Les inondations suivies des glissements de terrain entraînent parfois mort
d’homme dans les quartiers précaires d’Abidjan. M alheureusement, les
populations refusent de quitter des lieux. Enquête.
Les services météorologiques annoncent des jours sombres pour la Côte d’ Ivoire.
D’ ores et déjà, les premières pluies ont fait cinq morts dans la commune d’ Attécoubé
ou un éboulement a eu lieu. Le gouvernement, comme à son habitude, s’ est empressé
pour apporter le réconfort du Chef de l’ Etat aux familles des victimes. Tout en
promettant d’ aider les nombreuses familles qui occupent ces différents sites à
s’ installer sur d’ autres lieux plus sécurisés. Ce qui suscite un réel espoir chez ces
populations. En réalité, ces décisions comme chaque année ne sont que pures
affabulations. En effet, depuis 1997, date de la première opération de déguerpissement
de certains habitants sur le site de Biabou 1 dans la commune d’ Abobo, aucune
opération n’ a eue lieu jusqu’ à présent. Non seulement par la faute des populations qui
aspirent à un mieux être mais de certaines autorités municipales ou des mains obscures
qui empêchent ces différentes opérations. Les cas le plus révélateurs sont ceux qui
ont eu lieu courant 2008-2009 au quartier Banco 1 dans la commune d’ Attécoubé
et au quartier Danga dans la commune de Cocody. En effet, cette année, les pluies
diluviennes ont encore fait malheureusement une vingtaine de morts dans ces deux
sous quartiers. Le ministre de la Construction, de l’ Urbanisme et de l’ Habitat de
l’ époque, Marcel Amon Tanoh qui s’ est rendu dans le quartier Banco 1 a apporté la
compassion du gouvernement. Il a promis une aide du gouvernement.
Fonds de commerce pour les populations
Avant lui, les autorités municipales s’ étaient empressées pour aider leurs administrés.
Ordre leur avait été donné de déguerpir les lieux. Des espaces leur ont été trouvés dans
les environs du Km 17, route de Dabou. Des facilités leur ont été faites pour les aider à
construire leurs logis. Mais rien n’ a été fait. Ce n’ est pas la première fois que l’ Etat de
Côte d’ Ivoire prend une telle initiative. Selon les services du ministère de la
construction, de l’ urbanisme et de l’ habitat, lors de la réalisation de l’ autoroute du
nord, le père de la nation feu-Félix Houphouët Boigny a procédé aux
dédommagements de ceux qui habitaient les lieux. Des terrains nus leur ont été
trouvés du côté de la commune de Yopougon. Certaines personnes ont construit des
bâtisses plus commodes. Mais, à peine ces réalisations terminées, elles sont revenues
sur leur ancien site pour s’ y réinstaller et ont mis en location les maisons construites
dans la commune. Ce, malgré les risques d’ éboulements. Donc, chaque année, dès
qu’ il y a une catastrophe naturelle, ces victimes, les yeux hagards, se tournent vers les
autorités municipales et l’ Etat de Côte d’ Ivoire pour une aide. Si ce quartier montre
des signes de pauvreté, les populations ne le sont pas pour autant. Toutes les
habitations sont dotées d’ antennes paraboliques, de l’ électricité et d’ eau potable. Selon
des indiscrétions recueillies sur place mardi lors d’ une visite dans ce quartier, les
habitants ont développé des activités de vente parallèle de canal, d’ eau potable et
d’ électricité. «Ici, ce commerce est bien développé. La connexion à Canal Horizon est
de 2000 Fcfa ou 3000 Fcfa par mois. Quant à l’ eau et à l’ électricité, elle varie de 1500
à 3000 Fcfa, selon le nombre de personnes», dit Seydou, un jeune mécanicien. Celui-ci
indique qu’ un habitant a pour son compte 300 personnes à qui elle a offert
un «abonnement» à Canal. «Les gens font à côté des morts enregistrés chaque année,
d’ autres activités qui leur rapportent gros et qui leur donne parfois la possibilité de
dormir dans des maisons plus décentes», ajoute-t-il. Me présentant à un certain Kaboré
comme nouveau locataire du quartier, celui-ci m’ a demandé si je veux être «connecté»
à la chaîne cryptée. Sans me laisser répondre, il m’ a dit que si je le veux il m’ installe
la chaîne à 2500 Fcfa par mois et j’ aurais 18 chaînes y compris les nombreuses
chaînes de radios. Il en est de même pour l’ eau et l’ électricité. «C’ est ça qui marche
ici», dit-il, avant d’ arpenter une des ruelles du quartier. Serges H. K., jeune ingénieur
informaticien sorti d’ une grande école de formation lui met son art en place pour se
faire des sous. Ayant fait un abonnement à canal horizon, il y a quelques années, il a
dans son portefeuille 93 foyers qu’ il a connectés sur la chaîne cryptée. «En attendant
d’ avoir un job, je peux dire que je mène une vie décente», se réjouit-il. Tout en
indiquant que par mois, il touche au bas mot 180000 Fcfa, le salaire d’ un fonctionnaire
de l’ Etat de Côte d’ Ivoire. Autre lieu, quartier Danga, dans la commune de Cocody.
Même scénario. Ici, à la faveur de la réalisation de l’ écrêteur (canalisation) qui passe
dans les environs du «carrefour de la vie» jusqu’ au bassin du gourou, il a été demandé
aux populations de vider les lieux. Des plans de dédommagement des populations ont
eu lieu par la mairie de Cocody. Une enveloppe de 119 millions de Fcfa a été dégagée
pour permettre aux populations de se réinstaller ailleurs. A peine les bénéficiaires ont
touché le magot, qu’ ils se sont rechignés à ne plus partir. Le maire de la commune,
Gomont Diagou en personne s’ y est rendu pour faire partir de force ces populations.
Le premier coup de caterpillar que certaines organisations internationales des droits de
l’ homme et des organismes internationaux tel que le Haut Commissariat aux réfugiés
sont montés au créneau. Ils ont supplié le maire de la commune et le Préfet d’ alors
Sam Etiassé, qui gérait le plan Orsec (Organisation des secours) d’ arrêter leur plan de
déguerpissement, évoquant un problème humanitaire.
Aveux d’impuissance des autorités
«Nous avons voulu faire déguerpir ces populations et déclarer ces sites d’ utilités
publiques. Malheureusement, à peine nous avons commencé les travaux, que nous
avons été stoppés par des organisations internationales de droit de l’ homme. Nous
étions obligés d’ arrêter le travail», a indiqué il y a de cela quelques années, l’ ex-Préfet
des lagunes. Outre ces organisations de défense des droits de l’ homme, Sam Etiassé
a fait savoir que des mains politiciennes s’ opposent toujours au déguerpissement
de ces populations. C’ est seulement l’ année dernière qu’ une véritable opération de
déguerpissement a eu lieu dans la commune de Cocody, précisément dans le bas
fond sur la voie du Collège André Malraux qui va au centre de santé de la Riviera
Palmeraie. Les mêmes causes produisant les mêmes effets, la saison des pluies a donné
le ton. A la Riviera palmeraie, la semaine dernière, des maisons ont été inondées. Il
en est de même sur la route du Zoo, ou à la rivière du banco est sorti de son lit créant
un géant embouteillage sur la route. Les victimes ne se comptent plus. Le décor ainsi
planté, les Ivoiriens s’ interrogent sur les actions des nouvelles autorités ivoiriennes.
Vont-elles prendre leur courage à deux mains pour débarrasser Abidjan de ses 160
sites précaires et dangereux. Qui, en réalité, sont des quartiers de la «mort» ? Où vont-
elles attendre d’ autres décès avant de réagir ? En tout cas, les jours prochains nous
situeront.
Joseph Atoumgbré
attjoseph@yahoo.fr
d’homme dans les quartiers précaires d’Abidjan. M alheureusement, les
populations refusent de quitter des lieux. Enquête.
Les services météorologiques annoncent des jours sombres pour la Côte d’ Ivoire.
D’ ores et déjà, les premières pluies ont fait cinq morts dans la commune d’ Attécoubé
ou un éboulement a eu lieu. Le gouvernement, comme à son habitude, s’ est empressé
pour apporter le réconfort du Chef de l’ Etat aux familles des victimes. Tout en
promettant d’ aider les nombreuses familles qui occupent ces différents sites à
s’ installer sur d’ autres lieux plus sécurisés. Ce qui suscite un réel espoir chez ces
populations. En réalité, ces décisions comme chaque année ne sont que pures
affabulations. En effet, depuis 1997, date de la première opération de déguerpissement
de certains habitants sur le site de Biabou 1 dans la commune d’ Abobo, aucune
opération n’ a eue lieu jusqu’ à présent. Non seulement par la faute des populations qui
aspirent à un mieux être mais de certaines autorités municipales ou des mains obscures
qui empêchent ces différentes opérations. Les cas le plus révélateurs sont ceux qui
ont eu lieu courant 2008-2009 au quartier Banco 1 dans la commune d’ Attécoubé
et au quartier Danga dans la commune de Cocody. En effet, cette année, les pluies
diluviennes ont encore fait malheureusement une vingtaine de morts dans ces deux
sous quartiers. Le ministre de la Construction, de l’ Urbanisme et de l’ Habitat de
l’ époque, Marcel Amon Tanoh qui s’ est rendu dans le quartier Banco 1 a apporté la
compassion du gouvernement. Il a promis une aide du gouvernement.
Fonds de commerce pour les populations
Avant lui, les autorités municipales s’ étaient empressées pour aider leurs administrés.
Ordre leur avait été donné de déguerpir les lieux. Des espaces leur ont été trouvés dans
les environs du Km 17, route de Dabou. Des facilités leur ont été faites pour les aider à
construire leurs logis. Mais rien n’ a été fait. Ce n’ est pas la première fois que l’ Etat de
Côte d’ Ivoire prend une telle initiative. Selon les services du ministère de la
construction, de l’ urbanisme et de l’ habitat, lors de la réalisation de l’ autoroute du
nord, le père de la nation feu-Félix Houphouët Boigny a procédé aux
dédommagements de ceux qui habitaient les lieux. Des terrains nus leur ont été
trouvés du côté de la commune de Yopougon. Certaines personnes ont construit des
bâtisses plus commodes. Mais, à peine ces réalisations terminées, elles sont revenues
sur leur ancien site pour s’ y réinstaller et ont mis en location les maisons construites
dans la commune. Ce, malgré les risques d’ éboulements. Donc, chaque année, dès
qu’ il y a une catastrophe naturelle, ces victimes, les yeux hagards, se tournent vers les
autorités municipales et l’ Etat de Côte d’ Ivoire pour une aide. Si ce quartier montre
des signes de pauvreté, les populations ne le sont pas pour autant. Toutes les
habitations sont dotées d’ antennes paraboliques, de l’ électricité et d’ eau potable. Selon
des indiscrétions recueillies sur place mardi lors d’ une visite dans ce quartier, les
habitants ont développé des activités de vente parallèle de canal, d’ eau potable et
d’ électricité. «Ici, ce commerce est bien développé. La connexion à Canal Horizon est
de 2000 Fcfa ou 3000 Fcfa par mois. Quant à l’ eau et à l’ électricité, elle varie de 1500
à 3000 Fcfa, selon le nombre de personnes», dit Seydou, un jeune mécanicien. Celui-ci
indique qu’ un habitant a pour son compte 300 personnes à qui elle a offert
un «abonnement» à Canal. «Les gens font à côté des morts enregistrés chaque année,
d’ autres activités qui leur rapportent gros et qui leur donne parfois la possibilité de
dormir dans des maisons plus décentes», ajoute-t-il. Me présentant à un certain Kaboré
comme nouveau locataire du quartier, celui-ci m’ a demandé si je veux être «connecté»
à la chaîne cryptée. Sans me laisser répondre, il m’ a dit que si je le veux il m’ installe
la chaîne à 2500 Fcfa par mois et j’ aurais 18 chaînes y compris les nombreuses
chaînes de radios. Il en est de même pour l’ eau et l’ électricité. «C’ est ça qui marche
ici», dit-il, avant d’ arpenter une des ruelles du quartier. Serges H. K., jeune ingénieur
informaticien sorti d’ une grande école de formation lui met son art en place pour se
faire des sous. Ayant fait un abonnement à canal horizon, il y a quelques années, il a
dans son portefeuille 93 foyers qu’ il a connectés sur la chaîne cryptée. «En attendant
d’ avoir un job, je peux dire que je mène une vie décente», se réjouit-il. Tout en
indiquant que par mois, il touche au bas mot 180000 Fcfa, le salaire d’ un fonctionnaire
de l’ Etat de Côte d’ Ivoire. Autre lieu, quartier Danga, dans la commune de Cocody.
Même scénario. Ici, à la faveur de la réalisation de l’ écrêteur (canalisation) qui passe
dans les environs du «carrefour de la vie» jusqu’ au bassin du gourou, il a été demandé
aux populations de vider les lieux. Des plans de dédommagement des populations ont
eu lieu par la mairie de Cocody. Une enveloppe de 119 millions de Fcfa a été dégagée
pour permettre aux populations de se réinstaller ailleurs. A peine les bénéficiaires ont
touché le magot, qu’ ils se sont rechignés à ne plus partir. Le maire de la commune,
Gomont Diagou en personne s’ y est rendu pour faire partir de force ces populations.
Le premier coup de caterpillar que certaines organisations internationales des droits de
l’ homme et des organismes internationaux tel que le Haut Commissariat aux réfugiés
sont montés au créneau. Ils ont supplié le maire de la commune et le Préfet d’ alors
Sam Etiassé, qui gérait le plan Orsec (Organisation des secours) d’ arrêter leur plan de
déguerpissement, évoquant un problème humanitaire.
Aveux d’impuissance des autorités
«Nous avons voulu faire déguerpir ces populations et déclarer ces sites d’ utilités
publiques. Malheureusement, à peine nous avons commencé les travaux, que nous
avons été stoppés par des organisations internationales de droit de l’ homme. Nous
étions obligés d’ arrêter le travail», a indiqué il y a de cela quelques années, l’ ex-Préfet
des lagunes. Outre ces organisations de défense des droits de l’ homme, Sam Etiassé
a fait savoir que des mains politiciennes s’ opposent toujours au déguerpissement
de ces populations. C’ est seulement l’ année dernière qu’ une véritable opération de
déguerpissement a eu lieu dans la commune de Cocody, précisément dans le bas
fond sur la voie du Collège André Malraux qui va au centre de santé de la Riviera
Palmeraie. Les mêmes causes produisant les mêmes effets, la saison des pluies a donné
le ton. A la Riviera palmeraie, la semaine dernière, des maisons ont été inondées. Il
en est de même sur la route du Zoo, ou à la rivière du banco est sorti de son lit créant
un géant embouteillage sur la route. Les victimes ne se comptent plus. Le décor ainsi
planté, les Ivoiriens s’ interrogent sur les actions des nouvelles autorités ivoiriennes.
Vont-elles prendre leur courage à deux mains pour débarrasser Abidjan de ses 160
sites précaires et dangereux. Qui, en réalité, sont des quartiers de la «mort» ? Où vont-
elles attendre d’ autres décès avant de réagir ? En tout cas, les jours prochains nous
situeront.
Joseph Atoumgbré
attjoseph@yahoo.fr