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Politique Publié le lundi 27 juin 2011 | Le Temps

Côte d`Ivoire : L`état des massacres

© Le Temps Par Nathan Koné
Visite du bunker: l`état de la résidence présidentielle après l`arrestation du président Gbagbo, le 11 avril 2011
Lundi 18 avril 2011. Abidjan. Le premier ministre Guillaume Soro fait visiter à la presse nationale et internationale le bunker dans lequel s`était retranché le président Laurent Gbagbo
Villages incendiés, habitants brûlés vifs, paysans traqués en brousse- par centaines. Et parfois plus: un millier lors de l'entrée des pro-Ouattara à Duékoué, à l’Ouest du pays: crime de guerre ou crime contre l’humanité ?
Mais aussi des quartiers entiers d'Abidjan pillés, des militants pro-gbagbo assassinés tous les jours pour leur nom, leur âge, leur ethnie (…).
Trois fois plus de morts- de 3000 à 5000 cadavres -pour les deux mois d'Alassane Ouattara, ce héros de l'Occident, que pendant les 10 ans de la gouvernance de Laurent Gbagbo! Où sont les humanitaires et leurs relais, les dénonciations politiques à Paris et les résolutions de l'Onu ?
Arrêtons la fausse symétrie entre les deux camps: ces massacres sont bien le fait des pro-Ouattara, cautionnés par l'armée française et onusienne, dans une complicité implicite ou passive. Chacun sait maintenant que les hélicoptères d’assaut de la force Licorne et ses supplétifs onusiens ont réalisé la pire intervention coloniale depuis la répression de l' Upc au Cameroun et la guerre d'Algérie. Décapiter l'élite politique et intellectuelle sudiste , proche de Laurent Gbagbo et du Front populaire ivoirien au profit d'un «mercenaire» des intérêts occidentaux-selon l'expression de Jean Ziegler . Bombarder les lieux de pouvoir d'un pays qui n’a plus de souverain que le nom: présidence, résidence, camp militaire, télévision... La leçon est terrible: 50 ans après les Indépendances formelles, il n'y plus que sujétion et humiliation!
Et voilà qui remet en cause bien des analyses à la mode: à l'aune du coup d'Etat franco onusien, on n'est pas encore en « post colonie », ni prêt à sortir de la nuit coloniale. Décidément, chaque fois que l’homme africain s’essaie à rentrer dans l’histoire, on lui écrase le visage à coups de bottes !
Malgré un formatage médiatique et une certaine lâcheté chez des analystes patentés qui ont cautionné ces massacres, la vérité se fait jour. Il faut arrêter la fausse symétrie entre les deux camps et la politique d'occultation des «spécialistes des droits de l'Homme» : depuis la prise du pouvoir du camp Ouattara, c'est bien eux qui massacrent en fonction des cartes d' identité- comme au Rwanda. qui torturent ou massacrent, embastillent ou déportent les opposants, tandis que les journalistes pro Gbagbo sont traqués…
Quel recours à Yopougon, quartier martyr, quand les tueurs fait des «patrouilles communes» avec la force Licorne et l' Onuci ? Plus qu'au Rwanda, notre institution militaire est complice ou coupable: où est la fameuse «éthique» dont se targuent les philosophes en kaki- notamment l’obligation de désobéir à des ordres illégaux ?
A qui a sillonné le pays depuis 20 ans, suivi les élections sur le terrain et mené de récentes missions en zone rebelle, le doute n’est pas permis:oui, les élections largement truquées au Nord ont bien été «la continuation de la guerre par d'autres moyens» (Bertrand Badie). Oui, l'ambassade de France a été et reste une officine anti-Gbagbo. Et oui,la déportation en terre ennemie et l'incarcération à la Lumumba, dans des conditions ignobles, des responsables pro-Gbagbo ont été autant planifiée que la désinformation continue ou l' armement des rebelles- jusqu'à la logistique, les pick up ou les uniformes !
C'est pourquoi, les responsables onusiens ou français, donneurs d 'ordre illégaux en regard des résolutions onusiennes risquent la Haute cour de justice ou les juridictions internationales, tandis que Guillaume Soro et Alassane Ouattara sont passibles de la Cpi pour ce qui se passe en Cote d' Ivoire!
A propos, comment s’appelle t- il, un régime qui massacre sa propre population, qui est arrivé au pouvoir dans les fourgons (pardon, les hélicoptères!) de l'étranger, qui n’a de forces que des bandes armées incontrôlables…? Sans Parlement ni Cour constitutionnelle, contrôlé par deux corps expéditionnaires, en train de brader les richesses du pays sans contrôle, et de tuer comme au Randa sur des bases ethniques ? Vous avez dit «dictature»?

Michel Galy , Politologue, Paris
Correspondance particulière
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