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Économie Publié le jeudi 16 juin 2011 | Nord-Sud

Crise à la filière cajou - Les prix montent, les dirigeants se déchirent !

Malgré l’embellie des prix, la filière de l’anacarde est confrontée à une grave crise de leadership. Ce conflit sur fond de malversations financières risque de désorganiser l’activité au détriment des planteurs.


Une production en constante hausse à 400.000 tonnes. Le kilogramme bord-champ de 300 à 450 Fcfa. Les performances de la filière cajou sont bien réelles. Malheureusement, cet essor risque d’être contrarié par les interminables conflits de leadership. En effet, l’activité se caractérise par une pléthore d’organisations professionnelles aux intérêts parfois trop divergents. Situation encore exacerbée par un lourd héritage fait de prélèvements anarchiques aussi bien en zones cen­tre, nord et ouest qu’au niveau des pouvoirs publics. Sur la matrice des prix, l’on constate que ces ponctions drainent des gains substantiels sans pour autant profiter aux paysans qui s’en offusquent avec véhémence. «Dans l’exportation de la noix de cajou, l’Etat possède 10 Fcfa sur le kilo par rapport au Droit unique de sortie (DUS). Cela rapporte au moins 4 milliards Fcfa à l’Etat. Mais, il y a aussi les autres taxes qui atteignent 7,5 Fcfa. Dans cette opération où chaque maillon de la chaîne gagne, les paysans restent les dindons de la farce», fustige le président de la Coopérative des planteurs unis de Sirana, Moussa Soumahoro. Ce ne sont pas les seuls points d’achoppement d’autant que les querelles pour le contrôle de l’Interprofession du cajou (Intercajou) occupent une place de premier plan. Toutes les structures sont en ébullition mais parmi les organisations les plus actives, figure la Fédération nationale des producteurs d’anacarde (Fenpaci). S’élevant contre le non-reversement des prélèvements destinés à l’Intercajou, cette faîtière fait feu de tout bois en vue de voir clair dans la gestion de cette instance qui regroupe aussi bien les producteurs, les exportateurs que les acheteurs. Selon le secrétaire général, Salifou Koné, les prélèvements effectués par l’Autorité de régulation du coton et de l’anacarde (Areca) au titre des campagnes de commercialisation des années 2007 à 2011 n’ont pas été rétrocédés. «Les sommes détournées culminent à plus de 2 milliards de Fcfa», fait-il remarquer.

Une affaire d’argent !

Une situation de rente fort juteuse qu’aucun acteur du secteur n’ose jusque-là démentir. Quoi qu’il en soit, suite aux pressions exercées, la semaine dernière, par les producteurs à travers sit-in et grèves devant ses locaux, l’Autorité de régulation a fini par brandir quelques 60 millions de Fcfa comme liquidités représentant le fond de la caisse. Une somme «dérisoire » que le secrétaire exécutif, Mapri Kpolo, se dit pourtant prêt à mettre à la disposition de l’Intercajou pour son fonctionnement. « A condition que le ministère de l’Agriculture donne son accord », rapporte un responsable de l’organe d’Etat. Refus catégorique des producteurs qui donnent un ultimatum. Lequel expire aujourd’hui même. «Nous exigeons qu’un bilan soit fait d’ici le 15 juin et qu’au plus tard à la fin de ce mois, les 2 milliards soient reversés. Si cela n’est pas fait, les producteurs viendront, cette fois en nombre impressionnant, pour demander des comptes aux détenteurs illégaux des fruits de leur labeur», fulmine M. Koné, incriminant ostensiblement l’Areca et le ministère de l’Agriculture dans la « gestion floue » des fonds destinés à l’interprofession. «Ils usent de subterfuges pour ne pas faire le point de l’utilisation exacte de cet argent », enfonce le président Youssouf Traoré. Pour lui, la crise à l’Intercajou n’est qu’un écran de fumée pour masquer les détournements orchestrés. «Des personnes se réclamant délégués des producteurs sont manipulés pour faire croire qu’il y a problème au sein de l’Intercajou et justifier ainsi le blocage des fonds de cette institution», souligne-t-il, et de mettre en garde contre une dissolution ou une suspension de l’Intercajou. « Il ne revient pas au ministère de stopper son fonctionnement par un simple arrêté ministériel là où il a fallu une ordonnance présidentielle pour sa création», dit-il. Une position également partagée par le président de l’Intercajou, Abdoulaye Touré. Mais, selon les délégués en question, les organes de l’interprofession, en l’occurrence le collège des producteurs, ont besoin d’être renouvelés vu que le mandat à lui confié en 2007 a expiré. «Le mandat est terminé. Nos statuts commandent qu’on renouvelle nos organes», affirme Lagnime Coulibaly, délégué de la Vallée du Bandama, ajoutant que M. Touré se serait rendu coupable de gabegie aux allures de malversations à grande échelle. «Il a pris une société de gardiennage qu’il loue à 80 millions Fcfa. En plus, il a fait disparaître près de 40 millions de Fcfa  de nos caisses», assomme le délégué du Worodougou, Mamadou Tioté. Des accusations que le mis-en-cause réfute en bloc. « Tout cela ne s’appuie sur aucune preuve. Le problème est qu’ils sont fâchés parce qu’on les a remplacés par d’autres administrateurs. Quant à la régularité de mon maintien à la tête, je dois dire que nous sommes allés devant les juridictions ivoiriennes qui ont validé mon élection au poste de président du conseil d’administration, rapporte-t-il. Même si l’on peut soupçonner des intrigues attribuables au ministère de l’Agriculture, Mamadou Sangafowa Coulibaly se garde bien de se jeter dans le marigot. Néanmoins, son département a ouvert de nombreux chantiers. Il s’agit d’abord d’assurer la pérennité de l’activité surtout qu’elle constitue le «café-cacao», de tout le septentrion ivoirien. De garantir, ensuite, une qualité optimale des produits de la collecte à la commercialisation.
Et d’asseoir enfin la com­­pétitivité du secteur sur des bases solides via une bonne valorisation des richesses générées. De fait, M. Coulibaly envisage de grandes réformes au niveau de la mise en place des instruments de pilotage de l’ensemble de la stratégie agricole. Il reste cependant à activer la mise en œuvre des plans de transformation. Autant dire que les ambitions du nouveau pouvoir requièrent au préalable un consensus des opérateurs concernés. Malheureusement, il faut se rendre à l’évidence que ce consensus s’avère aujourd’hui bien difficile à réaliser.

Lanciné Bakayoko
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