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Politique Publié le mercredi 22 juin 2011 | Le Patriote

Propos liminaire du ministre Ahoussou Jeannot : “Toute la lumière sera faite”

Le Garde des Sceaux, ministre d’Etat, ministre de la Justice, Me Ahoussou Jeannot, a animé avec son homologue des Droit de l’homme et des Libertés publics, Coulibaly Gnenema, une conférence de presse au Golf Hôtel. Les deux ministres ont fait le point de l’état des droits de l’homme et des procédures ouvertes contre l’ex-chef de l’Etat et ses collaborateurs.

J’ai annoncé que je devrais vous faire l’état des procédures de la crise postélectorale. Nous avons été nommé à la tête de ce ministère à un moment où un ancien chef d’Etat est capturé dans un bunker avec des anciens ministres. Vous imaginez la haute conscience que nous avons donc de notre rôle. Parce qu’il faut prendre date avec l’histoire, prendre date pour anoblir la justice, pour faire de la justice la véritable clé de voûte de toute la société ivoirienne.

Il faut faire en sorte que la justice ivoirienne soit la vitrine de la Côte d’Ivoire moderne. Il faut faire de la justice ivoirienne le facteur de la promotion économique de la Côte d’Ivoire. Il faut faire en sorte que tout citoyen quel que soit son statut, riche ou pauvre, grand ou petit, fort ou faible, puisse aller en toute assurance en sachant qu’il y aura le droit pour lui. Il faut faire en sorte que la justice ivoirienne prenne sa place dans la sous-région. Nous pensons que nous allons y arriver parce que nous avons un Président de la République qui fait de la justice ivoirienne son crédo au quotidien. Nous avons un Président moderne, respectueux des règles, des normes nationales et internationales. Depuis la capture le 11 avril 2011 du président Laurent Gbagbo, des procédures ont été engagées. La première mesure qui a été prise pour éviter qu’on nous parle de détention arbitraire a été la signature d’un décret du Président de la République assignant en résidence, conformément à la loi de 1963, l’ancien Président Laurent Gbagbo. Ce matin, (hier, ndrl) une chaîne internationale a dit que cette loi n’existait pas. Je ne sais pas si cette radio a agi de mauvaise foi ou par ignorance. Je pense que cette radio n’a pas cherché. Ce texte existe, il est de 1963 (il brandit une copie de la loi, ndlr). Ce texte a une histoire…

Je voudrais aussi signaler que c’est en vertu de cette loi que le Président Gbagbo s’est permis de réquisitionner la BCEAO et ses agents. J’ai fait tout ce tour pour dire que nous faisons de la légalité notre pierre angulaire. M. Laurent Gbagbo et ses compagnons capturés ont été assignés en résidence surveillée. Je voudrais aussi souligner qu’il y a eu l’histoire de la Pergola, parce que nous avons été appelés par des proches de Laurent Gbagbo dont Alcide Djédjé, qui étaient au Sebroko et qui demandaient notre soutien. C’est ainsi que le Président de la République, approché par l’ONUCI, a jugé bon d’installer ces dignitaires du FPI à la Pergola parce que l’insécurité en ce moment était grandissante. On venait d’ouvrir la MACA et plus de six mille détenus étaient dans la nature. La Pergola a été sécurisée par les Nations Unies. Parmi ces personnes qui étaient à la Pergola, certaines ont été placées en assignation à résidence, notamment le Premier ministre Aké N’Gbo et tous les membres de son gouvernement. Parce que le fait de résister du 4 décembre 2010 jusqu’au 11 avril 2011 est une atteinte à la sûreté de l’Etat, un coup d’Etat en préparation. Le coup d’Etat a échoué.

Par tolérance, nous avions demandé à l’ancien Premier ministre Affi N’Guessan et d’autres cadres de garder leur portable pour lancer des appeler de dépôt d’armes aux miliciens afin de mettre fin aux nombreux morts. A cette occasion, Affi N’Guessan avait lancé un appel via la télévision aux miliciens de déposer les armes. Mais deux semaines après, il a cru que cette tolérance était une licence. Il s’est permis de convoquer la presse internationale pour animer une conférence de presse à la Pergola, alors qu’il est assigné en résidence. Vous ne pouvez pas être hébergé par l’Etat de Côte d’Ivoire et faire ce que vous voulez faire. Nous avons estimé que cette situation était intenable et qu’il fallait leur retirer les portables. Nous avons ensuite durci les conditions d’assignation en résidence. Nous l’avons fait sur la base de la loi. Ici au Golf, lorsque nous avons capturé les gens qui étaient dans le bunker, quelques jours après, le Président de la République a veillé à ce que certaines d’entre elles retournent chez elles. Nous avons escorté les enfants du Président Gbagbo jusqu’à Moossou à la demande de Mme Gbagbo. Une première vague de personnes est sortie entre le 13 et le 14 avril, une autre vague début mai. D’autres ont évoqué les conditions de sécurité pour allonger leur séjour à l’hôtel Pergola. Nous avons donc engagé des procédures dès le 29 avril. Nous avons instruit le Procureur de la République afin d’ouvrir une information à deux volets : volet économique pour les crimes économiques et l’autre volet pour les crimes de sang. L’enquête préliminaire sur le volet économique est terminée. Le juge d’instruction du 6ème Cabinet a reçu les réquisitoires introductifs depuis le vendredi dernier. Le juge d’instruction va investir. N’oubliez pas que la BCEAO a été volée, pillée ainsi que la BICICI et d’autres entreprises. Il faut que les gens répondent de tous ces faits-là. L’argent pris à la BCEAO n’appartient pas à la Côte d’Ivoire. C’est de l’argent communautaire. Il y a eu entrée par effraction dans ces banques, c’est du vol en réunion, à main armée. Alors que la BICICI avait décaissé un milliard pour payer ses employés à Adjamé, des hommes armées ont fait irruption et sont partis avec le milliard. Le milliard a disparu à la Police économique. Il faut qu’on nous explique, on fera le dialogue, la vérité et la réconciliation après. On ne peut pas oublier ce passage. Il faut que la vérité judiciaire éclate. Un auteur français disait, vérités judiciaires, honneur des hommes. Cette vérité qui nous réhabilite. Pour l’intérêt de tous ces mis en cause, il faut que la justice fasse son travail pour que ceux qui n’ont rien fait, soient blanchis et ceux qui ont fait quelque chose payent. Ce volet économique est né aussi d’une procédure en Suisse. N’oublions pas que 150 milliards ont été découverts sur des comptes en Suisse. Cet argent appartenait à des Ivoiriens qui, il y a quelques années, étaient impécunieux. Cet argent aurait pu être utilisé à construire des routes, des écoles, des hôpitaux. Après la découverte de cet argent, nous avons déposé une plainte en mars 2011.

Nous avons commis deux cabinets d’avocats à Genève et à Paris pour suivre ce dossier.

Des instructions ont été ouvertes et les comptes gelés. Nous allons nous battre pour que cet argent revienne en Côte d’Ivoire. Ce volet économique a entrainé le gel des avoirs par l’Union européenne. Ce sont des mesures administratives de l’Union européenne qui ont touché environ 121 personnes ainsi que 10 sociétés. L’Union européenne s’est basée sur quatre motifs pour prendre ces décisions : obstacles au processus démocratique, incitation à la haine, crime de sang et financement du régime. Une trentaine d’entre elles ont fait des recours devant le tribunal de l’Union européenne. Ainsi, les fonds de certains ont été dégelés.

Etant donné que le processus de paix est un processus continu, tous ceux qui ont été épinglés pour avoir fait obstacle à ce processus peuvent du jour au lendemain sortir de cette liste noire, nous travaillons à cela avec l’Union européenne. C’est ainsi que nous avons demandé le dégel de certaines sociétés dont la RTI qui percevra désormais les redevances collectées par la CIE. Nous allons traquer tous ceux qui ont été mêlés à ces histoires. On ne peut pas tuer impunément, on ne peut pas enlever les gens impunément. Nous allons bientôt commettre des cabinets pour traquer partout dans les paradis fiscaux, où les sous ont été mis, pour que ces sous reviennent à la Côte d’Ivoire. On vient de découvrir 5 milliards des biens vendus à Genève, qui ont été saisis et qui seront reversés dans les comptes du Trésor.

Au niveau des crimes de sang, le plus récent a été l’enlèvement et l’assassinat de M. Yves Lambelin et ses compagnons d’infortune. Ils ont été enlevés le 4 avril, M. Laurent Gbagbo était encore au pouvoir. Ils ont été conduits au Palais présidentiel où ils ont été torturés avant d’être tués, les corps ont été emballés dans les plastiques noirs avant d’être jetés dans la lagune. Des miliciens ont été arrêtés récemment, ainsi que des officiers qui ont participé à l’enlèvement et à la mort de ces hommes. Contre ces personnes, une information judiciaire a été ouverte. Nous savons qui a achevé ces personnes. Il s’agit des personnes qui ont été recrutées dans les conditions nébuleuses dénoncées à l’époque par le Président de l’Assemblée nationale, Mamadou Koulibaly. Nous avons aussi ouvert une information contre x pour tous les enlèvements et tous les disparus. Contre les dignitaires de l’ancien régime, pour tous ces crimes, pour ces achats illégaux d’armes alors qu’on était sous embargo, imaginez ce qui allait entrer ici comme arme. On allait avoir des armes en Côte d’Ivoire.

Imaginez ce qu’allait être la Côte d’Ivoire, si nous n’étions pas sous embargo. La situation allait être pire qu’en Somalie. Ce serait la ruine. Pour ces personnes, l’enquête préliminaire continue. Le président Gbagbo, son épouse Simone Gbagbo et M. Affi N’Guessan ont été entendus. Leurs avocats parlent, parlent, … Mais, ce qu’ils ne disent pas, c’est que le Procureur de la République est parti à Korhgoo où il a attendu, durant cinq jour, leur arrivée.

Mais, Me Vergès et autres ont fait exprès pour ne pas prendre de visa. Vous imaginez, un procureur qui attend des avocats pendant cinq jours. Moi, je suis avocat. Généralement, ce sont les avocats qui attendent le Procureur.

La justice internationale

Mais, nous avons demandé au Procureur d’attendre, pour qu’on ne dise pas que nous avons violé la loi. Mais, ces avocats, Me Vergès et autres, m’appellent tout le temps sur mon portable. Tantôt, ils sollicitent des faveurs, en me demandant de plaider auprès du Procureur afin qu’il repousse ou reporte ceci ou cela. Je leur ai dit d’arrêter de m’appeler. Et que je travaille sous la responsabilité de quelqu’un qui aime la justice, qui aime ce qui est droit.

Comme je l’ai dit, les enquêtes préliminaires continuent. A partir de la semaine prochaine, nous allons lancer un appel pour que toute les victimes, 2000 environs, viennent pour témoigner. Ce dossier est délocalisé du palais de la Justice. Un local est pris au Deux-Plateaux. Il est en cours d’aménagement. C’est là-bas que les témoins vont venir pour faire enregistrer leurs témoignages. Et dans le souci de se rapprocher de ces victimes, les enquêteurs vont se rendre au niveau de chacun des grands tribunaux à l’intérieur du pays, pour entendre les victimes de chaque région. J’ai aussi instruit le Procureur, afin que chaque semaine, il puisse faire le point des dossiers avec la presse. Cela, dans le souci d’informer la population sur l’évolution des dossiers. Cela va se passer ainsi jusqu’aux audiences.
Sur le plan international, il y a une procédure devant la Cour pénale internationale (CPI).

Nous avons écrit et fait les démarches, quoi que l’Etat de Côte d’Ivoire n’ait pas ratifié le traité de Rome. Puisqu’en mars 2003, le président Gbagbo a écrit pour demander que la compétence de la CPI s’étende aux évènements de septembre 2002. Il y a un proverbe qui dit « en mangeant la main du singe, il faut aussi regarder ta main ». C’était une mesure qui avait été prise suite aux évènements de septembre 2002. Nous avons donc rebondi sur cette mesure. Puisque le greffe de la cour pénale a reconnu que cette cour était compétente pour investiguer ici. Cette mesure a été appuyée par une lettre du président Alassane Ouattara en date du 17 décembre 2010, pour demander la compétence à la CPI d’enquêter aussi sur les récents évènements de la crise postélectorale. C’est pourquoi, une mission du bureau du Procureur viendra en Côte d’Ivoire, du 27 juin au 4 juillet. Elle viendra évaluer la situation, avant d’envoyer de véritables enquêteurs. Comme nous sommes à une étape préliminaire de l’enquête, ce sera une mission d’évaluation. C’est pour dire que la CPI s’occupe bien de la Côte d’Ivoire. Et nous irons jusqu’au bout. Je voudrais aussi rappeler que nous avons une autre procédure pendante devant le Tribunal de Genève. Ce sont des choses que nous allons articuler. Mais, à côté de tout cela, il y a eu la réquisition du Procureur de la République pour geler les comptes de certaines personnes ici. Tous ceux qui ont eu à collaborer avec le régime fantoche, du 4 décembre au départ de Gbagbo. Tous ceux qui ont bénéficié de ses décrets répondront tous de leurs actes. Vous savez, ce qui a été fait dans cette crise postélectorale est plus grave, en termes de dégâts, que tout ce que nous avons vécu durant les 10 ans de gestion de Gbagbo. Tout a été détruit. C’est dommage.

Propos recueillis par Diawara Samou et Thiery Latt.
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