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Politique Publié le samedi 4 juin 2011 | L’intelligent d’Abidjan

Les Samedis de Biton : La fin de l’enthousiasme

Pour quelles raisons, un président de la République en Afrique, applaudi le jour de son investiture par son peuple, ne déclenche plus l’enthousiasme de ses plus irréductibles supporters ? Cette perte de flamme peut commencer au bout de six mois ou de quelques années. Aucun pouvoir en Afrique n’y échappe. Depuis des années je me passionne pour ce phénomène. A chaque fois que je regarde les scènes de réjouissance des inconditionnels d’un Président fraîchement élu, je commence à m’inquiéter. Ce constat est aussi valable pour les ministres du gouvernement. Dès qu’ils sont nommés, ils déclenchent un enthousiasme délirant au milieu de leurs amis, de leurs anciens collègues, des membres de leur famille, de leur village, de leur ethnie et de toute leur région. François Mitterrand était souvent en compagnie d’écrivains. On lui posait la question de savoir pourquoi cette fréquentation régulière avec des romanciers. Il disait qu’ils voient plus loin que les autres. Sa citation est beaucoup plus longue. Mais le vrai écrivain, celui qui a de l’imagination, a ce don de percevoir les desseins du peuple avant même qu’ils ne se manifestent. Certains disent que ce sont des fées qui lui dictent ce qu’il doit écrire ou dire. Ne disons pas plus. Une de mes amies, originaire d’un pays voisin, que j’avais vu participer à la campagne de son candidat m’a surpris le week-end dernier. Quand je lui ai fait remarquer que son candidat, qui a été élu depuis sept mois seulement, s’exprimait longuement dans un hebdomadaire et qu’elle devrait le lire, elle m’a presque rabroué. « Ne m’énerve pas en me parlant de celui-là. » Je vois encore les images de cette jeune personne durant la campagne à Abidjan. Loin de son pays mais près de son candidat. Sa volte-face ne saurait m’étonner. Première raison. Dès qu’un Président est élu , tous ses partisans et même ceux qui ne le sont pas, pensent et croient tous qu’ils viennent d’obtenir un gros lot ou gagner le millionnaire. Dans leur entendement, le nouveau Chef va leur distribuer de l’argent. C’est encore la conception du pouvoir selon l’Africain qui lui vient de siècles passés où les Rois prenaient toute la communauté en charge. On a connu des villages africains où c’est le chef qui nourrit tout le village. Dès lors qu’un Président est élu, c’est naturellement que chacun attend son enveloppe. C’est le prix de l’effort. Si en quelques mois le supporter constate qu’il ne voit pas d’argent dans sa main, son enthousiasme se dissipe. « Il ne fait rien pour nous. » Dans son excellent livre intitulé: « L’os de la parole », Madame Adam Ba Konaré, nous explique cette incompréhension, des Africains, du pouvoir. La population attend toujours de l’argent facile de son chef. Elle pense que c’est un Dieu sur terre et qu’il peut tout. Cette mendicité, cette main tendue, se manifeste à tous dans la société africaine. Même étant à la retraite on vous demande de l’argent. On croit que tous ceux qui ont une activité professionnelle ou une célébrité peuvent et doivent secourir les autres. Or, les naufragés de notre société se recrutent à tous les niveaux.

Même des hauts fonctionnaires tendent la main à ceux qui sont au-dessus d’eux. Notre Président doit le savoir et le comprendre. Pour ne pas qu’il perde l’enthousiasme qu’il continue de susciter chez ses inconditionnels qu’il prépare un budget « don social » qui sera distribué chaque semaine, et les noms des bénéficiaires publiés tous les mois. Ainsi la flamme ne baissera pas. Même ceux qui n’étaient pas les partisans le deviendront. C’est vrai que l’argent a été toujours distribué. Mais il faut le faire savoir. Cette publication mensuelle sera comme les résultats du loto et du millionnaire. La flamme brillera chaque jour dans l’attente du tirage du loto. On peut comprendre maintenant pourquoi j’avais cité François Mitterrand et les écrivains. Deuxième raison. Le travail, l’emploi. Pas seulement en Afrique mais partout dans le monde. On attend du Président qu’il offre de l’emploi à tous comme si les entreprises lui appartenaient. Un Président ne peut que créer les conditions pour favoriser l’emploi des jeunes. Comment leur expliquer et leur faire admettre cela ? C’est encore la conception du pouvoir vu par les Africains. On ne peut pas comprendre qu’un homme qui a des responsabilités, qui est connu et de surcroit un chef, ne puisse pas trouver du travail à quelqu’un par un simple coup de fil. Que faire ? Comme pour la première raison publier chaque mois des statistiques sur la courbe de l’emploi comme on le fait si bien dans les pays occidentaux. Cette incompréhension se manifeste même à ceux qui se disent intellectuels. « Il va nous trouver du travail. » Cette ignorance de ce que devrait être le pouvoir provient en grande partie de l’absence de la pratique quotidienne des cinq genres de lecture. C’est comme un champ où poussent des herbes sauvages. Les couper c’est comme se cultiver. Quand elles restent on persiste dans le manque de la connaissance et du savoir. Ainsi va l’Afrique.

A la semaine prochaine !

Par Isaïe Biton Koulibaly
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