. Ce qu’ils ont vécu au Libéria
. 6000 déplacés quittent les camps
Les nombreux Ivoiriens qui ont trouvé refuge au Libéria ont commencé à rejoindre leur village. Sur un total de mille prévus à la fin de la semaine prochaine, plus de quatre cents (400) sont retournés chez eux début juin. Nous en avons rencontré, dans le village de Teapleu, situé à une vingtaine de kilomètres de Zouan-Hounien, à environ 75 kilomètres de Man, les mercredi 15 et vendredi 17 juin 2011, lors de notre passage. Avec eux, ce sont également des milliers de déplacés qui ont fait le même chemin, avec de part et d’autre des fortunes diverses.
« Mon fils et moi avons dû quitter précipitamment Teapleu au mois de mars pour rejoindre la localité de Gbinta, au Libéria, pour éviter les affrontements ». Ces propos sont de Bamba Louise, âgée de 21 ans, dont le regard inquisiteur en dit long sur son séjour en terre libérienne. «J’étais enceinte de huit mois. C’est en février que j’ai mis au monde au Libéria mon deuxième fils. Je vous assure que cela n’a pas été facile », indique-t-elle, expliquant que pendant leur fuite en pleine brousse, son fils et elle se nourissaient de tubercules de manioc frais qu’elle déterrait dans des champs. C’est sous la pluie qu’elle a gagné la localité de Gbinta, son fils de trois ans grelottant sous la main. Mabéa Houapeu Germaine, veuve âgée de 43 ans, s’est retrouvée à Boutow au Libéria, le 23 février 2011. En compagnie de ses cinq enfants et de deux autres d’une connaissance, elle a quitté discrètement le village de Teapleu. «Nous sommes partis du village à 4h du matin. Nous avons marché en brousse jusqu’à Boutow où nous sommes arrivés à 19h. Les enfants étaient épuisés et affamés. Mais il fallait s’éloigner rapidement de la région de Zouan-Hounien », avance-t-elle. Gbé Domun Céline, qui a quitté précipitamment Teapleu, un jour de février, raconte son calvaire : « Nous sommes partis à 7 h pour arriver à 14h à Beepleu, au Libéria. Il fallait courir quand c’était nécessaire, se cacher ou marcher doucement pour ne pas attirer l’attention des hommes en armes qui tiraient un peu plus loin de nous ». Quant à Gbéda Paulin, ses six enfants, sa femme et une dizaine de personnes, ils se sont refugiés à Beepleu, dès le mois de décembre afin d’éviter d’être pris dans un affrontement entre combattants. « Nous avons passé deux jours en brousse. Je déracinais des tubercules de manioc ou j’arrachais des ananas et des bananes non formées pour tout le monde », apprend-il.
Petits boulots
Livrés à eux-mêmes, les réfugiés ivoiriens au Libéria n’ont dû leur survie qu’aux petits boulots « humiliants », selon leurs propres termes. Kapeu Junior, qui était dans la localité libérienne de Campleu, en parle avec émotion : « Avant de fuir de la Côte d’Ivoire, j’étais maçon. Les matins, nous nous promenons dans la localité à la recherche d’un petit boulot.
Quelquefois, je réussissais à avoir un boulot d’aide maçon qui me permettait d’avoir trois cents ou cinq cents francs Cfa par jour. C’est ce qui me permettait tant bien que mal de me nourrir avec ma famille ». C’est aussi le cas de Gbéda Paulin qui s’est essayé au même métier pour pouvoir gagner trois cents francs Cfa par jour pour faire face aux besoins familiaux. « Des fois, je débroussaillais des champs de nos hôtes pour obtenir trois ou quatre cents francs Cfa », ajoute-t-il, soulignant que la situation était intenable pour les Ivoiriens qui fuyaient au Libéria. Mabéa Germaine soutient que des jeunes qui étaient en leur compagnie à Boutow faisaient de petits boulots (désherbage, aide-maçons) afin de survivre.
Quant à Bion Gouanou Nicaise, il ne se plaint pas trop. « Avec la maçonnerie que je faisais, j’ai évité la déchéance à ma famille dans la localité libérienne de Blinleu. Les enfants demandaient un peu plus. Il fallait prendre nos responsabilités et quelquefois nous humilier pour avoir de quoi manger », révèle-t-il à Teapleu, localité qu’il a dû quitter précipitamment le 24 février 2011, à 4h48mn du matin, à l’approche des combattants lourdement armés. Au Libéria, Natoueu Arsène s’est refugié à Baneu, situé à une trentaine de kilomètres de la Côte d’Ivoire. « J’ai fui avec mes trois enfants et ma femme en avril. Pendant trois jours, nous marchions en brousse. Nous nous contentions d’arachides, de bananes, de manioc et quelquefois de racines d’arbres. En tant que cultivateur, je faisais des contrats qui me rapportaient cinq cents francs Cfa par jour pour survenir au besoin de ma famille », note-t-il.
Les cinq cent vingt et un (521) réfugiés ivoiriens rentrés entre le mercredi 15 et vendredi 17 juin 2011, tout comme ceux que nous avons rencontrés, expliquent que la plupart d’entre eux ont été recensés mais n’ont bénéficié d’aucune aide sur place des organismes internationaux basés au Libéria
Retour volontaire
A ces réfugiés ivoiriens du Libéria, il faut ajouter les déplacés internes qui ont jugé la situation sécuritaire acceptable pour regagner leur localité. C’est le cas de six mille neuf cent soixante huit (6968) personnes issues de mille huit cents (1800) familles qui avaient trouvé refuge dans des sites d’accueil aménagés par le Haut commissariat des nations unies pour les réfugiés (Unhcr) dans la ville de Danané, à une soixantaine de kilomètres de Man. Elles, comme 493 personnes qui ont été convoyées par l’Unhcr, le vendredi 17 juin à Teapleu, ont décidé volontairement de regagner leur village. « Nous avons reçu la garantie des premières personnes qui sont sur place de la sécurité et la tranquillité. Donc nous avons décidé de rejoindre nos maisons », déclare Diomandé Aïcha, les yeux pleins de larmes lorsqu’elle quittait ses « voisines » de Zouan-Hounien ville, qui veulent avoir des informations supplémentaires avant de se décider. Quant à Nekapo Yvette, elle s’est dite soulagée, après que l’Unhcr s’est occupé de ses enfants malades. C’est le cas de Traoré Barrakissa qui embarquait le vendredi 17 juin à 6h50mn, au deuxième site de Danané pour le village de Teapleu. Gounpou Gisèle, élève en classe de 1ère A au lycée moderne de Zouan-Hounien, a dû abandonner les cours, le mercredi 15 juin 2011. « Nous avons passé un mois en brousse sans nourriture véritable sauf des tubercules de manioc. Aujourd’hui que tout en rentré en ordre, nous nous sommes dépêchées de venir récupérer des vivres offerts par l’Unhcr pour réapprendre à vivre », avance-t-elle. Quant à Yekado Germain du village de Goapleu, il a fait cette suggestion. « Nous sommes heureux de recevoir ces kits. Mais nous demandons qu’on nous donne des semences de riz pluvial et de bas-fonds afin que nous nous prenions en charge à long terme ».
Mobilisation humanitaire
Face aux nombreux réfugiés et déplacés, l’Unhcr et ses partenaires, à savoir Caritas Côte d’Ivoire et Afrique secours assistance (Asa), ont travaillé en synergie et respecté la volonté de ces « démunis ». « Nous faisons le retour volontaire, le projet d’assistance, le rapatriement spontané (refugiés) », explique Bamba Tane, chef de bureau de l’Unhcr de Man. Ce dernier indique que sur les dix-neuf (19) sites qui hébergent les déplacés, l’Unhcr apporte l’assistance, les vivres, les non vivres et les soins médicaux. Pour lui, avec la politique du gouvernement ivoirien de favoriser le retour des réfugiés et déplacés, l’Unhcr identifie les lieux originels à travers la stratégie « go and see » qui permet d’obtenir des garanties. « Nous nous rendons au lieu de retour pour constater si la sécurité y est. Maintenant, nous ouvrons la liste des personnes qui désirent retourner chez elles, car elle ne doivent pas être forcées et sur place il leur faut le minimum vital. C’est pourquoi nous leur proposons, à leur descente, des ustensiles de cuisine, des seaux, des moustiquaires, des nattes, des bâches, des couvertures. La semaine prochaine, le Programme alimentaire mondial (Pam) viendra jouer sa partition », développe-t-il. Aux déplacés qui, pour des raisons de sécurité, ne peuvent pas rejoindre leur localité, l’Unhcr, selon Bamba Tane, propose des conditions de vie décente. C’est pourquoi il veut désengorger le camp de la mission catholique de Duékoué, à travers la construction d’un site de 25 ha pour accueillir les déplacés des localités de Tinhou et Doké (Touleupleu).
M’BRA Konan, envoyé spécial
. 6000 déplacés quittent les camps
Les nombreux Ivoiriens qui ont trouvé refuge au Libéria ont commencé à rejoindre leur village. Sur un total de mille prévus à la fin de la semaine prochaine, plus de quatre cents (400) sont retournés chez eux début juin. Nous en avons rencontré, dans le village de Teapleu, situé à une vingtaine de kilomètres de Zouan-Hounien, à environ 75 kilomètres de Man, les mercredi 15 et vendredi 17 juin 2011, lors de notre passage. Avec eux, ce sont également des milliers de déplacés qui ont fait le même chemin, avec de part et d’autre des fortunes diverses.
« Mon fils et moi avons dû quitter précipitamment Teapleu au mois de mars pour rejoindre la localité de Gbinta, au Libéria, pour éviter les affrontements ». Ces propos sont de Bamba Louise, âgée de 21 ans, dont le regard inquisiteur en dit long sur son séjour en terre libérienne. «J’étais enceinte de huit mois. C’est en février que j’ai mis au monde au Libéria mon deuxième fils. Je vous assure que cela n’a pas été facile », indique-t-elle, expliquant que pendant leur fuite en pleine brousse, son fils et elle se nourissaient de tubercules de manioc frais qu’elle déterrait dans des champs. C’est sous la pluie qu’elle a gagné la localité de Gbinta, son fils de trois ans grelottant sous la main. Mabéa Houapeu Germaine, veuve âgée de 43 ans, s’est retrouvée à Boutow au Libéria, le 23 février 2011. En compagnie de ses cinq enfants et de deux autres d’une connaissance, elle a quitté discrètement le village de Teapleu. «Nous sommes partis du village à 4h du matin. Nous avons marché en brousse jusqu’à Boutow où nous sommes arrivés à 19h. Les enfants étaient épuisés et affamés. Mais il fallait s’éloigner rapidement de la région de Zouan-Hounien », avance-t-elle. Gbé Domun Céline, qui a quitté précipitamment Teapleu, un jour de février, raconte son calvaire : « Nous sommes partis à 7 h pour arriver à 14h à Beepleu, au Libéria. Il fallait courir quand c’était nécessaire, se cacher ou marcher doucement pour ne pas attirer l’attention des hommes en armes qui tiraient un peu plus loin de nous ». Quant à Gbéda Paulin, ses six enfants, sa femme et une dizaine de personnes, ils se sont refugiés à Beepleu, dès le mois de décembre afin d’éviter d’être pris dans un affrontement entre combattants. « Nous avons passé deux jours en brousse. Je déracinais des tubercules de manioc ou j’arrachais des ananas et des bananes non formées pour tout le monde », apprend-il.
Petits boulots
Livrés à eux-mêmes, les réfugiés ivoiriens au Libéria n’ont dû leur survie qu’aux petits boulots « humiliants », selon leurs propres termes. Kapeu Junior, qui était dans la localité libérienne de Campleu, en parle avec émotion : « Avant de fuir de la Côte d’Ivoire, j’étais maçon. Les matins, nous nous promenons dans la localité à la recherche d’un petit boulot.
Quelquefois, je réussissais à avoir un boulot d’aide maçon qui me permettait d’avoir trois cents ou cinq cents francs Cfa par jour. C’est ce qui me permettait tant bien que mal de me nourrir avec ma famille ». C’est aussi le cas de Gbéda Paulin qui s’est essayé au même métier pour pouvoir gagner trois cents francs Cfa par jour pour faire face aux besoins familiaux. « Des fois, je débroussaillais des champs de nos hôtes pour obtenir trois ou quatre cents francs Cfa », ajoute-t-il, soulignant que la situation était intenable pour les Ivoiriens qui fuyaient au Libéria. Mabéa Germaine soutient que des jeunes qui étaient en leur compagnie à Boutow faisaient de petits boulots (désherbage, aide-maçons) afin de survivre.
Quant à Bion Gouanou Nicaise, il ne se plaint pas trop. « Avec la maçonnerie que je faisais, j’ai évité la déchéance à ma famille dans la localité libérienne de Blinleu. Les enfants demandaient un peu plus. Il fallait prendre nos responsabilités et quelquefois nous humilier pour avoir de quoi manger », révèle-t-il à Teapleu, localité qu’il a dû quitter précipitamment le 24 février 2011, à 4h48mn du matin, à l’approche des combattants lourdement armés. Au Libéria, Natoueu Arsène s’est refugié à Baneu, situé à une trentaine de kilomètres de la Côte d’Ivoire. « J’ai fui avec mes trois enfants et ma femme en avril. Pendant trois jours, nous marchions en brousse. Nous nous contentions d’arachides, de bananes, de manioc et quelquefois de racines d’arbres. En tant que cultivateur, je faisais des contrats qui me rapportaient cinq cents francs Cfa par jour pour survenir au besoin de ma famille », note-t-il.
Les cinq cent vingt et un (521) réfugiés ivoiriens rentrés entre le mercredi 15 et vendredi 17 juin 2011, tout comme ceux que nous avons rencontrés, expliquent que la plupart d’entre eux ont été recensés mais n’ont bénéficié d’aucune aide sur place des organismes internationaux basés au Libéria
Retour volontaire
A ces réfugiés ivoiriens du Libéria, il faut ajouter les déplacés internes qui ont jugé la situation sécuritaire acceptable pour regagner leur localité. C’est le cas de six mille neuf cent soixante huit (6968) personnes issues de mille huit cents (1800) familles qui avaient trouvé refuge dans des sites d’accueil aménagés par le Haut commissariat des nations unies pour les réfugiés (Unhcr) dans la ville de Danané, à une soixantaine de kilomètres de Man. Elles, comme 493 personnes qui ont été convoyées par l’Unhcr, le vendredi 17 juin à Teapleu, ont décidé volontairement de regagner leur village. « Nous avons reçu la garantie des premières personnes qui sont sur place de la sécurité et la tranquillité. Donc nous avons décidé de rejoindre nos maisons », déclare Diomandé Aïcha, les yeux pleins de larmes lorsqu’elle quittait ses « voisines » de Zouan-Hounien ville, qui veulent avoir des informations supplémentaires avant de se décider. Quant à Nekapo Yvette, elle s’est dite soulagée, après que l’Unhcr s’est occupé de ses enfants malades. C’est le cas de Traoré Barrakissa qui embarquait le vendredi 17 juin à 6h50mn, au deuxième site de Danané pour le village de Teapleu. Gounpou Gisèle, élève en classe de 1ère A au lycée moderne de Zouan-Hounien, a dû abandonner les cours, le mercredi 15 juin 2011. « Nous avons passé un mois en brousse sans nourriture véritable sauf des tubercules de manioc. Aujourd’hui que tout en rentré en ordre, nous nous sommes dépêchées de venir récupérer des vivres offerts par l’Unhcr pour réapprendre à vivre », avance-t-elle. Quant à Yekado Germain du village de Goapleu, il a fait cette suggestion. « Nous sommes heureux de recevoir ces kits. Mais nous demandons qu’on nous donne des semences de riz pluvial et de bas-fonds afin que nous nous prenions en charge à long terme ».
Mobilisation humanitaire
Face aux nombreux réfugiés et déplacés, l’Unhcr et ses partenaires, à savoir Caritas Côte d’Ivoire et Afrique secours assistance (Asa), ont travaillé en synergie et respecté la volonté de ces « démunis ». « Nous faisons le retour volontaire, le projet d’assistance, le rapatriement spontané (refugiés) », explique Bamba Tane, chef de bureau de l’Unhcr de Man. Ce dernier indique que sur les dix-neuf (19) sites qui hébergent les déplacés, l’Unhcr apporte l’assistance, les vivres, les non vivres et les soins médicaux. Pour lui, avec la politique du gouvernement ivoirien de favoriser le retour des réfugiés et déplacés, l’Unhcr identifie les lieux originels à travers la stratégie « go and see » qui permet d’obtenir des garanties. « Nous nous rendons au lieu de retour pour constater si la sécurité y est. Maintenant, nous ouvrons la liste des personnes qui désirent retourner chez elles, car elle ne doivent pas être forcées et sur place il leur faut le minimum vital. C’est pourquoi nous leur proposons, à leur descente, des ustensiles de cuisine, des seaux, des moustiquaires, des nattes, des bâches, des couvertures. La semaine prochaine, le Programme alimentaire mondial (Pam) viendra jouer sa partition », développe-t-il. Aux déplacés qui, pour des raisons de sécurité, ne peuvent pas rejoindre leur localité, l’Unhcr, selon Bamba Tane, propose des conditions de vie décente. C’est pourquoi il veut désengorger le camp de la mission catholique de Duékoué, à travers la construction d’un site de 25 ha pour accueillir les déplacés des localités de Tinhou et Doké (Touleupleu).
M’BRA Konan, envoyé spécial