De nombreux déplacés de guerre venus d’Abobo, de Yopougon, de Cocody et d’ailleurs vivent dans des camps de fortune à Bingerville. Ils sont menacés d’expulsion par les Frci qui les soupçonnent d’être des miliciens.
Des enfants mal vêtus, aux pieds nus, traversent en courant la rue boueuse pour rejoindre en toute vitesse leurs parents dans la cour de la paroisse St-Augustin de Bingerville. De loin, on peut encore entendre leurs cris stridents qui toujours traduisent leur insouciance face au drame que vivent leurs parents. C’est d’ailleurs cette cour de l’église St- Augustin de Bingerville qui sert de camp aux nombreux sinistrés dont le nombre est fixé à environ 4700 déplacés. Ici, les sinistrés dont la majorité vient de Yopougon ont mis en place une organisation pour mieux gérer les camps. L’Association des victimes et déplacés de guerre (Avidga) joue le rôle de l’organe de régulation. Avant leur arrivée dans la commune de Bingerville, les déplacés étaient hébergés à la paroisse St Ambroise d’Angré. Ce sont les premières victimes de guerre venues d’Abobo, au plus fort de l’attaque des commandos de feu Ibrahim Coulibaly, dit Ib. A l’époque, ce sont les autorités de l’ex-gouvernement en l’occurrence
l’ex-préfet d’Abidjan Sam. Ettiassé Jean-Baptiste, celui-là même qui avait en charge le plan Orsec, qui avait fait déplacer les sinistrés au collège Lemania, sis au Vallon II Plateaux, dans la commune de Cocody. Mais contre toute attente, ces réfugiés seront chassés après que les Frci ont conquis le territoire d’Angré.
Le coup de puce du Révérend Desmond Tutu aux déplacés
Désemparés, ils ont été accueillis toujours par la communauté Catholique, à l’église St-Famille à la Riviera III, avant de rejoindre plus tard (le 25 janvier 2 011), le site de Bingerville. Depuis le 14 mars 2011, leur installation à la paroisse St-Augustin de Bingerville est effective. Mais que de déboires pour ces déplacés qui, après moult tractations, vont pouvoir enfin avoir un moment de liberté dans la cour de ladite église. Florence W. est une déplacée de guerre. Elle vient de la commune de d’Abobo et raconte son calvaire. «Ce n’est pas facile pour nous de vivre ici. Lorsqu’il pleut, il est impossible pour nous de dormir. Cela est très difficile lorsque vous vous retrouvez avec des enfants».
Effectivement, l’endroit est très exigu. Cependant, les autorités religieuses de la paroisse font un effort pour rendre la vie agréable aux déplacés. Selon un responsable de la communauté paroissiale qui a requis l’anonymat, il était difficile pour les réfugiés de recevoir de la visite de la part des Ong humanitaires, dès l’éclatement des hostilités. Il a fallu pour cela, l’intrépidité de Mme Aminata Diop qui, de l’hôtel du Golf, a dirigé les opérations. C’est grâce d’ailleurs à sa ténacité que les déplacés de guerre seront reçus à l’hôtel du Golf par les autorités actuelles. Puis, l’arrivée du Révérend Anglican Desmond Tutu et de l’ex-secrétaire général de l’Onu M. Koffi Anan et de leur délégation en Côte d’Ivoire va impulser un peu de souffle à l’existence des sinistrés. Depuis leur passage, la voie semble ouverte pour les Ong qui ont commencé à s’intéresser à leur cause.
Les déplacés ont peur de rejoindre leurs domiciles respectifs
Nombreux sont les déplacés qui veulent bien regagner leurs domiciles, mais ils ont peur. Ils redoutent les représailles et surtout la délation de certaines personnes prêtes à les livrer aux Frci. Isabelle est une déplacée. Elle vient de la commune d’Abobo. Elle dit ne plus être disposée à retourner à son domicile. «Je voudrais bien retourner chez moi, mais j’ai peur. Parce que, les nouvelles qui nous parviennent de là-bas ne nous rassurent guère. J’envisage quitter le camp et aller ailleurs où ma sécurité est garantie», a-t-elle soutenu. D’autre part, des indiscrétions font état de ce que des personnes mal intentionnées visitent tous les jours, les camps dans l’espoir de dénicher des présumés miliciens. Ainsi, il se raconte que des gens venus de la commune de Yopougon circulent dans les camps munis d’une liste noire à la recherche des Gbagboistes. Cette rumeur fait régner une psychose de peur parmi les déplacés. Des responsables religieux et autres organisations tentent d’apaiser la situation en entretenant les sinistrés. C’est dans cette atmosphère de suspicion que les déplacés attendent leur sort. A cela vient s’ajouter l’attente trop prolongée de leur avocate, Me Boutimé Lucie, celle-là même qui a en charge les dossiers des victimes de la Licorne. Quelque 4700 déplacés vivent dans la promiscuité dans la cour de la paroisse Saint Augustin de Bingerville où, ils sont sous la menace d’une expulsion des Frci. Toutes nos tentatives auprès des autorités paroissiales pour avoir des précisions sur cette menace ont été vaines.
Frci menacent de déloger les déplacés
Faut-il noter que dans la commune, il existe neuf sites sur lesquels ont été repartis les 9310 déplacés. Il y a donc des sinistrés à la paroisse Saint Augustin, Carrière 1 et 2, Santé village, Eglise Harriste, Cité environnement, Agri campement et Cité la Résidence. Le neuvième groupe des déplacés vit dans des familles où ceux-ci sont hébergés. Au Suppremat de Bingerville où vivent environ 686 déplacés, la vie n’est pas du tout rose. Là-bas, ce sont des hommes armés qui les menacent de fermer le camp. Pour les soldats, ces réfugiés posent problème. Il ne se passe pas de jour, nous a raconté une dame qui a requis l’anonymat, sans que les riverains ne viennent pour leur faire des remontrances. Ceux-ci se plaignent du fait qu’ils se dégagent dans le quartier une odeur nauséeuse qui gêne les habitants. A cela viennent s’ajouter les eaux de ruissellement utilisées par les déplacés de l’église du Suppremat de Bingerville. «Un samedi de juin, un habitant du quartier est venu nous voir. Il était accompagné des éléments des Frci. Celui-ci nous a menacés d’expulsion si jamais les WC que nous utilisons ne sont pas convenablement entretenus. Depuis leur passage, tout le monde a peur. Pourtant, le camp est entretenu et les réfugiés font un effort dans le maintien de cette propreté», a soutenu cette femme. Les déplacés qui, pour la plupart sont venus de la paroisse Saint Bernard de Yopougon sur la route de Dabou, au km 17, vivent dans la précarité.
Aucune assistance médicale ne leur est offerte. Ces déplacés vivent dans un dénuement total. Aussi, de nombreux sinistrés sont malades et sont abandonnés à leur sort. Selon un responsable religieux trouvé sur le site, des Ong qui se sont manifestées dans les premiers moments ont interrompu leur assistance aux déplacés. «Nous manquons de tous. Le dernier sac de riz de 50 kilogramme offert par une Ong vient d’être distribué. Les autorités de l’église Harriste font de leur mieux pour nous aider.
La situation est insoutenable.» A celle-ci, est venu s’ajouter le cas des malades. Certains des déplacés souffrent de la tuberculose. Ainsi, toute une famille de six personnes est déjà contaminée par cette terrible maladie. Tout le camp risque d’être contaminé si l’on n’y prend garde. Un Haut dignitaire de l’église déplore le manque d’assistance médicale à l’égard de ces déplacés. La dernière visite des Ong se situe aux environs de 10 juin. Depuis, plus rien. Comble de malheur, un jeune homme qui vivait dans le camp a été battu à mort par les Frci. Il est gravement malade. A l’hôpital de Bingerville, on nous a dit que la gratuité des soins ne les concerne pas. Selon le personnel soignant, cette gratuité ne concerne que les malades d’Abidjan. Ici, il faut payer cash pour être soigné. L’infortuné déplacé est abandonné dans cet hôpital où il vit le martyr. Aucune ordonnance n’est payée parce que les parents n’ont pas d’argent. En ce qui concerne les élèves, ils sont nombreux à vivre auprès de leurs parents déplacés. Selon des indiscrétions, il leur a été interdit de transformer les camps en des lieux d’enseignement. Cette décision proviendrait dit-on, d’un ministre du gouvernement.
Jean Baptiste Essis
Jean.essis@gmail.com
Des enfants mal vêtus, aux pieds nus, traversent en courant la rue boueuse pour rejoindre en toute vitesse leurs parents dans la cour de la paroisse St-Augustin de Bingerville. De loin, on peut encore entendre leurs cris stridents qui toujours traduisent leur insouciance face au drame que vivent leurs parents. C’est d’ailleurs cette cour de l’église St- Augustin de Bingerville qui sert de camp aux nombreux sinistrés dont le nombre est fixé à environ 4700 déplacés. Ici, les sinistrés dont la majorité vient de Yopougon ont mis en place une organisation pour mieux gérer les camps. L’Association des victimes et déplacés de guerre (Avidga) joue le rôle de l’organe de régulation. Avant leur arrivée dans la commune de Bingerville, les déplacés étaient hébergés à la paroisse St Ambroise d’Angré. Ce sont les premières victimes de guerre venues d’Abobo, au plus fort de l’attaque des commandos de feu Ibrahim Coulibaly, dit Ib. A l’époque, ce sont les autorités de l’ex-gouvernement en l’occurrence
l’ex-préfet d’Abidjan Sam. Ettiassé Jean-Baptiste, celui-là même qui avait en charge le plan Orsec, qui avait fait déplacer les sinistrés au collège Lemania, sis au Vallon II Plateaux, dans la commune de Cocody. Mais contre toute attente, ces réfugiés seront chassés après que les Frci ont conquis le territoire d’Angré.
Le coup de puce du Révérend Desmond Tutu aux déplacés
Désemparés, ils ont été accueillis toujours par la communauté Catholique, à l’église St-Famille à la Riviera III, avant de rejoindre plus tard (le 25 janvier 2 011), le site de Bingerville. Depuis le 14 mars 2011, leur installation à la paroisse St-Augustin de Bingerville est effective. Mais que de déboires pour ces déplacés qui, après moult tractations, vont pouvoir enfin avoir un moment de liberté dans la cour de ladite église. Florence W. est une déplacée de guerre. Elle vient de la commune de d’Abobo et raconte son calvaire. «Ce n’est pas facile pour nous de vivre ici. Lorsqu’il pleut, il est impossible pour nous de dormir. Cela est très difficile lorsque vous vous retrouvez avec des enfants».
Effectivement, l’endroit est très exigu. Cependant, les autorités religieuses de la paroisse font un effort pour rendre la vie agréable aux déplacés. Selon un responsable de la communauté paroissiale qui a requis l’anonymat, il était difficile pour les réfugiés de recevoir de la visite de la part des Ong humanitaires, dès l’éclatement des hostilités. Il a fallu pour cela, l’intrépidité de Mme Aminata Diop qui, de l’hôtel du Golf, a dirigé les opérations. C’est grâce d’ailleurs à sa ténacité que les déplacés de guerre seront reçus à l’hôtel du Golf par les autorités actuelles. Puis, l’arrivée du Révérend Anglican Desmond Tutu et de l’ex-secrétaire général de l’Onu M. Koffi Anan et de leur délégation en Côte d’Ivoire va impulser un peu de souffle à l’existence des sinistrés. Depuis leur passage, la voie semble ouverte pour les Ong qui ont commencé à s’intéresser à leur cause.
Les déplacés ont peur de rejoindre leurs domiciles respectifs
Nombreux sont les déplacés qui veulent bien regagner leurs domiciles, mais ils ont peur. Ils redoutent les représailles et surtout la délation de certaines personnes prêtes à les livrer aux Frci. Isabelle est une déplacée. Elle vient de la commune d’Abobo. Elle dit ne plus être disposée à retourner à son domicile. «Je voudrais bien retourner chez moi, mais j’ai peur. Parce que, les nouvelles qui nous parviennent de là-bas ne nous rassurent guère. J’envisage quitter le camp et aller ailleurs où ma sécurité est garantie», a-t-elle soutenu. D’autre part, des indiscrétions font état de ce que des personnes mal intentionnées visitent tous les jours, les camps dans l’espoir de dénicher des présumés miliciens. Ainsi, il se raconte que des gens venus de la commune de Yopougon circulent dans les camps munis d’une liste noire à la recherche des Gbagboistes. Cette rumeur fait régner une psychose de peur parmi les déplacés. Des responsables religieux et autres organisations tentent d’apaiser la situation en entretenant les sinistrés. C’est dans cette atmosphère de suspicion que les déplacés attendent leur sort. A cela vient s’ajouter l’attente trop prolongée de leur avocate, Me Boutimé Lucie, celle-là même qui a en charge les dossiers des victimes de la Licorne. Quelque 4700 déplacés vivent dans la promiscuité dans la cour de la paroisse Saint Augustin de Bingerville où, ils sont sous la menace d’une expulsion des Frci. Toutes nos tentatives auprès des autorités paroissiales pour avoir des précisions sur cette menace ont été vaines.
Frci menacent de déloger les déplacés
Faut-il noter que dans la commune, il existe neuf sites sur lesquels ont été repartis les 9310 déplacés. Il y a donc des sinistrés à la paroisse Saint Augustin, Carrière 1 et 2, Santé village, Eglise Harriste, Cité environnement, Agri campement et Cité la Résidence. Le neuvième groupe des déplacés vit dans des familles où ceux-ci sont hébergés. Au Suppremat de Bingerville où vivent environ 686 déplacés, la vie n’est pas du tout rose. Là-bas, ce sont des hommes armés qui les menacent de fermer le camp. Pour les soldats, ces réfugiés posent problème. Il ne se passe pas de jour, nous a raconté une dame qui a requis l’anonymat, sans que les riverains ne viennent pour leur faire des remontrances. Ceux-ci se plaignent du fait qu’ils se dégagent dans le quartier une odeur nauséeuse qui gêne les habitants. A cela viennent s’ajouter les eaux de ruissellement utilisées par les déplacés de l’église du Suppremat de Bingerville. «Un samedi de juin, un habitant du quartier est venu nous voir. Il était accompagné des éléments des Frci. Celui-ci nous a menacés d’expulsion si jamais les WC que nous utilisons ne sont pas convenablement entretenus. Depuis leur passage, tout le monde a peur. Pourtant, le camp est entretenu et les réfugiés font un effort dans le maintien de cette propreté», a soutenu cette femme. Les déplacés qui, pour la plupart sont venus de la paroisse Saint Bernard de Yopougon sur la route de Dabou, au km 17, vivent dans la précarité.
Aucune assistance médicale ne leur est offerte. Ces déplacés vivent dans un dénuement total. Aussi, de nombreux sinistrés sont malades et sont abandonnés à leur sort. Selon un responsable religieux trouvé sur le site, des Ong qui se sont manifestées dans les premiers moments ont interrompu leur assistance aux déplacés. «Nous manquons de tous. Le dernier sac de riz de 50 kilogramme offert par une Ong vient d’être distribué. Les autorités de l’église Harriste font de leur mieux pour nous aider.
La situation est insoutenable.» A celle-ci, est venu s’ajouter le cas des malades. Certains des déplacés souffrent de la tuberculose. Ainsi, toute une famille de six personnes est déjà contaminée par cette terrible maladie. Tout le camp risque d’être contaminé si l’on n’y prend garde. Un Haut dignitaire de l’église déplore le manque d’assistance médicale à l’égard de ces déplacés. La dernière visite des Ong se situe aux environs de 10 juin. Depuis, plus rien. Comble de malheur, un jeune homme qui vivait dans le camp a été battu à mort par les Frci. Il est gravement malade. A l’hôpital de Bingerville, on nous a dit que la gratuité des soins ne les concerne pas. Selon le personnel soignant, cette gratuité ne concerne que les malades d’Abidjan. Ici, il faut payer cash pour être soigné. L’infortuné déplacé est abandonné dans cet hôpital où il vit le martyr. Aucune ordonnance n’est payée parce que les parents n’ont pas d’argent. En ce qui concerne les élèves, ils sont nombreux à vivre auprès de leurs parents déplacés. Selon des indiscrétions, il leur a été interdit de transformer les camps en des lieux d’enseignement. Cette décision proviendrait dit-on, d’un ministre du gouvernement.
Jean Baptiste Essis
Jean.essis@gmail.com