La page Laurent Gbagbo est tournée, certes, mais son spectre hante toujours les bureaux dans les administrations. Des partisans de La majorité présidentielle (Lmp), l’ex-parti au pouvoir, et ceux du Rassemblement des houphouétistes pour la démocratie et la paix (Rhdp) se côtoient mais ne se mélangent pas.
Dis-moi quel journal tu lis, je te dirais dans quel camp tu es. Aujourd’hui, la politique a littéralement façonné les habitudes au sein de l’administration ivoirienne. D’un côté, le bloc Lmp : ceux qui n’ont pas encore digéré la chute de Laurent Gbagbo et qui ont maille à partir avec les nouvelles autorités. De l’autre, le bloc Rhdp. Ce sont quelques rigides qui veulent à la fois jouir pleinement de l’avènement du nouveau parti au pouvoir et régler un ou deux comptes en passant. C’est la guerre froide…
A la préfecture de police, au Plateau, voici ce qu’un sous-officier raconte: « quand Gbagbo était là, certains policiers pro-Lmp chantaient à qui veut les entendre, que c’est le meilleur. Et lorsque ces derniers vous surprenaient en train de lire un journal de l’opposition, ils vous traitaient de rebelles. Depuis que Gbagbo est tombé, des pro-Rhdp tentent de leur rendre le coup verbalement.» Au ministère de la Culture et de la Francophonie, l’administration est piégée dans des considérations anodines aux connotations politiques. Des travailleurs pro-Rhdp, frustrés par le régime de Gbagbo, ont du mal à accepter qu’un patron qui était Lmp reste encore dans son fauteuil alors que ce régime a brimé, opprimé. « Lorsqu’un supérieur qui était Lmp donne des tâches à des subalternes Rhdp, ceux-ci mettent du temps avant de s’exécuter. Parce qu’ils n’admettent pas cela», explique un fonctionnaire de ce département qui vit ce genre d’ambiance lourde au quotidien. La plupart des services administratifs sont touchés par cette petite guerre d’idéologie. Y compris le ministère des sports. Un haut cadre confie : « dans l’administration privée, c’est simple, on ne parle pas politique. Mais dans le public, c’est le contraire. On se chahute tout le temps mais sans méchanceté ». Vraiment ? A l’Office national du sport (Ons), un travailleur parle de chasse aux sorcières. « Depuis que le cabinet du ministère a été changé, certains travailleurs en profitent pour convoiter les postes des pro-Lmp avec qui ils n’ont pas eu de bons rapports pendant le régime de Gbagbo. Lors des réunion, on dit qu’il n’y a pas de chasse aux sorcières mais dans la pratique cela ne se ressent pas ». Le ministère de l’Education n’y échappe pas. Dans l’administration, l’esprit de patriotisme est (maintenant) mal vécu par les Lmp. Porter simplement un vêtement orange-blanc-vert signifie pour certains qu’on est Rhdp et qu’on veut se montrer. Au lycée moderne d’Abobo, un éducateur indique qu’après l’arrestation du père-fondateur du Lmp, deux groupes de fonctionnaires se sont constitués. Les professeurs et le personnel de l’administration qui sont Lmp se retrouvent toujours entre eux pour parler politique. Les fonctionnaires Rhdp ont aussi leur groupe. Les critiques foisonnent de part et d’autre. « Mais cela se fait dans le respect. Il n’y a jamais de prise de bec. Nous sommes des responsables et il faut différencier la politique du travail », ajoute-t-il. Même si dans le fond, c’est une sorte de guerre froide qui s’y mène. Mais personne ne gagne à ce jeu. Et si on n’y prend garde, cette petite crise a la potentialité de saboter les efforts de la dynamisation tant prônée par les nouvelles autorités.
Raphaël Tanoh
Dis-moi quel journal tu lis, je te dirais dans quel camp tu es. Aujourd’hui, la politique a littéralement façonné les habitudes au sein de l’administration ivoirienne. D’un côté, le bloc Lmp : ceux qui n’ont pas encore digéré la chute de Laurent Gbagbo et qui ont maille à partir avec les nouvelles autorités. De l’autre, le bloc Rhdp. Ce sont quelques rigides qui veulent à la fois jouir pleinement de l’avènement du nouveau parti au pouvoir et régler un ou deux comptes en passant. C’est la guerre froide…
A la préfecture de police, au Plateau, voici ce qu’un sous-officier raconte: « quand Gbagbo était là, certains policiers pro-Lmp chantaient à qui veut les entendre, que c’est le meilleur. Et lorsque ces derniers vous surprenaient en train de lire un journal de l’opposition, ils vous traitaient de rebelles. Depuis que Gbagbo est tombé, des pro-Rhdp tentent de leur rendre le coup verbalement.» Au ministère de la Culture et de la Francophonie, l’administration est piégée dans des considérations anodines aux connotations politiques. Des travailleurs pro-Rhdp, frustrés par le régime de Gbagbo, ont du mal à accepter qu’un patron qui était Lmp reste encore dans son fauteuil alors que ce régime a brimé, opprimé. « Lorsqu’un supérieur qui était Lmp donne des tâches à des subalternes Rhdp, ceux-ci mettent du temps avant de s’exécuter. Parce qu’ils n’admettent pas cela», explique un fonctionnaire de ce département qui vit ce genre d’ambiance lourde au quotidien. La plupart des services administratifs sont touchés par cette petite guerre d’idéologie. Y compris le ministère des sports. Un haut cadre confie : « dans l’administration privée, c’est simple, on ne parle pas politique. Mais dans le public, c’est le contraire. On se chahute tout le temps mais sans méchanceté ». Vraiment ? A l’Office national du sport (Ons), un travailleur parle de chasse aux sorcières. « Depuis que le cabinet du ministère a été changé, certains travailleurs en profitent pour convoiter les postes des pro-Lmp avec qui ils n’ont pas eu de bons rapports pendant le régime de Gbagbo. Lors des réunion, on dit qu’il n’y a pas de chasse aux sorcières mais dans la pratique cela ne se ressent pas ». Le ministère de l’Education n’y échappe pas. Dans l’administration, l’esprit de patriotisme est (maintenant) mal vécu par les Lmp. Porter simplement un vêtement orange-blanc-vert signifie pour certains qu’on est Rhdp et qu’on veut se montrer. Au lycée moderne d’Abobo, un éducateur indique qu’après l’arrestation du père-fondateur du Lmp, deux groupes de fonctionnaires se sont constitués. Les professeurs et le personnel de l’administration qui sont Lmp se retrouvent toujours entre eux pour parler politique. Les fonctionnaires Rhdp ont aussi leur groupe. Les critiques foisonnent de part et d’autre. « Mais cela se fait dans le respect. Il n’y a jamais de prise de bec. Nous sommes des responsables et il faut différencier la politique du travail », ajoute-t-il. Même si dans le fond, c’est une sorte de guerre froide qui s’y mène. Mais personne ne gagne à ce jeu. Et si on n’y prend garde, cette petite crise a la potentialité de saboter les efforts de la dynamisation tant prônée par les nouvelles autorités.
Raphaël Tanoh