On entend ces jours-ci, certaines personnes dire: « Il faut libérer Laurent Gbagbo ». Et quand on leur rétorque: «Pourquoi? Et les crimes graves qu’il a commis?» «Il n’est pas le seul à avoir commis des crimes dans ce pays. Il n’y a pas de politiciens propres dans ce pays. Ils sont tous sales», répondent ces mêmes personnes tout de go. Invité mardi dernier sur RFI, le troisième vice-président du FPI, le Pr Mamadou Koulibaly, a à mots couverts abondé dans ce sens. Pour lui, pour amorcer une bonne réconciliation, il faut se pencher sur le cas de ceux qui sont en détention au Nord du pays. Aujourd’hui, les militants et partisans de Laurent Gbagbo qui croyaient encore dur comme fer que leur champion rebondirait, commence à se résoudre à l’évidence. Laurent Gbagbo, c’est fini. Et les «prophéties» de Koné Malachie n’y pourront rien! Non seulement, Gbagbo a réellement perdu le pouvoir, mais aussi, il doit rendre compte des actes qu’il a posés en âme et conscience. Laurent Gbagbo est allé trop loin pour qu’il soit absout. Il est vrai que la Côte d’Ivoire profondément meurtrie, a besoin de se réconcilier avec elle-même si elle veut aller de l’avant. Mais cette réconciliation ne doit pas se faire sur le dos des victimes et parents des victimes. Certains ont la mémoire courte ou feignent d’être amnésiques. Laurent Gbagbo, sa femme et ses compagnons ne sont pas détenus parce qu’ils auraient tenu des propos qui auraient heurté les nouveaux dirigeants. Ils n’ont pas été mis aux arrêts à la suite d’une transition pacifique. Mais ils l’ont été à la suite de tueries massives et d’une guerre qu’ils ont délibérément engagée contre le peuple de Côte d’Ivoire qui leur a retiré sa confiance depuis le 28 novembre 2010. Au lieu de se soumettre à la volonté populaire, Laurent Gbagbo et ses camarades ont préféré s’engager dans une voie sans issue. Non seulement ils ont fait exécuter et assassiner de milliers de personnes. Mais surtout, ils ont poussé l’irresponsabilité jusqu’à aller armer de jeunes gens à peine sortis de l’adolescence pour tuer d’honnêtes citoyens qui n’avaient pour seul tort que de n’avoir pas voté pour Laurent Gbagbo. Aujourd’hui, l’on veut faire passer pour des victimes, ceux qui ont organisé le grand désastre que la Côte d’Ivoire a vécu de novembre 2010 à avril 2011. La blessure des victimes et des parents des victimes est encore fraîche pour qu’on puisse jouer à ce jeu. Le chef de l’Etat, en appelant à la réconciliation, n’entend pas moins que toute la lumière soit faite dans les événements douloureux des cinq derniers mois. En maintenant en détention Laurent Gbagbo et ses camarades, son intention n’est pas de se venger. Mais faire en sorte que justice soit rendue à tous ceux qui ont perdu un être cher ou des biens par la volonté injustifiée et insensée de l’ancien président de la République, de s’accrocher au pouvoir par la force. Le président Ouattara, aujourd’hui, est à l’aise dans ce dossier. A maintes reprises, il a tendu la main à Laurent Gbagbo et l’a supplié de ne pas s’entêter dans la voie suicidaire dans laquelle il avait décidé de s’engouffrer. Mais ce dernier n’a accordé aucune suite favorable à ses suppliques. Maintenant que l’heure du bilan a sonné, il faut assumer. Car épargner Laurent Gbagbo et consorts de la justice, serait synonyme de pérenniser l’impunité qui a fait tant de mal à ce pays. C’est justement parce que l’impunité s’est installée dans la société ivoirienne que certains individus se sont sentis investis d’une mission d’ange exterminateur. On est allé trop loin dans cette crise. C’est pourquoi, on ne peut pas se permettre, au nom d’une réconciliation de façade, de ne pas juger l’ancien chef de l’Etat et tous ceux qui ont été à l’origine du beau gâchis que les Ivoiriens ont subis. Pour une réconciliation durable et sincère, nul ne doit échapper à la justice.
Jean-Claude Coulibaly
Jean-Claude Coulibaly