Dans cette dernière partie de notre reportage sur Anonkoua-Kouté, le chef du village Dogoua Akéo Antoine. Kouté fait une rétrospection sur les événements qui ont détruit son village et en appelle à l’aide de l’Etat.
Le Patriote : Chef, nous sommes ce jour à Anonkoua Kouté qui a subi un gros préjudice de la crise postélectorale. Quelle est la particularité de votre village ?
Dogoua Akéo Antoine : C’est un village défiguré, un village sans âme. Tout l’héritage du village est parti. Tout le patrimoine des anciens qui a été transmis de génération en génération est parti. Les symboles du village, l’Eglise, l’Ecole, la résidence des prêtres, des sœurs, tout a été pillé. Il ne reste plus rien. Les broyeuses de manioc qui donnent à manger à nos parents ont été emportées. Actuellement, ce sont des oisifs que nous avons dans le village et qu’il faut reprendre en charge. Et puis les morts, les morts nuitamment. C’est vraiment triste et je n’ai pas envie de remuer le couteau dans la plaie. Le village, vous avez eu l’occasion de le constater, est défiguré. Si nous ne revenions pas sur nos pas, les WC et les tôles commencent à partir. Certains plafonds ont été descendus. Tout l’or des ancêtres, parce que pour nous c’est l’or, les parures, les gros pagnes, tout l’or est parti. Il ne reste ni aiguille, ni mortier encore moins d’ustensiles de cuisine pour espérer démarrer une nouvelle vie.
LP : Que s’est-il passé pour qu’on en arrive-là ?
DAA : Monsieur, je m’interroge aussi. Je ne sais pas. Ce sont toujours des rumeurs qui me parviennent ou ce sont les gens me rapportent ces faits. Mais je n’ai eu personne qui vienne me donner la preuve de ce qu’on a pu commettre pour qu’on ait un tel châtiment. Sinon, je m’interroge aussi.
LP : Il est fait état de ce que les Atchans d’Anonkoua Kouté pourchassaient et tuaient toutes les populations allogènes et allochtones.
DAA : A Abobo ici, nous avons trois villages. Ce sont des terres qui appartiennent aux Ebrié. Si on pouvait faire la chasse aux sorcières, on n’allait pas accepter que nos frères venus d’ailleurs, du Nord, de l’Est, de l’Ouest, de l’extérieur de la Côte d’Ivoire viennent s’installer.
Nos parents, nos ancêtres, ont donné à titre gratuit ces terrains à leurs amis parce que l’Ebrié, par nature, est très sociable. Et lorsque tu te lies d’amitié avec un Ebrié, ça se répercute sur les générations. Donc, ils ont donné les terrains à titre gratuit. Il y a d’autres personnes qui en ont acheté. Nous sommes Abobo avec des quartiers qui ont des noms qui ne sont pas Ebrié. Donc, on vivait en bonne intelligence avec des gens, mais si vous avez des enfants, on ne peut pas accoucher le cœur de quelqu’un. Les enfants ou certaines personnes peuvent avoir un écart de comportement. Qu’on saisisse le chef si tel ou tel autre acte s’est passé et on règle ça à l’Africaine. J’ai interdit la circulation de la drogue et des armes dans le village. Donc, je ne sais même pas pourquoi tant d’animosité, pourquoi nous sommes arrivés à ce stade.
LP : Abobo a trois villages Ebrié, Abobo-Té, Abobo Baoulé et Anonkoua Kouté. Pourquoi Anonkoua Kouté particulièrement? Qu’est-ce que votre village a fait de particulier ?
DAA : Voyez un peu la situation du village ! Le PK 18 est un territoire coutumier d’Anonkoua Kouté. Il y a donc le PK 18, N’Dotré et la forêt du Banco qui recèlent beaucoup de gens peu catholiques. Au-delà, il y a la MACA (Maison d’arrêt et de correction d’Abidjan). Quand les gens sortent, ils sont vite arrivés ici. Quand il y a eu cette crise, il y a eu l’attaque d’Abobo Gare et on nous accusait à tort ou à raison d’être des gens de Gbagbo (Laurent, le président déchu). Je ne sais pas, mais notre situation se prête à une telle attaque. Abobo-Té et Abobo Baoulé ont eu ce vent de folie qui n’a pas pu les balayer tous. Pour nous, c’était tellement fort et soutenu qu’on a été obligés de replier pour observer et revenir. Sinon, on aurait tous été tués.
LP : Effectivement en ce qui concerne le retour, sous l’impulsion de l’Autorité pour le retour et la réhabilitation d’Anonkoua Kouté, il y a eu la cérémonie officielle consacrant le retour des Atchans dans leur village. Cinq jours après peut-on dire que ce retour est effectif ?
DAA : Le retour est effectif. Je voudrais profiter de cette question pour remercier les cadres Atchans conduits par le maire N’Koumoh Mobio, les cadres Atchans du RHDP que nous avons rencontrés et qui nous ont aidés à écrire à M le Premier ministre, aux autorités militaires pour que ce retour soit possible. Mais le problème qui se pose maintenant, c’est de se refaire une deuxième vie. Nous n’avons rien. Pas d’argent. Même pas de marmites et casseroles pour faire la cuisine. Notre quotidien est fait de lutte, de combat pour trouver un grain de riz pour nourrir cette population. Ils sont venus et ils veulent bien rester. Comme on le dit, on est mieux chez soi. La grande majorité est là. On est venu définitivement. Pourvu qu’on aide à ne pas pleurer. Le président Houphouët l’a dit : «quelqu’un pleure, il faut l’aider à ne pas pleurer. Si tu viens t’asseoir pour pleurer avec lui, ce n’est pas la peine». Tout ce que nous demandons, c’est qu’on nous aide à ne pas pleurer.
LP : Quels sont les besoins d’Anonkoua Kouté ?
DAA : Les besoins sont énormes. Nous avons une vingtaine de maisons brûlées dont les propriétaires sont obligés de rester en ville. Il faut les aider à reconstruire leurs maisons et réhabiliter pratiquement toutes les maisons du village. Il a aussi les décès. C’est très important. Il faut nous aider à enterrer dignement tous ceux qui sont partis. Ceux qui sont morts au cours de la crise, ceux qui sont morts à effet collatéral de cette crise. Parce que nous avons des morts parce que ces personnes malades ont laissé leurs médicaments pour s’enfuir. Aux familles des victimes, que l’Etat trouve les moyens de sécher leurs larmes.
Nous avons perdu beaucoup. Mais il nous faut le minimum pour redonner vie à notre village.
Vous avez vu chez moi. Il ne me reste plus rien. Même les câbles électriques ont été enlevés. Tout est à refaire à Anonkoua. C’est vraiment dramatique et nous espérons que le président de la République, le Premier ministre et le gouvernement entendront nos pleurs. Il n’y a plus rien ici. Il faut un plan Marshall de réhabilitation du village. Que les autorités y pensent.
LP : Le village a été occupé par les FRCI depuis votre départ. Aujourd’hui, vous êtes revenus. Comment se passe la cohabitation et quel regard ils ont vis-à-vis de la population ?
DAA : L’ambiance est bonne. Je félicite personnellement les Forces républicaines qui nous ont aidées à maintenir la paix dans notre village. Le samedi dernier, j’ai eu un premier entretien avec le chef de la zone d’ici, le Commandant Fré. Nous avons échangé fraternellement, amicalement. Il m’a dit de l’informer toute fois qu’il aura un événement. Moi aussi, sur le plan coutumier, j’ai pris l’engagement de l’informer sur nos activités pour qu’ensemble, nous montrions l’exemple aux autres.
LP : Pour vous, la réconciliation est ainsi enclenchée ?
DAA : Bien sûr ! Par nature, nous sommes un peuple de paix. N’eut-été ce petit incident. C’est vrai, ça nous fait mal. C’est pour cela que j’interpelle les autorités pour qu’elles nous aident à avoir un minimum pour répartir à zéro. Si on nous laisse comme ça, je ne connais pas comment les autres vont réagir. L’or de la famille, c’est la richesse de toute la famille.
Aujourd’hui tout est parti. Quel sera le comportement d’un villageois vis-à-vis de quelqu’un sur qui il retrouve un objet lui appartenant ? C’est pour éviter des conflits de ce genre que nous sollicitons l’aide de l’Etat et du président de la République.
Par OG
Le Patriote : Chef, nous sommes ce jour à Anonkoua Kouté qui a subi un gros préjudice de la crise postélectorale. Quelle est la particularité de votre village ?
Dogoua Akéo Antoine : C’est un village défiguré, un village sans âme. Tout l’héritage du village est parti. Tout le patrimoine des anciens qui a été transmis de génération en génération est parti. Les symboles du village, l’Eglise, l’Ecole, la résidence des prêtres, des sœurs, tout a été pillé. Il ne reste plus rien. Les broyeuses de manioc qui donnent à manger à nos parents ont été emportées. Actuellement, ce sont des oisifs que nous avons dans le village et qu’il faut reprendre en charge. Et puis les morts, les morts nuitamment. C’est vraiment triste et je n’ai pas envie de remuer le couteau dans la plaie. Le village, vous avez eu l’occasion de le constater, est défiguré. Si nous ne revenions pas sur nos pas, les WC et les tôles commencent à partir. Certains plafonds ont été descendus. Tout l’or des ancêtres, parce que pour nous c’est l’or, les parures, les gros pagnes, tout l’or est parti. Il ne reste ni aiguille, ni mortier encore moins d’ustensiles de cuisine pour espérer démarrer une nouvelle vie.
LP : Que s’est-il passé pour qu’on en arrive-là ?
DAA : Monsieur, je m’interroge aussi. Je ne sais pas. Ce sont toujours des rumeurs qui me parviennent ou ce sont les gens me rapportent ces faits. Mais je n’ai eu personne qui vienne me donner la preuve de ce qu’on a pu commettre pour qu’on ait un tel châtiment. Sinon, je m’interroge aussi.
LP : Il est fait état de ce que les Atchans d’Anonkoua Kouté pourchassaient et tuaient toutes les populations allogènes et allochtones.
DAA : A Abobo ici, nous avons trois villages. Ce sont des terres qui appartiennent aux Ebrié. Si on pouvait faire la chasse aux sorcières, on n’allait pas accepter que nos frères venus d’ailleurs, du Nord, de l’Est, de l’Ouest, de l’extérieur de la Côte d’Ivoire viennent s’installer.
Nos parents, nos ancêtres, ont donné à titre gratuit ces terrains à leurs amis parce que l’Ebrié, par nature, est très sociable. Et lorsque tu te lies d’amitié avec un Ebrié, ça se répercute sur les générations. Donc, ils ont donné les terrains à titre gratuit. Il y a d’autres personnes qui en ont acheté. Nous sommes Abobo avec des quartiers qui ont des noms qui ne sont pas Ebrié. Donc, on vivait en bonne intelligence avec des gens, mais si vous avez des enfants, on ne peut pas accoucher le cœur de quelqu’un. Les enfants ou certaines personnes peuvent avoir un écart de comportement. Qu’on saisisse le chef si tel ou tel autre acte s’est passé et on règle ça à l’Africaine. J’ai interdit la circulation de la drogue et des armes dans le village. Donc, je ne sais même pas pourquoi tant d’animosité, pourquoi nous sommes arrivés à ce stade.
LP : Abobo a trois villages Ebrié, Abobo-Té, Abobo Baoulé et Anonkoua Kouté. Pourquoi Anonkoua Kouté particulièrement? Qu’est-ce que votre village a fait de particulier ?
DAA : Voyez un peu la situation du village ! Le PK 18 est un territoire coutumier d’Anonkoua Kouté. Il y a donc le PK 18, N’Dotré et la forêt du Banco qui recèlent beaucoup de gens peu catholiques. Au-delà, il y a la MACA (Maison d’arrêt et de correction d’Abidjan). Quand les gens sortent, ils sont vite arrivés ici. Quand il y a eu cette crise, il y a eu l’attaque d’Abobo Gare et on nous accusait à tort ou à raison d’être des gens de Gbagbo (Laurent, le président déchu). Je ne sais pas, mais notre situation se prête à une telle attaque. Abobo-Té et Abobo Baoulé ont eu ce vent de folie qui n’a pas pu les balayer tous. Pour nous, c’était tellement fort et soutenu qu’on a été obligés de replier pour observer et revenir. Sinon, on aurait tous été tués.
LP : Effectivement en ce qui concerne le retour, sous l’impulsion de l’Autorité pour le retour et la réhabilitation d’Anonkoua Kouté, il y a eu la cérémonie officielle consacrant le retour des Atchans dans leur village. Cinq jours après peut-on dire que ce retour est effectif ?
DAA : Le retour est effectif. Je voudrais profiter de cette question pour remercier les cadres Atchans conduits par le maire N’Koumoh Mobio, les cadres Atchans du RHDP que nous avons rencontrés et qui nous ont aidés à écrire à M le Premier ministre, aux autorités militaires pour que ce retour soit possible. Mais le problème qui se pose maintenant, c’est de se refaire une deuxième vie. Nous n’avons rien. Pas d’argent. Même pas de marmites et casseroles pour faire la cuisine. Notre quotidien est fait de lutte, de combat pour trouver un grain de riz pour nourrir cette population. Ils sont venus et ils veulent bien rester. Comme on le dit, on est mieux chez soi. La grande majorité est là. On est venu définitivement. Pourvu qu’on aide à ne pas pleurer. Le président Houphouët l’a dit : «quelqu’un pleure, il faut l’aider à ne pas pleurer. Si tu viens t’asseoir pour pleurer avec lui, ce n’est pas la peine». Tout ce que nous demandons, c’est qu’on nous aide à ne pas pleurer.
LP : Quels sont les besoins d’Anonkoua Kouté ?
DAA : Les besoins sont énormes. Nous avons une vingtaine de maisons brûlées dont les propriétaires sont obligés de rester en ville. Il faut les aider à reconstruire leurs maisons et réhabiliter pratiquement toutes les maisons du village. Il a aussi les décès. C’est très important. Il faut nous aider à enterrer dignement tous ceux qui sont partis. Ceux qui sont morts au cours de la crise, ceux qui sont morts à effet collatéral de cette crise. Parce que nous avons des morts parce que ces personnes malades ont laissé leurs médicaments pour s’enfuir. Aux familles des victimes, que l’Etat trouve les moyens de sécher leurs larmes.
Nous avons perdu beaucoup. Mais il nous faut le minimum pour redonner vie à notre village.
Vous avez vu chez moi. Il ne me reste plus rien. Même les câbles électriques ont été enlevés. Tout est à refaire à Anonkoua. C’est vraiment dramatique et nous espérons que le président de la République, le Premier ministre et le gouvernement entendront nos pleurs. Il n’y a plus rien ici. Il faut un plan Marshall de réhabilitation du village. Que les autorités y pensent.
LP : Le village a été occupé par les FRCI depuis votre départ. Aujourd’hui, vous êtes revenus. Comment se passe la cohabitation et quel regard ils ont vis-à-vis de la population ?
DAA : L’ambiance est bonne. Je félicite personnellement les Forces républicaines qui nous ont aidées à maintenir la paix dans notre village. Le samedi dernier, j’ai eu un premier entretien avec le chef de la zone d’ici, le Commandant Fré. Nous avons échangé fraternellement, amicalement. Il m’a dit de l’informer toute fois qu’il aura un événement. Moi aussi, sur le plan coutumier, j’ai pris l’engagement de l’informer sur nos activités pour qu’ensemble, nous montrions l’exemple aux autres.
LP : Pour vous, la réconciliation est ainsi enclenchée ?
DAA : Bien sûr ! Par nature, nous sommes un peuple de paix. N’eut-été ce petit incident. C’est vrai, ça nous fait mal. C’est pour cela que j’interpelle les autorités pour qu’elles nous aident à avoir un minimum pour répartir à zéro. Si on nous laisse comme ça, je ne connais pas comment les autres vont réagir. L’or de la famille, c’est la richesse de toute la famille.
Aujourd’hui tout est parti. Quel sera le comportement d’un villageois vis-à-vis de quelqu’un sur qui il retrouve un objet lui appartenant ? C’est pour éviter des conflits de ce genre que nous sollicitons l’aide de l’Etat et du président de la République.
Par OG