont été plus forts que moi. Je me suis si dit que je m’étais présenté, vous auriez pu deviner mes sources et référence en me lisant souvent !
Je ne voulais pas de cela prenant plaisir à écrire et rester dans l’anonymat vis-à-vis de vous depuis lors. Pourtant, les occasions d’être à votre table n’ont pas manqué ! Cela a suffi, ainsi que quelques articles non laudateurs, pour que dans votre entourage, l’on me fasse passer pour un anti-Gbagbo. C’est à la fois vrai et faux. Vrai parce que je ne fais pas partie de ceux qui ont voté pour vous en Octobre 2000. Rassurez-vous je n’ai pas voté pour Guéi, je suis plutôt resté à l’abri chez moi, loin de l’agitation qui s’annonçait et que je pressentais. L’avenir de la Côte d’Ivoire se jouait à cette date et j’étais étonné par le gros risque que vous aviez pris de ‘’dealer’’ avec Guéi.
J’avais peur pour vous, car si le général Guéi avait réussi son hold-up, vous auriez été grillé à jamais, vous auriez été politiquement fini. Votre crédibilité aurait foutu le camp. En fait, le Rdr aussi bien que le Pdci et bien d’autres souhaitaient la victoire de Robert Guéi. Un putschiste qui fait des pseudo élections pour se légitimer est plus facile à combattre au niveau des arguments et à balayer qu’un roublard, un boulanger qui n’a que la ruse pour avancer et dont on ne vend pas cher la peau. Proche du Pdci-Rda et revendiquant surtout un houphouétisme peu courant chez des jeunes de ma génération, j’ai compris et accepté comme beaucoup d’Ivoiriens qu’il fallait mieux faire avec vous que de brûler le pays.
Affi N’guessan a repris cette façon de faire plus tard en parlant de trêve
Presque quatre ans après, qu’avez-vous fait de cette victoire à l’arrachée, de cette victoire que vous avez refusé qu’on vous vole ?
D’abord, il y a eu le complot de la Mercedes noire, le complot de la cabine téléphonique, les alertes incessantes au coup d’Etat et finalement le 19 septembre 2002, un coup d’Etat manqué mué en rébellion ayant pris le contrôle d’une grande partie du pays, la Côte d’Ivoire non utile mais la Côte d’Ivoire quand même. Que de gâchis ! Que d’occasions manquées ! Je retiens simplement le forum pour la réconciliation nationale. Un bon business, un bon topo dont les résolutions non appliquées constituent la trame des accords de Marcoussis et de tous les Accra. Si pour vos adversaires et détracteurs vous êtes le Président dont le mandat a coïncidé avec la guerre, pour ne pas dire crûment que vous avez apporté la guerre dans notre pays, moi je plaide pour que vous soyez aussi et surtout le Président qui conduit à la paix. Quel sacrifice n’avez-vous pas déjà fait ? Ce qui reste à faire me paraît moins difficile que ce qui a été fait. Comme M. Jourdain, vous faites de l’houphouétisme en le niant, vous appliquez également Marcoussis en le niant sauf quand vos adversaires veulent vous prendre à défaut. Excellence M. le Président de la République, j’ai l’impression que vous faites un peu trop et exagérément de la politique.
Je plaide pour que vous soyez l’homme qui construira la paix.
Etre Abraham Lincoln demande davantage de sacrifices que ce que vous avez déjà fait. Vous serez le premier bénéficiaire de la paix ! Faites la paix Excellence ! J’en vois qui diront que vous en avez déjà assez fait et que c’est aux autres, au G7 de faire leur part de sacrifice. Non Excellence aucun effort n’est de trop car les autres n’ont rien à perdre, ils ont plutôt à vous mettre les bâtons dans les roues pour davantage gâcher votre mandat et prendre votre place.
MM. Bédié et Ouattara ont trouvé suffisamment de raisons pour taire leurs différences et se rassembler contre vous. Cela est à la fois une force et une faiblesse. Mais il vous revient de voir votre part de responsabilité dans ce mariage insolite entre le père de l’ivoirité (de cette ivoirité que vous avez récupérée à votre manière) et la victime de l’ivoirité. Sur le papier, cette alliance fait beau mais elle est bien tardive et surtout choquante et révoltante pour toutes les victimes de ce combat ! Si en Afrique du Sud, Frederick De Klerk a fait la paix avec Mandela, c’est bien parce que ce n’était pas lui l’instigateur de l’apartheid. Frederick De Klerk a hérité d’un système et il a estimé que ledit système ne pouvait plus prospérer. Gorbatchev et De Klerk n’étaient pas les concepteurs et les cerveaux des systèmes dont ils ont précipité la chute. Le père de l’ivoirité ne peut pas tuer lui-même l’ivoirité.
M. Bédié devait en tirer les leçons et se retirer pour confier ce mea-culpa salvateur à quelqu’un d’autre. Peter Botha en Afrique du Sud et d’autres barons du système soviétique se sont d’ailleurs toujours gardés de se renier ! Enfin, le pardon et la réconciliation de M. Bédié auraient été grands et généreux si lui-même n’était plus dans l’arène politique. Il ne pardonne pas pour la Côte d’Ivoire, pour le cœur ; mais il se réconcilie sur l’autel de ses ambitions. Et M. Ouattara la victime de toujours peut bien donner tous les honneurs à Bédié, flatter son ego pour jouir bien de la vengeance et du plaisir du mea culpa même tardif de Bédié. C’est comme ça la vie et le destin de M. Ouattara : ses détracteurs d’hier deviennent vite ses thuriféraires. On a l’exemple des journalistes qui ont attaqué Ado et sont devenus après, ses hommes de main. Pas besoin de les citer.
Au pouvoir, Guéi l’a vilipendé comme Bédié pour se dédire après ! Un vrai brave tchê cet homme ! Mais le peuple n’est pas dupe. Face à cette situation, Excellence qu’attendez-vous pour faire la paix en appliquant ce qui reste d’Accra et de Marcoussis ? Alors que vous avez résisté dans la guerre et qu’ils n’ont pas pu avoir raison de vous avec les armes et toutes les adversités du monde, comment croyez-vous que, la paix retrouvée, vos adversaires vont vous terrasser ?
Impossible !
Allez à la paix et à leurs conditions, à toutes leurs conditions, car ils savent bien qu’une fois qu’ils auront déposé les armes et que la paix sera revenue, il leur sera difficile de reprendre encore les armes pour un oui ou pour un non. Déjà, je devine votre nom d’après la guerre mais faites un effort pour ne pas tout remettre en cause.
La génération couper-décaler, zouglou, farot-farot, peut vous être acquise. Elle veut la paix, elle a besoin de paix pour aller aux élections et pour faroter dans la paix.
Le radicalisme qu’il y a souvent autour de vous fait peur et semble faire le jeu de vos adversaires qui en applaudissent. Ils comptent les jours et sont pressés d’arriver en octobre 2005, pour s’appuyer sur la partie de la constitution qui les arrange : la fin légale et constitutionnelle de votre mandat.
Même si c’était dans des conditions calamiteuses, vous aviez toutefois été élu en 2000 et reconnu comme tel par la communauté internationale après quelques tergiversations internationales et surtout lorsque vos partisans ont pacifié le pays fut-ce au prix d’un charnier et d’autres morts aujourd’hui oubliés au profit des nouveaux martyrs du G7, ceux du 25 mars 2004.
Malgré cette légitimité, certes calamiteuse, qu’ils n’ont jamais vraiment acceptée, vos adversaires vous ont combattu et ont même fait la guerre. A partir d’octobre 2005, ils auront davantage la bouche pour parler si les élections n’ont pas lieu dans les délais impartis. Selon eux, vous ne pourrez plus revendiquer de légitimité dès le dernier jour de votre mandat. La bataille constitutionnelle qui va s’engager pourrait ne pas séduire la communauté internationale qui trouvera enfin l’occasion de vous transformer en Reine d’Angleterre pour avoir un contrôle sur le processus électoral.
Un million de voix
Songez à cela pour ne pas aller trop doucement ! Songez également aux plus d’un million d’Ivoiriens qui vous ont voté en 2000, et dont je ne fis pas personnellement partie. Quoi qu’en disent vos adversaires, qui pensent que le surplus de cinq cents mille voix sur votre maximum depuis le temps d’Houphouët, est plus dû à la volonté de chasser Guéi que de vous voir au pouvoir, (alors que tel n’était pas le calcul des états-majors qui ont appelé au boycott et qui souhaitent que Gbagbo se débatte seul), quoi qu’ils disent donc, vous disposez d’un potentiel de voix d’au moins un million. Vous le pourtant minoritaire ! Quelqu’un qui croit encore au vote tribal m’a même dit que le surplus de voix est constitué des Baoulé qui ont voté pour vous parce que vous aviez promis le retour de Bédié dès votre accession au pouvoir ! Je crois plutôt que vous aviez fait le plein de voix à Abidjan et dans des zones stratégiques et que vous détenez la liste de répartitions des suffrages. En relisant cela, vous deviez enfin comprendre que vous avez intérêt à aller à la paix hic et nunc et surtout être étonné que vos adversaires prennent pour du buff, l’idée de votre réélection en 2005. Les ambitions et les préoccupations des états-majors politiques sont souvent loin des sentiments profonds des peuples. Je ne sais pas dans quel sens l’article 35 sera modifié après le référendum qui est obligatoire, mais j’ai la conviction que dans un premier tour Gbagbo-Ado-Bédié, c’est le dernier cité qui perdra. Il subira le vote sanction de toutes les victimes de coup d’Etat, des ivoiritaires non encore repentis qui pullulent dans le Pdci et qui, pour éviter des risques inutiles, iront voter pour vous en masse pour empêcher que l’ancien nouveau frère de M. Bédié, en l’occurrence M. Ouattara accède à la Magistrature suprême. Les N’Zi Paul David, c’est-à-dire les nouveaux et futurs judas, il en existe beaucoup dans le pays et dans le Pdci-Rda. Après le Fpi et l’épisode du parti unique, après le Rdr, en attendant les pro Fologo, les pro Banny, à côté des N’Zi Paul David (les pro-Gbagbo minoritaires de Pdci), donnez-vous enfin le temps du répit pour savourer la lente mort du serpent Pdci malgré la réconciliation parisienne des Houphouëtistes !
Part de devoir
Excellence M. le Président de la République, j’ai fait ma part de devoir envers vous et envers les deux autres principaux leaders politiques du pays. Ma part de devoir mais aussi de vérité. Du docteur Alassane Ouattara, J’ai prédit qu’il est en route pour la présidence de la République. On a cru que je négociais sérieusement un poste alors qu’il s’agissait de mettre chacun devant ses responsabilités afin que plus personne ne se dérobe et refuse d’assumer désormais. Afin que nul n’en ignore, pour parler comme les juristes.
L’alerte ayant été publique ! Oui tout le monde a été prévenu que M. Ouattara peut être Président, contre vents et marées, envers et contre tous.
Avec M. Bédié, j’ai soldé quelques comptes et j’ai suggéré un peu plus de recul car j’ai le sentiment que toutes les leçons de 1999, n’ont pas été tirées à temps. Et là, voici mes vérités pour vous. Bien entendu ni à vous, ni aux autres leaders, je ne peux avoir tout dit ni tout perçu en l’espace d’une lettre mais je crois avoir exprimé aussi bien le sentiment de vos détracteurs que de certains de vos partisans qui ont certes de l’admiration pour les plus radicaux et durs de vos partisans ; mais qui estiment qu’il y a une autre voie pour la victoire dans et par la paix, même si celle-ci est aux couleurs et aux conditions de Marcoussis et d’Accra. Ceux-là sont des transfuges du Pdci-Rda, des patriotes à leur manière, des patriotes et pro-Gbagbo non militants.
Parmi eux, quelques-uns revendiquent d’avoir été parmi ceux qui ont voté pour vous en 2000.
Ecoutez leur silencieuse détresse Excellence ! et leur soutien non tapageur…
Charles Kouassi
In L’Intelligent d’Abidjan N°329 du 6 octobre 2004