Bédiékro est l’appellation du campement de l’ex-président de la République, Henri Konan Bédié. Il est situé à environ 25 kilomètres de Daoukro, juste après N’Guattakro et symbolise un fait : Daoukro n’est plus la boucle du cacao mais plutôt de l’hévéa. « L’hévéaculture coûte cher et dure sept ans avant que le planteur commence à bénéficier de son travail mais rapporte gros mensuellement. Mieux, la somme gagnée ne varie pas. Or, le cacao procure de l’argent uniquement lors des deux traites annuelles. Les paysans ont donc compris et ont vite fait le choix de l’hévéaculture », indique d’entrée, Ibrahim. En chemin, notre accompagnateur explique encore que : « la voie qui mène à Bédiékro est goudronnée jusqu’au niveau du fleuve Comoé. Bédié envisageait de goudronner Daoukro jusqu’au poste frontière du Ghana, Tadjikro. Malheureusement, le coup d’Etat de 99 a tout bloqué… Nous attendons que le projet reprenne ». Après N’Guessankro, Kokokoro, Lagoukro, etc., nous arrivons à Bédiékro. Par le passé, l’endroit était surveillé, dès l’entrée, par des militaires. Mais ce jeudi matin, il n’y a personne. Seul son aide de camp, commandant Yao, a été aperçu dans les environs au volant d’un 4X4 de couleur noire. Nous pénétrons dans « Bédiokro » donc comme un couteau dans du beurre. L’air est pur. Très pur. Quel délice respiratoire ! C’est le calme plat. Seuls les chants d’oiseaux parviennent à nos oreilles. Le paysage verdoyant est touffu. Bienvenus à Bédiékro ! Le site aurait une superficie de plus de 800 hectares dont 600 réservés à la culture de l’hévéa. Impossible de parcourir tout le site, à pied, tellement il est vaste. Heureusement que le fils de Klolou Bédié et de Kouakou Akissi a eu la bonne idée de bitumer l’espace. Dans notre taxi-brousse loué, la vue est impeccable. Le chauffeur, Issiaka, nous montre par exemple un champ où les herbes tendres très appréciées par le bétail, sont destinées aux bœufs de l’ex-président. Sans blague ! On aperçoit aussi aisément le champ de palmiers à huile d’à côté. Malgré leur bonne volonté, les ouvriers de service ne peuvent pas éviter la poussée désordonnée d’herbes sauvages. L’un d’entre eux, chaussé de bottes, et d’un tee-shirt en lambeaux, d’un vert pâle, le visage en sueur, une machette à la main, nous raconte que le coin est immense. « Nous devons l’entretenir mais ce n’est pas une mince affaire », souffle-t-il dans un français teinté de baoulé. Des femmes, par groupes, bébés au dos, fagots de bois sur la tête, marchent en file indienne. Elles regagnent leurs domiciles implantés au beau milieu du campement. Il faudra faire à manger à leurs maris occupés à entretenir le temple de l’hévéa. Après avoir emprunté une piste, nous voilà devant le fameux champ d’hévéas d’Henri Konan Bédié (fils d’une famille de planteurs de cacao). Nous sommes sans voix. Les arbres sont scientifiquement alignés et indéchiffrables. Il y en a des milliers et des milliers. Tous portent de petits pots qui recueillent le lait de l’arbre. Nous avançons dans le champ, il est sombre et humide. Un peu trop à notre goût. Nous ne nous aventurerons pas davantage. La veille, Henri Konan Bédié y était. « Lorsqu’il en a envie, Bédié se rend au champ le matin et retourne à Daoukro l’après-midi… », soutient un autre planteur, Yobouet F., également rencontré sur le site. Il ajoute qu’ « avant, Bédié cultivait aussi du café mais a laissé tomber l’affaire pour ne se consacrer qu’à l’hévéa». Il faut dire qu’avec l’hévéa sorti des entrailles de « Bédiékro », et dont la semence prend la direction d’usines SAPH à Adzopé, à Bettié ou encore à Abengourou, Henri Konan Bédié se fait beaucoup de fric. L’affaire rapporterait gros. 300 millions. Mensuellement. Au bas mot !
Guy-Florentin Yaméogo, envoyé spécial à Bédiékro
Guy-Florentin Yaméogo, envoyé spécial à Bédiékro