Les enquêtes relatives aux exactions et crimes, consécutivement à la crise post-électorale, que le Tribunal Militaire d’Abidjan (TMA) avaient ouvertes, à l’instigation du gouvernement, sont terminées. Le commissaire du gouvernement, le colonel Ange Kessi Kouamé, est maintenant à la phase de l’information judiciaire contre 72 éléments, tous grades confondus, des ex-Fds (Forces de défense et de sécurité) qui ont été inculpés. Cinquante (50) de ces 72 militaires dont des sous-officiers, officiers supérieurs et généraux, sont aux arrêts. Vingt-deux (22), dont le colonel Konan Boniface, le capitaine Séka Séka Anselme, le commandant Abéhi Jean-Noël, le colonel Gouanou ont réussi à mettre les voiles. Le procureur militaire qui s’apprête à faire le point au chef du gouvernement, le Premier ministre Soro Guillaume, s’est refusé, le mercredi 6 juillet 2011, lorsque nous l’avons joint, à tout commentaire, invoquant le secret d’instruction qui entoure ce dossier que la République de Côte d’Ivoire observe comme du lait sur le feu. Il n’empêche, au 17éme étage de la Tour A qui abrite le tribunal militaire d’Abidjan, les informations circulent, notamment sur les réels chefs d’inculpation des 72 ex-Fds, dont certains, avons-nous appris auprès d’une source proche du dossier, pourraient se retrouver aux côtés de l’ancien chef de l’Etat Laurent Gbagbo dans le box des accusés de la Cour pénale internationale ( Cpi). Ces militaires issus de tous les corps des ex-Fds (gendarmerie, police, marine, air, terre et autres) sont accusés de « détournement de deniers et de matériels publics, achat, commerce et cession illicites d’armes et de munition de guerre, arrestation illégale et séquestration, meurtre, viol, recel de cadavre, violation de consigne et complicité ». Il y a, parmi les inculpés, une catégorie de militaires qui est visée par la loi N° 98-749 du 23 décembre 1998 portant répression des infractions à la réglementation, munitions et substances explosives. Si le Commissaire du gouvernement, Ange-Bernard Kessi Kouamé s’est refusé d’ébruiter le secret d’instruction, il a toutefois levé un coin de voile sur ce qui apparaît aujourd’hui, en Côte d’Ivoire, aux yeux de nombreux Ivoiriens, comme une « immunité judiciaire », voire un « parapluie politique » dont bénéficieraient des éléments des Forces Républicaine de Côte d’Ivoire ( Frci). Les Ivoiriens veulent, en effet, savoir pourquoi les arrestations et les poursuites s’opèrent dans un seul camp, celui des ex-Fds. Ce d’autant que les exactions des Frci sur les populations vont crescendo depuis la chute de Gbagbo, le 11 avril dernier. Les éléments des Frci seraient-ils au-dessus des lois? s’interrogent les Ivoiriens. Les Frci sont-elles des intouchables au point de ne jamais être poursuivies devant le Tribunal militaire ? Le commissaire du gouvernement répond tout de suite par la négative. Ange Kessi Kouamé affirme avoir été saisi de « beaucoup de plaintes contre les Frci qui sont sur son bureau ». Mais, les poursuites à leur encontre sont pour le moment « mise au frigidaire », c'est-à-dire de côté, en attendant que « leur statut soit clairement défini ». Les Frci venues de Bouaké et les combattants qui se sont ralliés à elles à leur arrivée à Abidjan, sont dans une situation hybride. Ils ne sont ni civils, ni militaires… « A l’intérieur des Frci, il y les Fafn ( Forces armées des Forces nouvelles). Il faut, avant d’engager des poursuites contres ces gens-là, que leur position et statut soient clairement définis. Moi, je suis un magistrat militaire. Je ne suis pas compétent pour juger des civils. Or, ce sont des civils qui ont intégré les Frci. Si ce sont donc des civils, alors, mon tribunal n’est pas compétent pour les poursuivre », soutient le procureur militaire. « Pour le moment, leur situation n’est pas encore claire. Et c’est ce qui pose problème. C’est ce qui explique qu’on ne les sanctionne pas. C’est ce qui explique qu’on ne peut pas les poursuivre », affirme le procureur militaire. « Le code de procédure militaire, en ses articles 5 et 6, définit qui doit être jugé devant le Tribunal militaire. Aucune loi, pour l’heure, ne m’autorise à les poursuivre. Si demain, leur statut venait à être clarifié, alors, ils répondront devant les tribunaux ( civil ou militaire), de tous les faits qu’ils ont commis », a conclu le lieutenant-colonel Ange Kessi Kouamé.
Armand B. DEPEYLA
Armand B. DEPEYLA