Après avoir instrumentalisé à souhait la justice durant ses dix ans de pouvoir, l’ancien chef de l’Etat, Laurent Gbagbo, répondra de ses actes devant cette même institution. Ce dernier sera jugé. C’est le président de la République, Alassane Ouattara qui l’a dit. En effet, samedi dernier, juste après son investiture devant un parterre de présidents africains et en présence de Nicolas Sarkozy, ADO a accordé un entretien à la presse internationale, notamment RFI et France 24. Dans les échanges avec les journalistes, le président Ouattara a été on ne peut plus clair. Question des journalistes : «Concernant Laurent Gbagbo qui est toujours à Korhogo dans le nord du pays, par qui va-t-il être jugé? Par la Cour Pénal internationale ou par les tribunaux ivoiriens?» Réponse tout aussi claire d’ADO: «Il y a des catégories qui relèvent des tribunaux ivoiriens. La corruption, la déstabilisation, la confiscation du pouvoir après l’élection, les forfaitures etc. Tout ça peut être jugé par les tribunaux ivoiriens. Mais à côté, nous avons des crimes de guerre, des crimes contre l’humanité, des crimes de sang. Nous demandons que ce soit la CPI qui les juge (…) Nous demanderons que Laurent Gbagbo soit jugé. J’ai déjà écrit d’ailleurs (à la CPI) pour le demander. Pas seulement lui, il y a aussi d’autres personnes», s’est voulu sans équivoque, le président de la République. Cette détermination du numéro un ivoirien à voir les crimes de tout genre punis par les juridictions qui en ont la compétence, met fin aux rêves de tous ceux qui pensent encore que la présence très prochaine de Gbagbo devant les tribunaux n’était qu’une vue de l‘esprit. Et qu’au nom de la réconciliation, ce dernier devrait être ‘’épargné’’. Comme ceux des chefs d’Etat qui, on ne sait trop pour quelles raisons, demanderaient à tout hasard à ADO de laisser tout tomber au nom de la paix. Heureusement d’ailleurs qu’aucun président ne s’est hasardé à cela. En tout état de cause, la réponse du chef de l’Etat en dit long sur sa volonté d’élucider tous les crimes, y compris ceux commis par son prédécesseur: «J’ai eu un dîner avec des chefs d’Etat, y compris avec le président de l’Union africaine. J’ai discuté avec le président de la CEDEAO, de l’UEMOA. C’est trop grave ce qui est arrivé. Pourquoi certains chefs d’Etat devraient être devant la CPI pour ce qu’ils ont fait, c’est-à-dire, des crimes de sang, des crimes de guerre et que Laurent Gbagbo ne le soit pas!» s’est-il interrogé. Et à Ouattara d’assurer que le jugement se fera dans le calme et rien ne viendra le perturber. Parce que justement, dira-t-il, l’ancien chef de l’Etat «n’a aucune influence réellement. Il a tenu les gens par la terreur, par l’argent, maintenant qu’il est dépouillé des moyens de l ‘Etat, il sera jugé sur ces questions de manière tout à fait normale (…) ». Avec Gbagbo, seront également jugés tous ceux qui se sont rendus coupables d’actes répréhensibles dans la gestion des affaires de l’Etat et qui, parce que se croyant intouchables, ont participé ou ont été auteurs de violations des droits de l’homme avérés, ou ont pillé les caisses de l’Etat de Côte d’Ivoire. Car ADO entend instaurer une justice indépendante, qui punit les coupables quels que soient leur rang et leur statut social, si leur culpabilité est reconnue. C’est clair.
Yves-M. ABIET
Yves-M. ABIET